Je t'écrirai, mon amour [Natael & Zofia]

Bàrkios, second mois de printemps
An 18 du XIe Cycle

Une plénitude comme elle ne l’a jamais ressentit depuis longtemps a animé Zofia depuis cette ennéade passé avec son amant...ou plutôt son bien-aimé. Enjambant cette dernière barrière, Zofia lui a ouvert son cœur pour de bon malgré ses blessures passées et quelle bonne idée ce fût ! Natael a été plus que parfait avec elle, rendant leurs étreintes encore plus spéciales maintenant que leur flamme avait été avouée. Lui faisant plus que confiance, la prêtresse s’était abandonnée à lui tout entière, osant fouiller ce livre interdit qu’elle avait ramené avec elle pour qu’ils s’aiment davantage.
C’est à contre cœur qu’après une ennéade complète, ils avaient quitté ce paradis pour retourner à leur réalité respective. Et même si la prêtresse avait eu envie de partager ce bonheur qu’elle vivait, elle s’était tu, gardant pour elle cet amour qu’elle éprouvait pour le dernier des d’Orman. Même Célestin n’en savait rien, même si ce regard rêveur que sa meilleure amie avait souvent arboré semblait lui avoir soutiré des questions silencieuses.

Et puis, cinq jours à peine après son retour à Chiard, Père Lambert l’avait fait demandé dans sa salle d’étude. La prêtresse y avait retrouvé Père Albert et sa petite fille Viviane, ainsi que le chevalier Louis et Célestin. Leur supérieur avait ensuite tendu un parchemin scellé à Zofia, tout en expliquant le but de leur présence ici : se préparer pour un voyage en Arétria dans le but de prêter main forte à leurs compagnons déjà sur place.
La prêtresse avait ensuite baissé les yeux sur l’énorme carte étalée sur le bureau de Père Lambert pour tenter de situer cette cité dont elle n’a jamais entendu parlé ; elle avait d’emblée écarquillé les yeux en constatant à quel point elle se situait au nord. Leur supérieur avait ensuite poursuivi en leur annonçant que l’Ordre comptait en même temps faire pousser leurs racines jusqu’au nord de la péninsule et que prêter main forte au Comte d’Arétria pourrait leur être bénéfique. Père Lambert avait ensuite sourit à Zofia, en lui annonçant qu’après s’être démarqué durant sa mission avec Sire Théodoric de Langehack, elle était l’émissaire toute désignée pour parlementer avec les Seigneurs et Dames du Nord et ainsi représenter l’Ordre des Hospitaliers.

Le parchemin en main, Zofia s’était ensuite dirigé jusqu’à sa chambre, surprise, mais prête pour ce futur périple malgré la distance qui la séparera de son bien-aimé. En effet, si la prêtresse baigne en ce moment dans l’amour, elle n’a pas oublié ses ambitions. Cependant, la prêtresse voulait le revoir seul pour lui annoncer son long départ et profiter d’une dernière étreinte. Armé d’une plume et d’un papier, elle avait donc décidé d’écrire à Dame Agathe pour expliquer la situation et fixer un rendez-vous avec Natael, espérant de tout cœur qu’il puisse se libérer dès le lendemain.

Habillée d’une simple, mais jolie robe, Zofia patiente donc maintenant près de cette même rivière où ils se sont retrouvés alors que leur relation n’en était qu’à leur première ennéade, tripotant le présent de son bien-aimé entre ses doigts.

Natael chevauche d'un pas pressé. Agathe lui a non seulement transmis le message mais couvre également ses arrières. Une fois encore, ils sont censés être ensemble en train de passer une journée sous le chaperonage de sa Dame de compagnie, loin de la ville, tandis qu'il s'évade seul pour retrouver quelqu'un d'autre en secret. Si la jeune noble n'était pas là, savoir que Zofia et lui étaient absents de Chiard le même jour serait plus que suspect... Malheureusement, la demoiselle n'a rien eu le temps de lui dire. Alors qu'il pensait réellement se rendre à leur faux rendez-vous -tels qu'ils en avaient déjà eu-, elle lui a tendu les rennes d'un cheval et lui a dit d'aller retrouver la prêtresse dans son havre de paix.
Sans plus réfléchir, le vitaliste est parti et il fait avancer son cheval aussi vite qu'il le peut. Il ne peut s'empêcher de se demander pourquoi sa bien-aimée le demande si tôt après leur séjour sur la plage et sans délai. Qu'est-ce qui nécessite qu'ils s'isolent aussi loin pour se trouver à l'abri des regards et des oreilles ? Si elle avait été enceinte, puisqu'ils en ont déjà parlé, il aurai suffi d'un entretien autour d'une tasse de thé ou au détour d'une promenade. Et puis, surtout, cette annonce pouvait attendre quelques jours sans que cela ne change rien à la situation.

