Le chagrin n'exclue pas les responsabilités [Thordril & Braähm]

2ème jour de la 2ème ennéade de Vérimios.
17ème année du XIème cycle – Une taverne dans les galeries rénovées de Kirgan.

Le moins que l’ont pu dire, c’est qu’avec cet afflux constant et massif de Thanes, de prêtres, de gardes et de Dawis voulant rendre un dernier hommage au Roi, les tavernes et auberges de Kirgan étaient toutes bondées. Il n’y avait presque plus de place, et les tenanciers arrêtaient de compter les couverts servis et les fûts percés, tellement les commandes affluaient. Alors, l’Ongaraz royal avait décidé d’augmenter les importations depuis Fort Garmin et les villes environnantes, et chaque jour, plus de caravanes marchandes venaient remplir les cuisines, les tavernes et les auberges, afin que tout le peuple réunît dans la capitale, puisse manger et boire à sa fin. La capitale, d’ailleurs, était à la fois si calme et si agitée. Calme, car les travaux d’excavations, de réhabilitations et les filons de minerais, étaient au point mort. Agitée, car les couloirs n’en finissaient plus d’être arpentées en long, en large et en travers, par ces centaines de Dawis qui traversaient le quart de ce que fut Kirgan jadis. Car, d’après les dernières informations, seulement un quart de la cité avait été réaménagée, réhabilitée, ou tout simplement, créée. Car Hardrek n’avait pas voulut seulement retrouver les salles et les excaver, non. Il savait que plus on approchait de l’épicentre de l’explosion, plus on s’approcher des profondeurs de la cité, plus les étages avaient été totalement détruits. Alors, lorsqu’il n’était plus possible de seulement excaver, il fallait creuser et créer.

Harald bénéficiait d’une coquette chambre dans cette auberge située non loin des salles qui verront bientôt naître le soixante-huitième Althinkalan du Zagazorn. Quelques jours auparavant, il avait veillé le Roi pendant les 24 dernières heures de sa vie. Aujourd’hui, on n’avait ni besoin de lui, ni de ses décisions, ni de son avis. Pas pour le moment. Alors, il était à la taverne, confortablement attablé, seul. Il n’était pas en danger ici, point besoin alors d’être entouré de sa garde personnelle, qui pouvait se détendre autant que faire ce pouvait.

Disposant de trois chopes, une pour la soif, une pour goûter, et une dernière afin de simplement picoler, il profitait d’un bon repas et de la meilleure herbe à pipe de Lante, pour oublier un peu les raisons de sa présence ici. Car le Roi, était mort. Celui qui fut un père pour lui, était maintenant décédé et avait entamé un voyage jusqu’au monde du Dessous. Entre deux bouchées, Harald ne pu s’empêcher de se demander comment Hardrek réagirait une fois attabler aux côtés d’Ikthor, et aux côtés de Mogar. Lui qui aura coupé les mains aux prêtres Mogarites d’Almis, qui aura muré le Temple, et refoulé le Père jusque sur son lit de mort, allait maintenant festoyer avec lui. Mais Harald ne doutait point des capacités du Roi à faire face au Père des Batailles.

C’est alors qu’il pu apercevoir Thordril, fier Nain du clan Hargrund, entrer dans la taverne. Il était ponctuel, car Harald l’attendait comme convenu lors d’un court échange au détour des couloirs. Il faut dire que le Nain était doté d’un certain courage, et surtout, beaucoup d’espoirs reposaient sur ses épaules. Les espoirs d’Harald qui, désireux de recréer des symboles puissants pour un Zagazorn de nouveau puissant, voulait que le métal le plus puissant, le plus résistant et le plus rare du monde, soit à nouveau à la portée des Nains. Des rêves, des ambitions, point pour lui, mais pour le royaume. Le royaume des Dawis, qui méritait tous les efforts, tous les sacrifices. Il invita Thordril à se joindre alors à lui, et, en signe d’accueil et de respect, il poussa de son poing rendu gras par la viande, la troisième chope de bière vers son nouvel interlocuteur.

C’est alors qu’il repéra un second Nain, moins connu de sa mémoire et qui semblait le dévisager comme pour le reconnaître. Qui était-il ? Harald, en tout cas, attendait avec impatience de pouvoir discuter avec Thordril de ces nouvelles avancées.

