[MdO 2021] La renaissance du phœnix | Solo

7ème ennéade
Printemps, Barkios 18:XI

La petite elfe marchait depuis presque un mois dans la direction indiquée par la forêt. Elle avait fait nombre de détours sans savoir pourquoi... Mais elle ne se posait pas de question. Anaëh la guidait, lui évitant les rivières infranchissables, les pièges des montagnes, les prédateurs redoutables... Elle ignorait tout cela mais avançait en pleine confiance. Désormais, elle ne cherchait plus à lutter. Elle n'essayait plus de tergiverser. Elle savait qu'elle recevrait un message lorsqu'elle serait arrivée à destination. Alors, comme on le lui avait maintes fois conseillé, elle prenait patience. Et, après huit ennéades de marche, elle sentit qu'elle touchait au but.

Désormais, Ciryië ne ressemblait plus autant à une enfant apeurée et égarée. Et il devenait difficile de reconnaître le style taledhels de ses vêtements. Dans les clans qu'elle avait croisé, on lui avait fourni de quoi changer ce qui était usé. On lui avait donné des accessoires utiles, des outils et même quelques baumes en cas de bleu ou de blessure légère. Tout cela tenait dans un petit sac qu'elle portait en travers de son dos.
Partout où elle était passée, elle avait intrigué. Par son regard semblable à celui d'un animal un peu perdu, par ses iris à la teinte si particulière, par la façon dont les chants de la prime oeuvre semblaient l'appeler... Cette elfe à la carrure si particulière n'était pas une jeune fille ordinaire... Ou, tout du moins, elle ne le serait bientôt plus.

Ce jour-là, la petite mage sentait qu'elle était près de sa destination. Tout près... Mais impossible de la trouver. Anaëh lui avait indiquée qu'elle y était puis s'était tue... Elle avait alors cherché un peu partout, allant jusque dans les arbres et les grottes alentours mais pas moyen de trouver ce qu'elle était venu chercher... Finalement, à la fin de la journée, elle avait trouvé un coin où passer la nuit et s'était assoupie.
Durant son sommeil, comme de plus en plus souvent, des rêves vinrent agiter son repos. Des rêves qu'elle ne parvenait pas tout à fait à atteindre... Elle ne voyait que des ombres puis de grandes flammes et... elle se réveillait en sursaut.

Ciryië se redressa soudainement, ouvrant de grands yeux dans un bond de terreur. Voyant une masse noire devant elle, elle recula tout aussi vite pour se plaquer contre le tronc sur lequel elle reposait la seconde d'avant. Au-dessus de ses jambes se tenait une silhouette qui pliait les jambes et la regardait. Sa réaction ne semblait pas l'avoir surpris car il n'avait eu aucun mouvement de recul comme si... il savait qu'elle allait faire ça. Bien vite, la petite elfe comprit qu'il s'agissait d'un homme portant un large masque représentant un leomenis et qui lui couvrait le visage et le torse tant il était grand. Ses yeux semblaient luire dans la nuit noire...
Sentant d'autres regards sur elle, elle tourna légèrement la tête et se rendit compte qu'il y en avait d'autres... Tous la regardaient telles des silhouettes sombres se détachant dans le crépuscule, les yeux luisant. Un loup, un chat, un hibou, une biche... Ils étaient tout une ribambelle portant chacun des ornementations différentes. Anaëh lui dictait de garder son calme alors elle s'efforça d'apaiser sa respiration tout en revenant sur le lion qui l'observait toujours. Il la regarda quelques secondes de plus et... releva son masque.

C'était un homme qui semblait avoir un certain âge. Sa peau était tannée par le vent salé de cette région au sol à moitié sablonneux. Ses cheveux noirs étaient coiffés de mèches et de petites tresses qui pendaient au-dessus de ses épaules. Il détailla l'étrangère sans un mot et s'engagea alors entre eux un dialogue muet. Il pivota la tête sur le côté avant que sa voix rocailleuse de résonne enfin de la nuit.

-Quel est ton nom ?

Ciryië sursauta presque en l'entendant prendre la parole. Il lui fallut quelques secondes avant de tenter de réagir à sa question et... elle sembla prise d'un doute. Elle se força néanmoins à répondre mais son prénom de naissance ne sembla pas satisfaire le vieil elfe. Il grimaça et se pencha un peu plus vers elle. Puis il renifla.