C'est donc inquiet que Natael arrive sur le lieu de rendez-vous. Comme la fois précédente, il aperçoit la silhouette de la jeune femme entre les arbres et achève de s'en approcher avant d'arrêter son cheval et de descendre en hâte. Il se précipite vers elle et lui prend les mains.

-Zofia. Dit-il, soulagé d'être enfin arrivé. Agathe m'a dit de te rejoindre ici. Que se passe-t-il ?

L'inquiétude et le sérieux se lisent dans son regard et sur ses traits. Il se fait un sang d'encre sur ce qui a bien pu arriver durant ces quelques jours où ils ont été séparés.

En voyant l’air inquiet et sérieux qu’affiche Natael, Zofia sent la culpabilité lui serrer la gorge ; elle aurait crû que Dame Agathe lui aurait expliqué un peu la situation, mais peut-être que la jeune femme n’a pu se le permettre. Après tout, les deux familles devaient sans doute garder un œil avertit sur ce faux couple. Elle lui envoie donc un sourire qui se veut rassurant et lui caresse la joue avec amour :

-Ne t’en fait pas Natael. Je vais bien. J’avais seulement besoin de te voir seul pour te dire quelque chose.

Mais avant, elle l’embrasse tendrement, une chose qu’elle ne pourra se permettre pendant de nombreuses ennéades. Elle se blottit ensuite contre lui et ne tergiverse pas davantage, lui annonçant tout de suite ce pourquoi elle l’a fait venir jusqu’ici.

-Je dois partir sous peu pour un long voyage dans le Nord de la péninsule. L’Ordre m’a confié la tâche de diriger un pèlerinage jusqu’en Arétria pour aider les soignants et soignantes déjà présents là-bas. Je serai celle qui devra faire affaire avec les têtes dirigeantes et m’assurer que tout se passe bien. J’ignore combien d’ennéades exactement je devrai m’absenter, mais...selon mon supérieur, la situation semble plutôt critique.

Elle se décolle, pas sans lui entourer la taille de ses bras et plonge son regard dans le siens. Tous peut arriver sur les routes et cela, Zofia le savait dès qu’elle a proposé ses services comme soignante dans l’Ordre des Hospitaliers il y a de cela plusieurs années. Seulement, elle sait qu’un long voyage de la sorte peut vite devenir dangereux et aux ouïs dires de ses confrères et consœurs de l’ordre, les routes du Nord sont dans un piètre état et pullulent de dangers. Elle s’empresse toutefois de le rassurer un peu plus, consciente que c’est la première fois qu’elle doit s’absenter aussi longtemps. Ils devront certes s’y faire, car ce ne sera sans doute pas le dernier déplacement de cette ampleur qu’elle effectuera, mais la dernière chose qu’elle souhaite, c’est que son bien-aimé se meurt d’inquiétude.

-Je ne serai pas seule. Un homme d’arme nous accompagnera et certains autres soignants savent aussi se débrouiller à l’épée.

Elle tente vainement de paraître sûre d’elle, mais elle ne peut cacher complètement que derrière cette envie de se cuirasser et de prouver à son Ordre qu’elle a bel et bien les capacités d’aider un Comte à relever sa cité, une petite peur quant au danger qu’elle pourrait faire face la tenaille. Il y a tant de paramètres qui pourraient ruiner ses chances de briller là-bas, mais Zofia sait très bien ce qui pourrait lui donner du courage.

-Je promet de t’écrire aussi souvent que je le peux.

L’accueil de Zofia est certes chaleureux mais, s’il enlace sa compagne à sa demande, Natael ne se détend pas pour autant. Et il fait bien… Les nouvelles qu’elle lui apportent ne sont guère réjouissantes. Ce voyage va la conduire bien loin de Chiard, sur des routes incertaines et pour une bien longue période. Il ne connaît hélas que peu le Nord du pays en dehors des cartes et des livres. C’est une destination qui lui est interdite, sous peine de mort, car on y apprécie les mages que sur un grand feu de joie… Aussi n’est-il pas rassuré à l’idée que la femme qu’il aime s’en aille dans cette région et le fait qu’un chevalier l’escorte n’apaise pas vraiment son cœur.

