Aux grands maux les grands moyens | Maralina Irohivrah

An 18 du Cycle 11 Mois de Bàrkios, second mois de printemps, seconde ennéade, Tariho :

Attention : Aux joueurs suivant la trame de l’Œil frémit mais jamais ne se ferme, ce rp spoil ce qu’il s’est passé du côté de Nehril. Pour ne pas être spoiler, je suggère de vous y reporter.

La journée était bien avancée lorsque le mercenaire aux cheveux clairsemés d’argent repoussa un badaud qui lui entravait le chemin. Le pouilleux lâcha un cri indigné, mais remarquant la mine patibulaire de celui-ci, préféra ne pas l’invectiver davantage. Franchissant la foule comme un couteau s’enfonçant sans mal dans du beurre, le mercenaire dardait un regard furieux sur les alentours. C’était un nouvel échec pour lui. L’endroit d’où il sortait était le magasin d’un tisserand particulièrement réputé dans la ville. L’homme ne lui avait été d’aucune utilité. Il l’avait même pris de haut en détaillant avec dégoût son armure de maille et son épée attachée dans son dos. À peine Nehril y avait mis les pieds à l’intérieur qu’il avait su qu’il n’y était pas le bienvenu.
Ses pistes devenaient de plus en plus faibles. Les commerçants refusaient de s’ouvrir à lui et menaces et coups ne leur faisaient guère plus d’effet qu’une flatulence au visage.

Adossé à un mur, le semi-elfe réfléchissait à sa prochaine action. S’il n’avait pas les moyens d’en apprendre davantage sur l’endroit où l’Œil opérait, il devrait s’en remettre à quelqu’un d’autre. Qui à Thaar disposait de l’influence nécessaire pour effectuer ces recherches ? Et accessoirement en qui le mercenaire avait-il suffisamment confiance pour pouvoir faire appel à son aide sans crainte ?
Le regard du mercenaire coula doucement vers l’imposant bâtiment qui lui faisait face avant de le reconnaître. Le manoir Irohivrah. Était-ce un signe ? Nehril haussa les épaules. Il fallait bien commencer quelque part. Cela faisait des années qu’il n’avait pas revu la princesse-marchande. Il avait bien entendu certaines rumeurs à son encontre, mais il n’avait fait qu’y prêter une attention des plus distraites. Il ne savait pas s’il était toujours le bienvenu auprès de Maralina. Après tout, il avait quitté son service d’une manière des plus précipités à l’époque.

Nehril se dirigea vers les portes de la demeure et s’adressa d’une voix claire aux hommes qui les gardaient.

— Je suis Nehril, j’aimerais avoir une audience avec la princesse-marchande.

Comme à son habitude, il était direct et sans fioriture. Sans témoigner le moindre égard pour autrui et sans caresser les nobles dans le sens du poil. Il était ainsi fait, et ne se rendait même pas compte. Il espérait seulement que Maralina puisse le recevoir.

Le milicien observa la figure s’approcher. Il avait la vague impression de le connaître celui-là… Les cheveux blancs, la barbe en broussaille, et un regard de tueur… Ouais définitivement il l’avait vu a quelques parts. L’elfe pencha la tête sur le côté, suivant l’homme du regard alors qu’il se rapprochait de plus en plus.


«Je suis Nehril, j’aimerais avoir une audience avec la princesse-marchande.»


Mais ouiiii! C’était Nehril! L’elfe lui fit un grand sourire avant de baisser légèrement son arme; « Ah oui! Nehril! Ça fait longtemps! On ne t’a pas vu depuis la chasse à Uldal’Rhiz! Content de te revoir en tout cas! » lui répondit le milicien comme si c’était un vieil ami. À croire que ce dernier faisait partie des innombrables membres de la garde qui avait accompagné le Seigneur Oesgardien a la chasse. Il se foutait bien de si le mercenaire le reconnaissait ou non. Il avait partagé quelques cervoises autour du feu en parlant de tout et de rien, mais ce n’était pas comme s’ils avaient été réellement proches. Le milicien se retourna vers un des confrères avant de lui donner un ordre; « Va avertir la Princesse que Nehril requiert une audience. » Le milicien hocha la tête, avant de se mettre en route vers le palace Irohivrah. Le milicien, pendant ce temps, parlait de la pluie et du beau temps, tentant de mettre le mercenaire de meilleure humeur. J’ai bien dit tenter, car soyons honnête – Nehril était loin d’être la personne la plus ouverte en ville. Il avait toujours ce petit air grincheux. Mais à croire que cela avait plu d’une certaine façon à la Princesse d’Uldal’Rhiz.  


