Et si on se mariait ? | Aerianna & Sauveur

Deuxième ennéade
Printemps, Barkios 18:XI

Il fait beau et presque chaud en ce début d'après-midi. Sauveur et Aerianna se sont retrouvés pour déjeuner ensemble et ont fini... dans le tapis de coussins de la pièce d'à côté. Malgré la longévité de leur relation, leurs fiançailles et leurs responsabilités respectives, ils manquent rarement une occasion de profiter l'un de l'autre et de rassasier ce désir si ardent qu'ils partagent depuis leur première nuit. Bien sûr, tout le palais est certainement au courant qu'ils viennent de coucher ensemble et qu'ils sont toujours vautrés sur leur couche improvisée. Il a à peine pris le temps de déshabiller son amante dont la robe est seulement bien mal ajustée et même indécente après ce qu'ils viennent de faire tandis que lui à bien été obligé de virer sa tunique mi-longue et son pantalon pour ce qu'ils s'apprêtaient à faire.
Tous deux allongés sur le côté, à l'équerre, il est toujours en elle, son jupon relevé laissant apparaître la finalité de leurs ébats tout récents. Il n'est plus essoufflé mais il n'a pas l'intention de quitter sa position actuelle. Il reste simplement là, entre ses cuisses, laissant la pointe de ses doigts courir sur la peau de ses jambes dans un effleurement. Il se sent bien comme ça et n'éprouve pas le besoin qu'il en soit autrement.

-Il serait peut-être tant qu'on définisse une date... Sa main se posa à plat sur l'extérieur de la cuisse de son amante et la remonte lentement. Pour notre mariage. Conclut-il alors que son geste l'amènera jusqu'à la fesse de la belle.

Ils sont fiancés depuis combien de temps ? Une éternité. Trop longtemps à son goût et il lui tarde de pouvoir commencer leur vie maritale. Alors, certes, cela ne changera rien à leur vie de tous les jours. Aerianna ne changera même pas de nom pour adopter le sien. Mais il a envie de pouvoir la présenter comme sa femme et lui faire l'amour avec cette idée qu'ils sont liés pour toujours.

-Et quoi qu'on décide, j'aimerais que Clémence ait le temps d'organiser un séjour dans nos sablonneuses contrées. Je l'ai à peine vue depuis que nous l'avons retrouvée.

Il continue de caresser sa compagne, un soupçon pensif à l'évocation de sa jeune sœur.

Si Sauveur semblait remis de ses efforts ce n’était pas tellement mon cas. Ses caresses faisaient frémir un corps qui se voulait tout à fait orienté vers sa propre récupération. Elles étaient en réalité une véritable torture, elles représentaient la tentation de se remettre en activité, de laisser mes émotions émoustillées reprendre le dessus, de laisser cet amour particulièrement charnel m’emporter à nouveau. Rien d’important ne me retenait vraiment en réalité, et une fois que le corps se sentirait à nouveau prêt très peu de choses pourraient me dissuader de faire exactement ceci. C’était ça, la vie d’une princesse amoureuse qui vivait sur un tas d’or qui ne cessait de se renforcer. Cette vie ne pouvait rester cela, mais ce n’était pas cet hiver impossiblement rude qui aurait pu me réveiller de cette semi-torpeur. Surtout maintenant que les saisons n’étaient plus les seules régisseuses de ce tas d’or, surtout maintenant qu’il grandissait en même temps que d’autres variés métaux se transformaient.

Si peu de choses pouvaient me dissuader de relancer l’amour en cet instant, Sauveur le pouvait.

Le mariage, une question qui était déjà revenue, une question qui m’avait inquiétée, un temps. Puis une question qui s’était éloignée de mon esprit, par confort. Je ne craignais pas de me lier à Sauveur, j’avais rarement été sérieuse que le jour où je le lui avais demandé. Non, je craignais d’exister à nouveau dans les esprits de ceux que j’inviterais, ou pire, d’exister à nouveau dans les esprits de ceux que je n’inviterais pas. Montrer au monde notre amour était-il si important que je devais précipiter ce genre de craintes ? Sauveur n’avait pas fait mine de disparaître, au contraire, j’avais l’impression que nous nous rapprochions de jour en jour alors que je me rapprochais de ses filles, alors qu’est ce qui pressait ? Je n’avais pas réponse à cette question, mais quelques phrases susurrées ci et là auraient dû me mettre au courant du fait que l’amant avec qui je partageais ce tapis de coussins la détenait probablement.