De mémoire, Thordril n’était pas thane de son clan. Cela piqua la curiosité de Harald qui se demandait pourquoi est-ce que ce Nain se serait rendu jusqu’à Kirgan, sans pour autant pouvoir prendre part à l’Althinkalan à venir ? Sans doute voulait-il faire le témoignage de son respect envers le Roi qu’il avait connu de son vivant. Ou alors, il voulait saisir l’opportunité de pouvoir faire face aux Thanes de certains clans les plus illustres, et qui lui permettraient d’obtenir toutes les réponses désirées quant à sa quête du Mogarium, là où il aurait dû faire le tour du Royaume pour obtenir les mêmes réponses.

Harald acquiesça et leva sa chope lorsque Thordril indiqua qu’il acceptait la quête. Il en était heureux. Non pas qu’il en doutait, il pensait avoir été suffisamment convainquant et motivant pour pouvoir compter sur Thordril une fois celui-ci devenu suffisamment courageux pour entamer la quête. Il allait d’ailleurs taper du poing sur la table, en signe de félicité, lorsqu’un gant épais et lourd, provoqua un bruit similaire et attira l’attention des deux Nains attablés.

« Messieurs, trinquons. Pour notre roi, pour son règne, et pour le succès futur de notre peuple. »

A l’instar de Thordril, Harald leva sa chope à la mention du Roi, et en son honneur. Ayant encore une certaine quantité de viande dans sa bouche, il bredouilla un « Baruk ! » fait de postillons et de ce mot mâché, mais néanmoins compréhensible. C’est alors que le second venu à la barbe grisonnante décida de se joindre à la tablée, sans demander ni autorisation ni... Ah ! Il se présente tout de même.

Ainsi, le nouveau venu se nomme Braähm du clan Main-Ferme. Harald avait beau fouillé dans sa mémoire, jamais il ne l’avait rencontré ni lui ni son clan. Il devait sans doute être originaire d’une autre région du royaume que celle de Lante. Mais lui semblait connaître le Gazanundi, du moins, de réputation, et sa venue ici devait peut-être être due au hasard, mais Braähm avait un but, comme il l’indiquait à Harald.

- « Oh là, camarade ! T'attendra ton tour comme tout le monde. Harald m'a convoqué ici pour me parler de quelque chose d'important, reviens quand je serai parti ! »

Eh bien eh bien ! Voilà un aspect de la personnalité de Thordril que Harald encore jamais vu. Ainsi donc, ce dernier pouvait perdre son calme, ou du moins, se montrer vindicatif et quelque peu autoritaire, suffisamment pour faire valoir son point de vue et ses propres intérêts. Cela changeait de l’époque où, à Thanor, il ressemblait à un Nanillon apeuré devant l’ancêtre du clan lui faisant une remontrance. Sans doute cette quête lui apprendra-t-elle – ou lui aurait-elle déjà apprise – à prendre confiance en lui et à se battre pour lui. Mais il ne fallait pas oublier que Braähm était suffisamment âgé pour pouvoir demander le respect qui incombait à son âge, et Thordril, bien plus jeune, ne pourrait rien faire d’autre que de baisser la tête. Il était temps de calmer les choses avant que tout ne dégénère. L’heure n’était de toute façon, pas à la colère.

- Du calme, Thordril. Braähm du clan Main-Ferme, sois le bienv’nu à Kirgan, en ces temps d’tristesse. Thordril a pas tords, j’dois d’abord m’entret’nir avec lui, mais rien d’bin’ secret. Harald se tourne alors vers Thordriln tout en prenant de ses doigts gras, un énorme pavé de viande bien juteuse. J’suis bin’ content d’savoir qu’tu accepte la quête du Mogarium, c’veut dire qu’mes écus et souv’rains auront bin été utilisés. L’Grand-Roi, aura aidé l’royaume dans sa vie, comme dans sa mort. Ici, à Kirgan, s’trouvent les thanes d’presque tous les clans d’Forg’rons et d’mineurs du Zagazorn. Rassemble les, parle-leur, et toutes les infos qu’t’as b’soin s’ront à toi. Il vide ensuite cul-sec sa deuxième chope de bière. Et toi, Braähm, que souhaites-tu ?

Les ententes cordiales sont toujours les meilleurs.

