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 Entre deux voyages | Sarah

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Louise de Fernel
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MessageSujet: Entre deux voyages | Sarah    Entre deux voyages | Sarah  I_icon_minitimeMar 19 Jan 2021 - 14:14


Les préparatifs vont bon train. L’heure est à l’effervescence à Fernel, compte tenu de ce qui a été annoncé. Après avoir voyagé durant des mois sur les terres de Péninsules et d’Estrevent, la châtelaine a de nouveau annoncé un voyage – et non des moindres – trois jours à peine après son retour en son château. Un voyage prodigieux et qui comble de fierté tous les habitants de Fernel, le petit peuple qui s’est donné tant de mal pour satisfaire les demandes précises de la châtelaine et ce alors même qu’elle était au-delà des mers. Des velours riches, un travail exquis du bois et du métal, de la fine mécanique musicale, accompagnés des meilleures bouteilles de la seigneurie, tout cela avait donc fait mouche à Thanor, puisque les habitants ont vu revenir les trois ambassadeurs de Louise avec des cadeaux. Beaucoup spéculent sur ces derniers mais quelques faits sont avérés, au milieu de toutes ces rumeurs, colportées par les serviteurs du château.

Le premier est que le capitaine de la garde, le Capitaine Atréis, a eu l’honneur de voir sa lame reforgée par les mains expertes des seigneurs nains. Il se raconte dans les petites rues que désormais cette lame est incassable, pourvue d’un fil tranchant à souhait, il se murmure même, parmi les plus superstitieux des nordiens, que la lame serait même magique ! Bien entendu, il n’en est rien, elle a simplement et merveilleusement été reforgée, c’est tout. Cela étant, cette arme est désormais auréolée d’une aura de mystère qui inspire tout autant la crainte que la fascination. Le Capitaine lui-même n’est pas peu fier de montrer son épée à qui le demande, sans que cela ne le gêne le moins du monde. Il répond, toujours aimable et poli, aux nombreuses questions qu’on lui pose aux sujets de Nains que personne en ces murs n’a jamais vu. Philippe et Tristan, ses deux compagnons de route, sont également sollicités mais dans une moindre mesure. Seul le Capitaine s’est vu gratifier d’un tel honneur.

Le second est que les ambassadeurs sont revenus de Thanor avec un cadeau somptueux pour la châtelaine, quelque chose qui vaut bien un trésor mais à propos duquel les langues se tiennent, assez curieusement. Les objets ont été soigneusement préservés et mis de côté par l’Intendant, qui veille jalousement sur les intérêts de la Dame de Fernel en son absence.

Le dernier, enfin, est qu’une relation diplomatique paisible et cordiale s’est instaurée entre le roi Harald Barbe-Sanglante et Louise de Fernel. Et c’est bien ce dernier point qui remplit les habitants de Fernel d’une fierté sans borne. Leur châtelaine a réussi là où ses pères ont échoué : ouvrir le domaine vers le monde extérieur et entrer en contact avec une race dont on ne connait l’existence qu’à travers les chansons et les légendes. Là où beaucoup de monde y verrait un intérêt financier, le petit peuple de Fernel y voit, lui, une réelle opportunité de découvrir des choses, de nouvelles techniques, de nouveaux savoirs artisanaux. Les plus anciens, assis sur leur chaise de bois, occupés à fumer la pipe tout en se maintenant sur leur canne, grommellent des choses à ce propos, en leur barbe, tout en reconnaissant que la jeune femme les surprend.

Lorsqu’elle a annoncé qu’elle se rendrait au mariage du Roi des Nains sous peu, l’agitation a succédé à l’admiration et c’est désormais tout un bourg qui se met en branle, pour apporter ses meilleurs soins à la châtelaine, afin qu’elle puisse se rendre là-bas pourvue des meilleures étoffes et de ses plus belles tenues brodées.

