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 ET GRISEO VELA [Deejarah]

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Cassiopée Meldyrin
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MessageSujet: ET GRISEO VELA [Deejarah]   ET GRISEO VELA [Deejarah] I_icon_minitimeDim 13 Sep 2020 - 20:53

ET GRISEO VELA




    ____________________________


    “Karfias, deuxième mois d’hiver de l’an 18 du XIe Cycle.”

    ____________________________

    Les chantiers navaux de la Compagnie Oliyane ne s’arrêtaient jamais. Les cales sèches construites il y a des décennies par la Compagnie continuaient à produire des navires pour assurer le trafic maritime en Ithri’Vaan. L’activité portuaire, au-delà du commerce et de l’entreposage des marchandises, restait florissante à Ys, encore plus depuis l’intensification des échanges avec Chiard et Isgard. Mais ce qui rendait le port d’Ys intéressant malgré la petite taille de la cité, c’était bel et bien la présence de la Compagnie Oliyane, qui avait pendant des décennies installé dans les terrains disponibles son propre domaine, modernisant progressivement les lieux.

    Être armateur dans un territoire pareil n’était pas de tout repos. Ys ne produisait que peu de bois et elle ne pouvait produire de navires de guerre et ne disposait pas d’une tradition de corsaires suffisamment implantée. En revanche, la cité disposait de deux atouts non négligeables à l’époque où l’alchimiste était venue s’installer : un nœud commercial important facilitant l’accès aux ressources manquantes et de la place … énormément de place ! Il en résultait que quelques décennies plus tard, la Compagnie Oliyane était si fermement implantée dans le paysage portuaire qu’elle en était indélogeable. La même chose ne pouvait pas être dite pour les autres cités dans lesquelles elle était implantée. La politique générale de la guilde était de ne pas froisser les édiles locaux et de préserver au maximum ses voies commerciales et malheureusement, cela s’accompagnait souvent de concessions à faire en matière de développement des installations. L’exemple le plus récent était le port d’Isgard, où le Comte d’Odélian était encore en train d’observer les retombées du partenariat avec les Vaanis d’Ys avant de leur permettre de prendre plus leurs aises.

    Le développement des échanges avec l’ouest avait donné un bon coup de fouet à l’économie d’Ys et conforté le rôle de la Compagnie Oliyane dans le contrôle des voies maritimes. De nouveaux besoins étaient alors apparus, de nouvelles commandes aussi. Traverser la mer n’était pas chose aisée et il ne suffisait plus de caréner les navires existants : il fallait d’urgence en bâtir de nouveaux. Les ateliers de la Compagnie implantés à Ys profitèrent allègrement du bois importé de Chiard et d’Isgard pour relancer la production de navires, qui aurait dû être stoppée pour l’hiver. D’ordinaire, l’hiver servait aux opérations de maintenance, mais les cales sèches d’Ys étaient rarement complètement remplie, la Compagnie ayant pris soin de créer d’autres ateliers de maintenance dans ses possessions dans les autres villes. Les péniches, quant à elles, étaient principalement réparées à Qiryah, où la Compagnie disposait de ses bureaux originels. Le port fluvial de Qiryah était suffisamment bien pourvu pour que les bateaux à fonds plats puissent y être réparés et préparés pour le printemps.

    Les ateliers des armateurs travaillaient à un rythme soutenu pour répondre aux nouvelles commandes. Les équipes se succédaient et la Compagnie avait décidé d’infléchir ses méthodes de recrutement pour répondre dans les temps. Les recruteurs avaient écumé les marchés aux esclaves vaanis, repérant dans la population des sans droits les éléments sachant manier des ciseaux et tresser des cordages. Il ne fut pas bien difficile de trouver parmi l’immense population des esclaves qui jonchaient le sol des étals d'Uldal'Rhiz et de Thaar d’anciens pirates ou marins ayant été capturés à l’occasion de raids ayant mal tournés. Leur offrir une seconde vie, loin des chaines était généralement perçu comme une meilleure opportunité que de finir dans un harem décadent des Soieries.

    Les nouvelles équipes étaient supervisées par plusieurs « anciens », tentant de constituer un semblant d’esprit de corps dans ces masses à peine sorties des cales aux esclaves. Les débuts n’avaient pas été simples : les ateliers avaient perdu en productivité et les accidents devenaient de plus en plus fréquents, certains affranchis cherchant à régler leurs comptes sur les échafaudages. Il fallut énormément de discipline et un mental d’acier aux armateurs pour ne pas transformer les ateliers en zones de guerre ouverte ou en camp de travail forcé. Les Heaumes de Bronze avaient du intervenir par deux fois, devant des charpentiers quelques peu dépassés, non formés à encadrer des équipes aussi hétéroclites.

    Mais petit à petit, l’immixtion des affranchis avec les réguliers se transforma – non sans mal – en relation de travail cordiale … à défaut de saine camaraderie. Les « accidents » étaient de moins en moins nombreux et la direction des chantiers navaux avait compris que la situation passerait mieux avec un peu d’alcool en plus et des rations plus conséquentes. Un homme mangeant à sa faim est largement moins enclin à se quereller avec son voisin.

    Les grumes de bois étaient stockées dans les entrepôts depuis un petit moment. Le commerce avec l’Odélian avait porté ses fruits et la qualité des importations faisait que les armateurs pouvaient travailler avec des matériaux de qualité. Ys avait fait venir les voiles gris anthracite estampillées aux couleurs de la Compagnie et d'Ys, via son partenariat commercial. L’acier, quant à lui, venait d’un peu partout … Il suffisait désormais de transformer ces matières premières en vaisseaux capables d’affronter les mers tumultueuses.

    Il ne s’agissait pas d’armer une flotte de guerre. Selon les accords liant Ys à la Principauté de Thaar, la production de navires de guerre était un monopole très particulier, réservé à des temps particuliers, notamment dans les périodes de répression contre les pirates. Si la Compagnie avait déjà eu à affréter des navires de guerre pendant ces périodes, les commandes de la part du Conseil restaient exceptionnelles. La Principauté devait pouvoir se défendre en cas de recrudescence des attaques pirates, mais il était plus que malvenu d’entretenir une flotte de navires de guerres alors que Thaar pourvoyait « parfaitement » à la protection des cités-Etats. En revanche, les accords ne disaient rien quant à la fabrication de navires commerciaux. Ces derniers n’étaient jamais armés pour une raison très simple : une baliste prend de la place, place qui ne sera pas utilisée pour entreposer des marchandises … et dans la mesure où les eaux bordant la Principauté étaient globalement sûres depuis des années, il n’y avait aucune raison économique pour armer un navire. A la place, les marins vaanis gardaient toujours sous leur couchette une épée émoussée ou une arbalète pour défendre les possessions des marchands. Quelques dizaines de marins bien armés faisaient généralement réfléchir le moindre pirate à la petite ennéade. Cela n’empêchait pas quelques accidents … mais ça les atténuait.

