Thaar ne semble jamais bien loin [PV Zaahrian]

-Rien à signaler ? Le garde en faction près d'une des portes de la cité blanche semblait inquiet.

-Il n’y a rien. Un soldat aux cheveux de feu secoua la tête. Ça ne devait pas être un Nieläv que vous avez aperçut l’autre jour.

L’autre ne sembla pas convaincu mais n’insista pas auprès de son supérieur. En tout cas il se tut le temps qu’Aegden laisse le reste de ses camarades prendre rapidement congé. La patrouille d’aujourd’hui,si elle s’était déroulée sans accrocs, avait été particulièrement monotone. Seul élément pouvant sortir de l’ordinaire, un vent glacé soufflait sur la région et si les elfes étaient peux sensibles aux caprices météorologiques, les lëandrin n’en étaient pas moins peu habitués à de tels chutes de températures.

Desserrant machinalement l’une des protections de ses avant-bras, l’attention du mainyth se tourna à nouveau sur le garde pas franchement serein, une fois les autres elfes éloignés.

-On a fouillé tout autour de la zone que tu as indiquée. Il n’y a pas de terrier ni de caverne. Même si tu avais vraiment aperçu ce Nieläv, il est parti.

-Tant mieux. Le soldat hocha la tête, soulagé. J’avais peur qu’un drame se produise si l’un d’entre nous tombait nez à nez avec.

Aegden lui rendit son sourire et après une tape amicale sur l’épaule tourna les talons, se décidant à son tour de prendre la direction de la caserne. La journée semblait bien partie pour n'être animée que par une calme routine...

lexique:

Sans doute qu’il les entendit avant de les voir. On ne s’attend pas forcément à entendre de l’oliyant en plein milieu de l’Anaëh et pourtant, la voix de Zaahrian s’élevait claire, forte et apparemment d’excellente humeur.

« Allez! Je suis certain que tu en as de bien juteuses en réserve. »

« Non! » Malgré l’effort perceptible pour rester calme, la seconde voix semblait foncièrement agacée.

« Ne ne fais pas croire que vous n’avez pas d’insultes en elfique. C’est impossible. »

« Je suis un prêtre, tenir un tel langage est tout à fait inapproprié. J’ai accepté de t’apprendre les rudiments parce que tu refusais de lâcher le morceau, mais je jure que je vais faire les choses correctement. Ça, ça n’en fait pas partie »

« Je connais des prêtres à Thaar aussi mal embouchés que des matelots. » Rétorqua l’autre dans un oliyant sans accent. Clairement, il refusait de s’arrêter pour un non.

« Thaar est une ville de dégénérés. »

« Oh, tu dis ça parce que tu es fâché. Ce n’est pas tout le monde là-bas qui est prêt à trancher la gorge de quelqu’un pour un oui ou pour un non. Remarque, il y en a quand même beaucoup… Il faut se méfier. »

L’étrange duo apparu enfin. D’un côté, il y avait Zaahrian, souriant et parfaitement détendu. De l’autre, le prêtre qui réfléchissait clairement à la façon dont il pourrait peut-être se débarrasser du blond en l’abandonnant en plein milieu de la forêt.

« On ne t’a jamais dit que tu pouvais être agaçant? »

« Oh oui! Je fais souvent cet effet-là sur les gens, mais en réalité, ils m’adorent. Toi aussi d’ailleurs, sinon tu n’aurais jamais accepté de m’escorter jusqu’à Aléandir. »

« Alëandir. »

« Oui, bon, AlËandir. Alors, ces insultes? »

Exaspéré, le prêtre roula les yeux et reprit son chemin en forçant le pas. Derrière, Zaahrian éclatait de rire.

Perdu dans ses pensées, le soldat releva la tête et se tourna en direction de l’auteur des éclats de rires. En vérité ce n’était pas tant ceux-ci qui l’avaient étonné que la langue dans lequel des paroles avaient été prononcées.

Cela faisait longtemps qu’Aegden n’avait pas entendu cette langue. Des mois entiers. Même lorsque Neassa se trouvais encore auprès de lui elle parlait en elfique et si ce n’était son accent, il avait presque oublié comment sonnait l’étrange langue vaanie...

Le soldat n’était pas au bout de ses surprises d’ailleurs. Ses sourcils se haussèrent dans un air profondément surpris alors qu’il ralentit sa marche sans pourtant faire un pas au-devant du duo.

