Restaurer l'intangible [Pv Lynn et Mornàndur]

Cela faisait moins d’une ennéade qu’Aegden, accompagné de quelques autres soldats, avait rejoint Ardamir. Il n’avait pas eu l’occasion de prendre contact avec les miliciens Ardamiri depuis qu’il était devenu Mainyth Royal, alors à l’occasion d’un nouvel échange, il avait décidé de se rendre sur place. Les différents protectorats avant encore énormément à apprendre des uns des autres et le soldat aux cheveux de feu ne comptait pas laisser ces efforts se relâcher, loin de là.

Et donc ce jour-là comme les autres, sa routine avait commencé par se présenter aux soldat et de mener des entrainements de groupe entre les volontaires et ses propres hommes. Mine de rien, même s’il restait beaucoup à faire, c’était agréable de voir des elfes d’origines aussi diverses tenter de s’accorder et d’atteindre un objectif commun.

Et pour continuer la routine qu’il avait pris, lorsque ce premier entrainement avait cessé, il avait pris le chemin des jardins suspendus pour y prier. Sa lance et son casque posés à côté de lui, comme pour signifier qu’il venait en paix malgré l’armure qu’il n’avait pas le temps d’ôter, il ouvrait ses paumes devant lui et fermait les yeux.

Ses prières allaient à la fois à la Mère, à la très Sage et la Dame Sauvage. Ces derniers temps avaient étés particulièrement éprouvants pour le soldat ; heureux aussi c’était vrai, mais éprouvants. En l’espace de quelques ennéades, le jeune elfe avait vu ses épaules s’alourdir de beaucoup de responsabilités tant au plan personnel que professionnel. C’était à la fois gratifiant et profondément terrifiant. Qu’arriverait-il le jour où ses efforts ne suffiraient plus ? Qu’arriverait-il le jour où il se retrouvait incapable d’être le fer de lance qu’il devait être ?

Mais ses craintes, il ne les laissait pas paraitre. Aegden était un elfe secret, peu éloquent sur lui-même, comme si ses états de souffle ne comptaient pas. En tant que chef de guerre d’autant plus il se devait de ne pas laisser ses doutes paraitre au risque de mettre à mal le courage de ses frères et sœurs.

Alors chaque jour il priait. Il priait pour ne jamais perdre courage, ne jamais perdre sa résilience. Il priait pour avancer sur le bon chemin.

Peut-être aussi qu’il y avait une raison un peu plus terre à terre à ces longues prières. Un fol espoir un peu égoïste sans doute : Ardamir était la cité aux milles voix. C’était ainsi qu’on définissait souvent la cité après avoir parlé de ses arbres gigantesques. On disait qu’il y régnait une symphonie forte et harmonieuse comme nulle part ailleurs. Mais pas plus que devant l’Estel, le soldat ne l’entendait.

Autrefois il aurait mentalement haussé les épaules. Il se serait dit que c’était ainsi, avec un sourire triste.

Mais les choses avaient changées.

Une fois il l’avait entendue. Une fois il avait perçu celle mélodie, pure et intense. Elle avait bercé son souffle et gravé à jamais un étrange souvenir dans l’esprit de l’elfe d’habitude si terre à terre.

Dès lors Aegden n’avait cessé de s’interroger. Pourquoi les ornedhels entendaient et non les thaledels ? La réponse qui venait trop souvent c’était que les elfes de pierre s’éloignaient trop des voix de la Mère mais Aegden refusait de penser ainsi. Ce n’était pas vrai. D’autant que le voile avait permis à tant d’entendre. La Déesse mère ne choisissait pas de les priver de ce don pour cette raison.

N’ayant pas la réponse, il priait, comme si à force de prière un signe lui apparaitrait. C’était vain, une partie de son cœur s’était résigné mais l’autre partie continuait d’espérer et de chercher la réponse à ces énigmes.

Perdu dans ses prières et ses réflexions, l’elfe ne percevait pas le monde autour de lui. C’était à peine si ses oreilles se haussaient lorsqu’un elfe venait à passer dans le jardin où il était.

l'Armure actuelle  (attention image très grande):

Quelques jours après s’être présentée de nouveau à l’armée royale pour retrouver son poste, on lui avait proposé de partir en mission. Une mission simple et relaxante, à dire vrai : escorter le commandant jusqu’à Ardamir, et aider à la formation de la milice Ardamirienne, mais sans le stress d'une attaque imminente, comme à Naélis. Ils avaient donc fait route à dos de cheval dans une convivialité simple, accompagnés de quelques autres soldats royaux. Le voyage s’était passé sans encombres. Au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient dans la forêt, Lynn avait pu profiter du spectacle de la végétation luxuriante, ô combien merveilleux.

