Entre eux deux | Kerath

7e jour de la 1ere ennéade de Favrius ~ Automne
17e année du XIe Cycle
Camp Sud du siège eldéen
7h30

<< Les façons de Sol'Dorn

Avant de partir le général avait donné un nouvel ordre à Ria'las qui, sans doute, ne s'était pas attendu à devoir jouer les estafettes en se voyant confier le commandement de la Garde Draconnique. Kerath ne participerait finalement pas à l'expédition lancée pour chasser les despotes mais elle n'était pas annulée pour autant.

Dans leur dos, ils pouvaient entendre Krish donner sa sentence. Ils marchaient lentement. Au rythme de l'Obok Senger ou pour ne pas en perdre une miette ? Nul ne savait et ça les arrangeaient bien. Mais Kerath savait, lui. Il savait que c’était la curiosité des prêtres qui leur imposaient à tous ce lent rythme de marche car lui voulait se dépêcher d’être soigné. Une ordalie n’était pas à prendre à la légère, surtout contre un avatar, et il avait tant à faire pour s’y préparer.

Dès qu'ils ne furent plus en vue de la délégation eldéenne, Na'ri fit volte face.
"Je ne veux rien savoir. Ni de tes motivations. Ni de tes justifications. Rien. " Le ton était assez sec, mais ses yeux non. Elle ne pleurait pas, elle n'en avait pas le temps. Bien au contraire son regard était doux, aimant. Elle poserai des questions, plus tard, après que tout cela soit bel et bien terminé. Si elle en avait envie. S'il voulait parler. S'ils avaient le temps. Sans doute y répondrait-il si elle se décidait à les poser, ces fameuses questions, mais pour le moment il se contenta de la regarder étrangement, attendant qu’elle ajoute quelque chose. Ce qu’elle fit, mais ce n’était pas ce à quoi il s’était attendu.

" S'il vous plait, aidez le. " Mais il les repoussa, il avait le coude déboité, pas les jambes, et pouvait marcher sans difficulté, sans compter la douleur inhérente à sa blessure évidemment, et tant qu'ils ne l'aurait pas soigné il continuerait de la supporter. Par précaution, elle se tenait à l'écart d'eux. Elle se retournait régulièrement pour chercher à savoir si Murrpau les suivait. Elle se méfiait toujours un peu des félins à pointe quand leur cavalier était blessé. Et Na'ri avait raison, s'il avait été là quand Krish avait cassé le bras de Kerath, elle aurait probablement dû s'occuper d'un Murrpau en colère mais il n'était pas là. Lorsque son maître lui avait dit de s'éloigner il était reparti vers des prêtres de Zhak'Bar qui lui avait retiré son harnachement et l'avait remis dans son enclos.

Quand, ils arrivèrent au temple, Kerath fut installé dans le lit le plus proche tandis que Na'ri passa sa robe par-dessus sa tête après avoir suspendu sa sacoche.

"Laissez la, je la reprendrai tout à l'heure." indiqua-t'elle aux esclaves qui se dirigeait déjà vers le vêtement.
En petite tenue, elle partit dans les profondeurs obscures du bâtiment et revient un peu plus tard, vêtue d'une simple et courte tunique bleue. Ses mains et ses avant bras étaient encore humides. Sa peau avait été minutieusement récurée. Sans déranger les prêtres qui manipulait déjà le bras, elle s'assit sur une fesse au niveau de sa tête. Elle lui souriait, tandis qu'elle passait une main dans les cheveux de son amant.

"Tu tiens le coup ?"

« J’ai vu pire. Mais j’ai vu mieux aussi. » Ce n’était pas la première fois et ce ne serait sans doute pas la dernière mais ça ne rendait pas l’expérience plus agréable pour autant. « Je me demande si ça changera quoi que ce soit de me soigner. Que je contrôle ou non mon bras ne changera pas la décision des dieux. »

- Quel est le défit de combattre un blessé ? Ne veut elle pas te donner toute tes chances, pour que tu te surpasse ? Ne veux tu pas lui montrer que tes mots sont bien plus que des mots et que tu y crois ?

- « Si c’était le cas elle ne m’aura pas brisé le coude. » Le souvenir couplé à la douleur lui arracha un grognement. « Je vais me battre mais mon bras ne changera rien à la décision des dieux, le Juste m’accordera la victoire s’il le juge bon que je puisse bouger mon bras ou non. »

- Le Père n'est pas aimant. Il ne récompense que ses enfants qui ont grâce à ses yeux. La prêtresse fit une pause, son regard s'emplit de malice.

- « Tu as raison mais il ne s’agit pas que du Père. »

- Je connais un autre père comme ça… Mais dis moi si ma mémoire me trompe, Elle t'a corrigé avant que tu ne parles.

- « Je ne suis pas d’humeur pour des devinettes Na’ri. De qui tu parles ? » Un éclat de rire cristallin remonta dans la gorge de la sombre. Puis elle se baissa pour caresser de son nez, celui du patient.

- Toi ! " souffla t'elle. "Avec tes enfants de sang, avec Shyn'taë. " Elle déposa un baiser sur ses lèvres pour le plaisir et pour clore l'échange. Il n’arrivait pas à trouver le lien avec Shyn’tae puis il abandonna et se demanda si c’était là un reproche mais est-ce que ça avait une quelconque importance ? Il décida bien rapidement que non alors que Na’ri se redressait sous le regard noir d'une consœur.

" Mais ce n'est qu'une énième disgression. Elle, c'est la Prime Flamme. Au début, elle ne voulait pas t'affronter, c'est pour cela que maintenant nous devons te soigner. Profites du temps qu'il t'est imparti pour établir une stratégie. Les doigts de la prêtresse étaient toujours dans ses cheveux, à tracer des arabesques. Il ferma les yeux et soupira, c'était fou ce qu'un geste si anodin pouvait être plaisant, apaisant, rassurant.

« Je pense que si, elle voulait se battre contre moi depuis le début, elle attendait simplement un prétexte. Et pour ma stratégie… ça sera vite réglé, le premier à se faire toucher sera sans doute le perdant ; elle mérite largement que j’utilise Elrie et vu la force que le Père lui donne… j’utiliserais l’allonge que me donne mon marteau pour l’empêcher de s’approcher. » Mais pour ça il se devait de retrouver l’usage de son bras et la question qu’il se posait quelques secondes plus tôt n’avait plus lieu d’être. Elle l'écouta se projeter dans l'affrontement en souriant légèrement.
- « Merci Na’ri. »

- Je t'en prie.

Le coude avait retrouvé son emplacement premier dans un désagréable craquement d'os et les grognements plus ou moins contenu de son propriétaire qui avait demandé un bâton à mordre avant la manœuvre de la prêtresse. Il ne restait que le plus long : juguler les inflammations des tissus environnants. Il était temps que d'autres prêtres prennent le relais.

"Je finaliserai tes soins après, il faut que je me rende au temple de Teiweon et faire un rapport dans moins de deux heures maintenant. Est ce que tu souhaites discuter aussi avec un prêtre d'Uriz ?
- « Non merci, je prierai seul. »
- Bien. Et… que voudras tu manger ? Elle parlait de partir pourtant elle ne bougea pas, profitant encore de l'avoir avec elle au temple.
- « Je ne sais pas. La même chose que toi. »
- D'accord ! Elle se pencha, déposant un ultime baiser avant de se relever. Renfilant sa robe, elle quitta le temple pour ce début de matinée.

Et dire que la journée n'en était qu'à son début.