Il voulait une date, mais surtout, il me parlait de sa sœur maintenant ?

Je remuai un peu pour pouvoir tourner la tête vers la sienne et emprisonner ses lèvres entre les miennes. « Que dirait Clémence si elle savait quand tu pensais à elle ? » J’avais murmuré ces mots avec un sourire en libérant sa bouche et en reprenant la place que j’avais occupé contre lui. « Tu penses vraiment qu’elle pourra venir jusqu’ici ? Elle est loin. » C’était à mon tour de devenir pensive, s’il voulait que Clémence soit là, il voudrait que tout le monde soit là, chacun des Hadjaoui, alors que je n’avais presque plus personne à leur opposer. Un père qui n’était plus, les siens qui n’avaient jamais eu de nouvelles pendant toutes ces années, une reine assassinée. Il restait un ami noirelfe et une sœur qui peut-être ne l’était pas ? Je ne voulais pas être jalouse mais je ne pouvais réellement m’empêcher l’être, les Hiisi étaient plus fortunés que les Hadjaoui mais il leur manquait tellement pour ne pas être ridicules à un mariage…

Je n’avais pas vraiment répondu, et comme pour lui faire oublier sa question, je remuai mon corps contre le sien.

Sauveur sourit alors que sa fiancée l'embrasse. Clémence n'aimerait sans doute pas apprendre qu'il avait parlé d'elle en cet instant. Mais il n'a aucune arrière pensée. Il veut que ce mariage arrive et il a déjà songé à la question de la date qui doit être compatible avec les agendas de leurs invités... Et il a nécessairement envie que sa famille soit là. Il n'y a rien de malsain de son point de vue étant donné que le principal sujet de conversation, c'est eux.

-Pour le mariage de l'un de ses frères perdus depuis longtemps ? Bien sûr qu'elle viendra. Je n'en doute pas une seule seconde. Et j'imagine qu'elle sera escorté de son cavalier.

Il s'est légèrement trompé de terme. Il ne connaît pas bien les mœurs des péninsulaires et leurs titres encore moins. Il sait simplement que l'homme fait partie de la haute société, au même titre que lui depuis qu'il fréquente publiquement Aerianna. La seule différence, c'est que là-bas, on obtient les privilèges par le sang et rarement par le mérite, la fortune ou le pouvoir. C'est assez obscur pour lui comme façon de penser...

La Princesse reprend sa position initiale et elle se met à se mouvoir de façon assez lascive alors que son membre, certes au repos, se trouve toujours en elle. Une étincelle illumine cependant son regard et sa voix gronde d'un certain plaisir. Il ne saurait être insensible à ses charmes, alors même qu'ils viennent de jouir bruyamment quelques minutes plus tôt. Après un orgasme, il aime d'autant plus torturer son amante pour la mener lentement vers le second dans un mélange de désir et de frustration aux effets plutôt explosifs. Mais il connaît assez bien sa fiancée pour savoir qu'elle cherche à lui faire penser à autre chose. Alors, il décide de jouer le jeu...
Sauveur délaisse enfin la cuisse de sa partenaire et étend un bras vers elle. Il parvient ainsi à atteindre la bretelle de sa robe et l'écarte jusqu'à ce qu'elle libère entièrement son épaule. Puis il évase le tissu jusqu'à découvrir entièrement un sein. Il aime la voir ainsi... Indécente et brûlante. C'est un homme sulfureux qui n'a pas peur -et encore moins honte- d'exprimer sa passion. Du bout des doigts, il caresse la peau fraîchement dénudée d'Aerianna avec volupté. Il n'hésite pas à un solliciter la pointe, se plaisant à la sentir durcir entre ses phalanges. A son tour, il se rapproche mais ce n'est pas pour venir l'embrasser. Ses lèvres s'emparent de son mont, le baise, le lèche, le titille... Son vît en elle commence à reprendre un peu de vigueur tandis qu'il la voit apprécier ses attentions.
Lorsqu'il la sent désireuse d'aller plus loin, il se redresse légèrement. Sa main remplace sa bouche et pince légèrement son téton pour l'exciter tandis qu'il se renseigne sur l'attitude de son amante.

-Dis-moi, amour. Pourquoi redoutes-tu autant notre mariage ? L'interroge-t-il sans une once de suspicion ou de méfiance, mais simplement avec curiosité et... désir.