La Symphonie résonnait paisiblement à ses oreilles. Ici, on pouvait sentir encore plus facilement le rapprochement des elfes de la nature. Ardamir était bâtie en symbiose avec celle-ci, sans muraille pour la protéger. Lorsqu’elle avait aperçu le palais, Lynn n’avait pu s’empêcher de hoqueter de surprise. La beauté de ces lieux la fit frissonner, et elle passa ces quelques jours à patrouiller dans la cité pour découvrir ces merveilles, lorsqu'elle ne devait pas s'entraîner avec la milice présente.

Ce matin, l’elfe se réveilla en sursaut. Son lit était trempé, plein de sueur, tout comme elle. Elle regarda par la fenêtre de la chambre, et remarqua qu’il faisait encore nuit. Impossible de se rendormir dans ces conditions. Elle prit des affaires sans un bruit et sortit en silence pour ne pas réveiller ses voisins de chambre. La nuit était fraîche et la brise agréable, pourtant, elle sentait au plus profond d’elle-même une pression, un désagrément. Quelque chose n’allait pas. Elle alla se débarbouiller au puit et décrocha un fruit juteux d’une branche qui pendait. Le liquide délicieux glissa dans sa bouche, mais ne parvint pas à faire disparaître ce ressenti. Ce n’était donc pas seulement son ventre.

Elle décida alors que méditer l’aiderait certainement. Un nombre incalculable d’endroits aurait pu convenir, et elle choisit de rejoindre les jardins suspendus. Lorsqu’elle s’assit sur le sol humide, les jambes croisées et le dos droit, le soleil se levait tout juste.

Lynn resta ainsi un long moment. Tout au long de sa méditation, le sentiment d’oppression grandissait. À ses oreilles, la Symphonie n’avait plus la même couleur. Elle semblait inquiète, assombrie. Ses murmures ressemblaient à de longues plaintes désespérées. Les vibrations de son cœur semblaient à contretemps, et une obscurité invisible venait embrumer son esprit. Quelque chose clochait.

Lorsqu’elle rouvrit les yeux, la matinée était déjà avancée. Les rares elfes passants semblaient calmes, à leur habitude. L’un d’entre eux affichait toutefois une mine sinistre. Cela suffit à la soldate pour se dire que le problème ne venait pas d’elle. Elle voulait en parler à quelqu’un, mais qui ? Elle se leva et commença à déambuler dans les jardins à la recherche d’un interlocuteur. La réponse lui vint lorsqu’elle aperçut un reflet cuivre dans un jardin.

Lynn s’approcha de son commandant. Il était en train de prier, ou de méditer, lui aussi. Peut-être ressentait-il la même chose qu’elle ? Ce serait l’aubaine. Après quelques secondes d’hésitation, elle se râcla la gorge et annonça directement la couleur :

« Mainyth Royal, je ne veux pas vous déranger, mais je dois absolument vous parler de ce trouble que j'éprouve... Le ressentez-vous, vous aussi ? »

Sa voix tremblait. Elle ne se sentait pourtant pas si impactée, mais jamais la Symphonie ne s’était comportée ainsi, pour elle. Même dans ses moments les plus critiques. Lynn était inquiète, pas seulement pour elle, mais pour toute la forêt.

« La Symphonie... Elle semble... pleurer ? »

Des pas avaient approchés plus rapidement qu’a l’accoutumé. D’abord l’elfe avait haussé un sourcil, agitant ses oreilles et puis la voix d’une de ses soldates l’avait fait ouvrir les yeux et baisser les mains le long de son corps. Il avait l’air surpris autant par sa manière de s’exprimer que ses paroles d’ailleurs.

-Enfin Lynn…appelle moi Aegden. Fit-il avec une moue mi-figue mi-raisin. Ou mainyth si tu y tiens à la rigueur…

Il était leur frère d’arme et si ça ne lui posait pas de soucis qu’on le nomme commandant et même qu’on le vouvoie, il avait la sensation que ‘’Mainyth royal’’ c’était bien pompeux tout de même… Cela créait une distance qui le mettait mal à l’aise.

Ses oreilles s’agitèrent alors que son air se fit un peu plus sérieux tandis qu’il s’intéressa bien vite au reste de ses paroles. Non il ne ressentait rien. Bien sûr que non…

-La symphonie…pleure. Répétât-il sans comprendre. Est-ce qu’elle t’indique une menace ou elle est juste triste? Est-ce qu'elle te fait comprendre quelque chose de précis ?

Il semblait inquiet. Il était sourd mais savait très bien que ce genre d’instinct ne devait pas être ignorés. De toute façon Lynn avait l’air tellement inquiète, Aegden lui faisait confiance. Alors il se baissa pour fixer à nouveau sa lance dans son dos tandis qu’il gardais son casque sous son bras.