L’étranger gesticulant et qui prenait visiblement plaisir à tourmenter un prêtre, il l’avait déjà vu, il en était sûr et certain. Il lui avait parlé. C’était lui qui avait, selon ses dires, pris soin de Ciryië dans le pays dépravé qu’était l’Itrih’Vaan.

Le soldat se souvenait du blond à l’air vaguement mal à l’aise après le spectacle. Il manqua de sentir le rouge lui monter au nez au souvenir du contexte et de la tenue dans laquelle il avait croisé cet elfe, mais plus important il se souvenait de son départ précipité lorsqu’il avait expliqué préférer que les deux rescapées restent avec le reste du groupe.

Qu’est-ce qu’il pouvait bien faire là maintenant...?

Le blond suivit du regard le prêtre s’éloignant d’un pas rapide sans même se retourner avec la certitude que Zaahrian suivrait tôt ou tard. Même s’il semblait énervé, l’assassin savait qu’il ne l’était pas vraiment. Malgré qu’on l’ait forcé dans son rôle de gardien, il prenait la chose très au sérieux. Il avait quand même la patience d’enseigner à Zaahrian, son comportement rappelant plutôt celui du précepteur un peu zélé veillant à l’éducation de son ouaille et agacé par les bêtises qu’il pouvait dire. Malheureusement pour lui, une quantité incroyable de bêtises pouvait franchir les lèvres du demi-sang en une seule journée.

Zaahrian allait lui emboîter le pas lorsqu’il vit le soldat. En fait, la première chose qui attira son attention c’est l’éclat roux de sa chevelure sous la lumière du jour. Il aurait été difficile de l’ignorer : elle détonnait parmi les teintes délavées à l’approche de l’hiver et brillait telle une flamme. L’assassin en oublia aussitôt l’existence du prêtre, fasciné par le propriétaire de la flamboyante crinière. Il était grand comme le sont tous les elfes. Il avait cette façon de se tenir qui imposait son autorité, mais c’est un trait qu’il retrouvait aussi chez les autres. L’elfe le fixait avec une curiosité teintée d’étonnement, car lui aussi avait vu Zaahrian et tous les deux s’observaient mutuellement comme si l’un et l’autre se tenaient devant une petite bête curieuse. L’assassin le trouva, naturellement, fort séduisant. En visitant les terres immortelles, il avait vite constaté — et apprécié — la beauté physique les elfes. En contrepartie aucun ne semblait intéressé par sa personne alors qu’il se considérait comme bien pourvu. Il n’avait aucune envie de franchir le pas avec l’un d’entre eux, mais l’assassin aimait le jeu de la séduction. Il aimait flirter sans conséquence, mais pour cela, il fallait nécessairement un deuxième joueur, un partenaire ouvert d’esprit… Ce n’était peut-être pas dans leur nature de s’adonner à ce genre de chose, mais il trouvait cruel d’avoir autant de délicieuses tentations autour de lui et de ne pas pouvoir en profiter un peu. Zaahrian savait donc avant même de lui parler qu’il n’avait aucune chance de pouvoir s’amuser un peu, surtout par la façon qu’il avait de le regarder. C’est comme s’il avait un fantôme devant les yeux. Mais plus Zaahrian le fixait, plus il avait aussi l’impression de l’avoir déjà vu quelque part. Soudainement les souvenirs de cette nuit à Thaar lui revinrent en mémoire. C’était à l’époque où il s’occupait de sa tante. Il cherchait un moyen de la ramener en Anaëh lorsqu’une troupe d’elfes débarqua en ville.

Par tous les Dieux! Il était l’un de ces elfes!

Le regard de Zaahrian s’écarquilla légèrement sous l’effet de la réalisation et sans s’embarrasser de politesse, il s’exclama. « Mais je te reconnais! Tu étais l’un de ces danseurs à Thaar! C’est à toi que j’ai confié ma tante Ciriyë! Tu m’as même dit que ce n’était pas une bonne idée de la ramener pour une dernière nuit à la maison. Du coup, je n’ai même pas pu organiser un repas d’adieu. Elle n’y aurait probablement pas participé, mais bon… pour le principe! » Au moment de leur rencontre, Zaahrian était largement inconfortable en la présence des elfes, mais tout malaise semblait aujourd’hui oublié. Il s’approcha tout en veillant quand même à garder une distance raisonnable. En mettant les pieds en Anaëh, il n’avait même pas imaginé qu’il pourrait le revoir.