-Cela ne m’empêchera pas de m’inquiéter chaque jour et de prier la DameDieu que tu ailles bien.

La prêtresse lui assure alors qu’elle lui écrira et cela lui étire un sourire amusé et triste. Il ferme les yeux dans un soupir et pose son front sur le sien. Il sera rassuré de pouvoir la suivre à distance mais cela était-il suffisant ? Entre le moment où elle aura confié sa lettre au messager et le moment où il l’aura reçue, combien de temps se sera-t-il écoulé ? Que ce sera-t-il passé dans l’intervalle ? Lira-t-il une missive le rassurant tandis qu’une autre plus triste se rédigera à l’attention de Rainier ?

-Si je ne devais pas rester ici pour ce subterfuge, tu peux être certaine que Titus te suivrait au moins jusqu’aux portes de Sainte-Berthilde et t’attendrait sur le chemin du retour.

Il ne pourrait hélas aller au-delà et le fait qu’il ne puisse la suivre de près à cause de son identité était une autre question… Mais qui ne se posait pas puisqu’il n’était pas question de l’accompagner. Il devait rester pour continuer à jouer le jeu du faux prétendant pour une jeune femme qu’il devrait ensuite faire semblant de ne plus apprécier autant qu’au début.
Ses mains, il les remonte jusqu’au visage de la jeune femme qu’il encadre avec tendresse. Il est soucieux et triste à la fois. Il sait déjà à quel point elle va lui manquer alors qu’elle lui manque chaque jour depuis le début de leur relation.

-Je ne pourrais sans doute pas t’écrire autant… Ou mes lettres risqueront de ne jamais te trouver. Cependant, ce ne sera pas l’envie qui m’en manquera…

Lorsqu’elle sera sur la route, il lui sera impossible de la contacter. Il devra attendre qu’elle s’implante quelque part assez longtemps pour en être averti et avoir le temps de lui répondre. Autrement dit, il devra attendre qu’elle soit à Arétria. Et ce sera sans doute le seul moment où il pourra lui écrire.

-Si tes courriers sont trop personnels, adresse-les à Agathe. Il vaut mieux éviter que ma mère ne tombe dessus. Mais que tu ne m’écrives pas du tout sera tout aussi suspect.

Il soupire. Il est fatigué d’avoir à songer à ce genre de choses alors que tout ce qu’il voudrait en cet instant, c’est simplement pouvoir profiter d’elle avant qu’elle ne parte. Et pas lui demander de lui écrire un peu à son adresse et beaucoup à une autre.

-De combien de temps disposes-tu maintenant ?

Elle doit sans doute avoir mille choses à faire en vue de son départ. Elle a pris le temps de venir jusqu’ici mais c’est un temps sacrifié au prix de ses préparatifs ou… d’eux. Il redoute un peu sa réponse mais la comprendra néanmoins. Il préfère qu’elle ne parte pas en hâte au risque d’oublier une chose qui pourrait lui être essentielle.

Zofia sent la tristesse de son bien-aimé dans toutes les fibres de son corps et sa gorge se serre ; comme elle aimerait qu’ils puissent s’aimer librement, sans qu’ils ne doivent se séparer aussi longtemps pour un subterfuge. Son front contre le siens, elle lui caresse la mâchoire, alors qu’il exprime son inquiétude et lui promet de prier chaque jour pour elle. Elle sourit doucement, triste elle-même puisqu’elle ne pourra pas profiter des caresses de celui qu’elle aime alors qu’elle en aura sans doute bien besoin. Elle ne sait pas à quoi s’attendre là-bas et ne pourra s’appuyer que sur ses quelques compatriotes de l’Ordre. Et là encore, ce sera à elle que reviendra la moindre décision finale. L’étau sur sa gorge se serre davantage lorsqu’il lui avoue qu’il aurait tout fait pour voyager sous le couvert de son identité Titus, mais comprend qu’il ne peut se le permettre.

Pour ce qui est de la route, la prêtresse a déjà préparé son itinéraire, avec le nombre de jours approximatif durant laquelle elle croit rester à certains endroits. Elle n’a d’ailleurs pas dormi de la nuit, expliquant ses traits tirés. Pour ce qui est des lettres, une minime solution s’offre donc à eux. Elle plonge la main dans son décolleté pour en sortir un bout de parchemin plié en quatre qu’elle tend à Natael.

-Je t’ai dessiné un itinéraire plus précis de mes déplacements. C’est seulement en Arétria et dans les environs que j’ignore très exactement combien de temps j’ai besoin d’aider.