-Si tu peux la suivre, l’écouter ou je ne sais quoi, je viens avec toi. Il hocha la tête, prêt à agir malgré tout. Il y a probablement du danger pas très loin. Mais je ne pourrais pas faire grand-chose de plus tant que ça reste aussi intangible.C’est trop flou pour moi. Il grimaça en s’expliquant. Il n'aimait pas rappeler cela. Je suis sourd aux voix des arbres, Lynn.

L’amour que j’ai pour mon devoir est peut-être ce que j’exècre le plus de ma tendre personne. Pourquoi ? Me demanderez-vous. Protéger l’Anaëh de menaces contre lesquelles majorité d’autres n’ont aucun pouvoir devrait être une tâche ô combien satisfaisante. Ne le devait-elle pas ? Et bien oui… oui mais non. Grand paradoxe du protecteur. Celui qui vit pour écarter le danger n’est jamais satisfait que lorsqu’il n’y a plus de danger à écarter, rendant à ce moment son existence insensée.
Comment vis-je le fait d’exister dans le seul but de faire disparaître ma raison de vivre alors ? Plutôt bien en réalité. Après tout, aurais-je offert ma vie à une autre cause que ma gymnastique intellectuelle quotidienne aurait probablement été un peu plus morose… et mes aventures moins excitantes.

Ce n’est pas souvent que mes errances m’emmènent en Ardamir. L’attention que les elfes de l’entièreté du Protectorat accordent à la sauvegarde de la pureté des Chants du Palais de Chêne a généralement garanti le calme des terres. Le Palais de Chêne est puissant. L’un des plus puissants parmi les Premiers Fils de La Mère. Que la Symphonie soit perturbée ici était presque chaque fois le signe d’un mal bien plus profond qu’ailleurs.

- Alors. ma main se pose contre une branche de la canopée du Palais Qu’est-ce que tu as à me dire mon grand ?

Le Palais de Chêne est calme. Il n’a pas été profané. Le sang n’a pas coulé au sein de la Cité. Le mal vient de plus loin. Reste maintenant à savoir d’où, et surtout de quoi. Je reste perché dans les branches hautes en attente d’un message, d’un signe. Il viendra, et nul doute qu’il ne tardera pas bien longtemps. Que la Symphonie se refuse à hurler ses blessures, et les Lam’Nir le feraient à leur place.

- Tiens bon. Tout va bientôt s’arranger.

La remontrance de Aegden fit baisser les yeux à Lynn. Elle avait toujours eu du mal à être familière avec ses officiers. Elle nota tout ça dans un coin de sa tête et essaierait de faire des efforts a ce niveau.

La réaction du commandant l’étonna tout d’abord. Ses deux premières questions confirmèrent son ressenti : chaque elfe n’avait pas conscience de ce changement au sein de la Symphonie. L’archère soupira. Elle s’était donc inquiétée pour rien, et c’était encore une fois elle le problème, comme d’habitude. Cette pensée réveilla un soupçon de la rage qu’elle ressentait envers les traumatismes qu’elle avait vécu. Elle s’apprêta à s’excuser et à repartir pleine de gêne lorsque Aegden reprit la parole d’une voix hésitante. Ses mots martelèrent son crâne l’un après l’autre.

Ainsi, il n’avait pas conscience de la Symphonie. Ou en tout cas, il ne l’entendait pas. Cela expliquait beaucoup de choses, notamment le sang-froid dont il avait fait preuve à Naélis. Pas étonnant qu’il s’en soit si bien sorti, si les conditions pour lui étaient les mêmes qu’en Anaëh !

Lynn se mordit la lèvre, gênée cette fois par l’aveu qu’il venait de lui faire. À ses oreilles, la mélodie des arbres continuait de murmurer sa plainte. Elle s’arma de courage et tenta d’expliquer ce qu’elle ressentait, sans apporter de jugement à son supérieur.

« Comme tu le sais sans doute, chaque Souffle qui le peut ressent la Symphonie d’une manière différente. Pour moi, elle a toujours été source de réconfort et d’une grande aide lorsque je suis en danger. Elle chuchote à mes oreilles des mots, des chants ou des conseils. Je la ressens autour chaque être, qu’il soit animal ou végétal. Aujourd’hui, ces chants semblent craintifs. Elle m’appelle par mon prénom, elle le crie faiblement... »

Lynn s’arrête pour reprendre son souffle, sentant ses yeux devenir humide.