Il eut un temps de flottement un peu étrange pendant lequel les deux hommes se fixaient de loin sans bouger, puis le blond fini par réagir en poussant une exclamation qui fit retourner quelques passants surpris.

Aegden se doutait bien que c’était à lui que le Vaani s’adressait et il fit de son mieux pour comprendre ce qu’il disait en s’approchant. C’était difficile par moment, il parlait vite et sans prendre la peine de simplifier un peu sa diction.

-Doucement s’il te plait. Il leva une main. Ta langue est difficile.

Aegden parvenait à construire des phrases correctes et il avait l’impression que ses interlocuteurs le comprenaient. Malgré tout il avait encore du mal lorsque la personne en face ne lui facilitait pas un minimum la tâche et il gardait lui-même un fort accent Anedhel.

-J’étais à Thaar oui. Confirma-t-il. S’il gardait un sourcil haussé, toujours étonné de cette rencontre, il ne faisait pour autant pas mine de repousser son interlocuteur, après tout il était curieux de revoir le demi-sang.

Il lui sembla cependant que la situation avait quelque chose de singulier. Si danseur il était et si l’on pouvait aisément s’en rendre compte en tant normal, actuellement il était en armure, armé et n’avait absolument par l’air d’autre chose que d’un militaire et il savait d’expérience que ceux qu’il avait côtoyé à Thaar ne s’étaient jamais douté de sa réelle identité. Il se demanda si cela éveillait le moindre questionnement chez son interlocuteur mais ne se décida pas à les provoquer lui-même.

-Zaahrian c’est ça ? Il avait parlé de Ciriyë. Aegden se souvint qu’il avait dit faire partie de sa famille. Il n’avait pas compris le reste de sa phrase. Peux être lui demandait-il où était la jeune elfe… Que lui voulait-il sinon ? Ciriyë est à Ardamir. Au sud…

L’expression de pure incompréhension sur le visage de l’elfe suffit à faire taire Zaahrian qui réalisait du même coup sa bêtise. « Oh… Pardon! » L’assassin avait parlé en tenant pour acquis qu’il comprenait bien la langue. Or, ils étaient assez peu ici à parler l’Olyan et ceux qui pouvaient ne le faisaient pas nécessairement avec gaieté de cœur, comme si le langage leur écorchait la bouche. Malgré la bourde initiale, l’elfe lui confirma qu’il était effectivement celui qu’il avait croisé à Thaar. Il semblait toujours aussi étonné de rencontrer Zaahrian ici. En même temps, c’est un peu le dernier endroit où on s’attendrait à le croiser. L’assassin aussi était étonné, car s’il avait reconnu sa tête, le reste ne concordait pas tellement avec le souvenir qu’il avait de l’elfe. Ce n’était pas un danseur qu’il avait devant lui, mais un guerrier comme en témoignaient l’armure et les armes qu’il portait. « Jolies armes » Dit Zaahrian alors que son regard balaya la silhouette du rouquin de haut en bas sans cacher son appréciation. L’amateur d’arme en lui aimait ce qu’il voyait. Zaahrian possédait une jolie collection de couteaux à la maison et tout ce qui était brillant et tranchant attirait son attention.

« Oui, c’est moi Zaahrian. » Confirma-t-il alors que le rouquin réussit à mettre un nom sur le visage devant lui. Naturellement, il fit aussitôt référence à Ciriyë, lui disant qu’elle n’était pas ici, mais à Ardamir. « Je sais! En fait non, elle n’y est plus. » Il parlait lentement en essayant de faire des phrases courtes. « Elle est partie pour trouver quelqu’un capable de l’aider. Je ne pouvais pas la suivre, donc je visite. » Un grand sourire apparu sur son visage. « Tu n’es pas un danser, n’est-ce pas? »

L’elfe tiqua lorsque l’autre lui posa une nouvelle question. Evidement. Il avait fallu qu’il croise un Vaani dans une situation qui ne lui permettait aucunement de mentir ou au minimum de trier les vérités… Quelques minutes et il aurait eut le temps de se changer, les dieux semblaient d’humeur joueuse cette fois-ci. 

-Non. Admit-il. Je danse pour le plaisir mais ce n’est pas mon véritable métier. 

Sur son visage abîmé, la surprise avait laissé place à une expression entre l’embarras et la réflexion.

