De plume et d'acier [Thordril]

Voyager à la vitesse du vent vous apportez quelques avantages, le premier et plus important étant notamment celui de réduire considérablement les distances entres deux points. A un point tel, que Nimir en serait venu à oublier la sensation de parcourir les sentes et les cols à la force de ses arpions. Le second bienfait de ce type de voyage, était la réduction des dangers : on tombait rarement sur un groupe de tire-bourses dans les contrées ou seul le vent était maître. Enfin, le troisième et sûrement le plus utile, était l'effet de surprise que cela pouvait provoquer chez certains ; pour les non-initiés, Nimir se retrouvait affublé d'un quasi-don d'ubiquité.

C'est ainsi qu'il avait quitté Kirgan très peu de temps après avoir réalisé en compagnie de ses frères et sœurs, le Sermon de l'Arme Rouge. Il n'avait pas réellement voulu participer au temps de fêtes arrivant, pour une raison simple : il avait déjà effectué de nombreuses fois la tâche, et les beuveries de fin de cérémonie le rendaient un brin las. Mais que ceux du Marteau s'amusent seulement, car il était fort probable que dans les temps à venir, les occasions similaires ne soient plus que des chimères inatteignable. Alors c'est sans grande inquiétude, qu'il laissa l'entièreté de sa compagnie aux bons soins de ses lieutenants, décidant qu'il était temps pour lui aussi, de profiter d'un peu de temps libre.

Son arrivée à Thanor se fit en catimini. Il arriva par le Nord alors que le matin était encore teinté d'une rosée brumeuse qui se dissiperait rapidement sous les chaleurs du Zharrat d'été. Les nombreuses et énormes volutes de l'Azril-Varn dissimulèrent sa venue aux yeux des inopportuns ; mais pragmatique, il patienta pour se rendre seul sur la route qui menait aux portes de la Cité, tel un voyageur lambda. Ayant un bon sens de l'orientation, il ne se perdit pas tout de suite alors qu'il foulait les pierres du premier Hall. Car il avait quitté Thanor peu de temps auparavant et y retourner avait presque quelque chose de familier aujourd'hui.

Néanmoins, il cherchait un lieu bien particulier, et s'il avait pu apercevoir les fumerolles s'échappant de la falaise alors qu'il survolait les lieux, il fut bien incapable de savoir où se trouver le quartier et l'échoppe qu'il convoitait tant. Avec une amabilité feinte, il dut faire l'aumône de quelques directions aux autochtones thanorite. Ces derniers lui rirent à la trogne, mais tous lui désignèrent avec précision l'endroit en question. Nimir, alors, continua son chemin, prenant à peine le temps de se restaurer dans une auberge - bien qu'il engloutit un plat entier de pois, de saucissons de sanglier et trois litres de bières.

Tandis qu'il descendait dans les boyaux aménagés, il prit à peine le temps d'observer les fresques murales et autres belleries qui ornaient les murs. Son attention était uniquement tournée sur la chaleur qui commençait à réchauffer ses joues et qui trahissait son approche : il arrivait en direction d'une forge, d'une grosse forge. Bientôt, il commença même à distinguer quelques nains qui lui lancèrent des regards patibulaires, mais qui se retrouvaient bien trop pris à leurs œuvres respectivement pour s'arrêter à la venue d'un passant. Ils possédaient des signes distinctifs ne trompant pas : par leurs accoutrements, leurs manières de bouger et les bijoux qui ornaient leurs barbes, on devinait d'instinct qu'ils étaient du même clan.

Nimir pénétrait dans le domaine des Hargrund.

La renommée du clan avait dépassé les frontières de la Cité de l'Ouest et elle était principalement dut à un de ses membres. Un nain aux talents renommé et particulièrement précoce. En somme, une sorte de surdoué des arts de la forge, qui devindrait sans douter avec le temps, un forgeron marquant l'histoire de la race naine à tout jamais.Suivant le cliquetis sonore des marteaux - un son qu'il appréciait particulièrement. Il se permit de passer une moustache dans l'entrebâillement d'un grand atelier. La chaleur suffocante qui l'assaillit, il l'accepta telle une vieille amie.

« Baruk Hargrund. Mon nom est Nimir. Je suis à la recherche du Zharrhazarsson. Est-ce toi, celui que l'on nomme le Fils de la Fournaise ? Car c'est pour le rencontrer lui, que je suis ici.»