    Les premières coques avaient été assemblées ... mais le chemin restait long jusqu'à la mise en service. En effet, l'ordre de construction était arrivé assez tard, ce qui avait passablement encombré le planning, notamment avec les navires à caréner déjà présents dans les cales sèches. Les charpentiers étaient encore en train de travailler les grumes dans les scieries tandis que les équipes assemblaient les bois déjà taillés, mais tous les emplacements n'étaient pas remplis. La chaîne de production n'était pas optimale pour l'instant, et les voiles qui patientaient dans les entrepôts ne seraient pas installées avant quelques ennéades. Si tout le monde était bien à l'ouvrage, les processus de production allaient devoir être revus à la prochaine saison, afin de prévoir l'augmentation de la production de navires commerciaux. Pour l'instant, il s'agissait surtout de débuter la construction d'un maximum de navires de gros tonnage. C'était un processus long et couteux, mais qui assurerait de superbes rentrées financières.

    Une petite partie de ces navires seraient vendus à des marchands fortunés, l'autre servirait directement à la Compagnie et à Ys. La Compagnie Oliyane ne pouvait pas non plus oublier les commandes des particuliers et fort heureusement pour elle, le Conseil de Thaar n'avait pas passé de commande cette année, trop occupé à gérer ses déboires avec les Jardiniers. Si une commande devait arriver, elle n'arriverait pas avant le printemps, mais les chantiers seraient plein jusqu'à la fin de l'année. Restait à déléguer une partie de la production sur les ports secondaires de la Compagnie ... mais ce n'était pas le plus simple.

    En cette belle journée d’hiver, la demoiselle dirigeant la Compagnie se tenait sur la jetée méridionale, enveloppée dans un manteau gris, accompagnée de ses aides de camp. Elle attendait des invités. L’hiver était non seulement l’occasion de préparer les navires pour le printemps, mais aussi de renégocier les contrats et les accords passés avec la piraterie locale. La situation était sous contrôle avec les pirates de la Côte Brûlée : la demoiselle d’Ys les connaissait bien et savait parfaitement quels leviers tirer. Les relations étaient normalisées de telle sorte que tout le monde y trouve son compte. Les navires de la Compagnie étaient tranquilles. Les délégations de la Côte Brûlée avaient été reçues au début de l’hiver et les accords avaient été passés. Rien de très compliqué : toutes les cités faisaient ça. En revanche, un nouvel acteur était à prendre en compte : les pirates de Meca.

    Ce n’était pas parce qu’ils se trouvaient loin dans les mers de l’ouest qu’Ys pouvait se permettre de les ignorer. Les pirates avaient un rayon d’action toujours plus grand, grâce à leurs navires de plus en plus performants. Sécuriser une alliance et un partenariat commercial avec les pirates était une bonne initiative : après tout, l’île de Meca n’était pas réputée pour sa production de nourriture et ses ressources naturelles florissantes. De plus, le passage vers l’ouest était un moyen d’atteindre le port dawi de Thanor, en passant par les terres de l’ouest de la Péninsule. Se faire des amis auprès des pirates de Meca était plutôt sensé.

    Debout sur les berges du port, Cassiopée observait de ses yeux gris le navire aux couleurs de Meca qui arrivait dans le port. La délégation envoyée par Meca avait fait un long chemin et les Treize comptaient bien les recevoir. Il n’était pas question que les gens de l’ouest quittent la cité sans avoir ratifié un accord juteux pour les deux parties.
       


Dernière édition par Cassiopée Meldyrin le Mer 16 Sep 2020 - 20:19, édité 1 fois
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Deejarah Sandrakis
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MessageSujet: Re: ET GRISEO VELA [Deejarah]   ET GRISEO VELA [Deejarah] I_icon_minitimeMar 15 Sep 2020 - 18:51




Hiver – 3ème jour, de la 6ème énéade de Karfias, An18 :Xie



Le Vol d’Or arrivait en vue du port de la magnifique cité d’Ys que j’avais déjà eu l’occasion de visiter à plusieurs reprises. Une ville aux parfums envoûtants, pleine de mystères qui proposait un commerce régulier avec plusieurs autres cités d’importance. C’était justement à ce sujet que le capitaine avait reçu une invitation de la Protectrice de la cité, Dame Cassiopée Meldiryn. Enfin si j’avais tout bien compris. Je dois avouer que les échanges commerciaux, pire, politiques, n’étaient pas vraiment ma tasse de thé. Contrairement à Ballast.

Elle avait donc convié le capitaine et d’autres représentants de Meca à nous présenter à son port pour nous proposer une offre que Ballast avait jugé assez intéressante pour dévier de notre route.

- On ne perd rien à aller écouter ce qu’elle nous veut ! Avait avancé mon maître d’un air nonchalant.

Mais je n’étais pas dupe. Je connaissais ce petit sourire qu’il affichait  quand quelque chose avait piqué son intérêt. Sans doute craignait-il de rater une information d’importance, à la faveur d’autres de ces seigneurs pirates dont il parlait avec très peu de sympathie à une ou deux exceptions près. Je savais qu’il regrettait le temps où Raegon avait la main mise sur tout et effaçait de sa seule présence, celle des autres. Mais Raegon avait disparu en mer pendant le voile et désormais les autres se passaient très bien du Seigneur pirate, trop heureux de cette aubaine.

En attendant, Ballast gardait des contacts étroits avec l’Île et il essayait coûte que coûte de se tenir au courant de tout ce qui se passait à travers le monde. C’est pour ça, aussi sans doute qu’il tenait tant à se rendre à Ys et qu’il n’avait pas eu trop de mal à convaincre le capitaine de nous y accompagner. Pour Hernan, s’il y avait des affaires à faire, toute opportunité était bonne à prendre. Et de toute façon, c’était Ballast qui choisissait nos destinations, d’un commun accord avec le capitaine bien sûr. Après tout le Vol d’Or m’appartenait et Ballast était chargé de ma formation tout comme la gestion de mes biens, en attendant que je sache voler de mes propres ailes.