Au bout de quelques interminables – du moins, du point de vue de Nehril, probablement pas celui de notre milicien beaucoup trop accueillant – minutes, le milicien revint avec un serviteur. Ce dernier invita Nehril à le suivre, et reprit la direction du palais, silencieux. Cela prit plusieurs minutes, mais le serviteur conduisit le demi-elfe dans une pièce qu’il devait connaître – le bureau de la Princesse Marchande. Ce dernier avait peu changé depuis leurs dernières rencontres. Les mêmes canapés d’un blanc immaculé qui encerclait soigneusement une énorme cheminée de marbre blanc, là, où un feu léchait délicatement la pierre. Un bureau de bois massif au fond, de la pièce, dominant l’extrémité, tandis que d’innombrables bibliothèques remplies de parchemin et de livres en toute sortes semblait soigneusement rangés. « Cela fait longtemps que j’ai eu de tes nouvelles… » La voix cristalline résonna dans l’énorme pièce alors que la Princesse Marchande sembla sortir de l’obscurité devant le mercenaire. Un sourire aux lèvres, la Vaanie détailla de la tête au pied Nehril. Il n’avait définitivement pas changé. À croire que le temps, comme elle, ne la touchait pas. Après tout, les deux demi-elfes avaient vécus plusieurs aventures il y a de cela plus de dix ans… Elle passa doucement sa main sur son ventre bombé, seule chose qui avait réellement changé chez cette dernière, il fallait avouer que porter des jumeaux était loin d’être facile à camoufler. Après son inspection, cette dernière reprit finalement la parole; « Contente de te revoir. Je t’en prie, assieds-toi. » Dit-elle en lui faisant doucement signe de s’asseoir sur l’un des canapés immaculés.


Elle s’assit en face de ce dernier alors qu’une esclave sembla apparaître de nulle part, apportant une tisane à la Princesse et en demandant au mercenaire si elle pouvait lui servir quoi que ce soit. Une fois qu’elle eut pris sa commande, cette dernière quitta la pièce, et c’est seulement à ce moment-là, que la Vaanie reprit la parole; « Je vais supposer que tu as quelques choses à me demander, sinon tu ne serais pas là. » Elle se pencha doucement avant d’attraper doucement la tasse pour la porter à ses lèvres. Il n’était pas sorti de nulle part pour parler de la pluie et du beau temps. Ce n’était pas un reproche, ni une plainte quelconque. Nehril avait fait énormément de chose pour elle, et si elle pouvait lui rendre la faveur, elle le ferait sans hésiter.

La soudaine ferveur du soldat prit de court Nehril. Ne sachant comment répondre à ce brusque déluge de questions puis de racontars, il se contenta de grogner en guise d’assentiment voir de lâcher quelques mots évasifs lorsque l’autre s’attendait à le voir réagir. La vérité est qu’il ne se souvenait pas très bien de la chasse à laquelle il avait participé quelques années plus tôt. Le visage de son interlocuteur lui était également complètement étranger.

Lorsqu’on vint le libérer/chercher, le mercenaire ne put s’empêcher de pousser un soupir de soulagement. Il promena son regard autour de lui alors qu’on le guidait dans les couloirs. Le palais n’avait guère changé depuis l’époque où il l’avait quitté. Nehril reconnut les mêmes couloirs qu’il avait jadis arpentés, et il aurait pu facilement se frayer un chemin jusqu’au bureau de la princesse-marchande sans mal. Il nota que Maralina avait pris au mot ses recommandations concernant la sûreté des lieux, car il ne remarqua aucune faille dans son système de sécurité.

Il finit par arriver dans le bureau de la princesse. Une foule de souvenirs lui revint, où la princesse et lui avaient œuvré à mettre un terme à de nombreuses menaces qui planaient à l’époque sur sa tête. Nul doute que d’autres, d’une tout autre envergure, planaient désormais sur elle.
La voix de la princesse le sortit de ces souvenirs. Un sourire vint naturellement naître sur ses lèvres et il inclina légèrement la tête.

— Maralina, la salua-t-il sobrement, mais avec un certain respect qu’il ne témoignait à guère de monde.

Le mercenaire nota rapidement son ventre rond, qu’il n’associa pas à une prise de poids si naturel chez les nobles, puis s’assit à sa demande. Maralina n’avait guère changé depuis l’époque. Étant donné leur sang, le temps n’avait qu’une emprise relative sur eux. Néanmoins, il remarqua que l’éclat de ses yeux, seule trace de son écoulement, témoignait d’une vie bien tumultueuse. Apparemment elle avait, elle aussi, vécu son propre lot d’aventures.