La réponse de ce Gnutrommi m’étonna au plus haut point. Mes yeux s’arrondirent et ma barbe frémit d’un début de colère. J’avais donc l’air si jeune que ça pour qu’il ose me manquer de respect ainsi ? Mes doigts se crispèrent, et si Harald n’avait pas pris la parole à ce moment, je n’aurai peut-être pas su retenir des paroles que j’aurai sans doute regretté. Après tout, nous étions dans des circonstances sombres, et il était parfois difficile de s’en tenir aux règles lorsqu’on est submergé d’émotions. Je marmonnai donc dans ma barbe et choisis de me taire en écoutant attentivement.

La tirade du Gazanundi attira mon attention dès la première phrase, à la mention du Mogarium. Ainsi, les Dawis cherchaient de nouveau ce métal si précieux… Cela ne voulait dire qu’une chose : les Hauts-Fourneaux de Kirgan seraient bientôt de nouveau opérationnels. Comment était-il possible que je ne sois pas déjà au courant ? Si les forges tournaient de nouveau bientôt, il leur faudrait du minerai. Tout commença à fuser très vite dans ma caboche. Harald s’arrêta de parler et je levai la main pour indiquer à la jeune barbe de se taire.

« Ce que je veux, ça peut attendre. Vous partez chercher du Mogarium ?… Vous savez où en trouver au moins ? »

Mon ton me surprit moi-même. Visiblement, un sujet aussi sensible avait un impact très positif sur mon état d’ébriété.

« Eh bien, j’ai deux-trois infos qui pourraient bien vous intéresser. À vue de nez, vous n’avez jamais entendu parler de mon clan. Ce n’est peut-être pas étonnant, on a rarement eu affaire à Lante. Je vais essayer d'être bref. Mais d’abord… »

Je me tournais vers le bar pour gueuler :

« Eh, tavernier ! Ramène-nous trois chopes de ta plus bonne bière, et un gros poulet ! Donc, poursuivais-je en levant mon index et en les regardant tour à tour dans les yeux. Pour faire simple, on est un clan de mineurs de Haute-Virnée. Le métal, ça nous connaît. On était les meilleurs fournisseurs de titane de tout le royaume, entre autres. Ça s’est pas mal dégradé à cause du Voile y’a 17 ans, mais aujourd’hui on recommence à avoir un peu la forme. Pourquoi je vous dis tout ça ? Eh bah, figurez-vous que du mogarium, nous, on pense savoir où y’en a. Et ça va pas être une partie de plaisir pour le récupérer. »

Je m’arrêtai quand le tavernier déposa trois pintes de bière de Cris, en nous avertissant que le poulet ne tarderait pas à arriver. Je le remerciai et continuai mon récit alors qu’il s’éloignait avec ses pièces en poche.

« J’me souviens l’avoir lu dans une des pages de l’histoire des Main-Ferme, peu après que je sois devenu Thane. Au début du Xe cycle, on était vraiment bien implantés dans les Hautes-Terres. On avait creusé loin, très loin, et profond. On a rencontré un clan qui nous a pas mal aidé à trouver des filons de minerai plus rare, mais ça n’intéressait pas nos anciens, à l’époque. On comptait surtout sur le titane, car ces métaux étaient certes intéressants mais toujours plus compliqués à extraire. Apparemment, ce clan avait un filon de mogarium qu’ils n’arrivaient pas à miner, mais ils ont jamais voulu qu’on les aide. Et puis, de toute façon, ils avaient l’habitude d’exagérer sur leurs possessions. C’était un petit clan, bons pour trouver du bon minerai, certes, mais quelque peu arrogants, et on les soupçonnait beaucoup d’embellir la vérité. C’est pour ça qu’on n’a jamais trop cherché à en savoir plus. »

Je bus une nouvelle gorgée de bière et, après m’être essuyé la barbe, je me penchais vers eux.