« De Kirgan et de partout ailleurs ! » Opina t-il en claquant bruyamment de la langue.

Le visage de Nimir c'était métamorphosé quand il comprit que le nain de sa quête se trouvait la, devant lui. Une nouvelle fois, le destin que le Père avait tracé pour lui se révélait parfait, sans faille, comme seul pouvait l'être un plan divin érigé par le Grand Forgeron. L'atmosphère irritable de cet endroit lui apportait une joie qu'il pas souvent ressentit ; les bruits de soufflets, l'air chaud, l'odeur âpre du métal, les crissements du trempage et les fumerolles des creusets, tout ces détails lui donnaient l'impression d'être de retour dans le foyer primaire. Cette sensation ne perdura pas longtemps, mais assez pour qu'elle ait un effet plutôt euphorique sur son moral.

« C'est un honneur de te rencontrer, Fils de la Fournaise, on parle de toi dans toutes les grandes cités de notre peuple, il semblerait que tu fasses de la concurrence à nombres de tes collègues à travers notre royaume.»

Il partit dans un rire gras, clinquant et sonore mais qui ne réussit pas à éclipser les bruits et les échos des marteaux et martelets qui s'abattaient sur les enclumes. Dans la loge des Hargrund, régnait une agitation que seul les nains pouvaient comprendre. Nimir, toujours dans un moment de liesse, se débarrassa de son propre marteau, le posa lourdement sur la table à coté de Thordril et ne prit pas trop en compte l'effet menaçant que pouvait avoir cette action sur son hôte du moment. Puis de ses mains libres, il décrocha une épaisse bourse d'on le seul bruit annonçait la couleur quand à son contenu. La déposant avec force sur un tabouret haut en bois, quelques souverains s'échappèrent et tombèrent à terre.

« Je vais parler Thordril des Hargrund, mais avant de parler, il va falloir te montrer. Serais tu prêt à me suivre dans l'instant ? Ce ne sera pas long, je le jure, mais il te faudra quitter ta forge l'espace d'un moment. Me suivras-tu ? »

Ainsi, le Zharrhazarsson avait accédé à sa demande.
Nimir en arqua les sourcils, car bien qu'il soit sans aucuns doute, un forgeron de talent, le dénommé Thordril n'avait rien d'un cognard. Il pouvait sentir l'anxiété chez ce nain qui maniait comme lui le marteau, mais à des fins différentes. Avait-il déjà utilisé, ne serait ce qu'une fois, une arme contre un être de chair et de sang ? Ou s'était-il simplement contenté de frapper l'acier tranchant sur le fer inerte d'une enclume sans vie ? Pour Nimir, la réponse était évidente, elle sautait aux yeux, mais qui était-il pour juger ? Le Rouge avait déjà ôte maintes existences, mais jamais il ne serait capable de manier le métal brûlant pour le soumettre à sa volonté. La tempérance était de mise, et il eut tout le loisir de s'y vautrer, car Thordril quitta la pièce l'espace d'un moment.

Nimir en profita pour examiner les lieux : une multitudes d'accessoires d'on il ne connaissait pas le nom, trônait sur des murs et des établis qui ne cèderaient jamais, quelques soient leurs nombres et leurs poids. Des outils qu'il ne connaissait point plus, devaient sans douter servir à tordre lingot et ferraille et tenait la chique à d'énorme enclumes, certaines bien plus grande que lui. Quand il décida de s'approcher de l'une d'elle, Thordril repointa le bout de sa barbe. Il portait à la ceinture une hache ; Nimir dut retenir un rire, mais ce ne fut pas très difficile, car le jeune nain avait réussit par ce simple geste, à le faire douter. Peut être l'avait-il finalement juger trop vite, car un nain conscient du danger, était un nain qui l'avait déjà affronté.

« Allons y, soit prêt, il nous faudra grimper. »

Sans attendre, Nimir se mit alors en route. Fendant la foule d'autochtone Thanorite, il reçut quelques sombres regards. Ne cherchant pas à s'excuser, il prit la direction d'un souterrain en colimaçon qui était constellé de marches régulières. Le tout montait en de court virage. Grimpant d'abord quatre à quatre, il dut ralentir le rythme pour souffler un instant, puis continua sans plus de mots.