Elle baisse les yeux et hoche finalement la tête pour lui signifier qu’elle adressera les lettres plus personnelles à Dame Agathe et tâcherai de ne pas oublier celles plus amicales.

-Mais je veillerai à bien balancer l’envoie et le contenu de mes lettres pour ne pas éveiller le moindre soupçon sur nous.

En temps normal, l’excitation d’aller si loin et de prouver qu’elle est capable de mener une mission pour l’Ordre l’aurait revigoré, mais cette fois-ci, c’est différent ; quelqu’un qui l’aime l’attendra et s’inquiétera sans aucun doute pour elle. Elle se languis déjà de lui à chaque jour et n’imagine pas comment ce sera, si loin, coincée sur des terres si différentes et sous le joug d’un stress que les caresses rassurantes de Natael auraient pu apaiser. Elle n’ose pas non plus avouer combien une peur sourde quant à ce qui pourrait se passer la secoue. De plus, ce secret dans lequel ils doivent vivre complique cruellement le tout, rendant le moindre contact physique impossible sans compromettre sa couverture avec Dame Agathe.

Elle soupire doucement dès qu’il lui demande de combien de temps disposent-ils tous les deux et ses yeux se remplissent de larmes stupides :

-Je dois partir après demain, dit-elle d’une voix qui se brise un tantinet et en venant lui caresser les cheveux. C’est pour cela que je tenais tant à te revoir avant.

Depuis que leur relation n'est plus une simple affaire de passion et de tendresse mais bien une question de cœur, Natael a légèrement changé d'attitude lorsqu'il s'agit de parler d'eux comme d'un secret mieux gardé encore que sa magie. Cela lui pèse un peu plus à chaque fois... Le rendant plus triste, plus sombre et plus amer. Cela se note encore peu mais, d'ici qu'elle revienne, cela finira peut-être par se voir bien davantage. Heureusement, cela devrait correspondre au déclin de sa fausse idylle avec Agathe donc personne ne devrait comprendre le fond de sa pensée.
Mais quand Zofia lui parle présentement des précautions qu'elle prendra pour leur échange épistolaire, cela ne semble lui faire ni chaud ni froid. Sa raison est satisfaite mais son cœur n'y trouve aucun réconfort. Tout ce qui compte, c'est qu'elle puisse lui donner des nouvelles et, surtout, qu'elle rentre saine et sauve. Quant à son itinéraire, il ne l'a pas regardé. Il ne s'en sent pas encore le courage pour l'instant. Alors il l'a rangé dans la même poche que le mouchoir brodé qui ne le quitte jamais.

Lorsque la prêtresse lui répond, il étire un triste sourire en replaçant une mèche imaginaire derrière l'oreille de la jeune femme. Elle n'a pas compris le sens de sa question. Il ne veut pas savoir quand elle s'en ira pour le Nord, même si la question n'est pas dénuée d'intérêt... Il se penche alors sur elle et l'embrasse avec douceur à quelques reprises avant de souffler...

-Ce n'est pas ce que je te demandais...

Il reprend ses baisers. Contrairement aux fois précédentes, s'ils sont emprunts d'une certaine sensualité, ils ne sont pas passionnés. Ils sont... éperdus d'amour. Il a la sensation que son cœur est un immense vide. C'est l'espace qu'elle y occupe d'ordinaire mais qui lui semblera si froid en son absence. Elle lui manque... Elle lui manque déjà alors qu'elle se trouve juste là, dans ses bras qui se resserrent un peu plus sur elle alors qu'il l'embrasse toujours. Il a l'impression qu'il pourrait passer des heures ainsi sans que rien ne parvienne à combler ce vide parce qu'il sait que, quoi qu'il arrive, elle ne sera plus auprès de lui ce soir.
Et qu'elle ne sera plus dans la région dans deux jours...

Elle profite de ses baisers comme s’ils étaient les derniers. Seulement, avec cette toute nouvelle tendresse qui semble s’être installée entre eux depuis qu’ils se sont déclarés leur flamme. Pourtant, elle sent le désir poindre doucement et c'est un peu à regret qu'elle se décolle pour le regarder, alors qu'il lui caresse les cheveux. Elle ravale difficilement sa salive, fatiguée qu'ils doivent se cacher autant, leur faisant ainsi perdre de précieuses minutes à profiter de l’un l’autre, comme le ferait véritablement des gens qui s’aiment. Elle comprend toutefois qu'il le faut; ils ont fait une promesse à Agathe et trop est en jeu pour qu'ils se permettent la moindre étourderie. 

