Ressemble à l'innocente fleur.

Tariho de la première ennéade de karfias 18 : XI.
A une journée à cheval au nord d’Alëandir.

L’arbitre s’en sortira bien seul quelques jours et puis il y a Elhina, qui te connaît si bien que ça te met parfois mal à l’aise, vers qui le reste du clergé pourra se tourner pour savoir ce que tu aurais fait ou dit. Tu sais que tu ne devrais pas te sentir coupable mais c’est quand même le cas et ce malgré ce que t’as dit la Guide qui t’es la plus proche en te poussant à moitié en dehors d’Alëandir et ce avec le concours d’Eryvïnn. Tu aurais pu t’indigner d’une telle trahison mais il t’avait fait une proposition que tu ne pouvais refuser : en échange de ton départ il fera chanter sa harpe à ton retour. Alors ton époux t’avais mis dans les pattes d’une patrouille de la milice qui partais dans la même direction que toi et vous voilà partis sur la Trace qui était plus difficile à suivre que d’ordinaire en cet hiver enneigé.

Tu restes muette, à regarder les arbres qui défilent d’un air absent jusqu’à ce qu’un soldat te demande ce qui ne va pas quand vous vous arrêtez pour manger. Une fois que tu as mis pied à terre tes yeux passent de ta monture qui cherche quelques brins d’herbes perdus dans la neige à l’orange qu’on te tend et que tu prends distraitement avant de répondre lorsque l’elfe a la bonté de répéter sa question.  

« Demain je suis sensé aider un mentor. » Tu fermes les yeux et de ton pouce et ton index gauche tu te masses les paupières et tu te demandes depuis quand est-ce que l’idée d’enseigner te fatigue, depuis quand est-ce qu’il te faut te préparer mentalement à passer du temps avec des enfants ? Et puis tu relèves la tête pour poser ton regard sur les miliciens afin de poursuivre, tu fais la liste de tes obligations ; tu fais la liste de ce que tu es sensé faire en ce moment ; tu fais la liste des gens qui ont besoin de toi ; tu fais la liste de ceux qui attendent ta décision ; tu fais la liste des gens que tu es sensé écouter ; tu listes ceux que tu es sensé apaiser ; tu listes ceux qui attendent que tu officies une cérémonie ; tu listes ceux à qui tu dois prodiguer des soins ; des fils et filles que tu dois rencontrer ; des nouveaux arpenteurs qui vont bientôt adopter pour de bon le Cam en-Kÿria ; des nouveaux parents qui attendent ta visite et plus particulièrement de Nemmírë  et d’Láminaníssë, à qui tu as promis de venir au plus vite ; de Lanwa et Canmë qui hésitent à se marier et veulent ton avis sur la question ; de Megórion qui se demande si rejoindre le clergé lui conviendrait… et tu t’arrêtes, non pas que la liste est finie mais tu as l’impression d’ennuyer ton auditoire plus qu’autre chose, auditoire qui n’est pas là pour ça et t’as sûrement posé la question plus par politesse qu’autre chose. Tu te tais pour te concentrer sur ton orange à qui tu retires méthodiquement la peau.

« Vous ne pouvez pas en laisser une partie à d’autres prêtres ? »
« Et bien, si, je pourrais mais... » tu n’arrives pas à nommer la barrière sur laquelle butte ton esprit. « Mais... »
« Il est temps de repartir. » Le caporal se lève pour montrer l’exemple et tu suis le mouvement. Il ne t’as pas coupé, en réalité il t’as sauvé d’un silence gênant et tu le vois continuer à mordre dans un bout de viande séché alors qu’il monte d’un bond sur son cheval tandis qu’un de ses subordonnés te tends une main secourable pour t’aider à te remettre sur pied. Dans un premier temps tu es tentée de simplement te servir de ton sceptre pour ça mais finalement tu prends sa main.

Julas de la seconde ennéade de karfias 18 : XI.
A la Croisée, sur la rive nord du Rhym.

Ton cheval avance au pas alors que tu approches ce pour quoi tu es venue. Tu aurais dû arriver plus tôt, tu aurais dû partir plus tôt. Tu viens ici que lors d’évènements importants et, surtout, heureux et si tu aurais dû faire le voyage pour les préparatifs de ton anniversaire tu as bien vite abandonné l’idée. Pourtant te voilà et même si le voyage t’a, ironiquement, reposé repenser au départ du roi et de ses soldats ternis le doux chant des oiseaux et du Rhym que tu entends de façon assez diffuse, le son étant filtré par la végétation qui te sépare du fleuve.