-Non. Fit-il d'un air renfrogné. Suis-nous. Commanda-t-il avant de se dresser et de s'éloigner.

La jeune fille le regarda partir, un peu hébétée. Puis elle réalisa qu'un des compagnons du Noss avait aussi relevé son masque... et que les autres suivaient le mouvement, dévoilant leurs visages à la petite inconnue. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle avait la sensation que c'était un signe... Qu'ils ne devaient pas se montrer sous leurs véritables traits à la première personne traversant leur territoire.
Finalement, elle se leva, prit son sac et suivit le leomenis. Elle s'enfonça dans la forêt, encadrée par la petite troupe de Noss, sans chercher à leur échapper ni à comprendre où ils allaient.

Même si elle se posait mille questions, elle avait confiance.

Assise près d'un feu, Ciryië regardait autour d'elle. La grotte dans laquelle elle se trouvait avait les murs totalement peinturlurés. Les dessins représentaient des elfes et des animaux, souvent associés l'un à l'autre. Les teintes étaient diverses et variées et dépendaient des créatures présentes sur la toile de calcaire. Du rouge, du jaune, du brun, du blanc, du noir, du gris, du bleu, du vert... Il y avait de tout et cela donnait à l'ensemble un caractère des plus singulier... Et plus chaleureux que les premières grottes dans lesquelles elle avait logé dans les montagnes de Daranovar.

Un mouvement près d'elle tira la petite elfe de ses songes et elle tourna le regard vers le leomenis démasqué. Elle prit le verre de bois qu'il lui tendait et le conserva dans ses mains. L'odeur de la boisson chaude qu'il contenait remonta jusqu'à ses narines. C'était assez atypique... Mélange de teintes boisées et fruitées. Elle y trempa les lèvres tandis que son hôte prenait place près du feu de manière à la voir. Les autres membres du groupe qui l'avaient conduit ici se tenaient un peu plus loin, au milieu d'autres membres de leur clan, parlant à voix basse en les épiant. Le vieux Noss, de son côté, ne disait rien.

-Pourquoi avez-vous dit "non" quand je vous ai dit comment je m'appelais ?
-Parce que ce n'est pas ton nom.
-C'est celui que mes parents m'ont donné...
-Et n'as-tu pas senti qu'il ne te convenait plus ?

La jeune mage fut d'abord stupéfaite par la réflexion de son interlocuteur mais se rendit bien vite compte qu'elle n'avait rien à lui répliquer. Effectivement, elle avait été prise d'un doute au moment de lui répondre et il l'avait probablement remarqué. Depuis l'éveil de son Souffle, elle n'était plus certaine de savoir ce qu'elle devait dire lorsqu'on lui posait la question. Alors... Elle était bien obligée de reconnaître qu'il avait raison.
Le vieil elfe sembla lire le cheminement de ses pensées dans son regard et hocha longuement la tête d'un air satisfait.

-Sais-tu qui nous sommes ? Devant la réponse négative de la jeune fille, l'homme se montra intrigué. Que fais-tu ici dans ce cas ?
-Ça, il faudra le demander à Anaëh.

Son interlocuteur la dévisagea d'un air interdit et pensif. Ciryië commençait à avoir l'habitude de ce genre de réactions...

-Je suis ses chants. Ils me guident d'une destination à l'autre... Comme s'ils cherchaient à me montrer quelque chose.
-Et ils t'ont guidés jusqu'ici... Comprit le chef du clan.

La petit elfe hocha lentement la tête et il sembla réfléchir un moment avant de reprendre. Il désigna les murs colorés de la caverne d'un large geste du bras.

-Sais-tu ce que c'est ? Elle regarda de nouveau les peintures puis répondit silencieusement par la négative. Il s'agit des membres de mon clan, représenté par notre chaman après leur éveil. Chacun y est ici représenté avec l'animal qui les représente le mieux. Le loup solitaire, le renard rusé, la gerbille espiègle, le hibou veilleur, le leomenis gardien... Nous avons chacun le nôtre, et un nom pour l'accompagner. Je suis Beriagarel, "celui qui protège les siens".