L'ascension fut interminable, du moins elle le sembla à Nimir. Elle prit fin avec l'ouverture d'une porte donnant sur l'extérieur. L'Ancienne Voix, Morek Tête-de-Fer avait fait aménagé plusieurs balcons sur les hauteurs des falaises d'Arkan. Certains points de vues donnaient directement sur la terrible Eris, d'autres sur les montagnes du Septentrion au loin. Vérifiant que Thordril suivait toujours, Nimir se tint, menaçant, mais face au vide au delà de la rambarde.
Puis il commença à siffler. Puis il se mit à hurler. Puis il continua par chanter.

Alors, le vent sembla balayer le balcon avec force, une bourrasque sèche, violente et agressive. Un vent qui prit en réalité forme, car au dessus d'eux, venait d'apparaitre un immense aigle géant. Le volatile lâcha un cri perçant qui fit vriller les esgourdes de Nimir. Semblant prêt à attaquer, il se posa pourtant lentement, très lentement, sur une arche en pierre qui servait de garde fou. Thordril devait se poser mille question et Nimir commença par répondre à la première.

« Doux, doux mon beau. Zharrhazarsson, voici Akvar, mon fidèle compagnon. Il me fallait te le montrer avant de parler, car c'est pour lui concevoir une armure digne de se nom que je me suis rendus dans les forges de ton clan pour te trouver. Voici des années que je vole sur son dos, simplement attaché de cuir, mais les jours qui s'annoncent se veulent dangereux et il me faudra gagner en stabilité. Te sens tu à la hauteur la tâche Thordril ? »

Nimir souriait à nouveau, un sourire de défi, mais un sourire plutôt bienveillant.

Akvar n'avait jamais été un Kronriksmote très avenant.
Certains de ses imminents homologues disposaient de profils plus sympathique, de trait plus débonnaire, d'un embonpoint qui ne cachait rien sur la razzia de mouton gras qu'ils effectuaient sur les troupeaux d'éleveurs des hauts plateaux. Certains encore disposaient d'un regard sage : ils portaient sur le monde des mires patiente, scrutatrices et hautaine ; du genre qui aurait fait passer roi et reine de ce monde pour des enfants aux oreilles toujours mouillées. Mais Akvar n'était pas de ceux là, lui était de la race des agressifs, des vicieux, des tout taillés en finesses et en roueries. Tout dans ses courbures vous rappelez inévitablement le danger et le risque d'être lacérés jusqu'à l'os pour un mouvement de trop dans son champ de vision. Lui, venait des hautes terres, d'une lignée de nid qui n'avait que trop rarement prélevé, peut être était-il même le dernier de son genre ? Qui pouvait dire s'il existait encore de tels sujets dans le lointain Septentrion aujourd'hui ? La question restait en suspend.

Cette attitude belliqueuse était peut  être un des traits que Nimir appréciait le plus chez son compagnon. Car il foutait littéralement la frousse avant même d'avoir ouvert le bec, que demander de mieux ? De plus, lui aussi, dans certaines situations, avait dut serrer le joufflu bien fort pour éviter de recevoir un coup qui l'aurait laissé sur le carreau. Pourtant, il connaissait son  Kronriksmote, comme s'il l'avait élevé, car c'était le cas. Il savait quand et comment il pouvait s'en approcher sans crainte et surtout quand ne pas insister. En cet instant, la bête était plutôt détendue, sinon elle n'aurait pas cherché à ce poser aussi prêt de son maître. Bien sûr, cela Thordril ne pouvait le savoir et Nimir dut retenir une lipade en le voyant légèrement reculer. Mais la peur du forgeron ne dura pas. Au contraire, elle se transforma vite en un flot de question pragmatique digne de celui qui cherchait à aller de l'avant.

« Trois jours. Voila le temps que je pourrais te consacrer en ces lieux Thordril des Hargrund. Cela devrait être suffisant pour prendre les mesures et faire quelques schémas, ne crois tu pas ? Bien sûr, je m'en remets à ton expertise que tous jusqu'à Kirgan la Brisée, loue comme étant particulièrement pointue.»

Une certaine rouerie teinté les propos élogieux du Rouge. Il était du genre à croire uniquement quand il admirait de ses yeux, hors, pour l'instant, il ne connaissait du Zharrhazarsson que ses traits et une partie de son tempérament. Il attendait avec impatiente d'admirer son talent.