Une fois de plus tu mets pied à terre et tu t’approches du flanc de montagne, laissant une traînée humide à cause de ta robe qui n’a pas encore eu le temps de sécher après que tu aies traverser le fleuve à gué.  Tu trouves sans mal la caverne qui te sers de repère mais tu ne t’engouffres pas dans le trou béant dont les ténèbres te font frissonner. A la place tu remontes vers le nord en longeant ladite montagne et tu tombes sur ta première proie. Tu t’accroupies et tu sors un couteau pour couper la tige d’une leoras dont tu sens le parfum. Tu ne sais pas trop pourquoi, bien qu’un jour tu devrais peut-être t’y intéresser, mais les fleurs qui poussent sur le bout de terre qui se retrouve coincé entre les deux bras du Rhym et la montagne font les meilleurs infusions que tu aies eu le loisir de goûter.

Sërythil avait bien fait attention à éviter la montagne en partant dans une de ses petites expéditions quotidiennes. Il ne comptait pas réveiller un quelconque prédateur hibernant dans l’un des innombrables recoins sombre que formaient les roches et de tout façon ce qu’il cherchait ne se trouvait qu’en aval. Il avait observé quelques falafelor un temps plus tôt et comptait bien en profiter pour ramener au clan une ou deux fioles de leur miel. Ses vertus autant que son gout en faisaient une substance particulièrement appréciable.

Pourtant, alors qu’il était certain de bientôt retrouver l’essain tant désiré, un instinct lui picota les doigts. Quelque chose lui disait qu’il n’était plus seul dans la région et il ne s’agissait pas d’un des éclaireurs de son clan c’était certain.

Doucement il boitilla donc sur quelques petits mètres de plus, s’abritant derrière des fourrés particulièrement épais et il la vit. Penchée sur une pauvre petite fleur, la lame au clair prête à la cueillir. Devait-il réagir ? Peut-être qu’elle n’était qu’une herboriste elle aussi ? Mais peut-être pas. Et s’il réagissait qu’adviendrait-il ? Il était seul avec son arc. Si elle attaquait il ne pourrait se défendre, sa position trahie.

Il avait l’impression de se retrouver quelques années en arrière lorsqu’il observait les fourmis talehdelles s’en aller de leur nid pour aller il ne savait où. Il se retrouvait dans la même situation à observer cette créature qui lui ressemblait tant tout en étant si différente.

Son visage peint dans les tons brun et ocres de la forêt laissait parfaitement passer la curiosité qui brillait dans les mires jaunes de l’herboriste tandis qu'il observait l'étrangère faire. La symphonie ne lui envoyait qu'une sensation diffuse, elle ne semblait pas être un danger.

Une fois la fleur entre ton indexe et ton pouce, tu te penches sur le côté pour permettre à ta besace que tu tenais sur ton épaule de toucher délicatement le sol avant de déposer ton sceptre pour ensuite t’asseoir en tailleur et de ta main libre fouiller dans ladite besace. Tu en sors un carnet que tu poses sur l’intérieur de ta cuisse puis tu sors deux planchettes de bois un peu plus grande que la leoras moyenne, recouverte d’une double épaisseur de tissus. Tu poses fleur sur l’une d’elles avant de refermer le dispositif et de le maintenir en le ficelant. Tu déposes le tout devant toi et tu ouvres ton carnet à une page vierge marquée par un ruban puis tu vas récupérer de quoi écrire ; tu notes la date, le lieu, que tu décris vaguement en deux lignes, et tu ajoutes le même chiffre sur le carnet et le dispositif de séchage puis tu ranges ton matériel, tu t’empares à nouveau de ton sceptre, tu replaces ta besace et tu te relèves pour repartir à la recherche d’une nouvelle fleur tandis que de ta main libre tu fais attention à ce que ta couronne ne tombe pas. Le tout en fredonnant une comptine qui aide à mémoriser les noms des divinités et des Ëalas en racontant une anecdote à leur sujet.

Tu commences par embrasser les alentours du regard et vu que tu ne trouves rien d’intéressant tu te mets à faire quelques pas, les yeux principalement rivés sur le sol même si tu les relèves de temps en temps pour voir où tu vas. Cependant, après quelques minutes passées à serpenter, ce sont ce que tes oreilles capes qui te fait brusquement relever la tête. Tu serres ton sceptre contre toi en observant droit devant toi à la recherche d’un autre signe de mouvement.