Ciryië fixait son interlocuteur du regard, cherchant dans son discours la raison de sa présence ici. Cet homme s'était focalisé sur ses doutes concernant son nom : y avait-il un lien ? Elle demeura silencieuse et il reprit.

-Quand dois-tu faire ton passage à l'âge adulte ? Demanda-t-il en des termes génériques, sachant pertinemment que tous les clans et les taledhels n'utilisaient pas le même terme.
-Je suis adulte. Se contenta-t-elle de répondre. Mais le Noss sembla lire entre les lignes, une fois de plus.
-Mais tu n'as pas fait ton Choix...

La cérémonie du Choix. Oui, cela lui disait quelque chose... Et, même si en cet instant ils lui donnaient une signification totalement différentes, la réponse demeurait la même : elle n'avait effectivement rien fait de tel.

-Pourquoi vous vous intéressez à ça ?

Le vieil elfe se pencha en avant.

-Parce que tu fais des cauchemars. N'est-ce pas ? Une fois de plus, elle répondit d'un signe de tête. Depuis quand ?
-Quelques ennéades. Finit-elle par répondre après une hésitation.
-Suite à un évènement marquant, hum ? Encore un signe de tête. Et, comprends-tu ces rêves ?
-Non... C'est très vague. Il y a des ombres et de grandes flammes à la fin... C'est tout ce que je distingue.
-Je vois. Dit-il en se redressant. Eh bien, si tu le souhaites, nous pouvons t'aider à mieux distinguer ton rêve et à le comprendre.
-Comment ?
-Nous sommes tous passé par là. A l'aube de notre passage à l'âge adulte, Anaëh nous envoie un signe et nous fait faire un rêve. Un rêve qui nous apprend qui nous sommes, quel est notre rôle dans la Trame de la vie et au sein de notre clan. Nous sommes alors rebaptisé et arborons l'animal que nous avons vu en rêve et qui nous a ouvert les yeux. C'est ce que nous appelons : l'éveil.
-Mais je... ne suis pas de votre clan.
-Mais tu doutes de ton propre nom et tu cherches ton destin. Je me trompe ? Devant le silence de la jeune fille, il comprit qu'il avait raison. Bien. Nous commencerons dès ce soir.

A la nuit tombante, Beriagarel était revenu chercher la petite elfe en compagnie du chaman et en lui demandant de les suivre. Armés d'une simple torche, ils s'étaient rendus plus profondément dans la grotte en silence. Tout ce cérémoniel rappelait étrangement à Ciryië son expérience chez les Lirfelu. Cependant, leur abri à eux n'étaient pas en hauteur dans les montagnes et s'enfonçait dans le sol. Après de longues minutes, ils arrivèrent dans une salle creusée naturellement dans la roche. Un cours d'eau souterrain entourait une petite esplanade sur laquelle reposait un lit assez particulier. Le matelas était composé d'une multitude de fourrures de toute sorte. La tête était un enchevêtrement de plumes ornementales créant une fresque digne de la parure d'un paon. De-ci de-là, on trouvait des emplacement pour des chandelles d'huile et des bâtons d'encens. Les murs, ici, étaient nus et abruptes, contrairement au reste des galeries.
Le chef de clan désigna la couche à la jeune fille afin qu'elle aille s'y installer. On l'avait vêtue d'une robe toute simple et ses yeux étaient peints, soit disant pour lui permettre de voir ses rêves plus clairement. Elle s'avança et usa de sa magie pour passer de l'autre côté du ruisseau là où tous les autres devaient probablement sauter par-dessus. Ses pieds rencontrèrent alors la douceur des fourrures et elle les caressa de ses orteils. Puis elle s'allongea et ferma les yeux. Elle s'endormit en humant la fumée des encens et en se laissant bercer par les psalmodies du chaman.

******

Ciryië ouvre les yeux. Elle se sent perdue.
Elle se redresse et observe les alentours. Elle est dans la grotte où elle s'est allongée.
Beriagarel a disparu. Le chaman aussi.
Elle est seule. Désespérément seule.
Le silence et l'ombre qui l'entourent sont pesants.

Et puis...
Une lueur apparaît dans le couloir.
Une lueur qui devient de plus en plus forte, jusqu'à presque l'éblouir.
Elle entre dans la pièce et s'intensifie soudainement...
Elle est aveuglée et sent la chaleur envahir l'endroit pourtant glacé.