Nehril eut un nouveau sourire en réponse à sa dernière phrase. Décidément, elle ne le connaissait que trop bien. Il entreprit donc de tout lui dire, sans prendre de pincettes, comme il l’avait toujours fait avec elle.

— J’ai besoin de tes contacts, fit-il en sortant un morceau de tissu orné d’un œil rougeâtre sur le revers. Ma protégée a été attaquée par des individus arborant cette marque. Je la connais. C’est celle que brandissent les mercenaires de l’Œil Décharné.

Il posa le morceau devant la princesse afin qu’elle l’examine. Le tissu était d’une qualité médiocre, mais le dessin de l’œil était particulièrement soigné. Stylisé. Il ne faisait aucun doute au mercenaire qu’il était l’œuvre d’un personnage de qualité.

— J’ai déjà eu affaire à eux, continua-t-il en croisant les mains. Je croyais les avoir tous éliminés. Le mercenaire grimaça. Il faut croire que j’avais tort.

Nehril se pencha en avant.

— J’ai enquêté dans la cité, mais je n’ai rien trouvé qui puisse me mettre en relation avec quelqu’un qui les connaîtrait de près ou de loin. Mais je sais qu’ils sont là. Dans cette ville. Leur but est de m’éliminer : ce qui ne change guère mon quotidien, mais pas celui de ma protégée.

Le semi-elfe balaya les environs du regard avant de reprendre. Son ton était monocorde, signe qu’il était frustré de ne pouvoir régler ce problème comme il le faisait toujours : en passant les responsables par le fil de son épée.

— Ce tissu étant ma seule piste pour les retrouver, j’ai interrogé la plupart des tisserands de la ville, mais ces derniers se sont brusquement agités comme s’ils avaient reçu l’ordre de quelqu’un de se taire. Il chercha le regard de Maralina. Je sais que tu as la main mise sur cette cité. J’ai besoin de tes relations pour savoir qui est derrière ce dessin pour finalement remonter jusqu'à son commanditaire.

Un sourire. Eh bien, tout cela était bien nouveau. On aurait dit que le mercenaire s’était laissé emparer par la nostalgie. Se rappelant probablement des innombrables complots qu’ils avaient réussis à produire ou au contraire, à éviter. La Vaanie l’écouta sans l’interrompre, se penchant légèrement pour attraper le morceau de tissu et commencer une examination. Mais, Maralina s’arrêta net alors que Nehril lui mentionnait que Ceralynn avait été attaqué. Elle se souvenait que trop bien de cette rouquine qui avait fait tout une scène dans ce même bureau il y a de cela que quelques années, donnant du fil à retordre à son oncle… pardon – son protecteur. « Est-ce que Ceralynn va bien? » Nehril lui avait déjà mentionné l’œil décharné il y a quelques années. De mémoire c’était un groupe de mercenaires qui avaient brulés la maison de sa protégée… Il fallait croire qu’il n’avait pas réussi à se débarrasser de tous les membres… « Pour quelle raison souhaitent-ils t’éliminer? » C’était bien la première question qui lui venait en tête. Qu’avait-il vu? Ou qu’avait-il fait pour qu’un groupe s’acharne sur ce dernier.


La Princesse Marchande releva doucement ses prunelles azurées vers le mercenaire et rencontra rapidement son regard alors que celui-ci lui demandait de l’aide. Elle eut un léger sourire avant d’acquiescer. Son visage redevint sérieux alors qu’elle observait à nouveau le dessin sur l’étoffe, passant doucement le doigt sur le tissu de piètre qualité. « Ce n’est pas la première fois que j’entends ce nom. Tu me l’as déjà mentionné il y a quelques années dans ce même bureau et maintenant que j’y pense, je sais qu’une organisation clandestine se soit installé dans la cité, mais disons que pour le moment ils n’ont rien fait qui sortent de l’ordinaire. J’ai quelques espions qui m’ont donné des brides, mais disons que je ne les ai guère vu comme une menace. Du moins, jusqu’à maintenant. » Son regard azuré se releva vers Nehril en haussant les épaules; « Donne-moi une liste des artisans qui t’ont semblés mal à l’aise et je le ferais parler. Ensuite, si tu permets, je ferais une copie de ce symbole, quelqu’un, quelque part dans cette ville doit avoir vu ce symbole, et il sera aisé de le faire parler. » Que ce soit par l’argent ou la violence, les gens finissaient toujours par céder. Elle fit un signe a une esclave pour qu’elle aille chercher un scribe avant de déposer le morceau sur de l’étoffe sur la table. « Qu’en est-il de Ceralynn? Ou est-elle? » Sa main se porta doucement sur son ventre, caressant du bout des doigts ce dernier avec un geste maternel avant de continuer; « Je crois qu’elle serait mieux de venir ici. Ce n’est pas un endroit facile d’accès, et surtout, personne ne s’entendra à la trouver autour d’une Princesse Marchande. » Que cela soit comme invitée ou comme gouvernante, la jeune femme serait définitivement plus en sécurité entre les murs d’un palais.