C'est elle qui lui a offert de s'unir à jamais et c'est lui qui attend ce jour avec impatience. Sans lui en vouloir, il est curieux de comprendre ce qui lui passe par la tête pour qu'elle repousse sans cesse ce jour. Il veut l'aider à dépasser ce qu'elle ressent, quoi que cela puisse être.

Je frémis au gré de ses attentions, attentions qui ne pouvaient qu’effacer cette légère frustration de voir Sauveur se laisser distraire par mes petits jeux. Ses caresses, sa bouche, des sensations que je connaissais par cœur et qui pouvaient me faire mourir d’anticipation. Les sensations venaient alors que je le sentais reprendre de la vigueur et j’en oubliais peu à peu toutes ces pensées qui venaient parfois me réveiller la nuit. De moins en moins, alors que les lames qui luisaient dans le noir étaient au fil des mois devenues de lointains souvenirs, mais quand même de temps en temps. Sa vigueur – puisque c’était le sujet du moment – , et je savais où ce moment menait, vers une certaine explosion du plaisir et du bonheur que je voulais vivre encore et toujours. Mais il n’y allait pas vraiment, et il nous arrêta par la question qui allait tout ramener comme une vague. Je lui répondis après une courte pause, en me redressant légèrement.

« Parce que tu es… toi… parce que tu es Sauveur Hadjaoui… »

Je l’étreignis de toutes mes forces un instant, d’une étreinte bizarrement dénuée de ce désir qui nous animait depuis un moment déjà, même alors qu’il était toujours en moi. Je me dégageai alors de lui avant de m’écarter, consciente que cette absence de feu pouvait le frustrer. J’avais demandé ces attentions et voilà que je me mettais à les refuser, mais il comprendrait peut-être que j’avais une bonne raison. Je rampai jusqu’à me trouver hors de portée de ses bras – sans faire mine de cacher mon intimité découverte – et je m’arrêtai là un instant avant de me retourner et de m’asseoir en tailleur. Le manège était résolument étrange, d’autant plus que je n’avais pris le temps d’ajuster ma robe et que j’étais tout aussi découverte que quand il m’avait encore entre ses bras. Je respirai profondément une poignée de fois, vidant ma tête du désir et essayant de réfléchir à mes prochains mots. Les premiers n’avaient pas été les meilleurs, et je me rendais compte en cet instant qu’il pouvait même me trouver insultante.

« Un mariage entre un Prince et une Princesse, tout le monde veut être présent, tout le monde veut montrer qu’il était là, qu’il a vu, et tout le monde veut pouvoir donner son avis, c’est facile, il y a juste à inviter le Conseil et s’il m’estime assez importante tous les autres viennent. Et je sais qu’ils ne m’ignoreront pas, je suis plus puissante que certains d’entre eux depuis que… » Il n’avait pas besoin d’entendre les derniers mots, je lui avais assez rabâché les oreilles avec ces histoires de rapports de force entre les Princes et Princesses, il savait que j’étais loin d’être ridicule, encore moins depuis que j’avais mis la main sur tout cet empire de forgerons… « Un mariage entre une Princesse et toi… il faut préparer la liste, il faut retirer ceux qui se sentiront insultés par une invitation et ne pas oublier ceux qui veulent que je leur montre qu’ils sont mes amis, même s’ils ne le seront jamais… »

Mon visage s’était fermé un instant, je ne voulais pas qu’il l’ait mal pris et rajoutai quelques mots précipitamment. « Je veux me marier à toi parce que je t’aime, parce que je veux me lier à toi, et c’est exactement le problème. Si le mariage est politique, tout le monde joue à la politique, c’est normal, il n’y a pas à s’alerter. S’il ne l’est pas je me retrouve à devoir réfléchir à chacune de ses conséquences avant même de décider qui j’inviterais. » Décider de se marier par amour dans un monde où ce dernier n’était pas si important, c’était ça, finalement, l’erreur que je faisais peut-être. Je souris quand même, avec ce genre de discours je ne pouvais me permettre de n’avoir que le soleil de printemps pour y apporter de la chaleur, ou alors je me retrouverais avec un Sauveur pensant que je ne voulais plus me marier. « J’ai un peu peur mais je sais que c’est important d’aller au bout, si je ne le fais pas je ne grandirais pas, je n’aurais plus qu’à leur rendre la Corporation en espérant qu’ils apprécient le cadeau et je n’approcherais plus leur grandeur. »