******

La petite elfe se redressa soudain. Son cœur battait la chamade et sa respiration était haletante. Elle releva les yeux et vit le chaman et le leomenis qui étaint toujours là. Ce dernier s'était levé, apparemment peu habitué à ce que quelqu'un réagisse de cette manière à son éveil.

-Que s'est-il passé ?
-Son esprit redoute ce qu'il voit et résiste.
-L'ombre et la lumière ne font pas toujours bon ménage... Réplique la jeune fille qui se remet déjà debout.
-Donc cela est déjà arrivé qu'elles le soient ?

Ciryië s'arrête dans son élan.
Oui, c'était déjà arrivé... A une époque, elle s'entendait très bien avec Fineldor qui avait longtemps fait office de père pour elle. Et aujourd'hui, elle était l'amie d'un clan où mages de l'ombre et de la lumière se mariaient à merveille. Parmi eux, il y avait Sërythil qui, certes, ne maniait aucune de ces disciplines mais qui avait fait office de phare dans la nuit pour elle alors qu'elle se sentait totalement perdue.
Devant le silence de la petite elfe, le chef de clan comprit une fois de plus qu'il avait raison.

-Tu es l'ombre. Mais peut-être n'es-tu surtout que l'ombre de toi-même. Si tu n'acceptes pas ta part de lumière, tu ne peux pas réussir.

Elle serra les dents. Elle avait dû admettre que la majeure partie de sa vie était une horreur dans nom, qu'elle avait commis des actes abominables, qu'elle avait toujours vécu dans le noir... Même si elle avait recouvré tous ses souvenirs, c'était ce dont elle se souvenait le mieux de toute son histoire, ce qui la dominait, ce qui était le plus récent. Comme si ce qu'elle avait fait de bien n'existait pas...

-Anaëh semble t'avoir choisie. Elle doit bien avoir une raison.
-J'ignore laquelle... Je me demande chaque jour... pourquoi moi.
-C'est probablement que ton cœur est bien plus digne que le mien. Rétorqua-t-il avec calme.

Il n'était en rien jaloux, bien au contraire. Elle distinguait une certaine forme de respect dans le ton qu'il avait employé. Cependant, elle avait besoin d'être guidée avant de pouvoir accomplir la mission à laquelle la Prime oeuvre la destinait. Tout comme Sërythil avait dû lui faire comprendre qu'elle était la protégée d'Anaëh, lui devait lui montrer ce qui la rendait différente afin qu'elle comprenne qui elle était.

-Essayons encore, veux-tu ?

Ciryië ouvre les yeux. Elle se sent perdue.
Elle se redresse et observe les alentours. Elle est dans la grotte où elle s'est allongée.
Beriagarel a disparu. Le chaman aussi.
Elle est seule. Désespérément seule.
Le silence et l'ombre qui l'entourent sont pesants.

Et puis...
Une lueur apparaît dans le couloir.
Une lueur qui devient de plus en plus forte, jusqu'à presque l'éblouir.
Elle distingue finalement une forme entrer dans la pièce. Au centre de cette boule de flamme, il y a un grand oiseau lumineux.
La lumière s'intensifie soudainement...
Elle est aveuglée et sent la chaleur envahir l'endroit pourtant glacé.


******

Ciryië se redressa une fois encore. Elle était en sueur après le nombre de tentatives qu'ils venaient de faire. Elle fatiguait alors que les deux hommes prenaient manifestement leur mal en patience. Ils s'attendaient visiblement à ce que les choses tournent de cette façon.
La petite elfe reprenait son souffle avec difficulté puis finit par articuler quelques mots.

-Un oiseau... Le leomenis redressa les oreilles mais son corps ne bougea pas. Il y a un oiseau. Au milieu des flammes... Un grand oiseau de lumière.

C'était une vision assez étrange pour le chef de clan car l'éveil n'avait toujours produit que des créatures connues. Un oiseau de lumière, cela ne correspondait à aucune création de la Mère. Devant le silence du vieil elfe, la petite mage craignit le pire.

-Ça ne suffit pas, c'est ça ?
-J'ai bien peur que non.