Son discours achevé, il se laissa aller dans son fauteuil et attendit. Il était évident que Maralina aurait des questions avant de lui donner sa réponse.

« Est-ce que Ceralynn va bien ? » l’interrogea la princesse-marchande.

Nehril hocha la tête.

— Une blessure sérieuse, mais qui ne met pas sa vie en danger. Elle… Sa voix s’étrangla un instant. Elle est robuste.

« Pour quelle raison souhaitent-ils t’éliminer ? »

— J’ai jadis pensé que c’était lié à un secret de famille. J’ai longtemps cru que mon père était derrière tout cela. En rejoignant l’Œil, il s’est mis à croire que ma famille maternelle était à l’origine de tous ses malheurs. La perte de sa femme l’a rendu fou de douleur, et au lieu de vouloir protéger son héritage, il en est venu a préféré le détruire.

Le semi-elfe eut un silence. Ses yeux argentés brillaient d’une haine viscérale. Néanmoins sa voix était douce, comme le calme précédent la tempête.

— Cela ne me surprend pas, continua-t-il. C’est un homme brisé. Contradictoire. On finit souvent par détruire ce que l’on aime. Peut-être Ceralyn lui a-t-elle trop rappelé sa femme…

Nehril haussa les épaules.

— Quoi qu’il en soit, j’ai réglé le problème vis-à-vis de lui, conclut-il. Il n’est pas derrière tout cela. Je pense même qu’il n’était qu’un pion. Quelqu’un d’autre se tenait derrière lui. Le vrai chef de l’Œil… Les yeux du mercenaire se plissèrent. Je ne sais pas ce qu’il me veut. Ni à la fillette. Mais peut-être souhaite-t-il simplement se venger de moi pour avoir massacré ses hommes ?

Le soulagement se dépeignit sur les traits du mercenaire lorsque Maralina accepta de l’aider. Le fait de savoir qu’elle mettait ses ressources à l’œuvre pour enquêter sur ce symbole lui ôta un poids bien trop lourd de ses épaules. Il lui donna rapidement le nom de plusieurs artisans qui lui avait semblé suspect, et laissa la princesse appelée quelqu’un pour reproduire le symbole.

Alors que toutes les instructions étaient données et que tous les spécialistes se mettaient en branle pour les laisser, Nehril fit un signe de tête en direction du ventre de la princesse.

— La maternité te réussit bien, lâcha-t-il avec maladresse. Navré de t’entraîner dans cette histoire compte tenu de ton état. Tu... tu devrais mériter d’un peu plus de calme.

« Qu’en est-il de Ceralynn ? Où est-elle ? Je crois qu’elle serait mieux de venir ici. Ce n’est pas un endroit facile d’accès, et surtout, personne ne s’entendra à la trouver autour d’une Princesse Marchande. »

— Pour l’instant la fillette va bien, grommela-t-il. Un peu trop bien même. Elle est cachée. Je… je ne souhaite pas la mêler à tout cela. Là où elle est, elle demeure en sécurité. Et je sais que quelqu’un veille sur elle. Qui plus est, tu devrais la voir : elle n’écoute plus aux portes comme avant, elle les enfonce à coup de pied.

L’ombre d’un sourire vint poindre sur les lèvres cendrées du mercenaire. Il reporta son attention sur Maralina. En attendant les résultats de ses hommes, ils avaient du temps.

— Que s’est-il passé de ton côté depuis… quoi… sept ans ? Bigre, à revenir ici j’ai l’impression de n’avoir quitté ton service que depuis quelques jours…

La princesse d’Uldal’Rhiz écouta sans interrompre le récit du mercenaire. Son visage inexpressif, alors qu’elle analysait la situation. Se pouvait-il que la relation entre Ceralynn et Nehril soit bien plus compliquer que celle d’une protégée? Ceralynn, elle-même, avait posé l’hypothèse que ces derniers étaient reliés il y a quelques années. Maralina avait l’impression que ces deux derniers étaient probablement frère et sœur… ou que Nehril soit en réalité son père… À voir comment sa voix s’était brisé lorsqu’il lui avait parler de son état cela ne l’aurait définitivement pas surprise.