« Y’a quelqu’un? » Tu as beau tenter de maîtriser ta voix, une pointe d’inquiétude reste tout de même audible.

Elle s’était relevé et avait commencé à se déplacer, et évidement elle s’était approché de sa position... Il n'avait pas l'impression qu'elle l'avait vue mais cela reviendrait au même s'il ne réagissait pas. Paniqué, Sërythil chercha des yeux un autre recoin d’ombre. Là sur sa gauche un arbre au tronc largement assez massif pour le cacher.

Mais à peine avait-il rejoints son nouvel abri, que la citadine, se tenant pile là où il se trouvait une minute plus tôt semblait l’avoir repéré. Ou au moins entendu. Il ne pourrait pas se cacher ad vitam eternam alors au bout d’un long silence, il abandonna.

-Je ne suis pas dangereux. Fit-il, doucement en sortant de sa cachette, ses mains relevées devant lui bien qu’il restait sur le qui-vive, son arc et son carquois à la hanche.

A une dizaine de mètres d’elle, son regard oscilla du visage de son interlocutrice à sa besace où avait disparu la leoras entre deux morceau de bois, il ne comprenait pas à quoi avait servit son étrange objet.

-L’êtes-vous ?

Ses yeux jaunes se rivèrent à son interlocutrice pour de bon. Il ne savait pas à quoi s'attendre, elle n'avait pas l'air agressive, mais les hermines n'ont plus n'en avaient pas l'air à première vue et il ne souhaitait à aucun Raspattë d'en rencontrer une...

Tu allais te retourner pour t’éloigner et poursuivre ta quête d’une autre leoras, pensant que tu avais fait fuir un animal, un gros animal mais un animal pas agressif tout de même, lorsqu’on te répond. Tu observes l’elfe sortir de sa cachette et tu te dis qu’annoncer qu’il n’est pas dangereux alors qu’il est armé te semble être une plaisanterie qui n’est pas vraiment à ton goût. Ton regard repasse de son arme à ses yeux jaunes. Mais, toi, est-ce que tu l’es ? Tu peux l’être certes, tu en as la capacité, à condition qu’on t’en laisse le temps or tu doutes que si tu te mets à incanter le noss qui te fait face te laisses faire. Mais est-ce que tu l’es, dangereuse, ça tu ne penses pas.

« Je ne suis pas celle qui a un arc à la hanche. » Tu aurais croisé les bras si tu n’avais pas ton sceptre en main ce qui te rappelle que, justement, tu as un sceptre en main et que l’ébène vivant n’es pas forcément le bois le plus tendre que l’on peut trouver dans l’Œuvre ; si l’idée de t’en servir comme arme te semble absurde, le noss quant à lui n’est pas à l’intérieur de ta tête et n’en a donc aucune idée. « Je suis une prêtresse de Kÿria. Je soigne, je ne blesse pas. »

Bon parfois tu dois blesser pour soigner mais comme l’objectif principal n’est pas de faire souffrir tu trouves que ta phrase reste tout de même valide. Tes yeux descendent à nouveau, cette fois non pas jusqu’à son arc mais jusqu’à sa patte folle et ton visage s’adoucit. Tu te demandes s’il a sa blessure depuis suffisamment longtemps pour avoir appris à la compenser pour le tir à l’arc.

« Est-ce que ça te fait souffrir ? »

Les oreilles du noss s’agitèrent lorsqu’elle fit remarquer qu’il était armé. Croyait-elle qu’il était capable de la blesser avec, sans sommation ? Les Vethërill n’étaient pas de ce genre de clan.

-Je ne peut pas m’en séparer, même pour prouver ce que je dis.  Mon arc est pour moi ce que sont les griffes au Phish Oura…

C’était tout ce qui lui restait pour survivre au milieux de la forêt et elle avait beau se méfier, le noss ne prendrait pas le risque de le déposer loin de lui pour qu’elle se détende.

Elle évoqua ensuite une fonction qu’il ne connaissait pas. Pourtant il reconnut bien évidement le nom de leur Mère ainsi que l’explication qu’elle donnait de son rôle. Elle devait être une sorte de Shaman parmi les pierres. Sërythil se demanda un instant comment elle pouvait communier avec Kÿria coupée d’Anaëh mais la question ne franchis pas ses lèvres.