Ce qu’en revanche, je n’avais pas du tout compris au départ de ce voyage, c’était que moi aussi j’allais participer à ces… négociations ? Et pas en tant qu’apprentie mage, un statut auquel j’étais habituée depuis si longtemps que j’en avais oublié les aspirations de mon père à mon égard…. mais en tant qu’héritière du seigneur Raegon Sandrakis.

Et depuis que Ballast m’avait appris ses projet, je ne cessai de m’interroger, de tergiverser sur le but de tout ça et ses finalités et surtout de m’angoisser, rongeant mes ongles de nervosité, en faisant les cent pas sur le pont , avant de finalement disparaître dans le gréement, pour tâcher de me calmer au contact du vent, sans grand succès.

Nous n’étions plus qu’à quelques milles des côtes quand je finis par accepter l’idée de ne plus être qu’une simple apprentie, pour cette fois tout du moins, et de me transformer en Deejarah Sandrakis, l’héritière de Raegon. A cet effet, Ballast m’avait réservé une petite surprise une fois que je daignai redescendre de mon perchoir. Il m’accompagna dans la cabine que le capitaine m’avait cédé pour la peine, et me présenta une tenue stupéfiante.

C’était…. La plus belle tenue que j’aie jamais vue de toute ma vie ! Ok, je n’étais pas si vieille que ça mais quand même. J’en restai en complet pamoison devant le manteau officier en laine noire, à large col, ses boutons dorés, ses galons brodés, les manches redoublées de broderies assorties aux boutonnières, sa taille parfaitement cintrée, et le reste, tout le reste, la tunique à corset, ouais un corset et je le trouvais beau avec son tissus rouge sombre de brocard brodé, le pantalon parfaitement ajusté et même les bottes si admirablement assorties. Il avait posé à côté, étendu sur le lit, mon baudrier et mon sabre, autre héritage de mon défunt père.

Ballast se mit à ricaner, devinant dans mon silence toute l’étendue de ma surprise.

- Alors elle te plaît ?

Il connaissait déjà la réponse. Il avait visé très juste avec ces couleurs, le noir et le rouge, le tout parfaitement assorti à mon foulard qui s’assemblerait magnifiquement au reste.

- Mais….comment tu as fait pour… pour trouver tout ça et quand ?

Mes yeux étaient incapables de se détacher de ces somptueux vêtements. Et rien à voir avec ces robes empesées de dentelles et de jupons, non, ça… ça c’était une véritable tenue de pirate ! Mon sourire s’étira, m’approchant pour toucher l’étoffe du manteau.

- Oh Jeb m’a filé un ptit coup d’main. J’aurai pu y arriver tout seul mais il a insisté.

Je décrochai un instant mon regard de la tenue pour me tourner vers lui, surprise.

- Jeb ? oh, d’accord ! En tout cas, tout ça semble pile poil à ma taille, fis-je d’un ton très satisfait.

Aussi Ballast répliqua avec un ton redevenu mordant comme à son habitude.
- Alors qu’attends-tu pour aller te changer ? On ne va pas tarder à entre au port. Oh et j’allais oublier, il y a aussi le couvre-chef, tiens dans ce paquet.

J’arrondis un peu plus mes yeux de surprise et découvrais le couvre-chef en question, un feutre à large bord piqué d’une superbe plume rouge. Je l’adorai aussitôt !

…..

Un peu plus tard, je quittai la cabine, parée pour ma première apparition en tant que Deejarah Sandrakis et vêtue d’une tenue digne de ce nom. Pour une fois, je me sentais d’humeur à me pavaner, appréciant les regards ébahis des autres membres de l’équipage sur mon passage, capitaine y compris, même s’il s’efforça de ne rien montrer. Jeb lui siffla carrément avant de se taper du coude avec son voisin.

J’entendis quelques sous-entendus à peine discrets mais déjà, nous quittâmes le navire, abandonnant son commandement pour un temps à Yan le bosco, pour nous diriger vers une jeune femme qui se tenait aux abords des quais et qui semblait déjà nous attendre.

- À toi de jouer Deejah, souffla Ballast, marchant en s’aidant de son bâton, son regard opaque fixé sur ce qui se passait face à lui. Et il me poussa pour que je prenne le devant de notre trio.

A ses côtés, le capitaine avançait de sa démarche déterminée, l’expression fière et impassible. Ballast l’avait mis au courant de ses plans me concernant apparemment !
Et tandis que nous avions presque rejoint le petit groupe dominé par la présence de cette femme aux cheveux d’argent qui attendaient sur la terre ferme à l’autre bout du ponton, je vis une frêle silhouette s’avancer vers nous mais venant d’un quai à l’opposé du notre. Sa démarche était rapide, et Ballast eut tout juste le temps de marmonner.

- Qui est-ce ? Où sont les autres navires mécans ? Je ne sens pas leur présence.
- Une jeune femme fluette, quinze ans maximum, elle porte tout un paquet de vélins dans sa besace. Et …..il n’y a pas d’autres navires portant les couleurs de Meca. dis-je à voix très basse.

Contrairement à nous qui avions arboré dès notre entrée dans le port, le très célèbre pavillon noir, hissé sur le château arrière, digne symbole de ce que nous représentations : des pirates. Le grand mât, lui arborait toujours le renard bondissant, mais les couleurs de Naelis elles avaient disparu.
Ballast aurait eu encore bien des choses à dire sur l’absence des autres navires, mais il se contenta de murmurer tout bas à mon intention.

- La scribe ! Va falloir improviser je crois. Tant pis pour eux. L’important, c’est que nous, nous sommes là.

Et moi j’étais désormais à deux mètres de notre hôtesse. Je m’inclinai face à elle avec une déférence mesurée, pour ensuite plonger mon regard dans le sien. J’allais devoir mettre en pratique des années d’entraînement et l’enseignement donné par mon maître. Mon chapeau faillit s’envoler mais je sus aussitôt que ça n’avait rien d’accidentel, c’était juste un petit coup de pouce discret de Ballast. Je récupérai avec adresse le couvre chef pour en balayer l’air devant moi en guise de salutation.

- Ma dame, je vous salue, au nom de Méca.

On avait dit : improviser, donc j’improvisai, ne sachant plus très bien ce que je devais raconter.