Et c’est précisément au milieu de ce petit bouillonnement agité que Louise déambule dans les petites rues du bourg, s’arrêtant pour discuter librement avec les artisans, posant des questions de sa voix douce et tranquille. Elle porte, en ce jour radieux, une robe à la simplicité extrême compte tenu de son rang. De la laine bleue, ourlée aux pieds d’un fin galon d’argent aux motifs de feuilles de chêne et aux longues manches collantes, une longue cape de laine noire bordée de fourrure marron, à la large capuche rabattue sur ses lourdes boucles brunes. A sa taille, la ceinture de cuir qui ne la quitte jamais plus à laquelle est suspendue la lame que Dante lui a offert.

Les petites rues pavées grouillent d’activité, ce qui n’est pas pour lui déplaire. Les petites échoppes travaillent à plein régime, les trois tavernes ne désemplissent pas, il lui parvient même des chants teintés d’alcool alors que le soleil est encore haut, ce qui la fait sourire. Elle se penche présentement sur les paniers de pains produits par le petit boulanger de la rue principale quand un homme s’approche d’elle, le bonnet à la main, en s’inclinant encore et encore, un peu gêné :

- Dame Louise…Dame…

La châtelaine se redresse et salue d’un élégant signe de tête et dit, toujours de cette voix douce qui la caractérise :

- Qu’y a-t-il ?
- Dame ! Y a une fille…là-bas…près de la muraille extérieure…On sait pas d’où qu’elle vient mais que la Damedieu en soit témoin, c’est pas une fille d’chez nous. Elle a fait peur aux enfants, puis elle a des armes…plus grosses que la vôtre, dit-il en appuyant le regard sur la ceinture de la châtelaine.

Louise penche un instant la tête et finit par sourire, s’éloignant déjà pour se diriger vers la muraille extérieure.

- Dame Louise ! Attendez ! Z’allez pas y aller toute seule quand même ! ….Si ? Ha…

Le brave homme se gratte la nuque. Louise s’éloigne déjà, à la recherche de cette fille qui semble avoir perturbé le paysan. Tout le monde se connait, dans ce petit bourg. S’il n’a pas cité son prénom, c’est qu’elle est forcément étrangère. Puis…une femme avec des armes…Même à Fernel, cela ne laisse jamais personne indifférent, Louise la première. Les petits enfants s’éloignent tous d’un endroit bien précis, c’est donc précisément à cet endroit que se rend la châtelaine, un lieu un peu à l’écart, non loin de la route qui mène au château. L’endroit est entouré de petites chaumières simples, il n’y a aucun commerce, juste une route, avec en bordure de l’herbe grasse tranquillement broutée par quelques chevaux de Fernel. Un tableau plutôt tranquille et paisible, pourtant troublée par la présence d’une inconnue que Louise aperçoit là-bas.

La châtelaine ne bouge pas, toute droite sous sa cape, les mains jointes sur le devant, observant attentivement la petite silhouette qui se dessine.

- Qui es-tu ?

Aucune agressivité dans cette voix, juste une question posée d’une voix claire et sans détour.

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MessageSujet: Re: Entre deux voyages | Sarah    Entre deux voyages | Sarah  I_icon_minitimeMar 19 Jan 2021 - 17:14

Après un dernier hommage aux disparus de son village, Sarah avait entamé son périple en quête d'une vie nouvelle. Loin des raids wandrais si possible. Au nord, les sauvages. A l'est et à l'ouest elle suivrait la frontière et n'y trouverait pas grand-chose de mieux que sa vie d'avant. Le chemin était donc évident, le sud. Avec ses connaissances limitées, elle n'avait aucune idée précise d'où aller ni de combien de temps elle aurait à marcher. Elle espérait que ses trois jours de vivres suffiraient, car sans arc elle ne pourrait pas chasser, et sans le matériel adéquat elle ne pouvait pas non plus poser des collets pour la nuit. Ne s'en remettre qu'à la cueillette serait compliqué. Aussi s'en allait-elle de bon train, quitte à se fatiguer un peu.