Elle avait posé une autre question à la place. Il n’avait pas vraiment besoin de suivre son regard pour savoir de quoi elle parlait. Les siècles avaient apporté leur lot d’habitude bien que se fut la première fois que cela venait d’une taledhelle.

-Si je force, un peu. Admit-il. Mais ma lumière n’en souffre plus vraiment depuis bien des siècles.

Il pouvaient bien sûr encore en souffrir en y repensant  et sans doute si par miracle on lui offrait de changer son état il accepterait. Mais la vie était ainsi faite que certaines choses ne pouvaient être réparées et il ne servait dès lors plus à rien de se lamenter sur son sort. Serÿthil était un elfe boitillant qui appréciait aller de l’avant.
 
Il pencha sa tête sur le côté, scrutant son interlocutrice quelques instants.

-Qu’a tu fais à la leoras ?

Il ne semblait pas particulièrement inquiet, bien que toujours légèrement sur ses gardes, et la question n’était pas non plus un reproche. Il se demandait pour de bon ce qu’elle comptait faire de cette fleur dont il ne connaissait pas de propriété particulière pour une guérisseuse.

En voilà une réflexion guerrière pour quelqu’un qui n’est supposément pas dangereux. Tu en as vu un paquet, des gens qui considèrent leur arme comme une extension de leur corps et tu les as tous trouvés dans l’armée royale, la milice des cités ou dans le clergé de Calimenthar. Bon, si ça te coûte de l’admettre, tu dois dire que tu en as aussi croisé parmi tes pairs, le Poing étant bel et bien composé de prêtres de Kÿria. Dans tous les cas il n’y en a pas un seul que tu aurais qualifié d’inoffensif, loin de là, ils pourraient te tuer bien avant que tu aies commencer de tisser un sort. Mais c’est aussi ce qui que tu te méfies moins : s’il avait voulu te tuer tu serais déjà en train de traverser la Tourmente en te demandant comment tu as bin pu arriver là-bas.

Sa réponse te réconforte un peu et tu arrêtes de regarder sa jambe. Tu ne le connais pas et tu sais que certaines personnes n’apprécient pas qu’on regarde leur handicap, aussi mineur soit-il or tu n’as pas envie de l’énerver. A la place tu hoches la tête mais tu es tentée de relancer un coup d’œil à sa jambe pour voir si tu peux y faire quelque chose bien que tu sais qu’il te faudra sans doute un examen digne de ce nom pour t’en rendre compte. Toutefois sa question te coupe dans ta réflexion et te prends même un peu de court puis tu te rappelles que tu l’as entendu peu de temps après avoir ramassé la fleur et que, par conséquent, il t’observait depuis un certain temps.

« Je l’ai mise à sécher. » Ta main libre se pose sur ta besace par réflexe. « Mais dis-moi… » tu te rends compte que tu ne connais pas son nom et tu te sens un peu bête de ne pas lui avoir demandé. Malheureusement vu que tu as déjà lancé ta phrase tu vas la terminer. « Tu n’as personne pour s’occuper de ta jambe? Aucun membre de ta noss n’a pu te soigner? »

Il avait hésité puis il avait fini par s’approcher un peu. Un tout petit peu, quelques pas. Sans jamais faire mine de se saisir de ses armes. Elle, elle avait répondu mais était retourné sur un sujet bien épineux.

Il fronça les sourcil, l’air désapprobateur et un indexe levé vers le ciel.

 -Là d’où je viens on attend un peu avant de demander aux gens pourquoi ils sont infirmes. Et malgré l’air boudeur qu’il afficha il répondit du bout des lèvres. Mon clan ne peut pas se permettre de dépenser son énergie et ses ressources dans ma guérison. Ils ont effacé le…reste. Mais pas ça.

Il haussa les épaules, feignait l’indifférence. C’était ainsi voilà tout. Il se demanda si tous les citadins étaient aussi abrupts et puis il se rappela que certains de ses propres frères ne se comportaient pas bien différemment au final. La citadine ne représentait sans doute pas l'intégralité de ses camarades sur ce plan là.

Décidant d'en revenir à cette histoire de leoras, il décida d'aborder la question autrement. Elle voulait sécher la plante, soit, mais pourquoi?