- Permettez que je vous présente mes amis, Mestre Levante, et le capitaine du Vol d’Or, messire Alvarez.

Je me redressai alors pour dévisager la jeune fille au visage impassible qui s’était arrêtée à quelques pas de nous et qui s’inclina d’une façon plus rigide devant la Protectrice, à la manière d’un soldat :

- Finaël Le Lierre, Scribe de Meca. J’accompagne la délégation afin de retranscrire tout ce qui se dira lors de cette assemblée.

Je tâchai de ne rien afficher de ma surprise, et me repris pour terminer mes présentations.

- Je suis Deejarah Sandrakis, héritière du Seigneur Raegon Sandrakis.

Ca ne fit tout drôle de me présenter ainsi, mais ça n’était pas déplaisant.

- Merci pour votre invitation. C’est un honneur de rencontrer la grande Protectrice de la magnifique cité d’Ys.

Avec ça, Ballast ne pourrait pour une fois que me féliciter !

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Cassiopée Meldyrin
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MessageSujet: Re: ET GRISEO VELA [Deejarah]   ET GRISEO VELA [Deejarah] I_icon_minitimeDim 27 Sep 2020 - 13:10

ET GRISEO VELA





    ____________________________

    La délégation d’Ys accueillit celle des Mécans avec la même déférence et des sourires polis furent échangés. Cassiopée Meldyrin, enveloppée dans sa cape, était accompagnée de deux invités de marque : la Septième et le Quatrième.

    La Septième était une native d’Ys, au port altier et au regard sévère, élégamment vêtue de noir et de bijoux d’argent brossé. Dirigeant d’une main de fer les papeteries d’Ys, elle était l’une des plus importantes représentantes de la cité depuis la chute de Kahina d’Ys, de par la production de papyrus, dont la qualité n’était plus à prouver tant on se l’arrachait. La Septième n’était pas la plus avenante des Treize et c’était peu dire. Depuis le début de l’hiver, elle se battait bec et ongles pour conserver la vitalité des plantations de papyrus. Cassiopée la soupçonnait de ne pas avoir eu une nuit complète depuis des mois.

    Le Quatrième était un Thaari installé à Ys depuis deux décennies. Ancien propriétaire de forges, il s’était déplacé à Ys, persuadé qu’il y aurait plus à faire hors du giron de la Compagnie d’Argent. Propriétaire des hauts-fourneaux d’Ys, en partenariat avec la Dixième et ses céramistes, le Quatrième était un expert en métallurgie. La mort de Krish Al’Serat, la transmission de la Compagnie d’Argent à Aerianna Hiisi et la déstabilisation des compagnies minières de l’Ithri’Vaan lui avait bien profité. C’était un homme bon, d’une grande finesse de raisonnement et apprécié de la population … un original en somme !

    Les trois représentants des Treize étaient accompagnés par une dizaine de Heaumes de Bronze, au garde à vous sur la jetée. Ils n’avaient pas l’air bien menaçants, mais une dizaine d’hommes, même armés de matraques, pouvaient constituer un véritable défi pour quiconque tenterait de s’en prendre aux marchands.

    Une invitée supplémentaire s’était immiscée dans cette rencontre. Enveloppée dans une cape gris anthracite et moitié moins grande que l’ensemble de la délégation, une petite demoiselle se tenait aux côtés de Cassiopée, sa main minuscule serrant agrippée sur le pan de sa cape. Un gros bonnet de laine recouvrant ses boucles d’or et de bonnes grosses mitaines et on ne distinguait que ses grands yeux et le bout de son nez. La petite Margaux, fille adoptive de Cassiopée, avait tenu à venir, malgré le froid. Des pirates ! De vrais pirates ! Elle n’aurait laissé passer cette occasion pour rien au monde. Mais à la vue desdits pirates, la petite était quelque peu déçue : où étaient les bandeaux, les cache-oeils, les perroquets, les grands sabres et les « Yaaaarh » ?

    Cassiopée s’inclina devant les pirates mécans avec le plus grand respect :

    « Dame Sandrakis, héritière de Raegon Sandrakis, moi, Cassiopée Meldyrin, Protectrice d’Ys, vous souhaite la bienvenue sur nos terres orientales.

    - Dame Sandrakis, héritière de Raegon Sandrakis, moi, le Quatrième, directeur des forges d’Ys, vous souhaite la bienvenue dans notre belle cité.

    - Dame Sandrakis, héritière de Raegon Sandrakis, moi, la Septième, gestionnaire des papetiers d’Ys, vous souhaite la bienvenue, vous et votre équipage, si loin de chez vous.

    - J’espère que votre voyage a été des plus plaisants, malgré le froid hivernal. Si vous voulez bien me suivre, mon escorte et moi-même allons nous mettre au chaud dans les ateliers du port et nous ferons servir quelques boissons chaudes avant de discuter. Nous tenons à vous faire bon accueil. »

    Ni une ni deux, toute l’équipée se mit en marche pour rejoindre les ateliers de fabrication. D’ordinaire, les Yssois auraient reçu les délégations dans des lieux plus appropriés, mais le Palais d’Ys était actuellement en pleine rénovation. Impossible d’y tenir la moindre séance pour l’instant. Et puis … la présence d’une délégation pirate dans la ville aurait pu soulever des questions quelques peu gênantes.


    Quelques minutes plus tard, la petite assemblée se tenait dans l’un des grands réfectoires des ateliers de la Compagnie Olyiane, transformé pour l’occasion en une salle de travail avec une table ronde. Des raffraichissements – ou plutôt de bons godets de vin chaud – avaient été servi avec du fromage, du pain et des fruits secs, ainsi que quelques délicatesses d’Ys. De quoi mettre en appétit. Ce fut le Quatrième qui ouvrit la séance après que tout le monde se soit bien installé.

    « Merci d’être venus de si loin pour discuter avec notre aimable cité. Si nous vous avons invité en ce jour, c’est pour une raison bien précise : l’ouverture des routes commerciales entre Ys et Méca. »

 
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MessageSujet: Re: ET GRISEO VELA [Deejarah]   ET GRISEO VELA [Deejarah] I_icon_minitimeLun 28 Sep 2020 - 17:33





Nous en avions parlé avant de venir. Ballast m’avait donné un cours accéléré sur les hauts dignitaires d’Ys et de tous ceux qui avaient voix au chapitre, à commencer par Cassiopée Meldyrin dont mon maître m’avait prévenue pour ses origines à moitié drows. Mais la demoiselle avait un statut de toute évidence bien à part en Ithri-Vaan, étant parvenue à devenir la Protectrice de la cité d’Ys. Sans oublier cette compagnie oliyane qu’elle possédait. Toute une compagnie ! Preuve en était que nous ne devions pas dédaigner cette invitation, ce que les autres seigneurs pirates n’avaient pas hésité à faire !