-Je suis Telhtyari, il fronça les sourcils, cherchant la traduction, soldat et lancier. Il fit un geste pour designer sa tenue et la lance fixée dans son dos. Comme tu l’as déjà remarqué.

 Il ne précisa pas son rang exact, cela n’en valait pas la peine pour le moment. Il voulait bien admettre certains secrets, après tout d’autres avaient décidé de lui accorder la confiance des ornedhels et, comme pour lui, Zaahrian ne pourrait de toute façon que se rendre compte des mensonges qui avaient constitué une partie de leur défense contre l’ignoble Thaar. Ce n'était qu'une question de temps et puis il faisait partie de la famille de Ciriyë, ce n’était pas rien.

Malgré tout, malgré qu’ils soient tous rentrés saints et sauf, il ne valait mieux pas que l’ithri’Vaan ait un jour vent de la présence d’une délégation telle que celle qui avait été lancée en son sein. Cela pouvait encore être dangereux. On ne savait pas à quoi s’attendre avec les Vaanis.

Et puis, il y avait ceux qu’ils avaient croisés.Si leur véritable identités ainsi que leurs motivations venaient à être dévoilées, Zaahrian serait lui-même en danger de les avoir côtoyés ne serait-ce qu'une soirée, Neassa-laella aussi de par sa proximité avec lui, aussi secrète avait-elle été. Cela Aegden se le refusait corps et souffle. Il s’inquiétait déjà tellement pour elle.

- Mais Thaar ne devait et ne doit pas savoir. D'accord ? Il marqua une pause avant de s'adoucir un peu. Je m’appelle Aegden soit-dit en passant.

Le blond se souvenait-il du nom qu’il avait donné en terre Vaanies de toute façon ?

« Mais pourquoi j’irais raconter que tu n’es pas un vrai danseur? Tu m’imagines crier sur tous les toits : hey oh, vous vous souvenez du grand elfe rouquin? En bien, tenez-vous bien, ce n’est pas juste un danseur! » Zaahrian haussa les épaules. « Je n’ai aucun intérêt à faire ça, crois-moi. Je ne sais pas trop ce qu’elle vaut à tes yeux, mais tu as ma parole que je ne dirai rien. » Il se plaqua une main sur le torse. « Enchanter, Aegden. Pardonne-moi d’avance si je massacre ton nom. J’essaie d’apprendre la langue, mais c’est difficile. J’ai généralement plus de succès avec les insultes, mais le prêtre refuse de m’en apprendre. D’ailleurs, il est passé où celui-là? » Il regarda autour de lui. Il n’était toujours pas en vue. « Bon, il ne doit pas être bien loin. » Zaahrian réalisa une fois de plus qu’il parlait un peu trop vite pour l’elfe. « Excuse-moi. On m’a souvent dit que je parle trop. Tu peux me dire de me taire, je ne vais pas me vexer. » Il sourit.

« Lancier, donc… Je n’ai jamais été très bon avec une lance. Je trouve ça trop encombrant et pour ce que je fais… Disons simplement que ce n’est pas très pratique. Je préfère de loin les dagues. J’en fais toute une collection. Je me demande si on va me laisser... »

« Zaahrian! »

« Ah, il vient de se rendre compte que je n’étais plus là! »

Le prêtre vint vers eux en marchant d’un pas rapide. Il semblait passablement agacé et quand il vit avec qui Zaahrian parlait, il se renfrogna un peu plus.

« Est-ce qu’il vous dérange? » Le prêtre parla dans la langue des elfes, ce qui fit réagir aussitôt Zaahrian.

« Ah non, tu ne vas pas recommencer! Tu sais bien que je ne comprends rien. J’ai tellement l’impression que tu parles dans mon dos quand tu fais ça… Ce n’est pas très poli! »

Zaahrian croisa les bras sur son torse. Il ressemblait à un enfant à qui on venait de dire non.

« Un véritable enfant… Il ne faut pas faire attention à lui. Il est bruyant, mais pas bien dangereux. »

Étonnamment c’est un air amusé qui s’afficha sur le visage du soldat. L’autre semblait brut de décoffrage mais pas bien méchant au final, comme le confirmait le prêtre. Il ressemblait à ce que pouvait être un enfant elfe aux alentours de ses soixante ans. Tient d’ailleurs, quel âge il pouvait bien avoir le semi-elfe ?

-Il ne me dérange pas, pas d’inquiétude mon frère.