Elle entamait sa troisième journée de voyage, dernier jour d'espoir avant la faim. Malgré son état précaire, sa robe ne l'avait pas ralentie et semblait tenir le coup d'une manière ou d'une autre. Elle se leva avec le soleil. Le petit déjeuner, constitué de pain noir et de fromage, fut vite expédié. Elle considéra son outre d'eau, presque vide, et décida d'économiser ce qu'il en restait. Sa première nuit put se faire au bord d'un point d'eau dont elle profita pleinement, mais elle n'eut pas la chance d'en croiser un autre depuis lors. La poussière du voyage encrassait ses cheveux de feu et brunissait sa peau. Pas qu'elle s'en inquiétait vraiment, l'habitude dans le village était de se laver une fois par semaine à la rivière. Ce n'était pas un peu de saleté qui allait lui faire peur, même si elle s'accumulait plus rapidement en voyageant. Moins d'une heure après son réveil, elle se remit en route. La plaine désertique, découpée par les montagnes et quelques arbres épars lui tendait les bras aujourd'hui encore. Mais cette fois-ci il ne fallut pas bien longtemps avant d'observer un changement. Au loin, de petites volutes de fumée apparurent. Sous elles vinrent vite ce qui ressemblait fort à la civilisation.

Deux bonnes heures furent nécessaires à la jeune femme pour finalement arriver au bourg. Elle n'en croyait pas ses yeux. C'était la toute première fois qu'elle contemplait des murailles. Si hautes... L'endroit lui semblait extraordinairement grand. Combien de personnes pouvaient bien vivre ici? Plusieurs centaines, peut-être même un millier? Elle n'arrivait pas à imaginer au delà. Son émerveillement était semblable à celui qu'elle avait ressenti le jour où sa mère lui avait offert son premier jouet quand elle était enfant. Un petit cheval en bois sculpté par le bûcheron du village. Elle avait cinq ans à ce moment là, mais elle pouvait s'en souvenir comme si ça c'était passé la veille.
Ses esprits lui revinrent lorsqu'elle fut arrêtée par un garde à l'entrée de la ville.

"- Halte là! Qui êtes-vous et que venez-vous faire à Fernel ainsi armée?"

Surprise, Sarah prit quelques secondes pour considérer la question devant le regard inquisiteur du soldat. Il parlait étrangement. "Vous"? Elle n'avait entendu ce mot que pour parler à plusieurs personnes. Elle regarda rapidement autour d'elle pour vérifier s'il s'adressait bien à elle.

"- Je m'appelle Sarah, je viens du nord. Mon village a été détruit lors d'un raid wandrais alors je cherche un nouvel endroit où vivre. Les armes, je les ai ramassées pour me protéger, au cas où.
- Ça fait une trotte à pied, il y avait d'autres endroits plus près de chez vous.
- Peut-être, je n'en sais rien. J'ai jamais appris les villes. J'ai juste marché vers le sud."

Le garde soupira devant l'improbabilité de la chose. Mais comme elle ne semblait pas chercher les histoires il lui donna son autorisation.

"- C'est bon, vous pouvez rentrer, mais interdiction d'utiliser les armes à l'intérieur, compris?"

Elle se contenta d'acquiescer de la tête. L'homme s'enleva du passage et elle entra. A peine avait-elle fait quelques mètres qu'elle resta clouée sur place. C'était encore plus impressionnant une fois à l'intérieur. Les bâtiments étaient hauts et serrés comme les raisins sur une grappe. Il y avait beaucoup de monde. Des gens qui travaillaient, d'autres qui passaient. Des enfants qui couraient sans qu'elle ne remarque que c'était loin d'elle. Il y avait même des chevaux. Plus que dans tout son village. Ses pas la poussèrent timidement en avant, la laissant tourner sur elle-même pour observer tout ce qui l'entourait. Elle aurait eu dix ans de moins qu'elle n'aurait pas réagi différemment. Les gens avaient beau la darder de leurs regards méfiants, elle était incapable de se rendre compte de ceux-ci. Alors qu'elle progressait dans la rue une nouvelle voix, féminine cette fois, l'interpela. Après avoir cherché dans la direction d'où elle provenait elle découvrit une belle femme armée elle aussi. Mis à part le planton à l'entrée, il s'agissait de la première personne armée qu'elle croisait. Même si elle n'était là que depuis quelques minutes à peine, elle eut l'impression qu'elle était importante. Peut-être était-ce dû à sa robe qui, malgré sa grande simplicité, lui paraissait appartenir à quelqu'un de riche du fait de l'argent et des motifs brodés dessus. Ou la cape, peut-être. La question était très semblable à la dernière qu'on lui avait posée, aussi ne ressent-il pas la peine de répondre autrement.