«La maternité te réussit bien. Navré de t’entraîner dans cette histoire compte tenu de ton état. Tu... tu devrais mériter d’un peu plus de calme.»


Maralina eut un sourire amusé. Si seulement il savait… Découvrir que l’on portait les enfants du Karliik Glenn, dans son camp, après une bataille n’était en rien une partie de plaisir. Ces enfants étaient robustes, ils avaient déjà survécu aux affres de la guerre, non pas une mais deux fois. « Merci, mais ne t’inquiète pas. Les deux derniers mois ont été loin d’être les plus tranquille. C’est une habitude maintenant, je n’ai guère de temps pour me reposer. Mais j’ai vite appris à savourer les petits moments de quiétude. » Elle s’arrêta un moment, l’air pensive avant de continuer; « Je te dois beaucoup de toute façon, la moindre des choses est que je te rende la pareille pour les services que tu m’as donnés. » La princesse d’Uldal’Rhiz était loin d’être ingrate, et bien que le mercenaire ait été grassement payé dans le passé, cela ne changeait pas qu’il aille été loyale, et qu’il méritait bien cette faveur.


« Pour l’instant la fillette va bien, peu trop bien même. Elle est cachée. Je… je ne souhaite pas la mêler à tout cela. Là où elle est, elle demeure en sécurité. Et je sais que quelqu’un veille sur elle. Qui plus est, tu devrais la voir : elle n’écoute plus aux portes comme avant, elle les enfonce à coup de pied. »


Maralina eut un léger sourire avant d’acquiescer; « Si jamais tu as besoin d’un endroit pour toi ou Ceralyn, n’hésitez pas à venir me retrouver. Disons que ce n’est pas l’espace qui manque. » Et c’était vrai! Entre les deux énormes palais d’Uldal’Rhiz et de Thaar, il ne manquait définitivement pas de place pour deux invités. En réalité, la demie-elfe ne remarquerait probablement pas que les deux êtres seraient sous son toit.


« Que s’est-il passé de ton côté depuis… quoi… sept ans ? Bigre, à revenir ici j’ai l’impression de n’avoir quitté ton service que depuis quelques jours… »


Maralina eut un sourire avant de hocher la tête doucement; « En effet, le temps a passé beaucoup trop vite. On a beau ne pas changer en apparence, cela ne veut pas dire que les épreuves que l’on traverse ne nous font pas évoluer. »[/b] Elle prit la tasse de thé que l’esclave déposa devant elle avant de la porter à ses lèvres, avalant une gorgée du chaud breuvage; « Quant à ce qui s’est passé…. Disons beaucoup de chose… Je suis mère maintenant. D’une fille et deux garçons. Et j’ignore si tu te souviens de la jeune humaine qui m’a sauvé à Naélis? Elia? » Elle attendit que le mercenaire lui fasse un signe quelconque avant de continuer; « Je l’ai prise sous mon aile il y a quelques années pour finalement l’adoptée l’année dernière. Tout cela était une aventure en soi. Avoir une famille est probablement ma plus grande fierté. » Un double sens? Mais totalement. Il le réaliserait bien un jour. La demie-elfe haussa doucement des épaules en continuant; « Sinon gérer les affaires de la principauté et de mes commerces comme à l’habitude. Je suis maintenant Princesse Marchande d’Uldal’Rhiz et des Sept-Monts, le travail n’arrête jamais. Et toi? Que s’est-il passé pendant toutes ces années? »

Nehril hocha la tête en signe de reconnaissance pour sa proposition. Malgré la confiance qu’il portait en Maralina, il ne souhaitait pas la mêlée trop en profondeur dans ses problèmes. Il craignait que, semblables à la pierre qui ricoche sur l’eau trouble, ses propres soucis ne viennent parasiter les siens. Le semi-elfe fixa le ventre rond de la princesse-marchande. Non, il ne devait pas. Maralina faisait preuve d’une grande bonté à son égard : il ne devait pas en abuser.

La demie-elfe pencha la tête sur le côté en répondant à sa question :

« En effet, le temps a passé beaucoup trop vite. On a beau ne pas changer en apparence, cela ne veut pas dire que les épreuves que l’on traverse ne nous font pas évoluer. »

Nehril opina. Il était entièrement d’accord. Son voyage à Nisétis en était une preuve flagrante.