« Nous pourrions nous donner rendez vous sur les rives de l'Azril-Varn au dessus de la cité ? Ses berges son assez large pour qu'Akvar se pose au sol et pour acceuillir un petit campement. Nous pourrions partager le feu durant ce laps de temps, afin que tu puisses sans dérangement, t'occuper de côté mon compagnon. Il me faudra aussi trouver une centaine de kilo de viande, de préférence du mouton, pas trop vieux, ainsi il sera plus facile pour moi d'empêcher Akvar de te becter la pogne ou le bras. » S'esclaffant d'un rire gras, sonore, on ne pouvait dire si Nimir plaisantait réellement. L'aigle pour sa part claqua rapidement du bec à plusieurs reprises. « Je serais à tes côtés tout au long de l'opération de mesure Thordril, ainsi tu n'auras...rien à craindre. De plus, il me faudra surtout une selle à plusieurs accroches et un plastron léger et résistant, pouvant se décrocher facilement. Tu n'auras pas à créer un carapaçon lourd comme ceux des grognards ou autres poquards à longues cornes que montent les cavaliers terrestres. De la légerté Thodril, de la légerté. Voila ce qu'il me faut. Alors, que dis tu ? »

Ainsi, la peur avait définitivement laissé place à l'enthousiasme.

Nimir scrutait avec une avidité non feinte les différentes réactions qui s'accumulaient sur la trogne du jeune et prodigieux forgeron ; pour une raison qui le dépassait, il appréciait cette fraîcheur, cette spontanéité et ce quelque petit peu d'insouciance que Thordril dégageait dans son sillage. Voila peut être un des plus terrifiants secrets du peuple des montagnes : des siècles et des siècles de traditions qui, s'ils magnifiaient le poid des savoirs, les rendaient aussi bien plus lourd à porter. Mais le Hargrund lui, n'était pas encore une de ces vieilles barbes sclérosés des préjugés d'une vie entière et parfois bien trop longue pour son propre possesseur. Non, Thordril était un nain à la braise vive, à la flamme jaunâtre et à l'existence encore naissante. Peut être était-ce la les simples secrets de son génie ; peut être était ce dut à cette bride qu'on lui avait un tant soit peu lâché au profit d'une confiance qui lui avait permit de s'exprimer pleinement.

La lippe toujours haute, le Rouge fit quelques mouvements en direction de son aigle. Akvar prit son envol dans une tempête de brindille, de silice et de graviers. En quelques battements d'ailes, il n'était déjà plus qu'un point lointain dans l'horizon de la mi matinée.

« Retrouvons nous au plus tôt Thordril. J'irais acheter la nourriture nécessaire et quelques biens courants pour notre futur campement. Retrouvons nous avant la moitié de l'après midi sur les rives du lac. Ainsi nous pourrons commencer à travailler avant que cette journée ne s'éteigne complètement. Je me tiendrais sur la partie Sud, la bas il est fort probable que personne ne vienne nous déranger. »

Quelques heures de préparations ne seraient pas de trop, à vrai dire, Nimir était déjà en retard alors qu'il n'avait pas encore quitté la coursive. Ou pourrait-il donc trouver autant de barbaque ?!

Trouver la barbaque ne fût pas une mince affaire pour Nimir. Il ne connaissait pas très bien Thanor, aussi il se perdit de nombreuses fois dans des venelles qu'on lui avait indiqué comme bonne mais qui pour lui, ne le furent pas. Heureusement il tomba sur un groupe de cultivateur de frongol, ceux la, bien que travaillant sous terre, surent l'orienter sur le marché au bestiau de la Cité. De plus, ils précisèrent que les éleveurs de la Basse-Virnée étaient nombreux en ce moment et qu'il pourrait profiter de prix avantageux sur les morceaux qui n'intéresseraient pas les équarisseurs et autres façonneurs de saucisses. Ce fut une bonne nouvelle pour Nimir, aussi réussit-il à trouver ce d'on il avait besoin chez un métayer qui disposait de vieux béliers prêt à rendre l'âme et qui ne seraient plus bon à grande chose, pas même à faire de la viande de consommation.
La négociation fut néanmoins difficile, manifestement les locaux étaient du genre à faire cracher du dernier sous aux étrangers, et les conditions avantageuses décrites, ne le furent en réalité que très peu. Mais Nimir était satisfait, mieux valait-il mettre un brin plus dans le fourrage, que de devoir payer une bête neuve qu'Akvar aurait prélevé dans un troupeau à l'extérieur.

Avec cela, il avait acheté un tonnelet de bière brune, un peu d'herbes à pipes, quelques frongols secs, une carriole et un bélier de bât assez vieux pour être son père. Lesté de tout ce barda, il avait rapidement prit la route de l'Azril-Varn et avait édifié son campement sur la rive Sud, comme convenu. Un petit feu, une pipe bien bourrée, et il se mit à attendre Thordril en enfumant les cieux.