« Ces Dawis, on a plus aucune nouvelle d’eux depuis le Voile. Mais je pense pas qu’ils aient sorti cette histoire de mogarium de nulle part. Ils avaient forcément découvert quelque chose, une piste. À mon avis, si vous voulez en trouver, c’est chez eux qu’il faut chercher, dans leur mine. Le souci, c’est qu’elle est très au nord. Si vous voulez y aller, et réussir à extraire ce métal qui, comme vous le savez sans doute, est très compliqué à miner, va falloir sécuriser le chemin avant. Et ça pullule de trucs pas sympa en ce moment. »

Je respirai un grand coup et regardai le tavernier s’approcher avec un plat de poulet déjà découpé. Il avait visiblement du temps à perdre, celui-là, même avec une salle aussi remplie. J’attrapai une cuisse et croquai un bon morceau de viande, attendant la réaction de mes interlocuteurs. Si on faisait enfin en sorte de sécuriser cette partie des Hautes-Terres, nul doute que le Kadrinin le serait également. Le commerce pour les Main-Ferme pourrait alors reprendre son envol. Il serait bien plus facile de vendre du minerai à Kirgan qu’à Thanor, surtout si les forges reprenaient de l’activité. Et puis, si les Dawis reprenaient le contrôle de ces terres, nous pourrions enfin récupérer nos mines de titane au nord. Les Main-Ferme sauraient en tirer profit à coup sûr.

Cette entrevue avec Thordril semblait déjà prometteuse et intéressante, vraiment intéressante. Commencer cette entrevue en sachant que le forgeron se chargeait de l’immense tâche lancée par Harald, était d’une grande satisfaction pour le Gazanundi. Non seulement car la fortune dépensée venait d’être dépensée pour une bonne raison, mais aussi, parce qu’obtenir les hauts-fourneaux capable de travailler le Mogarium, et trouver et exploiter des filons de Mogarium, éclaireraient d’une nouvelle lumière le royaume du Zagazorn. Et l’aura ne serait que plus puissante, honorifique et extraordinaire encore. Les Nains posséderaient l’infrastructure, les connaissances et les capacités d’extraire et de travailler ce minerais légendaire, grâce aux efforts d’un nain : Thordril Hargrund. Passionnant.

L’intervention de Braähm du clan Main-Ferme fut, au début, vécue comme un poil de barbe sur une pièce de viande : peu ragoutante mais on peut s’y faire. Cependant, les informations que ce thane possédait étaient d’une importance capitale, que dis-je… Sans doute la clé de cette quête qu’Harald n’avait pu que lancer. Tout cela devenait palpitant, vraiment palpitant. Tellement palpitant. Et l’enthousiasme de Thordril qui, plutôt qu’être effrayé à l’idée de devoir aller crapahuter dans les Monts du Septentrion, dans des zones dangereuses et peu sécurisées, était emballé et prêt à suivre les conseils que Harald dispenserait, faisait plaisir à voir. Harald était fier, et il commençait à croire et comprendre que Thordril était, non seulement le Nain de la situation, mais aussi celui qui serait le héros de cette quête. Le jeune Nain ne s’en doutait pas encore, mais un avenir héroïque et honorifique se traçait sous ses pas.

- Neh, point tout de suite Thordril. Ces zones ne sont point sécurisées. Kirgan grouille des Thanes d’clans for’grons et mineurs les plus réputés du Zagazorn. S’en doute que tout l’savoir qu’t’aurais du trouver en f’sant l’tour du royaume, tu l’trouveras ici. Il faut trouver le moyen de réunir ces thanes. Qu’en penses-tu Thordril ? Et toi Braähm ? Penses-tu pouvoir aider le forgeron dans c’te noble quête ? Le Zagazorn s’en trouv’raient grandis grâce à vous deux.

La balle était maintenant dans le camp des deux Nains, un jeune forgeron et un vieux mineur. Harald gardait pour lui son excitation, mais elle était belle et bien présente.

Le jus délicieux du poulet satisfaisait les papilles de ma bouche. Je marquai un temps d’arrêt en le sentant couler jusque dans ma barbe, puis haussai les épaules et attaquai une nouvelle bouchée en fermant les yeux pour en profiter un maximum. Le long de ma diatribe, j’avais pu observer le sourire qui naissait sur le visage de mes deux interlocuteurs. Ils m’avaient écouté avidement, et à priori, cet indice les intéressait fortement. Le mogarium était en effet un minerai rare, très rare. Les quelques filons que le peuple avait pu trouver ne rapportait jamais plus d’un kilogramme chacun, d’où le fait qu’il n’y ait aujourd’hui que deux objets connus forgés avec du mogarium.