Elle se laissa retomber sur le dos dans un grognement. Elle n'en pouvait plus et n'aspirait qu'à une seule chose : dormir. Mais ils lui avaient déjà expliqué avant sa dernière tentative qu'une fois le processus lancé, il ne fallait pas le rompre. Elle devait obtenir une réponse, même s'ils devaient y passer la nuit.

-Ton esprit doit céder.
-Mais il ne veut pas ! S'emporte la petite elfe, épuisée.
-Tu dois réessayer.
-J'ai besoin de me reposer !
-Si tu dors, ton rêve reviendra. Et il en sera ainsi jusqu'à ce que tu parviennes à l'interpréter.

Ciryië prit sa tête dans ses mains. Elle s'était lancée dans un cercle infernal sans y être préparée et avant d'être en capacité d'y arriver. Elle entendait la voix de Beriagarel qui insistait pour qu'elle continue et, soudain, elle eut l'impression de sentir les flammes de l'oiseau avant même de s'être endormie. Alors elle poussa un cri. Elle se redressa d'un bond, ouvrant une brèche dans l'ombre et s'engouffrant aussitôt dedans. A toute vitesse, elle traversa la caverne à l'abri dans son monde noire et sans vie. Elle n'en ressortit d'une fois arrivée à l'entrée et se mit à courir à l'aide de ses propres jambes. Elle s'enfuit à travers les bois, sans regarder derrière elle et sans se rendre compte qu'elle était parfaitement à son aise sur ce sol chaotique. Elle avançait si vite qu'elle avait presque l'impression de voler et que rien ne pourrait l'arrêter... jusqu'à ce qu'elle ne chute soudain après plusieurs minutes de course ininterrompue.
Son corps fut recueilli par le sol meuble fait d'un mélange de terre, de sable et de feuilles. Il lui fallut quelques secondes pour pour se redresser avec peine. Elle secoua la tête, étourdie par le choc de sa chute. Elle ne vit pas perchées dans les arbres au-dessus d'elle les masses de silhouettes masquées qui l'avaient rattrapée et qui l'observaient. L'un d'eux fit mine de vouloir descendre la rejoindre pour s'assurer qu'elle allait bien mais le leomenis le lui interdit d'un geste. Le regard de la petite elfe était fixé sur un point devant elle.

Derrière un rocher, il y avait une lueur... Une lueur qui n'était pas là avant qu'elle ne tombe. Une lueur... qu'elle croyait reconnaître. Elle fut prise d'un étrange sentiment alors qu'elle se redressait. Elle redoutait ce qui allait se passer mais une voix entre les branchages lui dictait d'avoir confiance...
Alors, encore essoufflée par sa course, Ciryië avança prudemment vers ce rocher, entreprenant de le contourner. La lumière se faisait de plus en plus intense à mesure qu'elle approchait et elle commença à sentir la chaleur bien connue de ses flammes.

Elle marqua un arrêt et la voix se fit à nouveau entendre... Alors elle continua.

Derrière le rocher, elle découvrit une immense silhouette de flamme trois fois plus haute qu'elle et qui demeurait immobile dans les airs. Elle s'avança un peu plus jusqu'à se retrouver à quelques mètres d'elle. Les flammes entouraient ce grand oiseau de lumière qui volait sur place devant elle. Petit à petit, le feu diminua et l'oiseau se para de ses couleurs. Il fut bientôt doté de grandes plumes aux couleurs chatoyantes, allant du jaune au rouge en passant par le orange. Elle resta là à le contempler, fascinée par la splendeur de l'animal. Soudain, il sembla prendre feu et elle dût se protéger le visage à l'aide de son bras. Lorsqu'elle sentit le froid l'assaillir de nouveau, elle regarda devant elle et vit que l'oiseau avait disparu. Il s'était consumé en quelques instants, ne laissant de lui guère plus qu'un tas de cendre...
Ciryië demeura perplexe... Quelque cela signifiait ? Si c'était un présage alors... il n'était pas de bon augure. Mais alors qu'elle méditait, triste et inquiète, sur cette question, le tas de cendres s'anima de nouveau. Lentement, la poussière s'éleva dans les airs pour former d'abord une masse sans traits particuliers. Peu à peu, la masse sembla se parer d'ailes... d'un long cou... d'un bec... et d'une queue majestueuse. Rapidement, l'oiseau se reconstitua sous ses yeux. Il n'était plus paré de ses couleurs, son plumage était désormais noir. Mais il était plus beau que jamais tandis qu'il flottait dans les airs, auréolé de lumière.