-Je ne prévoyais pas retourner à Chiard avant demain et...cet endroit est le seul qui m’est venu à l’esprit. J’ai donc pris une chambre à l’auberge.

Elle n’en voudrait pas au vitaliste s’il ne peut se permettre de passer une dernière nuit avec elle. Ce long voyage a été décidé si soudainement....Elle lui caresse le creux du cou du bout du nez, profitant de son odeur et de la douceur de sa peau aussi longtemps qu’elle le peut. Elle se languit de ce jour où elle pourra se réveiller près de lui sans avoir eu à le planifier une rencontre, où il pourront revivre cette normalité qu’ils ont eu la chance de vivre près de cette magnifique plage. Un soupir traverse ses lèvres :

-Je devrais me réjouir d’être celle choisie par mon supérieur pour mener un pèlerinage d’une telle ampleur. C’est une chance pour moi de briller, mais...l’idée de partir si loin de toi et sans savoir quand exactement je reviendrai me terrorise Natael. 

C’est peut-être pour cela que la prêtresse s’est toujours refusé l’amour. De peur de vivre une séparation obligée comme elle le subit en ce moment. Jamais elle n’a autant aimé quelqu’un que Natael. Même avec Anselm, sa relation n’égalait pas ce qu’elle vit avec le vitaliste : il lui manque tous les jours et d’une façon qu’elle n’arrive pas à quantifier. Tout ce qu’elle sait c’est qu’elle l’aime de plus en plus fort et que tant qu'ils n'auront pas trouvé une solution, la peur de le perdre restera toujours ancrée en elle.
Doucement, elle lui embrasse le cou, écartant le collet de sa chemise sur son passage, mais cela, avec tendresse plutôt que passion. Elle veut juste le sentir contre elle. 

-Tu me manques déjà à chaque jour, souffle-t-elle en se réfugiant à nouveau contre son épaule. Et nous sommes pourtant si prêts...

La vie qu'ils ont mené pendant ces quelques jours d'évasion lui manque. Là-bas, le temps était comme suspendu. Ils n'avaient plus à se soucier de rien... Ni de leurs obligations respectives, ni du secret du vitaliste, ni du risque qu'on les découvre tous les deux. La vie était... parfaite. Le retour à la réalité s'était révélé difficile pour lui et il ne doute pas qu'il en a été de même pour elle. Sa chambre lui semblait bien froide en l'absence de son amante alors qu'elle était bien plus confortable que cette tente.
Il entend la crainte de Zofia et il la serre un peu plus dans ses bras, menant une main jusqu'à l'arrière de sa tête pour la garder blottie contre lui. Il ne parlera pas de sa peur à lui. Sa peur qu'elle se fasse attaquer sur le chemin ou malmenée à Arétria. Il serait malvenu de s'en prendre à une prêtresse de la DameDieu mais les cicatrices de la belle prouvent que cela ne les arrête pas tous. De même que leur rencontre en a été un parfait exemple... Alors, il se contentera de la rassurer afin qu'elle parte avec le cœur plus léger et plus concentré sur sa tâche. Il ne veut pas qu'à cause de lui elle ne prête pas attention sur la route.

-Je comprends, mon amour. Mais dis-toi que je serais là quand tu rentreras, puisque je ne peux aller nulle part. Je pourrais employer tout ce temps pour organiser nos retrouvailles et étudier comment t'accueillir mieux encore que l'ennéade passée. Et si tu as des suggestions ou des envies, je serais ravi de les lire dans tes lettres... Dans tous les cas, n'oublie pas ton livre. Lance-t-il avec humour pour finir sur une note un peu plus joyeuse.

Elle ne peut sans doute pas lui dire maintenant ce qu'elle voudra à son retour, ou ce dont elle aura besoin. Cela lui viendra peut-être en chemin. Et, s'il a eu quelques idées durant leur escapade, il se fera un plaisir de les agrémenter au gré des envies de sa bien-aimée.
Les attentions de Zofia dans son cou ne le laissent pas indifférent. Il soupire de bien-être et de plaisir à la fois. Il la désire, non pas par attirance mais par amour et par manque, anticipant son départ tout proche. De son côté, il caresse son cou, sa nuque, jusqu'à ses clavicules. Cependant, il est aussi très soucieux de ce qu'elle peut ressentir et préfère partir en la sachant plus sereine et pleine d'envie qu'en la laissant comblée de plaisir mais le ventre toujours noué par ses craintes. Il veut simplement répondre à ses attentes, tel le compagnon qu'il souhaite être pour elle.