« Je ne l’approcherais que quand chacun des Princes et Princesses d’Ithri’Vaan viendra ici pour partager mon lit… »

La première réponse d'Aerianna fait froncer les sourcils de Sauveur qui ne comprend pas. Lorsqu'elle lui quémande une étreinte qui tient davantage lieu de réconfort que d'envie, il la lui donne dans demander d'explications, toujours intrigué et maintenant presque inquiet. Elle était réceptive à ses attentions mais, désormais, plus aucun feu ne brûle en elle. Tout ça pour une simple question. Que peut-il se passer dans son esprit pour qu'elle réagisse de cette manière ?
Finalement, la Princesse se détache de lui et s'éloigne. S'il la regarde sans comprendre, il ne l'en empêche pas et, lorsqu'elle s'assoit, il fait de même, se redressant pour s'appuyer sur une de ses mains et posant son autre bras sur son genou replié. Elle est débraillée et lui nu, son membre à moitié ragaillardi tendu devant lui. Mais la scène ne le dérange en rien, concentré qu'il est sur sa fiancée au comportement étrange. Puis il l'écoute attentivement. Contrairement à ce qu'elle craint, il ne prend pas ombrage de ses paroles. Il comprend son dilemme et la situation dans laquelle elle se trouve et à laquelle il n'a pas spécialement pensé. Tout est bien plus simple pour lui. Il n'a qu'à songer à la liste de ses proches pour avoir ses invités. C'est tellement plus compliqué pour elle.

Lorsqu'elle a fini de s'expliquer, il s'approche. Il vient s'asseoir derrière elle, posant une jambe de part et d'autre de son corps. Puis il l'enlace avec tendresse de ses épais bras protecteurs. Il veut qu'elle sache qu'elle n'est pas toute seule, qu'il ne lui reproche rien et qu'il est là pour elle. Il dépose un baiser sur sa joue sans la moindre passion. Juste... un baiser, tout simple, comme il n'en fait que rarement. Puis il pose sa tempe contre la sienne.

-Je comprends. Mais tu n'avais pas besoin d'attendre que je te pose la question pour m'en parler. Je sais que j'ai un tempérament sulfureux mais je suis capable d'entendre ce genre de choses. Même si j'y prends beaucoup de plaisir et que je ne m'en lasse pas, je ne suis plus seulement ton amant. Je suis ton compagnon et bientôt ton mari. Si je ne serais pas toujours en mesure de t'aider parce que certains sujets dépassent mes compétences d'humble garde du corps, je serais toujours là pour te soutenir et te réconforter.

En l'état, il n'avait pas de réponse à lui apporter. En revanche, il pouvait toujours essayer de la rassurer, tel qu'il le faisait en la serrant avec modération dans ses bras, et lui offrir un appui pour ses réflexions. Peut-être avait-elle simplement besoin de décomposer le problème. Aussi commence-t-il à l'interroger pour essayer de décortiquer la situation. Son ton ne se veut absolument pas orienté vers un avis quelconque. Il essaie simplement de comprendre, espérant que cela aidera aussi Aerianna à trouver une issue à ce problème qui la taraude depuis trop longtemps maintenant.

-Comme tu l'as dit, c'est un mariage d'amour et pas politique. Es-tu vraiment obligée d'inviter le Conseil ?

Je m’étais éloignée mais il avait bien fait de se rapprocher à nouveau pour me prendre dans ses bras. Cela nous concernait tous les deux et sans surprise une fois qu’il avait entendu à quel point ça me perturbait il avait voulu endosser sa part de responsabilité. C’était pour cette raison que je l’aimais, pour cette raison qu’il avait réussi à se frayer un chemin jusqu’à mon cœur alors qu’il m’avait semblé si différent de moi. Il était celui qui me permettait de garder les pieds sur terre quand une fois seule j’avais tendance à oublier une certaine humanité. Il était ma part aimante, il était ma part qui était presque raisonnable, ma part qui était presque humble. Seulement je ne m’en rendais compte que quand il me tenait ainsi, et je m’en voulais un peu. Un peu étant un euphémisme, je ne le méritais pas et je n’avais aucune honte à l’admettre, même s’il me soutiendrait le contraire.