« Quant à ce qui s’est passé… Disons beaucoup de choses… Je suis mère maintenant. D’une fille et deux garçons. Et j’ignore si tu te souviens de la jeune humaine qui m’a sauvé à Naélis? Élia ? »

— Élia…, répéta le mercenaire se souvenant vaguement de la jeune femme. Oui…

« Je l’ai prise sous mon aile il y a quelques années pour finalement l’adopter l’année dernière. Tout cela était une aventure en soi. Avoir une famille est probablement ma plus grande fierté. »

Nehril plissa les yeux, mais ne comprit pas le sous-entendu. Il remarqua qu’elle semblait étrangement… heureuse. Une question vint jaillir dans un coin de son esprit avant d’être rapidement écarter : Ceralyn était-elle sa propre famille comme Maralina était celle d’Elia ? Cela semblait étrange à ses yeux.

« Sinon gérer les affaires de la principauté et de mes commerces comme à l’habitude. Je suis maintenant Princesse Marchande d’Uldal’Rhiz et des Sept-Monts, le travail n’arrête jamais. »

— Des Septs-Monts ? répéta-t-il en sifflant. Il faut croire que c’est une sacrée avancée sur l'échiquier politique. J’avais entendu quelques échos, mais je doutais que ce soit vrai. Je suppose que je n’ai plus qu’à te féliciter ? Même si je suppose que cette « récente acquisition » t’a attiré davantage d’ennemis que d’alliés…

« Et toi ? Que s’est-il passé pendant toutes ces années ? »

Le mercenaire posa ses coudes sur les accoudoirs de son fauteuil.

— Quelques aventures de mon côté également, répondit-il en se préparant à lui fournir un résumé exhaustif.

Il lui raconta les Grands Jeux de Thaar auxquels il avait participé. Son contrat qu’il avait exécuté avec Sirène, Drystan et La Grise face à l’odieux couple Delzeenil. La vengeance de ceux-ci se soldant par la mort de La Grise. Son escapade dans les rues de Sol'Dorn avec Lucrétia en pleine conquête de la ville. Il ne mentionna pas les cadavres qui gisaient dans ces rues étroites à leur arrivée, mais son visage sombre ne trompa pas la princesse-marchande. Il finit par lui raconter brièvement son aventure à Nisétis, qu’il avait effectué en compagnie d’une nécromancienne, d’un mercenaire taciturne et d’un mage du feu fou.

— Mais comme tu t'en doute, poursuivit-il se doutant que là était la question d’origine de Maralina, je suis toujours mercenaire. Il haussa les épaules, comme pour signifier qu’il n’avait guère d’autre choix. Ceralyn est toujours avec moi. J’ai essayé de l’emmener dans une autre voie que la mienne, mais cette imbécile a préféré celle du mercenariat.

Le semi-elfe balaya la pièce du regard. Il désigna le ventre de Maralina.

— Et où est son père ? fit-il s’attendant à le voir dans le même palais que la princesse marchande.

«Des Septs-Monts ? Il faut croire que c’est une sacrée avancée sur la sphère politique. J’avais entendu quelques échos, mais je doutais que ce soit vrai. Je suppose que je n’ai plus qu’à te féliciter ? Même si je suppose que cette « récente acquisition » t’a attiré davantage d’ennemis que d’alliés…»


Maralina haussa des épaules sans répondre. Un de plus ou un de moins, cela ne changeait guère les choses. Elle savait pertinemment qui était sa prochaine cible et qui l’espionnait. Ne restait qu’à lui dévoiler quelques informations pour lui tendre un piège, mais cela, c’était une toute autre discussion.


« Mais comme tu t'en doute, je suis toujours mercenaire. Il haussa les épaules, comme pour signifier qu’il n’avait guère d’autre choix. Ceralyn est toujours avec moi. J’ai essayé de l’emmener dans une autre voie que la mienne, mais cette imbécile a préféré celle du mercenariat. »


« Cela ne m’étonne guère. Déjà à un jeune âge elle t’admirait beaucoup. » Elle se souvenait de cette petite rouquine pleine d’entrain qui avait l’art d’exaspérer le mercenaire. C’était comique à voir. Ils avaient toujours été un beau duo, il lui semblait tout naturel que la jeune fille ait suivi les traces du protecteur qu’elle aimait tant… Puis, Nehril lui raconta les innombrables aventures qu’il avait pris part. Maralina n’hésitant pas à l’interrompre pour émettre un commentaire ou poser des questions. Ces récits étaient forts intéressants. Des aventures fortes en émission qui ne finissaient plus. Elle avait bien passé quelques heures à discuter avec ce dernier et elle ne s’en lassait définitivement pas. Puis, la fameuse question vint;


« Et où est son père ?»