-Je ressens exactement la même chose... Quand tu rentreras, il sera temps de faire décliner ma relation avec Agathe. Je trouverais une solution pour t'offrir ce que je t'ai promis ce jour-là, sur la plage. Je veux te prouver que tu as eu raison de croire en nous. Je veux que le monde entier sache que je t'aime. Je veux te couvrir d'amour tous les jours, sans plus avoir besoin de se soucier de ce calendrier...

Cette fameuse promesse est surtout un vœu qu'il a exprimé mais qu'il compte bien réaliser. C'est devenu un projet alors même qu'il n'a pas tout à fait poser la question à Zofia... Il souhaite l'épouser. Parce que cela rendra leur relation légitime. Parce qu'ainsi ils n'auront plus à se cacher. Parce qu'elle n'aura alors plus à avoir peur de tomber enceinte et de devoir vivre loin de son enfant. Il assume leur relation mais il veut pouvoir l'assumer aux yeux de tous et pas seulement dans l'ombre. Anselm lui a-t-il déjà promis une telle chose ? Peut-être, pour qu'elle ait tant souffert de sa trahison. Mais Natael est tout à fait sérieux en disant vouloir se marier avec elle, même lorsqu'il ne faisait que se déclarer pour la première fois. Ils ont été amis avant de devenir amants puis amoureux. Il sait que leur relation marchera, il n'a aucun doute là-dessus. Reste à savoir comment procéder pour lui permettre d'exister pleinement...
Il la serre tendrement dans ses bras, ce complaisant dans cette image d'un futur ensemble. Mais il faut bien revenir à ce présent qui les préoccupe pour le moment, rendant cette vision idyllique bien trop lointaine.

-Je ne pourrais pas rester jusqu'à cette nuit... Je suis censé être en escapade pour la journée. Il se penche pour embrasser sa joue avec amour, descendant dans son cou. Si j'avais su, j'aurais trouvé un autre motif d'absence qui m'aurait permis de rester avec toi jusqu'à l'aube.

Il ne doute pas qu'ils auraient fort peu dormis s'il avait pu rester. Il n'y a qu'à voir comment ils se sont occupés durant tout une ennéade à deux. Ils n'ont pas passé beaucoup de temps habillés ou sans soupirer de plaisir. Alors, pour se dire au revoir, il y a fort à parier qu'ils y auraient également mis les formes. Mais ils devraient se contenter de ces quelques heures ensemble pour se rassurer mutuellement avant le départ de la prêtresse.

Ces mots ‘’mon amour’’ lui font du bien et blottit contre lui, elle ne peut s’empêcher de sourire, se remémorant ce doux moment où elle a enfin ouvert pleinement son cœur au vitaliste. Le reste de leur ennéade ensemble s’était ensuite déroulé dans une normalité réconfortante pour la prêtresse ; Natael avait pris en compte ses peurs, tout en ne s’empêchant pas de la couver d’amour. Il l’aime, et cela, la prêtresse le sent dans ses gestes et ce regard dont il l’enveloppe. Encore aujourd’hui, il l’écoute et lui promet qu’il n’ira nulle part, posant un léger baume sur le cœur agité de la prêtresse dont la peur qu’il s’éclipse l’étreint toujours malgré cette confiance qu’elle lui témoigne. Il pense même à leur future retrouvaille et lorsqu’il mentionne le fameux livre, elle ne peut s’empêcher de rire doucement. Il est vrai que ce dernier a pimenté leur ennéade passée et d’une bonne façon. Elle frissonne dès qu’il lui embrasse le cou, se rappelant leurs soupirs poussés à l’unisson dans cette tente et combien chacun de ceux-ci débordait d’amour. Cette blague parvient à la détendre un peu et voulant profiter de la douceur de sa peau, elle glisse sa main sous sa chemise pour venir tracer des cercles, touchée qu’il se soucie à ce point de ses états d’âmes et qu’il fasse tout ce qu’il peut pour la rassurer.

-Je tâcherai de le glisser furtivement dans mes sacoches, souffle-t-elle dans son oreille, alors que sa main libre lui empoigne amoureusement une fesse.

Elle ignore d’ailleurs ce qu’elle veut tout à fait pour leurs retrouvailles. Tant qu’il se trouve près d’elle, elle pourrait très bien se contenter d’une couverture à même le sol et de quelques rations. Retourner sur cette magnifique plage est une option. Après tout, cet endroit restera, sans aucun doute, spécial pour la prêtresse ; c’est là qu’elle s’est jetée à l’eau pour la première fois, oubliant ses blessures passées et risquant le tout pour le tout. Elle le sert davantage contre elle, si heureuse qu’ils partagent ces sentiments ; Natael a été plus que parfait.