-Une prêtresse est-elle comme un Shaman pour nous? Cela aurait pu expliquer un peu cette curiosité brutale bien que ça ne l'excusait pas vraiment. Tu es loin des camps de pierre pourtant.

Là où je viens on maîtrise les bases de la grammaire, as-tu envie de lui répondre bien que tu t’abstiennes au nom des relations entre noss et citadins. Toutefois tu t’intéresses à son air qui a quelque chose de professoral quand il te répond et tu te demandes si tu n’as pas devant toi l’équivalent d’un mentor de son clan. En tout cas la réponse te fait froncer des sourcils. Pourquoi est-ce qu’ils ne l’ont pas complétement soigné ? En sont-ils incapables ? Si c’est le cas peut-être que la blessure est plus grave qu’elle ne laisse paraître. N’en voient-ils pas l’intérêt ? Si oui, pourquoi ?

« D’accord, je te présentes mes excuses, c’est que je pratique la mage de vie et que j’ai eu l’occasion de soigner des blessures qui ressemblaient à la tienne ; je sais que c’est possible pour l’avoir fait alors je me demandais si tes camarades s’étaient abstenus. C’est un sujet important, pour moi, j’espère que tu pardonneras mon manque de tact. »

Sa question te laisse quelque peu perplexe. Si tu sais qu’en effet les clans ne s’intéressent guère aux cités, ou du moins au fonctionnement de ces dernières, tu t’attendais à ce que ce qu’est un prêtre soit quelque chose de commun. Mais tu sais aussi que bien des choses changent d’une noss à l’autre alors peut-être que celle-ci est particulièrement isolationniste ou peut-être qu’elle ne s’approche pas desdites cités à moins d’une ennéade de voyage.

« Oui et non. » Tu t’assoies lentement en plaçant ton sceptre sur tes genoux, le tenant en place en posant une main à chaque extrémité. « Pas vraiment. Un prêtre a des prérogatives qui le rapprochent d’un shaman mais aucun n’a tous ses devoirs. Je suis la garante des coutumes et des croyances de toutes les cités mais je ne m’occupe pas de consigner l’histoire de nos frères et sœurs, c’est le rôle des prêtres de Tari. Disons qu’un prêtre est une sorte de shaman spécialisé. »

Ce n’est pas vraiment la meilleure façon de le présenter mais c’est la plus concise et puis c’est probablement le meilleur que tu puisses faire avec tes connaissances limitées à propos de l’organisation des clan et du sien en particulier.

« Et tu as raison, je suis loin de chez moi, à plusieurs jours même. Je me suis trop approché de votre campement ? »

Puisqu’elle s’était assise, le noss avait entreprit d’en faire de même. Il s’était rapproché et s’était assis sur une racine assez haute pour qu’il n’ait pas à forcer pour se relever plus tard, sa jambe fragile tendue.

-Si tu avais été trop proche, ce sont nos éclaireurs que tu aurais croisés, pas moi.

 Sërythil s’était radouci lorsqu’elle s’était excusé. Doucement, pour qu’elle ne s’effraie pas, il sortit un pendentif de sous son vêtement sommaire. De forme rectangulaire, en bois clair, il était très sobrement sculpté et peint d’ocre et de gris de part et d’autre.

 -Dans la terre et dans les arbres, les chemins menant aux nôtres sont balisés par ce genre d’objet. Fuit les et les miens ne devraient pas t’ennuyer.

Il marqua un silence fixant ledit pendentif avant de fixer son interlocutrice en contrebas de sa position.

-Lorsqu’elles sont réalisées selon nos coutumes, ces amulettes nous protègent.

Un sourire amusé et peut être un peu voilé de tristesse éclaira son visage. L’on disait souvent que sa propre amulette n’avait pas subit un rituel vraiment équilibré et que c’était pour cela qu’elle ne l’avait pas protégé. On disait aussi que c’était pour cela qu’il admirait autant la lune qui brillait maintenant en compagnie de Silène.