« Je sais que tu peux l’entendre… c’est moi… j’ai aussi peu envie de l’entendre que de le dire… »

« Si chacun des Conseillers de Thaar était raisonnable la réponse s’imposerait d’elle-même Sauveur, mais j’en ai trop vu pour y croire. Si j’invite ne serait-ce que la moindre personne d’importance ici à Geresh, ils le sauront et je ne peux me promettre que certains n’utiliseront pas… » Je marquai une pause, me rendant compte que je ne faisais que répéter ce que j’avais déjà dit quelques instants plus tôt. Je n’avancerais pas ainsi, pas alors que ma respiration était toujours un peu trop haletante, pas alors que la tension qui m’habitait ne profitait pas de la chaude présence contre elle pour s’apaiser. Je fermai les yeux, je respirai, et je réfléchis de longs moments. Il avait raison, je n’étais pas obligée d’inviter le Conseil et ça allait même plus loin, je n’étais pas obligée d’inviter qui que ce soit. Je n’étais pas obligée de faire quoi que ce soit, c’était ma décision qui prenait le dessus, toujours. Je n’avais pas besoin de me forcer. « Il faudrait qu’on ne parle de ce mariage à personne… »

Non, c’était idiot, ça ne fonctionnerait pas.

« Il faudrait que je n’invite personne. Il faudrait que personne n’ignore qu’il existe mais qu’aucune invitation ne soit envoyée. Ceux qui se sentiront concernés viendront, les autres ne viendront pas. Ce sera à moi d’être offusquée ou non, ainsi. Ce sera à nous d’être offusqués ou non. Tant pis s’ils ne se rendent pas compte qu’on arrive et qu’ils ne pourront pas me dire non. » Ce n’étaient que des mots, des mots maladroits accompagnés d’une fausse confiance. Ils n’avaient pas tellement besoin d’être vrais, pas tout de suite, mais il faudrait qu’ils le deviennent, en attendant je ferais comme s’ils étaient vrais. J’ouvris à nouveau les yeux avant de rendre son petit baiser à Sauveur. J’avais à nouveau un sourire aux lèvres et, la crise passée, mon regard s’illumina d’une lueur un peu plus joueuse. « C’est trop raisonnable d’avoir peur, si je veux être comme eux il faut que j’arrête. »

Les mots étaient passés et je m’appuyai sur Sauveur pour le faire basculer en arrière.

Comme souvent, le simple fait de parler aide Aerianna. Sauveur l'écoute avec attention et réfléchit en même temps. Le baiser sur sa joue le tire de ses songes et il reporte son regard sur sa fiancée, la découvrant soudain plus sereine et même joueuse. Il lui adresse un sourire satisfait et aimant et, comme toujours, il se laisse faire lorsqu'elle lui demande silencieusement de s'allonger. Il la garde dans ses bras, plus indécente encore que lui avec sa tenue débraillée mais il la trouve si excitante ainsi. Une de ses mains se met à la caresser, d'abord dans le cou et sur les épaules. Si elle se montre réceptive, alors il se montrera plus lascif et entreprenant car son sein découvert l'appelle tandis que l'autre lui hurle sa jalousie. Mais, pour le moment, il veut simplement lui apporter un peu de douceur. A elle de lui faire savoir ce qu'elle veut.

-Tu sais... Si je me contente de donner la date à ma famille, ils ne chercheront même pas à comprendre si c'est une invitation ou pas : ils viendront. Alors si ça peut être une solution pour toi, moi ça me va.

Il bascule légèrement sur le côté pour s'allonger sur le flanc et se positionner au-dessus d'Aerianna. Il la couve d'un regard tendre, caresse sa joue et se penche pour l'empresser amoureusement.

-On pourrait se marier dans les jardins. Dit-il en jetant un rapide regard sur la verdure qu'ils peuvent apercevoir par l'ouverture du balcon et par lequel le son de leurs ébats précédents a dû résonner dans toute l'aile du palais. Là où il y a assez d'espace pour accueillir du monde et en même temps faire un mariage intimiste si jamais personne ne vient. Du moment qu'on est marié à la fin, tout me va. D'ailleurs...

Il se redresse davantage jusqu'à passer au-dessus de la jeune femme. Il vient se placer entre ses cuisses, ses mains appuyées de part et d'autre de son corps. Il plante son regard espiègle dans le sien.

-Tu peux bien prendre mon nom ou pas, je m'en fiche. Je n'ai pas besoin de ça pour pouvoir dire que tu es ma femme. Le jour où je pourrais enfin le dire...