Et voilà que tout à coup, j’étais sensée représenter les pirates de Meca !! On aurait dit une énorme farce, mais j’avais plié à la volonté de Ballast, surtout qu’il avait su mettre les formes à ses exigences avec les vêtements qu’il m’avait offerts. Hé oui, j’étais une femme vénale, enfin pas tant que ça !

J’essayai donc de tenir au mieux mon rôle, imaginant ce que Raegon aurait fait à ma place, et aussi de me souvenir de toutes ces longues discussions avec Ballast quand il me bassinait avec ses discours politiques. Autant dire que l’exercice était plus difficile pour moi que ceux que mon maître me donnait pour entraîner mon art.

Je m’inclinais donc après avoir fait les présentations, usant pour la première fois officiellement de mon nom d’adoption. Mais je ne m’attendais pas à ces réponses si cérémonieuses de mes interlocuteurs qui chacun me saluèrent par mon nom, en y ajoutant leurs fonctions et rôles en cité d’Ys. Je m’efforçai de garder le sourire, même si je n’étais pas du tout habituée à autant de révérence, surtout envers ma personne !

Je me contentai pour ma part d’un signe de tête et d’un sourire vaguement crispé en réponse à tout cela avant de préciser pour le voyage :

- Il fut excellent merci !


Puis nous leur emboîtâmes le pas, jusqu’à ces fameux ateliers. De temps à autre, je lançai un rapide coup d’œil en direction de mon mentor pour lire sur son visage, le reflet de ce qu’il pouvait penser de tout ça.
Pour le moment, il affichait un léger sourire mais le rictus de sa bouche, me montrait une certaine contrariété. Hernan quant à lui, ne manquait pas d’observer tout et tout le monde, toujours impassible, même si je devinais derrière ce masque une légère tension. La rencontre concernait des affaires de commerce, mais je savais ce que nous représentions et ce que ça pouvait créer comme réaction chez nos interlocuteurs.

Nous nous retrouvâmes bientôt à l’intérieur de ces ateliers, dans une pièce qui avait été aménagée pour nous accueillir, et accueillir un peu plus de dignitaires de Meca que nous étions, si j’en jugeai par les chaises encore disponibles. Je pris place sans attendre un quelconque ordre de hiérarchie et lorgnai brièvement vers les fruits secs, ma main allant à la rencontre du gobelet réchauffé par son contenu.

Les odeurs des épices me chatouillèrent délicieusement les sens, mais Ballast qui avait tenu à m’inculquer un rien de bonnes manières, m’avait appris que dans la haute société, il ne fallait nullement se précipiter. Aussi je surveillai discrètement son attitude et voyant qu’il gardait ses mains nouées sur la table, sans même daigner s’intéresser à ce qui se trouvait sur la table, je retirai ma main.

Je savais qu’il avait déjà identifié le moindre détail de ce qui se trouvait dans cette pièce, malgré sa cécité, et que pour le moment il était toujours dans l’observation, usant de ses sens et de sa magie pour mieux appréhender tout ce beau monde.

Mais très vite mon attention revint à celle qui visiblement était le porte-parole des treize quand elle entra dans le vif du sujet en expliquant les raisons de cette invitation. Sans même le regarder, je sentis Ballast se raidir et l’entendis commenter d’un léger hmm dont je connaissais par cœur l’intonation. Cette pointe parfaitement sarcastique que je devais être la seule à percevoir.

Quoique même sans ça, j’aurai compris à quel point cette raison avancée par la jolie petite dame d’Ys était ….une vaste mascarade ! Même si au vu de leur expression à tous ces représentants de la cité, ils ne me donnaient pas l’impression de le réaliser. Je m’esclaffai légèrement, plus démonstrative que mes comparses :

- Des ….routes commerciales… entre Ys et Meca ?


Mon regard s’arrêta un instant sur la scribe qui relevait déjà tout ce qui se disait. Je fis la grimace.

- Moi qui pensai que vous nous aviez invité uniquement pour éviter que vos navires ne se fassent encore « arraisonner » par les pirates. ….que nous étions ici pour que vous nous proposiez une sorte de hum d’arrangement pour sauver vos commerces. A ce sujet, mes amis et moi-même aurions été très curieux d’apprendre ce que vous auriez pu nous offrir en échange d’une …. éventuelle trêve. Mais……. Discuter de la possibilité d’ouvrir une route commerciale entre Ys et Meca, ….


Je soupirai et me reculai contre le dossier de ma chaise.

- Je ne voudrai pas vous faire perdre de votre précieux temps, ni moi le mien.


Là je vis Ballast se caresser brièvement la barbe et mon regard brilla d’une brève étincelle. C’est un geste qu’il faisait quand il était particulièrement content de lui.

- Enfin, peut-être avez-vous d’autres offres à nous faire ? Quelque chose de plus… réalisable et à même de nous intéresser, moi et mes amis ?


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Cassiopée Meldyrin
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MessageSujet: Re: ET GRISEO VELA [Deejarah]   ET GRISEO VELA [Deejarah] I_icon_minitimeLun 28 Sep 2020 - 21:57

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    ____________________________

    Visiblement, l’annonce avait décontenancé les pirates. Bien, c’était un bon début. Ys n’était pas connue pour la platitude de ses relations diplomatiques. La Treizième s’était faite connaître depuis quelques mois pour son aplomb et sa capacité à négocier aussi bien avec les Péninsulaires que les Eldéens ou même, les mages. Négocier avec des pirates était … une nouvelle expérience pour tester la vitalité de la diplomatie yssoise.  

    Ceux-ci, visiblement irrités, tentèrent une mince rebuffade et firent mine d’ajourner la séance. Ils ne semblaient pas au fait des politesses de ce monde. En Ithri’Vaan, la table des négociations ne se vide qu’une fois le repas terminé.