 -Puisqu’il semble être si important pour toi de savoir cela, Prêtresse, mes camarades ne se sont abstenus que par nécessité. Les oreilles de l’elfe s’inclinèrent en arrière alors qu’il levait la tête vers la cime des arbres. Quand un os est brisé, il suffit de le ressouder. Mais mes os ne sont pas brisés. Pour que ma jambe retrouve son droit chemin, il faudrait la briser et la reconstruire. Son regard doux retrouva celui de la citadine. Si tu es mage de vie, alors nous somme deux à savoir qu’en plus de la douleur que ça me provoquerait, ça laisserait celui alloué à cette tâche, épuisé et les gens qui ont besoin de lui abandonnés à leur sort, tandis que les chances que je sois capable de réapprendre à marcher correctement s’amincissent d’années en années. J'aurais mis en péril l'équilibre de mon clan par désir personel.

Ainsi en a décidé la Mère, eut-il envie de répéter à nouveau.

-J’ignore beaucoup de chose de ton peuple. J’ignorais même que vous soyez capable de voyager si loin de chez vous. On vous dit incapable de faire deux pas au sein de l'Oeuvre, mais suis-je le mieux placé pour relayer cela ? Et peut être les usages des dons de la mère ont ils différents de votre coté des pierres mais il en est ainsi sous les frondaisons. L'on ne gâche pas nos cadeaux lorsque nous n'y somme pas contraints et forcés.

Il était curieux et ouvert mais il restait un Vethërill élevé dans des principes forts et les citadins s'ils n'étaient pas craints n'était pas toujours vu sous un jour très agréable.

Tu hoches la tête après avoir fixé le pendentif pour pouvoir le reconnaître bien qu’en effet tu n’en avait pas vu dans les parages mais cela ne voulait pas dire qu’il n’y en avait pas. Tu te demandes si les amulettes sont magiques ou si ce clan compte sur la bonté d’I Ëmel pour les protéger des dangers qui les guettes. Enfin tu te dis que si elles sont magiques elles ne doivent pas être vraiment efficace étant donné sa vieille blessure ; quoi que s’il n’en a pas eu d’autres grave depuis peut-être qu’elles ne marchent pas si mal que ça en fin de compte. En tout cas tu ne dis rien, tu le laisses poursuivre et tu t’étonnes de l’emphase placée sur ton titre, mais tu contiens l’expression de ladite surprise à ton seul visage pour ne pas l’interrompre.

« Tu m’as l’air… » tu cherches le mot le plus proche de ce que tu ressens tout en essayant de ne pas l’offenser à nouveau, ce qui est plus difficile que ça en a l’air. « Résigné. »

Finis-tu par dire. Ce que tu trouves triste, tu as pitié de lui, un estropié dans un clan trop petit pour pouvoir se passer de quelqu’un durant sa convalescence ou de son guérisseur pendant qu’il se repose après sa lourde tâche.

« Tu as raison, c’est douloureux et ça ne l’est pas autant pour celui qui l’inflige que pour celui qui le subit, c’est d’ailleurs pour ça que j’ai développé un des moyens de réduire, voire d’empêcher, la douleur. Je comprends que tu n’aies pas envie, peu importe la raison, mais saches que si jamais tu changes d’avis je peux t’aider ; je ne peux pas te promettre que tu remarcheras mais on peut au moins essayer. Pour ce qui est de la capacité des taledhels à trouver leur chemin dans l’Œuvre, je crois que ma présence ici indique que l’on en est capable. D’ailleurs, je m’appelle Calemirhel, et toi ? »

-Sërythil. Répondit-il machinalement alors que son visage peint affichait un désarroi qui ne cessait de grandir.

Elle lui tendait la main mais avait-il droit de la saisir ?

 
-J’ignore comment te répondre, Calemirhel. Ce que tu m’offre, je ne pourrais mentir en disant que je ne le désire pas et que je ne l’ai jamais désiré. Les yeux jaunes brillaient d’ailleurs d’un intérêt certain. Comme ma curiosité de mage de la vie et d’herboriste me pousse à désirer connaitre ce…moyen, dont tu parles d’ailleurs. Il marqua une légère pause et finit par continuer. Sa voix se fit hésitante. Pourtant, j’ignore si c’est le bon choix. Ne serait-ce pas s’opposer à la Volonté divine que de choisir de changer le cours du sort qui fut le mien cinq siècles durant ?

Ne pas déroger à l’ordre naturel des choses tout en faisant ses propres choix, cela semblait obséder le noss. Et puis il y avait autre chose aussi. La main qu’elle lui tendait l’amènerait d’ailleurs au milieu des murs qui étaient une frontière bien inconnue des siens. Il avait entendu des histoires à propos d’une symphonie différente, presque endormie dans ces camps de pierre et il n’était pas certain d’être prêt à affronter un tel spectacle.