Rentrant de mission, il avait pour une fois un bref moment de libre, il n'aurait pas à repousser son interlocuteur, même s'il aurait préféré ne pas être autant pris au dépourvu. Il reporta ensuite à nouveau son attention sur le blond quittant le prête du regard. Il hésita puis se dit que ce n’était finalement pas une bonne idée de traduire les paroles du religieux pour l’instant.

-Tu ne devrais pas contrarier ton guide, lui fit-il à la place, sans méchanceté.Surtout si tu veux apprendre notre langue, elle est probablement aussi difficile pour vous que l’Oliyan l’est pour nous.

Zaahrian était visiblement agacé, mais il tendait tout de même l’oreille dans l’espoir de saisir quelques mots prononcés. Il se présentait comme l’élève turbulent, mais en réalité Zaahrian s’investissait vraiment dans son apprentissage. Il avait simplement une façon très personnelle et quelque peu déstabilisante de le faire.

« Mais il n’est pas contrarié... » Commença Zaahrian, mais un regard de la part du prêtre l’arrêta presque aussitôt. « Bon, peut-être que si. » Il sourit, presque penaud. « Mais je suppose que je ne dois pas être si difficile à supporter sinon on m’aurait déjà escorté loin d’ici. » Cette fois, il se fit charmeur. Zaahrian avait un sourire éclatant et contagieux qui le rendait fort sympathique.

« Comme je disais, un enfant. » Répéta le prêtre sans chercher à cacher son propre sourire. « Il agit comme un imbécile, mais je suis presque certain qu’il est loin d’en être un. » Puis il revint à l’oliyant pour être certain que Zaahrian puisse le comprendre. « Nous ferions mieux de continuer notre chemin. Nous venons tout juste d’arriver et il y a beaucoup à voir. »

« Nous ne sommes pas si pressés. Et puis, j’aimerais bien lui parler un peu. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais j’aime beaucoup parler aux gens et rencontrer de nouvelles têtes. Ici, il y a plein de nouvelles têtes, mais très peu qui parlent la même langue que moi. Comme par hasard, il en est capable! » Dit-il en désignant d’un geste de la main Aegden. « En plus, il est un guerrier et j’en suis un aussi… Enfin, un genre de guerrier, mais on ne va pas s’embêter avec les détails. Bref, tout ça pour dire qu’il pourrait peut-être me montrer des trucs aussi… S’il veut bien... »

Aegden pencha la tête sur le côté ayant l’air de réfléchir.

-Tu veux que je te montre des trucs ? Répétât-il n’étant pas certain de comprendre. Quoi des…heu…Il fronça les sourcils. Comment disait-on déjà en Olyian ? Passe d’armes ?

Il lança un regard a l’arpenteur dans l’espoir qu’il traduise pour lui. Il tombait dans un vocabulaire dont il n’avait jamais eu besoin jusqu’à présent. Pour son voyage il avait privilégié le vocabulaire courant vaani et l’univers martial n’en faisait pas partie.

-Je ne suis pas…maître d’arme. Il hésita et se décida que c’était le bon terme.

Certes il était doué, c’était fausse modestie que de le nier mais il n’était pas un professeur. D’autre elfes avaient ce rôle. Et puis il n'était pas certain que ça serve à grand chose au demi-sang en face de lui montrer comment il se défendait à la lance...

« Passes d’armes. » Répondit le prêtre qui jeta ensuite un regard à Zaahrian. Venait-il vraiment d’inviter un pur inconnu à se battre? On lui avait laissé ses armes, car il avait quand même le droit de se défendre si l’une des nombreuses créatures habitant l’Anaëh décidait d’en faire son petit déjeuner, mais on lui avait également dit qu’il ne devait pas les brandir au nez des autres elfes. L’assassin l’ignora complètement, son attention tournée vers le rouquin dont l’incertitude marquait les traits de son beau visage.

« Ça n’a pas d’importance! J’ai l’habitude de m’entraîner presque tous les jours à Thaar, mais là je n’ai rien fait depuis quelques ennéades déjà. J’ai simplement envie de me dégourdir un peu. »

« Tu sais, il a peut-être autre chose à faire que de servir de mannequin d’entraînement. » Lui fit remarquer le religieux sur un ton de reproche. »

« Mannequin? Non, les mannequins ne rendent pas les coups et je suis pas mal certain qu’il sait se défendre. Je ne lui tords pas un bras non plus. S’il ne veut pas, ce n’est pas grave, mais je te rappelle aussi que c’est toi qui me demandes toujours d’où vient mon énergie. Avec un bon entraînement qui me laisserait en sueur, je serais bien plus tranquille. Bon, je peux aussi penser à une autre activité qui demande un effort physique intense et qui me laisserait entièrement satisfait, mais je ne pense pas que ce soit possible. »

Il y eu un bref instant où le prêtre se demanda ce que voulait dire Zaahrian lorsqu’il comprit enfin. Son visage s’empourpra et il enfouit son visage dans ses mains d’où s’éleva sa voix étouffée.