"- Je m'appelle Sarah, du nord. J'ai pris la route après que mon village ait été réduit en cendre lors d'un pillage, pour ça que je suis là. Et toi, t'es qui?"

La question fut posée avec toute la grâce d'une campagnarde mal débourrée, mais avec toute la sincérité de quelqu'un qui cherche à comprendre ce qu'il se passe. Elle ne s'arrêta qu'une fois arrivée à une distance de discussion confortable. Une fois à cet endroit elle constata que, comme chez elle, sa taille surpassait aisément la moyenne des femmes, la ramenant au niveau des hommes. Elle avait secrètement espérer que ce ne soit pas le cas, mais elle se fit rapidement une raison. Elle était grande, voilà tout.
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MessageSujet: Re: Entre deux voyages | Sarah    Entre deux voyages | Sarah  I_icon_minitimeJeu 21 Jan 2021 - 12:53


S’il y a bien une chose que Louise a appris ces derniers mois, c’est de ne jamais se fier aux apparences. Le plus lourd et le plus épais butor peut dissimuler une nature profondément douce et sympathique tandis qu’un visage innocent peut cacher d’ignobles travers. Par nature, la châtelaine ne juge pas. Jamais. Elle laisse le soin à ses interlocuteurs de faire leur première impression et c’est de cette façon que la jeune femme parvient à se faire une opinion relativement juste de qui lui fait face.

Cette jeune fille est perdue, un rapide coup d’œil aura tôt fait de le lui démontrer. Ses vêtements sont sales, retenus ici et là par des lanières de cuir, des ceintures, ses cheveux sont dans un état lamentable et n’ont probablement pas été brossés depuis des lustres. Quant à la crasse, visible sur ses bras et ses joues, elle n’augure rien de bien agréable en ce qui concerne l’hygiène. Sur ce dernier point, Louise sait pertinemment de quoi il retourne étant donné qu’elle a passé des semaines à cheval, sur les routes de Péninsule, parfois sans trouver d’auberge ou de point d’eau où se laver. Les mêmes traces de boues et de poussière ornaient ses bras et son visage…

Elle a l’allure de ces adolescents grandis trop vite et qui ont grandi dans des vêtements hérités d’un frère ou d’une sœur, comme cela se fait parfois dans les familles les plus pauvres. Louise lève les deux mains en signe de paix et répond :

- Bonjour, Sarah Dunor. Je m’appelle Louise.

La châtelaine a un regard pour les armes. Des armes épaisses, qui n’ont rien à voir avec la finesse de ce qu’on peut trouver à Fernel. Elle plisse les yeux et désigne le petit arsenal d’un geste du menton.

- Tu dis que ton village a été incendié ?

Sarah est grande. Plus grande que Louise. La châtelaine doit d’ailleurs quelque peu lever le visage pour la regarder et scruter ces grands yeux verts qui la fixent.

- Tu dois venir de loin…Que viens-tu chercher à Fernel, Sarah Dunor ? Un abri ? Un repas ? Des membres de ta famille, peut-être ?