« Tu veux dire qui est leur père? » dit-elle en souriant, révélant l’arrivée de jumeaux. Elle haussa les épaules en ayant un sourire amusé; « À Erlem. En train de planifier sa prochaine invasion je suppose. » révéla-t-elle l’air nonchalant en déplaçant doucement son regard vers le sol, le sourire aux lèvres. « Le Karliik Glenn n’est guère du genre à tout arrêter pour une famille. » Son regard azuré se porta à nouveau sur le mercenaire, analysant sa réaction. Elle se doutait bien que ce dernier ne serait pas enthousiasmé par la nouvelle, tout comme Dante ou Marzaban. « Il faut croire que les dieux aiment compliquer ma situation. Je crois que je peux compter sur toi pour taire le père des jumeaux, comme faire taire toutes rumeurs qui te viendrait aux oreilles mentionnant que je suis à moitié elfe. » Il était capital que ses origines ne se rendent pas aux oreilles de Sagar. Pour sa propre sécurité et celle des enfants. Elle trouverait bien un moyen de les protéger éventuellement, mais dans l’immédiat elle pouvait encore gagner du temps.


Un homme entra finalement dans la pièce avant de s’incliner devant les deux êtres. « Princesse, j’ai les informations que vous nous avez demandées. » Maralina l’incita à continuer d’un signe de tête et ce dernier ne perdit pas de temps. « On a eu du mal, la plupart des artisans que l’on a questionnés ne voulaient pas parler. Disons que l’on a trouvé une façon de délier leurs langues… Il mentionne le nom de Veuve Blanche, tandis que d’autres appellent la femme. Un autre péquenaud qu’on a interrogé croyait que c’était une miséreuse qui fait des prédictions dans la rue. Mais quand on a interrogé le gus, il s’est enfui. On le recherche toujours et franchement cela sonne assez faux.» Maralina haussa un sourcil avant de reprendre la parole; « Assure-toi que le guet interroge tous ceux qui entrent ou sortent de la ville. Je veux savoir pourquoi il a menti. Et sinon pour le dessin? » L’espion reprend la parole; « Certains gens que j’ai rencontrés me dise que le modèle est étrangement similaire avec un autre dessin d’un viel ouvrage. La personne derrière ce recueil de dessin se nommait Riardan et résidait à Thaar, mais comble du malheur il est mort quelques mois plus tôt. En allant chez lui, sa maison est saccagée. À la place on a trouvé un atelier clandestin, et on a appris que la demeure est au nom de sa fille, Trianna. On sait ou elle est, on peut vous guider si nécessaire » dit-il en lançant un regard à Nehril.

La réponse de Maralina ne tarda pas à arriver.

« Tu veux dire qui est leur père? À Erlem. En train de planifier sa prochaine invasion, je suppose. Le Karliik Glenn n’est guère du genre à tout arrêter pour une famille. »

Le visage de Nehril se troubla un instant. Il peinait à comprendre ce que la princesse-marchande tentait de lui dire.

— Tu veux dire que…, commença-t-il avant de s’interrompre.

« Il faut croire que les dieux aiment compliquer ma situation. Je crois que je peux compter sur toi pour taire le père des jumeaux, comme faire taire toutes rumeurs qui te viendrait aux oreilles mentionnant que je suis à moitié elfe. »

— Oui, oui, lâcha-t-il en absorbant rapidement la nouvelle. Bien entendu. Je suis tout simplement… surpris.

Il se souvint que la princesse-marchande lui avait annoncé avoir déjà trois enfants. D’une manière simpliste, mais erronée, il les rattacha au Karliik.

— Alors tes cinq enfants ont donc pour père le Karliik Glenn ? répéta-t-il en secouant la tête. Je n’ose pas imaginer le raffut politique que cela entraînerait si cela se répandait. Tu… tu peux compter sur moi.

Le semi-elfe plongea son regard dans celui de la princesse-marchande. Ses yeux, froids et tranchants, laissaient apercevoir une mince étincelle d’inquiétude qui en voilait la surface.

— Maralina, fit-il en l’appelant par son nom. J’espère que tu sais ce que tu fais.

À ces mots, la porte pivota aussitôt, laissant entrer plusieurs hommes.