    « Je crains que l’air marin et l’eau salée ne vous aient bouché les oreilles et ôté la vue ma chère. Vous pensiez qu’Ys et même l’Ithri’Vaan négociaient encore sur un pied d’égalité avec la piraterie. Avec tout le respect que nous vous devons, laissez-nous vous expliquer en quoi notre offre profitera aussi bien à votre contrée qu’à la nôtre. Vous aurez tout loisir s’il vous sied, de tempêter et de rouspéter de tout votre saoul, au mépris de la bienséance et des convenances. »

    Et il aurait été mal avisé de déplaire aux Heaumes de Bronze postés ça-et-là dans l’atelier. Les matraques font mal … très mal.

    « Dame Sandrakis … je suis quelque peu déconcerté … N’étant pas marin moi-même, mais faisant transiter mes marchandises par la mer, il me semblait que le Dragon Bleu saccageait tout navire ayant l’audace de paraître un tant soit peu menaçant. A moins que la dizaine de rapports qui s’est empilé sur nos tables depuis des années ne soient faux … ou que les pirates soient miraculeusement immunisés contre son souffle. Si nos informations sont bonnes, et je ne doute pas qu’elles le soient, à continuer vos esclandres sur les flots, vous risquez d’attirer le Dragon jusqu’à Méca … et de tous finir dévorés. Ce que je ne vous souhaite pas bien entendu. »

    Le ton était naïf, mais témoignant d’une bonne connaissance du dossier. Le Dragon Bleu rodait dans les mers et s’attaquait en effet à tout navire semblant un tant soi peu menaçant. Les tactiques de défense avaient dû évoluer en conséquence. Les marins disposaient désormais d’un armement dans les cales et cherchaient avant tout à s’enfuir en cas d’apparition des pirates, car l’apparition d’un dragon et c’étaient deux navires par le fond. Par conséquent, les actes de piraterie, de même que les batailles navales, présentaient un énorme risque de voir des dizaines de mois de travail et des centaines de souverains réduits en cendre avant de couler.

    Cassiopée reprit la parole. Mais elle ne s’adressa cette fois pas à l’héritière Sandrakis. Son regard était tourné vers le vieil homme et la scribe … les deux qui semblaient ne pas être tombés du nid il y a une ennéade.

    « Je vous félicite pour votre sens de l’humour. J’avoue avoir apprécié la partie où à peine invités à partager le pain avec nous, vous commenciez à nous menacer et à réclamer notre or. Dites-moi … Pourquoi refuseriez-vous une telle offre ? Ce n’est pas tous les jours d’une cité libre vous propose autre chose qu’une chaine autour du cou et un aller simple dans le fond des océans.  »
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MessageSujet: Re: ET GRISEO VELA [Deejarah]   ET GRISEO VELA [Deejarah] I_icon_minitimeMar 29 Sep 2020 - 16:57





Au fur et à mesure des paroles de celui qui se disait le quatrième, je fronçai les sourcils, oubliant tout sourire pour me renfrogner, et le vert de mes yeux flamboya de colère. Et il osait me parler de bienséance alors qu’il venait carrément de m’insulter ?? Le respect qu’il me devait ??? il venait de le piétiner allègrement ! Oh quel magnifique tartufe il faisait !

Je m’apprêtai à répliquer, et Ballast ne me connaissant que trop bien, fit bouger son bâton de sorte à me heurter très légèrement la jambe. Je gardai donc mes commentaires pour moi. Il observait toujours, à sa façon, comme il avait senti le frémissement parcourir les heaumes de bronze qui étaient un peu trop présents dans cet endroit sensé servir de lieu de négociation. De deux choses l’une, soit ils craignaient pour leur sécurité, face à un vieil aveugle, un capitaine certes fringant, une jeune femme qui paraissait la vingtaine tout juste, et une gamine qui n’avait pour seule arme, visible tout du moins qu’un monceau de vélins et sa plume.  Soit…..leurs intentions étaient bien moins pacifiques que l’invitation n’avait voulu le laisser paraître. Donc pour le moment, il préférait jouer sur la retenue et aviser….

Ce fut alors la sept qui intervint et comble de l’ironie, nous fit la leçon sur les risques de la navigation, tout cela pour dire quoi finalement ? Que tous les pirates de ce monde allaient finir par périr sous les flammes d’un dragon ? Je lançai un regard un peu interloqué à Hernan qui restait toujours passif mais qui me rendit mon regard, y voyant l’espace d’un instant, une lueur d’amusement. Cette fois Ballast ne put rien faire pour m’empêcher de répliquer :

- Avec tout le respect que je vous dois,
dis-je en imitant le ton et les manières de ces faux, vous n’êtes en effet pas un marin. Et si vous préférez vous fier à de la paperasse, nous autres nous fions uniquement à notre expérience de la navigation. Vos informations en revanche, me paraissent de pures affabulations, à croire que le peuple d’Ys est plus superstitieux que les pirates eux-mêmes. Croyez-vous que si le dragon s’en prenait aux pirates au moindre ordre d’abordage, nous serions encore ici aujourd’hui pour vous parler ?

Hernan enchaîna aussitôt :

- Sans compter que si un dragon attaquait des navires hors des eaux de l’archipel de Nelen, je crois que le monde entier serait au courant. Voilà qui ferait faire de belles économies à Thaar qui ne serait plus obligée d’affréter des navires de guerre pour lutter contre la piraterie. Et je ne parle même pas de la Péninsule. Quoique pour vous dire franchement, pourquoi ce dragon ferait-il le distinguo entre des pirates et des navires de guerre ? Dans ce cas, c'est tout Miradelphia qui doit s'inquiéter.

Puis la protectrice prit la parole, s’adressant cette fois directement à Ballast, me faisant un peu plus froncer les sourcils. Encore une insulte à mon nom, mais je retins mes commentaires, car Ballast se pencha légèrement en avant, posant une main apaisante sur la mienne, la tapotant légèrement pour répondre à la demi-drow.

- Oh oui, de l’humour, Damoiselle Sandrakis en possède énormément, beaucoup moins quand on se moque d’elle, et de ceux que nous représentons. C’est une insulte au nom des Sandrakis que de croire que nous ne savons rien des légendaires dragons et le respect qui s’impose à leur encontre. A moins que vous ignoriez la signification de son nom. Sang- draki *…..non ?

Ballast tapota quelques doigts noueux sur la table en émettant un léger ricanement. Il semblait la dévisager mais son regard opaque ne voyait rien d’autre que ce que son Art lui renvoyait et ce qu’il savait :
- Vous vous plaignez de menaces qu’on vous aurait faite, mais Ma Dame, ce que Damoiselle Sandrakis vous a dit, n’est que la stricte réalité ! dit-il d’un ton aimable en souriant. Ce n’est pas une menace de dire que le rôle des pirates est d’aborder, et de piller tout ce qui porte de la valeur sur cette terre, sans aucune distinction de couleur. C’est là leur gagne-pain.