-Je n’ose d’ailleurs m’aventurer au sein de vos murs et exiger de toi, et des tient, de tels efforts car je n’ai rien à t’offrir en échange si ce n’est ma reconnaissance.

Et malgré tout il y avait toujours ce doute. Si rien, ou trop peux de choses arrivaient au hasard, la présence de cette citadine, mage de la vie, originaire d'une culture miroir de la sienne, ne devait pas être si anodine.

Tu imagines sans mal que c’est une offre qui l’intéresse et que s’il la refuse ce n’est pas parce qu’il ne veut pas marcher comme il le faisait avant de recevoir sa blessure. Mais la raison pour laquelle il hésite te fait sourire. Non pas qu’elle soit bête ou que tu te veuilles t’en moquer, loin de là, mais parce que c’est, entre autres, l’un des dilemmes face auxquels tu es confronté. C’est intéressant, et ça te fait un peu peur, de voir que la conversation que tu as eue avec Lómion se retrouve dans autant de dialogues que tu as et ce peu importe ton interlocuteur.

« Pour commencer tu n’exiges rien étant donné que je te le propose, je t’offre cette possibilité. De plus je crains que je ne mériterais pas mon titre de Bienveillante si j’attendais quelque chose en retour de mes soins, ou de mes services d’ailleurs, ta reconnaissance suffira amplement. Je suis d’ordinaire à Alëandir, la cité un peu avant l’embouchure de l’Elorëa. L’Estel vaut le déplacement. » Ton sourire s’agrandit en repensant à l’arbre-maître qui te manque déjà. « Pour répondre à ta question… c’est un sujet complexe. »

Et tu es bien placée pour le savoir étant donné que ledit sujet te tracasse encore aujourd’hui et sûrement qu’il continuera jusqu’au ce que tu rejoignes Tari. Ou que les dieux se décident à être plus explicites.

« Que j’ai longuement abordé avec un grand mage, probablement le plus grand de Miradelphia, bien que c’était pour savoir s’il était possible de retrouver l’Arc de Hiril Lothren sans le concours de cette dernière. Je ne sais pas ce que votre shaman vous apprend mais dans les cités il est dit que c’est justement pour aimer I Mîngely parce que nous le voulons et non parce que nous y sommes contraints qu’elle força I Thelan à nous faire don du Souffle. A mon humble avis tu te poses la mauvaise question en te demandant si c’est aller contre la volonté divine. C’est d’abord penser qu’il s’agit là de la volonté divine et beaucoup sont morts justement parce qu’ils ont présumé de la volonté divine et se sont trompés, l’action de l’Arc en est, entre autres, un bon exemple. Je pourrais d’ailleurs t’affirmer l’inverse : que c’est la volonté divine qui m’a mené jusqu’à toi, via la Symphonie, pour te soigner. Je ne dis pas que c’est le cas, je n’oserais pas, mais c’est pour te montrer que c’est une possibilité. Comme je te l’ai dit, c’est un sujet complexe. » Un sujet qui t’intéresse, tu as toujours aimé la théologie, mais ça ne le rend pas plus simple à aborder. Cela dit y’a-t-il une seule chose simple à aborder dès qu’il s’agit du divin ? Ton expérience tend à répondre que non mais c’est une toute autre question vers laquelle tu ne tiens pas à te tourner pour le moment. « Mais peut-être penses-tu que ta condition est le fait de la volonté divine pour une raison tout à fait légitime, si c’est le cas je serais ravie de l’entendre. »

Sërythil semble toujours aussi décontenancé. Ses oreilles s’agitent et son regard se fait distant tandis que son esprit fonctionne à toute vitesse. A un moment du discours le noss eut une sorte de mouvement de recul. Car ce qu’expliquait la prêtresse n’était pas ce que son propre culte lui avait enseigné. Ce n’était pas du blasphème heureusement mais ça n’était pas très respectueux envers celle qui guidait les morts vers leur dernier royaume.

-Tari n’a jamais été forcé de nous donner le souffle. Protesta-t-il doucement, perdu. Elle nous l’a donné en échange de la mort de nos corps. Elle n’est pas plus capricieuse qu’Arcamenel…

Il ne comprenait pas et ça ajoutait quelque chose de plus à ce trouble qui agitait son souffle depuis quelques minutes. Il fixa un recoin de la forêt éclairé par un rayon de lumière passant entre deux branchage, comme si cette simple vision avait le pouvoir de lui apporter des réponses.