La petite elfe resta ébahie devant cette vision qui dura quelques secondes avant que quelque chose ne lui dise de se retourner. Elle tomba alors nez à nez avec Beriagarel, le masque relevé, accompagné des siens. Encore hagard, elle pivota pour voir que l'oiseau avait disparu. Elle le chercha, mais il n'y avait plus rien... Elle ne pouvait pas avoir imaginé tout cela ?! Elle revint alors vers le leomenis pour s'en assurer.

-Vous l'avez vu ? Mais le vieil elfe ne semblait pas comprendre quoi elle parlait. C'était un oiseau. Un oiseau immense rouge, et jaune, et orange. Il a pris feu et il n'en ai plus resté que des cendres. Puis les cendres se sont animées et ont formé un nouvel oiseau. Le même, mais en noir. Entouré de lumière.

Ciryië crut être devenue folle. Ce qu'elle racontait était impossible et le chef de clan la regardait sans rien dire et sans montrer la moindre émotion. Il flotta un long silence avant qu'il ne daigne enfin réagir.

-Ce que tu as vu était ton rêve. Les faire éveillé est très rare...
-Alors... C'était... mon animal ? Q... Qu'est-ce ça veut dire ?
-Ça veut dire... Il s'approche d'elle et pose une main sur son épaule. ... que tu peux enfin te reposer. Dans quelques jours, tu sauras tout.

La cavité principale de la grotte était bien plus animée que depuis l'arrivée de la petite elfe. Tout le clan s'était rassemblé là. Plusieurs feux avaient été allumés afin d'éclairer les lieux comme jamais. Aux quatre coins de la pièce, quelqu'un jouait du tambour. Lorsque la jeune fille entra, des flûtes vinrent se mêler à leur son, amenant de la légèreté à cette mélodie rythmée. On l'avait vêtue d'une simple robe noire aux manches découvertes. Ses cheveux étaient attachés en demie-queue et ses yeux étaient maquillés avec soin.
Au milieu de l'assemblée l'attendait le chaman. Lui et certains membres distingués du clan s'étaient réunis plusieurs jours durant afin de débattre autour de cette cérémonie. Une salle lui avait aussi été interdite depuis son rêve éveillé. Après avoir pris une bouffée d'air, la petite mage s'avança d'un pas lent au centre de la grotte. Elle s'arrêta devant l'homme au visage peint et au dos couvert d'une épaisse et ancienne peau de cerf. Tous portaient leurs attributs mais lui seul montrait son visage. On aurait dit une assemblée de druides...

Et soudain, tambours et flûtes se turent.

-Enfant de la Mère. Protégée d'Anaëh. C'est la Symphonie qui t'a conduite jusqu'à nous afin d'achever la mutation qu'elle a voulu te faire réaliser et que tu as accepté de suivre. Ce soir, tu sors de ton cocon, jeune papillon.

Plongeant son pouce dans une écuelle de bois, il en ressortit avec le doigt couvert de peinture noire. Il en appliqua alors sur ses joues et son menton afin d'y tracer des traits verticaux. Les tambours reprirent alors, doucement, tandis qu'il se retournait. Une biche lui tandis alors un ornement fait de métal et de nombreuses plumes noires et d'un grand bec. Le chaman le prit délicatement et le posa sur la tête de la jeune fille.

-L'animal qui t'est apparu en rêve est un Phoenix. Cet oiseau légendaire se consume de lui-même lorsqu'il devient trop âgé puis se reconstitue à partir de ses propres cendres afin d'entamer un nouveau cycle de vie. Tu entames aujourd'hui le tien. Tu es... Cilastiel, "celle qui renaît de ses cendres".

Les tambours se firent alors plus forts, les flûtes reprirent leur mélodie et les Noss entonnèrent le chant de leur animal totem. La petite elfe resta interdite un instant puis elle tira sur le bec de son masque afin de le faire descendre sur son visage. Elle peinait à réaliser et répétait ce nom que le clan venait de lui donner.
Et plus elle le prononçait à voix basse, plus elle avait l'impression de dire quelque chose d'évident.

Cilastiel...

Cilastiel.