Son intonation prit alors des notes plus troublées, comme s’il était choqué des accusations de la dame, même si je savais qu’il n’en était rien. Je l’observai autant que je surveillai la réaction des autres, en écoutant la suite avec la plus grande attention.

- Mais….question menace, ce serait plutôt à nous autres, de nous plaindre de la présence de tant de Heaumes de bronze dans cette pièce, face à quatre personnes dont un vieil aveugle et une enfant. Est-ce là une pure précaution de votre part ? Ou tenteriez-vous de nous intimider ?

Et là son ton se fit beaucoup plus cynique, laissant fleurir un sourire que je connaissais par cœur :

- Quant à votre sens de la négociation, je dois dire qu’elle me rappelle plutôt des méthodes de chantage peu louables. Mais je fais sûrement erreur. Voilà qui ne serait pas digne de la grande protectrice d’Ys que de forcer la main de représentants mecans. Imaginez…..la réaction du conseil des seigneurs pirates s’ils venaient à l’apprendre ?

Parce que grâce à la scribe, ils allaient le savoir. Et ils prendraient cela comme une véritable déclaration de guerre. Ou au mieux, pour une invitation à venir se servir encore plus généreusement sur la côte d’Ys. Et je doutais que c’était ce que désiraient ces treize.

- Cependant je dois vous accorder le fait qu’il est rare que des gens d’importance se risquent à inviter des pirates à leur table. C’est pourquoi nous avons pris la peine de faire ce si long chemin pour vous écouter, ma dame. Nous avons beaucoup apprécié la politesse. J’ose seulement espérer que vous comprendrez que nous refusions votre offre, car si vous êtes un peuple libre, nous le sommes aussi, et nous tenons à ce que les routes de Meca restent libres de tout arrangement. Les chemins menant à notre île n’appartiennent qu’aux pirates, et cela ne saurai être négocié. Cependant si vous avez d’autres arrangements ou affaires  à nous proposer, nous vous écouterons avec plaisir ! Tout comme vous l'a signifié Damoiselle Sandrakis.

Mouais, ben moi désormais, j'avais seulement envie de m’en aller de cet endroit constitué de faux semblants et de menaces à peine déguisées. Mon regard se porta sur les fameux heaumes, et je plissai les yeux en signe de méfiance. S’ils décidaient de nous attaquer, nous étions prêts à riposter, ce qui assurément allait changer le compte des fameux treize. Je n’aimais pas les pièces fermées, mais là, l’effet en était accentué par l’ambiance que Ballast tentait pourtant de détendre.


*Draki, Dreki, ou encore Drakka: dragon en nisétien ancien.

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MessageSujet: Re: ET GRISEO VELA [Deejarah]   ET GRISEO VELA [Deejarah] I_icon_minitimeJeu 1 Oct 2020 - 21:10

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    ____________________________

    Les marchands se regardèrent interloqués. Ces pirates étaient … stupides ? Ils s’attendaient à ce que ce ne soient pas des négociations faciles, mais au moins s’attendaient-ils à des gens rationnels, pas à des idiots finis. Bien entendu qu’un dragon n’était pas capable de couvrir l’intégralité de son territoire en une fraction de seconde. Mais les rapports ne mentaient pas et les Vaanis dominaient assez largement le commerce maritime pour être parfaitement au courant de ce qu’il se passait sur les mers avec précision. L’expérience personnelle d’un pirate valait peu de choses face à la masse des rapports détaillés. Le dragon était un danger, quoiqu’ils en pensassent …

    « J’ai beau ne pas être marin, ceux que nous avons enterré sans pouvoir mettre de corps dans les tombes seront bien aise d’apprendre qu’ils n’ont pas été attaqués par un dragon. A moins qu’ils n’aient été attaqués par les vôtres, auquel cas, je trouve cela particulièrement urbain que vous vous soyez déplacée par vous-même pour répondre des actes de vos camarades devant les familles éplorées. »

    Le Quatrième avait gardé son ton aimable, mais il n’en pensait pas moins. Si Ys avait pris ses précautions pour ne pas chatouiller le dragon, les rapports des autres cités avaient été préoccupants ces dernières années. Les cimetières se remplissaient de tombes vides, faute de pouvoir récupérer les corps. Et on ne pouvait décemment pas demander au dragon de répondre de ses actes devant la justice vaanie. Mais si une pirate se proposait d’endosser la responsabilité devant les familles … pourquoi pas ?

    « Au risque de vous décevoir, j’ai l’impression que l’isolement sur votre île vous a malheureusement coupé des nouvelles du monde civilisé. Le dragon est un problème pour tous et aussi bien la Péninsule que l’Ithri’Vaan en font régulièrement les frais. Mais, rien ne vous empêche de continuer à voguer dans la plus grande insouciance tandis que les gens responsables tentent de trouver des solutions. »

    Tandis que le Quatrième et la Septième s’occupaient de Hernan et de Deejarah, Cassiopée prit à parti le dénommé Ballast, qui semblait être le moins idiot des pirates présents dans cette salle. Enfin … c’était un bien grand mot.

    « En effet, il est de notoriété commune que les pirates pillent. C’est un fait. Tout comme il est de notoriété commune que j’ai fait écorcher et vider comme des poissons ceux qui ont osé s’attaquer à mes caravanes avant de les suspendre à des pieux plantés dans le sol. Rien de personnel dans tout ça : mon rôle est de protéger ma cité. Maintenant, si vos augustes personnes se sentent menacées par quelques gardes armés de matraques, je doute que les pirates de Meca soient aussi terrifiants qu’on le dit. »

    Il était vrai que la directrice de la Compagnie Olyiane s’était faite une solide réputation auprès de la piraterie de la Côte Brûlée. Elle avait passé des années à négocier avec les pirates, à apprendre de leurs méthodes et à les travailler au corps pour faire en sorte que ses routes soient sûres. Elle avait tissé un réseau de relations fiables … mais des fois, il fallait se faire respecter par des moyens plus … violents. Les pirates se souvenaient encore des râles d’agonie de Berthold le Naufrageur et de son équipage, suppliciés pendant des jours sur les berges bordant Sélynonte, avant d’être dévorés par les mouettes.