Il m’avait peut-être un peu trop prise au pied de la lettre alors que je l’entendais me dire qu’il n’inviterait même pas sa famille. Je pouffai. Il n’y avait nulle moquerie, juste un léger amusement avec Sauveur qui se comportait comme il l’avait toujours fait. Il écoutait mes doutes, il m’écoutait penser tout haut, et il agissait comme il pensait que j’en avais besoin. Il ne visait pas toujours juste mais quelques mots doux et il était capable de s’ajuster pour me donner exactement ce dont j’avais besoin. « Tu peux leur dire, je ne parlais pas d’eux, je doute que les grands de notre monde surveillent les Hadj… » Je me mordis l’intérieur de la joue, cela faisait deux fois que je soulignais cette différence entre nous. C’était injuste mais parfois je ne pouvais m’en empêcher, je n’avais pas été élevée respectueuse de ce qu’un père intolérant appelait les petites gens, et surtout de ceux qui ne m’apportaient rien, ni service ni amour.

Je ne pus m’empêcher de penser une nouvelle fois que je ne le méritais pas.

Heureusement cela ne resta pas, il s’efforçait peut-être sans l’avoir trop réfléchi de me changer les idées et d’associer ce marriage à tout ce qui était bon. Les caresses me faisaient du bien, son énième baisé aussi, et puis, ce qu’il avait prévu ensuite me forçait à ouvrir chacun de mes sens en anticipation d’un plaisir qui ne s’épuisait jamais. Il commençait à faire des plans aussi, et l’entendre énoncer ses idées comme si le dernier obstacle était tombé me confirma que c’était bien le cas. J’avais envie de me marier dans la coupole de verre, devant les regards de qui voulait venir, devant les regards des siens, devant le regard de celle qui partageait mon sang mais pas mon nom également. Je lui glissai une poignée de mots entre les soupirs qui n’étaient pas encore à hacher chacun de mes mots. « Je veux qu’on se marie dans la serre. » Il y ferait peut-être un peu chaud.

Le reste de ses mots ne semblait pas exiger de réponse et vu sa position il n’en aurait pas besoin tout de suite. Je joignis donc les mains aux siennes, les décollant doucement de mon corps en lui laissant le temps d’ajuster sa position. Ça ne rendrait pas l’entreprise plus pratique mais je voulais que nos doigts soient aussi entremêlés que le seraient nos vies dès le jour où ce mariage deviendrait notre réalité. Le sourire de bonheur et d’amour que j’affichais laissait entendre que je n’avais plus rien à redire et que je me laissais totalement aller à ses envies. Le mariage rendrait tout plus officiel mais en ces moments j’étais sienne et il était mien. Ce n’était pas une réelle possession, mais maintenant, alors que mes amants se raréfiaient, que Sanaa ne réapparaissait pas et que le mariage approchait, c’était dur de ne pas croire que cet amour devenait de plus en plus exclusif.

Je ne savais si c’était quelque chose que je souhaitais ou pas, mais en attendant j’étais comblée.

Aerianna va bien mieux. Son tourment est passé et elle se laisse aller à ses attentions qu'il n'a pas hésité à faire dériver, observant ses réactions avec plaisir. A présent au-dessus d'elle, elle est encore plus indécente qu'avant. La deuxième bretelle de sa robe a cédé à ses caresses et son torse est posé contre les seins nus de son amante. Il sent la chaleur et l'humidité de son bas ventre sur son entrejambe. Il la regarde venir mêler ses doigts aux siens et étire un sourire amoureux. Il plonge ses yeux dans ceux de sa fiancée et se penche pour l'embrasser. Il sait ce qu'elle veut...