-Quand à cet arc dont tu parles, je crains ne pas comprendre de quoi il s’agit…Il secoua la tête.

Au-delà de ces question d’ordre terre à terre, il avait noté qu’elle avait suggéré que son apparition n’ait rien d’anodin et c’est exactement ce qu’il s’était demandé.

-Si ma condition est bien le résultat d’une volonté divine, bien arrogant serait celui qui prétendrait en connaitre la raison.

Machinalement, il se défit du lien qui tenait son amulette et contempla cette dernière entre ses mains, ses coudes appuyés sur ses cuisses. A bien y regarder on pouvait constater que ce qui paraissait si simple ne l’était pas tant que cela. Les couleurs peintes étaient nuancées par endroits, les gravures plus ou moins profondes. Sans nul doute cela avait une signification précise.

-Longtemps j’ai pensé qu’il s’agissait d’une punition parce que j’avais dérogé à l’une des traditions de mon clan. Mais pourquoi me punir d’avoir choisi d’user d’une magie qui me rapprochait de ma Mère ? Peut-être était-ce plutôt une façon de me montrer ma voie tandis que j’étais trop aveugle pour l’apercevoir. Il soupira. Ou n'était-ce rien d'autre qu'un accident brutal. L'expression de la violence qui contrebalance la beauté de l’œuvre. Bien que je ne crois pas, ou peu, en ce qu'on appelle le hasard. Comment savoir ?

Il leva à nouveau les yeux vers elle sans se redresser.

-Peut-être est-tu l’instrument de ma rédemption, maintenant que ma place est faite. Peut-être La mère me permet-elle par ta rencontre, une chance d’ôter cette douleur sans pour autant changer le cours de mon destin. Je ne suis pas elle, je suis incapable de savoir ce qu’elle réserve à ses fils et je le serais toujours. Comme nous tous. Je brûle d’accepter ton aide Calemirhel mais j’ai besoin de temps, d’un signe, de quelque chose.

Cette fois, il la regarda comme si elle venait d’expliquer que le monde était en réalité une Gendrin géante. Elle semblait faire partie des sages de son clan mais Sërythil ne trouvait aucun sens à ses paroles. Ni à cet histoire d’arc, ni, et encore moins, à cette histoire de sœur créant les abominables humains. Pour lui c’était Calimenthar à l’origine de cette création et en aucun cas ce dernier n’avait eut quoi que ce soit à voir avec le souffle des elfes…

Etaient-ils si différents que même leur vision théologique du monde ne pouvait s’accorder ? Sërythil ne s’attendait pas à cela il devait bien l’avouer. Il n’était même pas certains que leur définition de gardien soit la même.

-Je me doit de désapprouver cette proposition-ci. Fit-il. Si je dois réfléchir à ce que tu m’offre, je dois me plier à la tradition des miens et écouter Anaëh. Il précisa : Au sein même de celle-ci. Son air s’était fait un peu plus sévère, bien qu’il ne semblait jamais ressentir d’émotion négative envers son interlocutrice. Je me plierais à tes conseils si ma décision revient à demander ton aide, et sans nul doute irais-je consulter Estel lorsque je n’aurais d’autre choix, mais ce serait un manque de respect trop grand pour mon clan que de chercher réponse ailleurs qu’en son sein tant que j’en ai le moyen et c'est pour cela que je te demande une dernière faveur qu'est celle de me donner le temps de la réflexion.

Calnith, le secret des vethërill, celle qui les guidait même par-delà sa mort. C’était elle qu’il devait consulter, après avoir obtenu la bénédiction de ses frères bien entendu.

-Je crois que tu te méprends, je t’ai toujours laissé le temps de la réflexion, je ne te demande pas de partir dès maintenant, je t’offre des opportunités, libre à toi de les saisir ou non.

-Et je t'en remercie à nouveau. Il inclina la tête solennellement. Et il me vient une dernière question. Lorsque le temps viendra pour moi de te donner ma réponse, comment te trouverais-je ? Tu m'a donné le nom de ton camps, mais donner ton nom à un de tes frères lui suffira-t-il pour me conduire à toi ? Je sais que tous ne sont pas toi, comme mes frères ne sont pas tous ouvert au dialogue. Aurais-je à prouver mes dires ?