Quand ce dernier arriva enfin, il déchaina un chaos sans nom sur les rives du lac : Alors qu'il saluait Nimir et que Nimir allait lui rendre le pareil, Akvar débarqua du ciel telle la tempête. L'Aigle géant hurla à déchirer les tympans des profanes, piqua dans leurs directions, vira au dernier moment et serres en avant, fondit sur la surface de l'eau pour en pêcher un énorme poisson. Fier de son butin, le majestueux volatile vint se poser non loin de son maître et commença à bequeter avec avidité.

« Si j'avais pensé à cela...» Murmura Nimir en rêvant des sous qu'il avait injecté dans la boustifaille et qui étaient maintenant perdu. « Enfin. Nous aurons plus de viande pour nous du coup. Baruk Thordril des Hargrund. Vient, approche, nous délesterons ton barda puis nous partagerons la bière. »

Nimir lui fit signe de s'installer et se mit à l'aider comme il pouvait. Le défilé autour d'eux étaient complètement silencieux, à dire vrai, ils auraient put s'entretuer sans que personne ne l'entende. Heureusement, ce n'était pas - encore, au programme. Quand ils eurent presque finit, le Rouge contempla son aigle et en revint a son compagnon nain.

« Par quoi souhaites tu commencer Fils de la Fournaise ? Akvar est entrain de finir son repas, l'heure et propice à la manipulation. Souhaites tu commences par le croquer sur le vélin ? Ou préfères tu prendre des côtes ? Ordonne, et je ferais en sorte de calmer mon compagnon pour te laisser travailler. »

Il était toujours curieux au yeux de Nimir, d'observer les réactions de son Aigle envers d'autres individus. Car Akvar, bien que vrai seigneur des airs, ressemblait en réalité bien plus à une coulée de lave ardente. Il était difficile de prévoir le chemin qu'il emprunterait et ses écarts étaient aussi dévastateur que destructeur. Bien qu'il fut son maître, le Rouge lui même faisait montre d'un grand respect envers son compagnon, plus d'une fois il avait été blessé par une serre trop aiguisé ou un bec trop avide. Originaire d'un clan ayant tout au long de son histoire, dressé des oiseaux, les ficelles du savoir concernant les aigles géants des hautes cimes, n'avaient rien de commun avec celles des corbeaux porteurs de messages. Ils furent quelques uns à s'y essayer selon les chroniques des Croasse-Chronique, mais aucuns ne faisaient partis de l'histoire récente du clan, Nimir étant le premier depuis des cycles.
Il en tirait aujourd'hui une grande fierté.

Néanmoins, en lui se jouait une drôle de tension : serait-il le maître de l'oiseau qui aurait arraché un bras à un des célèbres forgerons de ce temps ? Ou au contraire, ferait-il partit d'une autre légende ? Assis à la lueur d'un feu naissant, il ne faisait pas encore nuit, mais le crépuscule commençait à poindre au loin et les flammes seraient bientôt nécessaires pour apporter un peu de lumière en ces lieux. Les flammes lançaient leurs couleurs rougeâtres sur les joues creuses aux longues moustaches du nain qui réfléchissait à la tournure que prendrait cette soirée.

« Ne le regarde pas dans les yeux, tout ceux de sa race son du genre tatillon la dessus, mais ce fieffé coquin doit sûrement être un des plus hargneux. Je l'ai vu becter un longuet en armure entier, avec son cheval, après un défi de mirette. C'était bien beau à voir crois mois. Mais je n'apprécierais pas que cela t'arrive, Thordril. »

Peut être pas la bonne manière de plaisanter en cet instant ? Qu'importe. Pour l'instant, Akvar semblait plutôt de bonne composition : il mangeait en claquant quelques fois du bec et il appréciait, pour l'instant, la présence du forgeron à ses côtés. Nimir se rapprocha doucement, il souhaitait pouvoir agir vite en cas de problèmes.

« Alors, Fils de la Fournaise, c'est bien loin d'un cornu ou un grognard, bien loin d'un vulgaire poney, hein ? Parle, dit moi ce que tu ressens. DOUX MON BEAU DOUX ! CALME AKVAR CALME ! Têtu volaille, ne le regarde pas dans les yeux te dis-je. C'est un coquin. »