Et puis, le vitaliste lui fait part de sentiments qui lui fait un soubresaut dans la poitrine. La prêtresse se décolle doucement pour le regarder, malgré cette chaleur qui fait lentement rougir ses joues. Elle déchiffre ce qu’il vient de lui dire, le cœur battant plus elle comprend ce qu’il sous-entend et elle ne peut s’empêcher de sourire tout en lui caressant à nouveau la joue, la gorge serrée, mais pas de tristesse cette fois-ci. Il lui annonce qu’il ne peut rester pour la nuit. Seulement, ce qu’il vient d’avouer avant vient d’éclipser cette déception.
 
-Je comprends, lance-t-elle quand même.

Elle se souvient de ce souhait qu’il lui a exprimé sur la plage, même si pour l’instant, la prêtresse ne voit pas tellement d’issue. Sauf que son bien-aimé semble prêt à s’évertuer pour que leur relation se concrétise d’une façon ou d’une autre, et cela, c’est sans aucun doute la meilleure chose qu’il a pu lui dire pour la rassurer avant son départ. Cette fois-ci une larme roule bel et bien sur sa joue et plongé dans ses yeux, la jeune femme parvient enfin à libérer les mots qui se sont coincés dans sa gorge :

-Natael...Ce que tu viens de m’avouer vouloir réaliser, est-ce une promesse ?...Est-ce que ce sont des fiançailles non-officielles…

Natael comprend rapidement que Zofia est troublée par quelque chose qu'il vient de dire. Ses yeux sondent les siens, cherchant à comprendre ce qu'il se passe. Ses traits se tirent, légèrement inquiété par sa réaction, tandis qu'il chasse du pouce la larme qui vient de parler sur sa joue. Elle ne tarde cependant pas à lui parler de ce qui la met dans cet état, revenant sur son vœu et cette demande qu'il n'a pas vraiment faite et qu'elle semble comprendre seulement maintenant.
Le vitaliste sourit, attendri et amusé. Sa main caresse la joue de sa compagne avec tendresse.

-Tu croyais que je n'étais pas sérieux ? Mais je l'étais. Et je le suis toujours. Et s'il faut que je sois parfaitement clair...

Le jeune d'Orman se détache de la prêtresse et recule d'un pas, le regard toujours plongé dans le sien. Il prend l'une de ses mains dans les siennes. Cette fois, il tient à ce qu'il n'y ait aucune ambiguïté. Alors... il s'affaisse pour poser un genou à terre. Il ne pensait pas avoir à faire cela un jour car il ne s'imaginait pas faire sa demande en aussi bonne et due forme. Ce n'est pas vraiment quelqu'un de conventionnel... D'ailleurs, son voeu sur la plage équivalait à une demande pour lui. Mais il est prêt à tout pour elle. Peut-être a-t-elle déjà rêvée de ce moment... Comme beaucoup de femmes finalement.

-Je ne vois pas qui pourrait me comprendre mieux que toi. Je ne vois personne avec qui je peux être aussi naturel que je le suis avec toi. Ni qui partage aussi bien ma vision des choses. Et quand j'ai l'impression que je ne peux pas t'aimer davantage, tu me prouves le contraire... Le mensonge dans lequel nous vivons est insupportable et je n'ai pas l'intention qu'il s'éternise plus que nécessaire. Je veux que ce séjour sur la plage ne demeure pas une échappée temporaire dans notre histoire parce que je ne me suis jamais senti aussi bien de toute ma vie que durant ces quelques jours. Je veux que cela devienne notre quotidien et je ferais ce qu'il faut pour cela.

Pour la première fois de sa vie, il est sérieux sans être sévère. Il repousse la magie suffisamment pour ne pas être dérangé dans cet instant crucial mais pas plus que nécessaire. Il tient à ce que ce soit un beau moment pour la prêtresse. Car il ne fait pas tout cela pour lui : lui poser simplement la question lui aurait suffit. Il le fait pour la rendre heureuse. Et il n'a aucune crainte concernant sa réponse.

-Je ne sais pas encore quand, ni comment mais... Zofia, veux-tu m'épouser ?