Sauveur se redresse. Les mains toujours accrochées à celles de la Princesse, il y prend malgré tout appui car il la sait protégée de la dureté du sol par les coussins au milieu desquels ils sont installés. Ses yeux pétillent d'une certaine malice alors qu'il fait exprès de se tenir hors de portée de ses lèvres mais il a une idée en tête. De là où il est, il peut l'observer à loisir. Et c'est ce qu'il fait... Alors qu'il entre en elle avec une lenteur infinie, il détaille les traits de son visage se parer de cette expression de plaisir qui lui va si bien. Il entame des allées et venues dans son ventre à un rythme extrêmement doux qui pourrait s'avérer bien plus frustrant si c'était leurs premiers ébats de la journée. Mais le plaisir de la deuxième fois, c'était de pouvoir prendre davantage son temps parce que la passion sulfureuse et presque violente était passée. Alors, prenant le temps de se délecter de ce nouveau plaisir, l'ancien gladiateur profite de la vue... La vue sur sa fiancée, sur son visage, sur ses lèvres, sur ses yeux, sur ses seins, sur leurs mains unies, sur ce corps qui ondule avec le sien. Il y va lentement et tendrement, laissant les minutes leur échapper alors qu'il accélère de manière presque imperceptible et jouant de l'amplitude de ses mouvements pour presque sortir d'elle avant de se ravancer aussi loin qu'il le peut. Il est encore particulièrement doux lorsqu'il sent que l'extase approche pour eux deux alors il augmente le rythme de manière croissante et constante. Son regard plongé dans celui d'Aerianna, il veut la voir lorsqu'elle jouira et il veut venir en même temps qu'elle...
Lorsque le moment arrive, il s'efforce de garder les yeux ouverts afin de visualiser la scène et serre un peu plus ses doigts sur les mains de sa compagne. Les cris d'extase de la Princesse étouffent ses propres râles qui ponctuent son plaisir et qu'elle n'a l'occasion de réellement écouter que lorsqu'elle le fait jouir seul. Finalement Sauveur libère son amante de son emprise amoureuse et s'affaisse sur elle afin de la prendre dans ses bras alors qu'il effectue les dernières allées et venues, plus lentes que les précédentes. Il l'étreint un petit moment, humant sa peau qui prend un parfum si particulier après le sexe. Se libérant d'un gémissement de bien-être, il se redresse -le buste toujours contre celui d'Aerianna cette fois- et il retrouve son regard. Il fait mine d'écarter une mèche de cheveux, caressant le bord de son visage du bout du doigt dans un geste tendre.

-Dans la serre donc... On progresse. Quand ? Il plisse les yeux jusqu'à les fermer dans une moue qui se veut humoristique. S'il te plaît, dis-moi "avant la fin de l'année". Plaisante-t-il.

Cette danse avait déjà été dansée avec le même amour, elle avait déjà été dansée dans la même position, elle avait déjà été dansée dans le même rythme probablement, mais si elle perdait en nouveauté il n’y avait nulle érosion de la passion. Il y avait une meilleure compréhension entre nous deux, assurément, et si on me l’avait demandé en cet instant je me serais écriée que les sensations n’en étaient que plus puissantes. Probablement pas, en réalité, j’aurais ignoré la question et fait exactement ce que je faisais, j’aurais souri de bonheur, j’aurais gémis, et, quelque part dans le creux d’une de ces vagues de plaisir, je me serais redressée juste assez pour susurrer deux mots à l’oreille de Sauveur. Je l’aimais, tant que je voulais le lui répéter pour toujours. La manœuvre me coûta un effort si grand que quand je m’allongeai à nouveau c’était pour le laisser faire de moi tout ce qu’il voulait. Et il le fit, tellement bien que la violence de cette libération allait me pousser à fermer les paupières et ne pas voir son regard.

Il reprit si rapidement la conversation que je sursautai presque en entendant sa voix avant de lui répondre.

« Demain ? »

Je n’empruntai pas le même humour que Sauveur m’avait montré et ce n’était pas pour rien, ce n’était pas non plus parce que nos ébats m’avaient fait perdre le fil de ce qui avait été discuté ce qui paraissait être une éternité plus tôt. C’était irréaliste peut-être, de répondre demain, mais pas tant que ça, il ne s’agissait pas ici de la dernière de mes idioties. Le mot était un message que celui qui partageait ma vie depuis de longs mois comprendrait sûrement. Il le faudrait bien de toute façon, et je passai à l’après, à toutes les caresses que je devais lui faire, autant de caresses qui risquaient de raviver un feu qui ne s’éteignait jamais et laissait toujours vivantes ses braises. Une main passa dans son dos, une main munie d’un index baladeur qui suivait une des lignes qu’elle préférait suivre. L’autre vint se poser contre son cou, imitant les gestes que lui faisait souvent, bien qu’elle soit vastement plus petite que les siennes de l’étaient. Cela ne dura qu’un long instant, et délicatement je me dégageai de lui pour m’asseoir en face, sans trop m’éloigner cette fois.

L’équilibre d’une coupe de vin proche avait survécu à nos ébats et je posai une main distraite dessus, ne m’en saisissant pas pour autant.