« Princesse, j’ai les informations que vous nous avez demandées. », fit l’un d’entre en s’approchant. « On a eu du mal, la plupart des artisans que l’on a questionnés ne voulaient pas parler. Disons que l’on a trouvé une façon de délier leurs langues… Il mentionne le nom de Veuve Blanche, tandis que d’autres appellent la femme. Un autre péquenaud qu’on a interrogé croyait que c’était une miséreuse qui fait des prédictions dans la rue. Mais quand on a interrogé le gus, il s’est enfui. On le recherche toujours et franchement cela sonne assez faux. »

« Assure-toi que le guet interroge tous ceux qui entrent ou sortent de la ville. Je veux savoir pourquoi il a menti. »

Nehril savait qu’ils ne le retrouveraient jamais. L’homme gisait déjà probablement au fond d’une fosse, la gorge tranchée.

« Et sinon pour le dessin ? »

« Certaines gens que j’ai rencontrés me disent que le modèle est étrangement similaire avec un autre dessin d’un vieil ouvrage. La personne derrière ce recueil de dessin se nommait Riardan et résidait à Thaar, mais comble du malheur il est mort quelques mois plus tôt. En allant chez lui, sa maison est saccagée. À la place on a trouvé un atelier clandestin, et on a appris que la demeure est au nom de sa fille, Trianna. On sait ou elle est, on peut vous guider si nécessaire. »

Nehril se leva aussitôt. La piste était encore chaude. Il lui restait encore une chance de régler tout cela avant que les choses ne dégénèrent. Il consulta Maralina du regard avant de s’approcher d’elle.

— Merci de ton aide, lâcha le semi-elfe en hochant la tête. Je t’en dois une.

Il balaya les alentours. Il était tendu, son regard grisâtre basculant progressivement vers l’argenté.

— Même si tu as de nombreux mercenaires à tes ordres, si tu as un jour besoin de mon aide, fais-moi signe.

Il savait que son offre était futile. Les lames à louer étaient nombreuses en Ithri'Vaan. Toutefois, si d’aventure une mission requerrait davantage d’avoir foi en l’homme qu’en l’arme qu’il maniait, elle pouvait compter sur lui.

« Alors tes cinq enfants ont donc pour père le Karliik Glenn ? Je n’ose pas imaginer le raffut politique que cela entraînerait si cela se répandait. Tu… tu peux compter sur moi. »


« Non seulement les deux derniers. » Corrigea-t-elle rapidement avant de se caler doucement dans le moelleux siège; « Les trois premiers sont à moitié humains. Rien de choquant. » Pas besoin de donner de détail sur l’identité des deux hommes qu’elle avait réellement aimés. Après tout, la blessure était toujours là, bien qu’elle ne le montrât point.


« Maralina, J’espère que tu sais ce que tu fais »


Que répondre à cette phrase? Avait-elle réellement une idée? Pour le moment elle tentait de protéger ses pions en s’assurant de couvrir ses arrières. Il fallait qu’elle navigue de menace en menace. Certaines grandissaient tandis que d’autres attendaient furtivement. Elle eut un léger sourire avant de faire un léger mouvement de tête. « Ne t’inquiète pas pour moi. Pour le moment, tout fonctionne très bien. » Une réponse honnête, elle savait très bien ce qu’elle faisait et connaissait très bien les dangers qui arrivaient rapidement vers elle.


« Merci de ton aide, Je t’en dois une. Même si tu as de nombreux mercenaires à tes ordres, si tu as un jour besoin de mon aide, fais-moi signe. »


La princesse eut un sourire, avant de se relever à son tour, s’approchant doucement de Nehril, elle s’arrêta qu’a un pas de ce dernier avant de plonger son regard dans le sien. « C’est tout naturel. Ce fut un plaisir de t’aider. Compte cela comme une reconnaissance de tes loyaux services dans le passé. Quant à ton aide… » Elle s’arrêta un moment l’air pensive, avant de reprendre la parole; « J’ai toujours besoin d’homme fidèle à mes côtés. Les prochaines ennéades s’annoncent mouvementer. Reviens me voir lorsque tu as terminé ta quête. » Elle s’approcha doucement de Nehril avant de lui déposer un chaste baiser sur la joue. Puis elle recula de quelques pas, lui lançant un sourire sincère avant de lui répondre; « Bonne chance, Nehril. » Sans rajouter quoique se soit la Princesse sortit doucement de la pièce, laissant Nehril avec son espion. La suite était entre ses mains…