Louise reste là, imperturbable selon toutes les apparences. Cependant, en son esprit, mille rouages sont déjà en train de s’imbriquer les uns dans les autres. Aucun rapport ne lui est parvenu mentionnant un incident de cette sorte en son domaine ou aux frontières qui sont paisibles. Elle doit donc venir de plus loin que cela, tout en étant de la région. Les armes que la jeune fille transporte ne lui sont pas inconnues. Elle sait très bien d’où elles proviennent et elle a déjà jaugé, en silence, la force physique de celle qui lui fait face en cet instant. Plus grande, des bras puissants, une force brute. Autant ne pas la fâcher dans l’immédiat même si Louise ne doute pas d’avoir le dessus en cas d’attaque sournoise.

La châtelaine ne bouge pas, image même de la tranquille sollicitude. Si Sarah a un peu d’instinct, elle saura que la femme qui lui parle n’est pas son ennemie et qu’elle ne lui veut aucun mal. Cependant, elle saura aussi que la volonté de cette femme en robe simple est suffisamment forte pour décider de venir seule à sa rencontre alors même que tout le monde la fuit.
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MessageSujet: Re: Entre deux voyages | Sarah    Entre deux voyages | Sarah  I_icon_minitimeSam 23 Jan 2021 - 13:02

Un peu étrange. Ce qualificatif était ce que ressentais Sarah envers cette personne. Elle avait l'air sympathique, mais en même temps un peu tendue. Après tout, c'est généralement en face d'un adversaire qu'on lève les bras. Tous les gens de la ville étaient-ils comme ça? Et pourquoi répéter le fait qu'elle vient du nord? Les différences culturelles semblaient plus profondes que ce à quoi elle s'était attendue. Le problème que cela posait étant qu'elle n'avait aucune idée de comment réagir de façon appropriée. Vu la méfiance du garde à l'entrée, il y avait des chances qu'elles soit considérée comme une ennemie si elle faisait quelque-chose qui déplaisait. Tant pis, elle agirait à l'instinct. Elle ne pouvait pas deviner comment se comporter donc autant rester naturelle et faire preuve d'honnêteté. Si au moins le fond pouvait être ressenti en dépit de la forme les choses devraient bien se passer.

Puis les armes avaient été désignées, et elle comprit. En regardant autour d'elle elle remarqua la crainte qu'elle inspirait envers les habitants. Dans son euphorie de nouveauté elle n'avait même pas fait attention à ce qu'il y avait de plus important, les habitants. Ils devaient se demander si elle n'était pas wandraise. Et cela l'énerva. Elle serra aussi bien poings que dents dans une tentative désespérée de se contrôler. En vain. Plusieurs secondes s'étaient passées après que Louise ait terminé de parler, et sa colère se fit de plus en plus palpable lorsqu'elle se mit à hurler. Pas spécialement sur la noble, mais de façon plus générale à qui voulait l'entendre.


"- VOUS ME PRENEZ POUR UNE PUTAIN DE WANDRAISE, C'EST ÇA? CES FILS DE CHIEN ONT BRÛLÉ MON VILLAGE, TUÉ TOUS CEUX QUE JE CONNAIS! ILS PEUVENT TOUS CREVER! ALORS CELUI QUI ME PRENDS POUR UN DE CES SALOPARDS JE LUI FAIS BOUFFER SES DENTS!"


Des gestes amples, dignes d'une représentation théâtrale, se joignaient à la déclamation de la rousse. Ses bras frappaient l'air comme si elle lui en avait voulu personnellement tandis que son pied battait le sol à intervalles réguliers. Puis, d'un coup, la rage laissa place à la tristesse. Ses propres paroles lui avaient rappelé ce triste jour, les tombes anonymes faites pour sa mère et ses amis. Et la question qui revenait toujours. Pourquoi entre tous était-ce elle qui avait survécu? Une simple chance? Une facétie divine? Comme à bout de force elle tomba à genoux, les larmes traçant des sillons dans la crasse de ses joues. Elle restait, avant toute chose, une jeune femme dont le monde s'était écroulé. Bien sûr elle avait déjà pleuré à de nombreuses reprises depuis qu'elle s'était réveillée après le combat, mais cela faisait toujours mal. Le deuil en particulier, se dire qu'elle ne reverra jamais un seul de ces visages familiers. A cet instant elle avait presque complètement oublié Louise. Elle n'était plus vraiment en état de faire la conversation de toute façon. Au moins pour une fois elle n'avait rien cassé. Le fait étant qu'elle était un peu trop loin de quoi que ce soit pour frapper dessus de manière gratuite, mais quand même. Ça restait une bonne chose d'éviter la destruction matérielle. Les chevaux, en revanche, avaient commencé à paniquer. Ce sont des bêtes naturellement craintives, et c'est pour ça que ceux dressés pour le combat valent si cher, représentant bien souvent quelques années d'entrainement. Finalement, elle se murmurait à elle même.