J’acquiesçai en écoutant Barbe-Sanglante indiquer qu’il était impossible aujourd’hui d’aller fouiller dans le Nord. Je frappai de mon poing la table en buvant une nouvelle gorgée de bière et jetai un regard à Thordril.

« Ma foi, Brisséa ne m’a pas guidé vers cette taverne sans aucune raison. L’Althinkalan aura lieu bientôt, nous y verrons plus clair d’ici là. Évidemment, que je t’aiderai dans ta quête. »

Lentement, je me tournai vers Harald.

« J’essaierai de trouver un maximum de Thanes mineurs qui pourraient en savoir plus. Mon nom ne leur échappera certainement pas, à eux. J’aurai toutefois besoin de l’aide de notre futur Grand-Roi, il faudra que je lui parle pendant, ou après le banquet qui suivra la cérémonie. » Je marquai un temps de pause, et continuai un peu moins fort en me rapprochant de lui : « Je ne sais pas si tu le sais, mais y’a un paquet de Dawis qui pensent que tu vas te présenter comme futur roi. Pour ma part, j’ai eu vent de qui tu es, et de ce que tu as accomplis. Sache que tu as mon soutien, et je ne suis pas le seul. »

Je terminai ma chope puis me léchai la barbe et repris avec un sourire sincère :

« En tout cas, je vous invite tous les deux à venir goûter à l’hospitalité des Main-Ferme, lorsque les temps seront propices. Nous sommes également parfaitement capables de faire de notre place-forte un point de ralliement pour ceux qui partiront chercher ce mogarium, et nous pourrons certainement vous fournir les guides dont vous aurez besoin. »

Je les regardai tour à tour et me redressai. À dire vrai, je me sentais très excité à l’idée d’aider Thordril dans sa quête. Au delà de l’intérêt de cette mission pour mon clan et pour tous les Dawis, je rêvai de me venger de Mogar et de son courroux injustifiable.

Thordril avait l’air à la fois embarrassé et suspicieux. Embarrassé, car, de toute évidence, le vieux Dawi qui avait fait son apparition avait manifestement quelque peu abusé de la bière. Au vu de son physique et de son âge, Harald se dit à lui-même que l’ancien avait sans doute bu de grandes quantités de ce breuvage sacré chez les Nains, pour qu’il puisse en ressentir les effets les plus flous. Une partie de lui aurait aimé voir cela. Un ancien qui boit autant, c’est très souvent la porte ouverte aux discussions les plus intéressantes qui soient, aux confidences et aux informations parfois anecdotiques, souvent, honorifiques. Un ancien ne parle jamais autant qu’avec un tonnelet de bière dans le gosier.

Et d’ailleurs, en parlant de parler, voilà que l’ancien s’y met. Et les informations sont relativement intéressantes. Que dis-je, elles sont totalement intéressantes ! Harald en serait bouche bée s’il n’avait pas un tel contrôle sur lui-même. Et voir Thordril ainsi défendre son bout de pain, rendait fier le vieux guerrier. Du Nain timide et peu sûr de lui, il était devenu un nain fier, fort, et visiblement impliqué. Braähm s’en remettait à Brisséa, mais Harald, lui, remerciait Ikthor de l’avoir mené jusqu’à cette taverne. Les choses se bouclaient enfin, et le futur, déjà resplendissant, allait être encore plus flamboyant pour le Zagazorn tout entier.

Satisfait, Harald frappa du poing sur la table, et leva sa chope en l’air, dans un tonitruant « BARUK ! », signe d’approbation et de contentement.

Mais il ne s’attendait pas à recevoir une confession de la part de cet ancien qui, s’approchant de lui, la gratifia autant d’un grand honneur que d’une information rassurante, Harald, pensant effectivement à candidater pour la couronne. N’osant point répondre, baissant son regard quelques secondes tant il réfléchissait profondément, il appuya la proposition faite par le Main-Ferme, proposition qui semblait venue d’ailleurs, comme insoupçonnée. Proposer la loge du clan comme point de ralliement, était à la fois osé, tactiquement très bien pensé et également, un acte citoyen tel que le Zagazorn en regorge depuis les premiers cycles : une dévotion totale pour une nation unie.

- Baruk Braähm Main-Ferme ! J’s’rai ravi d’venir boire une bière dans vot’ Loge du clan ! C’s’rait un honneur !