    « J’insiste cependant sur le fait qu’un arrangement avec les Cités Libres vous serait des plus profitables. Après tout … vous n’êtes ni des agriculteurs, ni des artisans, mais des forbans. Vos gens ont besoin de vivres, de produits de luxe, mais surtout, d’une certaine respectabilité. En commerçant avec les Cités Libres, vous vous assurez une rentrée d’argent, de vivres et de biens qui éviteront à votre peuple de mourir de faim. Nous pouvons vous vendre toutes ces choses plutôt que vous vous échiniez à risquer vos vies pour les obtenir.

    Car les faits sont têtus. A mesure que les années passent, les navires des Cités Libres et de la Péninsule sont de mieux en mieux armés contre vos navires. Nos marins sont plus nombreux, chaque année mieux entrainés, et nos vaisseaux ne feront qu’augmenter en nombre. Notre proposition ne vous engage pas à grand-chose. Laissez nos navires commercer avec votre île, au moins quelques mois. Si le cœur vous en dit par la suite, vous pourrez guerroyer contre nous, avec tous les risques que cela comprend. Vous ne perdez pas grand-chose à dialoguer avec nous, quand les autres cités vous auraient déjà pendus sur les murs d’enceinte. Voyez ça comme … une opportunité pour vous diversifier. »


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MessageSujet: Re: ET GRISEO VELA [Deejarah]   ET GRISEO VELA [Deejarah] I_icon_minitimeVen 2 Oct 2020 - 12:53




Plus cette discussion avançait, plus je sentais que tout cela ne tenait nullement d’une négociation. Les paroles de ceux qui représentaient Ys, n’étaient que menaces et insultes envers notre petite délégation mécane. Alors au fond, à quoi rimait tout ça ?

- Dois-je vous rappeler que c’est sur votre invitation, une invitation à négocier que nous sommes venus ? Sur votre lettre, il était spécifié que vous aviez un marché intéressant à nous proposer, quelque chose concernant la protection de vos navires. Et maintenant que nous sommes là, vous nous menacez quasiment de pendaison si nous n’acceptons pas les conditions de votre marché ??
- Qui plus est, enchaîna Hernan, vous voudriez que nous nous excusions d’actes dont vous ne savez apparemment pas vous décider si ce sont les dragons ou les pirates qui en sont les responsables ? Dites-moi Dame d’Ys, sommes nous assis à une table de négociation ou à un tribunal ?  

Je finis par me lever une fois que cet imbécile de numéro je n’sais plus combien, s’amusa encore à nous insulter, en nous faisant passer pour des crétins des îles qui ne quittions jamais notre archipel. Lui, il devait revoir la définition d’un pirate. Et quand par-dessus le marché la drow parla de ceux qu’elle avait écorché et vidé comme des poissons, j’intervins en parlant d’un ton froid, et très calme mais mon expression laissait paraître combien j’étais en colère.

- Nous en avons assez entendu. Cher Mestre, vous m’avez dit avant de venir que Dame Meldyrin était la protectrice de cette cité et qu’à ce titre, elle est chargée des relations diplomatiques avec le reste des cités et autres factions présentes. Est-ce bien ce que vous m’avez dit ?
- Tout à fait. J’ajouterai en outre que le moindre écart à cette politique pourrait fort contrarier Thaar
- Je vois, c’est bien ce que j’avais cru comprendre…. Donc, malgré vos considérations à notre encontre, il semblerait que je doive vous rappeler que nous sommes, nous aussi une faction des peuples libres de ce monde. Dame Meldyrin, vous avez choisi d’inviter des pirates à votre table, pour négocier. Personne ne vous y a forcé. Nous avons donc gentiment accepté de venir, et tout ça pour quoi ? Pour entendre vos menaces à peine déguisées, si nous ne plions pas à vos exigences. Vous vous vantez des pirates que vous avez écorchés et vidé tels des poissons, sans parler des insultes à ce que nous représentons. Si c’est là votre façon de recevoir des invités, soyez assurée qu’aucun représentant Mecan ne répondra plus à aucune de vos … « invitations ».

Ballast se leva à son tour, aussitôt imité par Hernan.

- Voilà qui est justement dit. En fin de compte, je n’avais pas fait erreur. Votre sens de la négociation et de la diplomatie ne fait pas honneur à votre cité et votre conseil des treize pourrait bien s’en mordre les doigts au vu des paroles prononcées ce jour. Cela ne sera pas sans conséquences, car je puis déjà vous assurer, Ma Dame que le conseil des Seigneurs Pirate n’appréciera pas du tout. Et je ne vous parle même pas de Thaar quand ils comprendront que c’est à vous qu’ils doivent de subir l’ire des pirates.

Mon maître fit alors face à la dame d’Ys.

- Nous allons donc prendre congé. Mais avant de nous en aller, je vous souhaite bonne chance dans la construction de votre flotte de navires marchands qui je ne doute pas intéresseront beaucoup les pirates à l’avenir.  Et…en ce qui concerne les navires de guerre de Thaar et cités de ce monde, péninsulaire, ou autre, hmm peut-être devriez-vous songer à les prévenir du danger que représente le dragon de Nelen ? Je suis sûr qu’ils seraient très curieux de lire vos rapports à ce sujet. Sauf si vous comptez trouver un dresseur de dragon pour le dresser à ne s’en prendre qu'aux pirates en particulier.

Ballast eut un de ces sourires qui définissait à lui seul la ruse dont il était capable. Le sous-estimer était la plus grosse erreur que cette dame ait pu commettre. Quant à l'opinion de cette demi-drow ou de ses autres numéros sur ma personne, je m’en fichai comme de ma première dent. Désormais je n’attendais que les retours de Ballast sur cet exercice de diplomatie qu’il m’avait donné à faire. Même si je n’étais vraiment pas convaincue de ma valeur sur le sujet. Si j’avais pu, je les aurais tous étripé ! Maiiiis ce n’était pas le but de l’exercice, donc je gardai ma frustration pour l’évacuer autrement plus tard.

Nous quittâmes tous les quatre les ateliers, non sans saluer brièvement nos hôtes. La jeune fille qui nous accompagnait, s’empressa de rejoindre nos pas son matériel sous le bras, tandis que moi et Hernan gardâmes un oeil sur les heaumes de bronze, mais d’aucun ne bougea et nous pûmes regagner rapidement le Vol d’Or.


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