"Je les hais, je les hais..."
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MessageSujet: Re: Entre deux voyages | Sarah    Entre deux voyages | Sarah  I_icon_minitimeDim 24 Jan 2021 - 10:49


Le fait est que si le garde avait décelé le moindre danger à l’entrée, elle n’aurait probablement jamais pu avancer. Il n’est pas rare de voir des gens armés entrer à Fernel puis au château. Ce sont toujours des hommes, en armure, à cheval, ou alors des silhouettes souples drapées de noir jusqu’au yeux. Le garde a estimé qu’elle ne représentait pas une menace, tout comme Louise l’estime également. Cependant, l’expérience a appris à la châtelaine qu’il vaut mieux agir avec prudence face à une personne en détresse. Le désespoir de l’un ne se manifeste pas comme celui d’un autre. Et la force d’un sentiment négatif ou triste peut parfois pousser certaines personnes dans de regrettables extrémités.

Elle ne bouge pas. Par contre, derrière elle, maladroitement cachés par une vieille palissade de petits bois mal noués entre eux, des petits enfants observent la scène, intrigués et fascinés par ce qu’ils voient. Ils se poussent du coude, ils chuchotent, ils murmurent, jusqu’à ce que d’autres arrivent et écoutent, inquiets pour la châtelaine, quelque peu effrayés par la stature de cette étrangère qui se met soudain à hurler des propos étranges. Le petit groupe d’enfants s’éparpille comme une nuée de petits moineaux terrorisés, ameutant de la sorte un, puis deux, et enfin cinq ou six hommes d’armes se ruant au pas de course à l’endroit d’où proviennent les cris. L’un d’entre eux s’affaire à calmer les chevaux tandis que les autres restent là, à un pas de la châtelaine, la main posée sur l’épée. Et elle les apaise d’un geste de la main.

Louise, elle, n’a toujours pas bougé. Elle a un regard pour cette fille à genoux puis regarde un instant le ciel avant d’inspirer profondément.

- Je te prends pour ce que je vois, Sarah. Une jeune fille sale, en haillons, portant des armes ramassées sans doute après qu’un grand malheur se soit abattu sur son village. Rien de plus, rien de moins.

Les hommes de la garde semblent se détendre. Louise fait alors un pas, puis un autre, pour se rapprocher de la jeune fille puis, dans un geste naturel, tout à fait tranquille, elle s’accroupit pour être à la hauteur du visage de Sarah, de manière à ce qu’elle la voie et la regarde attentivement. La rouquine pourra noter le calme saisissant qui émane de la dame qui l’observe. Un calme et une paix que ses cris et ses gestes n’ont pas troublé un instant. Les grands yeux noisette de Louise se plissent dans un sourire aimable.

- Tu es à Fernel. Ceci est mon domaine, mon bourg, mon château. Et à Fernel, nous recevons, aidons et portons assistance à quiconque le demande, à quiconque se présente sans mauvaise intention.

La tension semble revenir dans le rang armé juste derrière la châtelaine qui ne perd pas la nouvelle venue du regard. Elle finit par tendre la main, présentant de longs doigts fins à Sarah, tout en disant, d’une voix douce :

- Alors Sarah, quelles sont tes intentions ?

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