Elle lui lance un regard désolé, consciente que cette peur qu’il disparaisse n’est pas du tout de sa faute. Cela vient d’un passé amoureux plein de promesses bafouées. Au contraire, le vitaliste ne cesse de la rassurer. Elle pose sa main sur celle qui lui caresse tendrement la joue pendant que son bien-aimé la couve de mots doux. Ancrée dans ses orbes grises, elle le laisse se détacher alors que son cœur bat toujours la chamade dans sa poitrine. Ses mains dans les siennes, ses joues rougissent davantage dès que son genou se pose à terre. Un sourire illumine son visage au fil de ses mots, des mots qui touchent la prêtresse jusqu’au plus profond de son Souffle. Il est vrai que dès le début, leur relation a toujours été particulière. Elle s’est accoutumée à la personnalité de Natael sans difficultés, s’attachant de plus en plus au vitaliste qui a su lui montrer au fil de leur rencontre combien cette froideur est très peu représentatif de ce qu’il est réellement. De deux mondes complètements différents, ils se sont pourtant trouvés et rien n’a pas pu les séparer jusqu’à maintenant. Pas même les obstacles qui se sont dresser devant eux et qui continueront de le faire. La question qu’elle attendait fuse d’entre les lèvres de son bien-aimé et elle hoche la tête, d’autres larmes venant aussitôt rouler sur ses joues rougies par l’émotion.

-Oui...Oui je le veux plus que tout Natael.

Dès qu’il se lève, elle n’attend pas pour l’embrasser, riant et souriant à travers ses larmes de bonheur. Elle se sent quelque peu pathétique de pleurer de la sorte, mais cette demande officielle vient de soulever un poids immense sur ses épaules. Elle ignore quand ils pourront cesser de se cacher pour s’aimer sans barrières, mais d’entendre seulement Natael prononcer ces mots lui donne le courage qu’il lui faut pour affronter la distance qui les séparera pour les ennéades à venir et surtout, pour cesser de s’inquiéter d’une suite incertaine. Ils se marieront et seront heureux. Quand ? Qu’importe ! Tout ce qui compte c’est qu’ils ont bel et bien un futur à deux. Et ce n’est pas qu’un miroitement.
La prêtresse l’embrasse avec plus de passion, plaquant son corps contre le siens et en l’attirant davantage contre elle. Bientôt, son dos heurte sans violence un arbre. Elle cesse ses baisers, le souffle plus court, mais désireuse de lui dire quelque chose, malgré le désir qui la brûle.

-Je t’aime Natael et c’est la plus belle chose que tu as pu faire pour que je puisse partir l’esprit tranquille. De savoir que ces merveilleux moments que nous avons passés à deux durant la dernière ennéade seront notre quotidien me remplit d’un bonheur que je n’arrive pas à décrire complètement.

La réponse de Zofia est sans surprise et Natael lui répond d'un sourire heureux et satisfait car, cette fois, ils sont bien sur la même longueur d'onde. Il a à peine le temps de se redresser totalement que sa nouvelle fiancée se jette dans ses bras et l'embrasse avec ferveur. Il lui répond, bien sûr, et la serre contre lui tandis que leurs bouches dansent un balai mille fois exécuté mais dont elles ne se lassent jamais. Il se laisse entraîner par le mouvement sans savoir où ils vont jusqu'à ce qu'il sente l'écorce sur le dos de ses mains. C'est bien la première fois qu'ils se retrouvent dans une telle posture et, si la surface contre laquelle reposait la belle était plus douce, il aurait presque envie de tenter l'expérience... Mais il ne veut pas prendre le risque de lui faire le moindre mal alors cette situation ne demeurera amusante que tant que son amante sera vêtue. En attendant, il retire ses bras de son dos et vient poser ses mains sur ses hanches. Avec douceur, il la plaque un peu plus contre le bois, venant coller son corps contre le sien, maintenant qu'elle ne pouvait plus reculer.

Zofia les interrompt et lui fait part de son sentiment concernant leur avenir. Elle souhaite la même chose que lui. Elle souhaite cet futur qu'il veut lui offrir. Ce quotidien pareil à celui de la plage. Ce bonheur aussi simple que plaisant. Cela la rend heureuse et c'est tout ce qu'il souhaite.

-Alors nous ferons tout pour.

Il se penche à nouveau pour l'embrasser. Avec amour. Avec tendresse. Plus encore qu'avec envie, même si l'un n'empêche pas l'autre. D'ailleurs, l'envie se fait bien vite sentir pour les deux amants qui scelleront leur union future de la meilleure façon qui soit. Leur séparation n'est plus qu'un au revoir avec la promesse d'un avenir meilleur, pour eux deux.