« Il a vraiment dit ça. » S’en suivit une longue tirade en elfique. Elle était à moitié compréhensible, mais en gros il se demandait quel genre de mère Zaahrian avait eu pour avoir un fils avec des manières aussi douteuses. Évidemment, le blond n’en comprit pas un traître mot. Ça ne l’empêcha pas d’éclater de rire.

« Bon, je ne vais pas prendre plus de ton temps dans ce cas. Merci d’avoir ramené ma tante chez elle. »

Il n’était pas certain que cela soit une très bonne idée. Il n’aimait pas l’idée de faire étalage de ses compétences devant le demi-sang, il n’était pas soldat pour cela. Cependant il n’avait encore rien dit le laissant continuer à débattre avec son prêtre de surveillant. Celui-ci n’avait pas l’air de bien apprécier son travail à l’heure qu’il était…

Et puis Zaahrian ajouta quelque chose qui acheva de convaincre le Mainyth qui, s’il haussa un sourcil et afficha sans le vouloir un air blasé, fit mine de ne pas avoir entendu ou comprit. Il n’appréciait que peux ce genre d'humour et en tout cas il ne comprenait pas l'utilité d'une telle remarque dans un contexte tout sauf approprié. 

Alors il en profita quand le blond ajouta ne pas vouloir le déranger plus et fit un pas en arrière. Aegden lui offrit tout de même un sourire poli alors que le demi-sang semblait mort de rire.

-Je n’ai fait que mon devoir.

Tandis que mon Zaahrian d'amour reconciliait avidement ses dissemblables origines à longueur de journées vaquant partout où il lui était permis de fouiner, embêtant gentiment celui ayant la patience requise, j'avais opté quant à moi pour la discrétion.

C'est que la rencontre en personne du Roi elfe en Ardamir m'avait autant encensé que troublé ; voilà une claque d'humilité bien substantielle en réflexions qui s'était emparée de moi, à tel point que le Léonie que j'étais s'était éclipsé du jour au lendemain afin de laisser place au discret petit humain que le demi-elfe se trimballait de partout. Et si je ne le suivais pas toujours dans ses péripéties – pour lui un apprentissage –, bien souvent je restais à l'abri des regards derrière quelque montant de fenêtre observant la vie sylvaine qui à ma vue s'offrait généreuse tant que je ne la troublait point. Quelques fois aussi l'on me savait non loin en bordure de danger, allongé devant quelque beauté de l'Œuvre, une simple fleur, une ruisselante goutte, un rayon de lumière, tout semblait viscéralement m'appeler, et moi de m'émerveiller à chaque fois comme ce très jeune elfe en état d'éveil que je semblais malgré moi incarner...

Il ne restait plus rien du téméraire Léonie, du récalcitrant chenapan, du joyeux luron, du fou vicieux chiard queutard déjanté, Thaari tout simplement. Ni amant, ni charlatan, aucun trait me décrivant semblait persister alors que nous avions progressé d'avantage en terre sylvaine ; du moins les avais-je en moi enfoui, car il ne m'était plus permis de me comporter de la sorte. En effet, si je voulais me fondre dans la masse, par respect, et ne point causer de trouble aux inouïes mais importantes expériences que l'hybride se devait de vivre en ces lieux en présence de ses « semblables », je me devais de leur ressembler... Or, et je l'avais très vite compris car je n'étais ni bougre ni mécréant prétentieux, à mon âge en ces contrées, vous ne pouviez être que marmot, en effet bien loin du plusieurs fois centenaire adulte. La preuve en était en la personne du Las'Danir, qui du haut de ses cent ans n'était actuellement qu'un turbulent adolescent... Et moi, un taciturne pupille, le gosse le plus introverti qui soit, et cela n'était pas pour leur déplaire, pour autant je l'ignorais royalement, loin de moins toute notion de jugement...