« Je n’ai aucune idée du pourquoi. Jamais je n’ai ressenti une telle chose. Je sais seulement que... La forêt besoin d’aide, Aegden. Elle a besoin de nous. Mais je ne saurai où aller, ni comment l’aider. Il faut... »

Elle s’arrêta d’un coup et tourna vivement la tête. Un instant, il lui avait semblé entendre quelque chose de différent, tout proche d’eux. Sa main avait atteint son poignard inconsciemment, et ses muscles s’étaient tendus, prête à bondir. Sans lâcher des yeux le bosquet qu’elle fixait, elle épela lentement, alors que son corps se détendait un peu :

« Il y a quelque chose là-bas. »

Aegden fixa la direction dans laquelle regardait Lynn. Dans un même temps il posa sa main libre sur celle de sa camarade, lui intimant sans brusquerie de baisser son arme. Elle n'en aurait pas besoin ici.

-quoi que ce soit ,ça ne nous fera pas de mal, soit tranquille.

Aucun sang, elfe ou animal ne devait souiller ces racines. Telle était la loi cycléenne de ces lieux et nul de devait s’y soustraire.

-Est-ce que c’est à un elfe qu’on s’adresse ? Demanda-t-il alors calmement à ce qui semblait se cacher parmi les frondaisons.

Il ne semblait pas plus inquiet que cela ni dans sa voix ni dans ses actes. Pour l’instant il était juste curieux de savoir si lynn avait réellement aperçu quelque chose ou si c’était là l’œuvre de son imagination inquiète. Peut être n'avait-elle perçu qu'un mouvement dans les branches après tout. Quoi qu'il en soit, Aegden préférait prendre le risque de passer pour un idiot qu'effrayer ou inquiéter un individu qui se cachait, volontairement ou non.

-Nous ne voulons aucun mal à qui que ce soit, on cherche juste à régler un soucis.

Les Lam’Nir n’auront pas été les premiers à m’interpeler. Forcé de me stopper dans ma descente, je me retourne vers la voix m’ayant interrompu, et fais quelques bonds en sa direction. S’ils cherchent à régler un souci, il y a des fortes chances que nous nous soyons tous choisis la même mission. Pourquoi des Citadins se seraient-ils embêtés à demander son aide à un vieil Ornedhel ?

- Vous aussi vous l’avez ressenti j’imagine. j’entame avec un sourire J’ai encore un peu de mal à la comprendre.

Ah, pauvres elfes des clans d’Ardamir. C’est qu’ils seront ravis de savoir que les Taledhels les ont devancés cette fois-ci ! En espérant que leur fierté ne soit pas suffisante à leur convaincre de nous rendre la tâche plus difficile qu’elle ne devrait l’être. C’est que tant que le Grand Chêne tient bon, il y a moyen qu’ils se désintéressent assez du problème pour le faire. Ah… les elfes…

- Mais l’Arbre Maître va bien pour l’instant, et c’est le plus important. Avec un peu de chance, il saura calmer la discordance sans que l’on n’ait rien à faire. je lance le pas vers les racines, et appelle mes deux nouveaux camarades à me suivre Mais en attendant, si vous voulez bien m’aider.

J’essaie de me montrer rassurant, de leur offrir un visage qui les tienne loin de la panique. Majorité de Citadins n’ont jamais eu l’occasion de vivre, et encore moins d’avoir à affronter une discordance. La Symphonie est bien trop docile entre les murs de pierre et autour des routes pavées. Une routine trop calme et la Sylve se calme elle aussi. La forêt profonde et les hautes montagnes par contre… le chaos a vite fait d’inspirer aux Premiers Fils des Chants plus… tendus.

- Déjà une petite idée ?

Lynn relâcha le manche de son poignard mais resta aux aguets. La voix qui répondit à son supérieur intrigua l’elfe qui resta hébétée un moment. Qui dont était cet être qui descendait de l’arbre en bondissant ? En tout cas, il semblait être touché, lui aussi. Vraisemblablement, la Symphonie était donc tourmentée par quelque chose. Mais quoi ?

Le vieil elfe se rapprocha d’eux en terminant sa descente. À sa première remarque, Lynn avait acquiescé. Elle ignorait comment il savait que l’Arbre Maître n’avait rien, mais sur ce point-là, il semblait savoir de quoi il parlait. Il leur demanda de le suivre, et après un regard interrogateur vers Aegden, elle s’approcha de lui. Son sourire presque rassurant déformait son visage, déjà asymétrique avec son nez cassé. Il avait un regard profond, plein de sagesse, et semblait issu d’un héritage très ancien. Pour sûr, l’elfe était vieux. Probablement avait-il vécu au-delà du cycle précédent.

Autour d’eux, la Symphonie pulsait doucement. Elle était plus forte à cet endroit, et on pouvait discerner plus facilement le trouble qui l’animait depuis le milieu de la nuit. La question du vieil elfe tarauda l’esprit de Lynn, qui s’accroupit pour toucher l’écorce du l’arbre près d’eux. Sa stature imposante rendait l’endroit presque mystique. Comme elle s’y attendait, absolument rien ne se produisit. Ce n’était pas par le toucher qu’elle ressentait ce genre de choses. Elle ferma donc les yeux et se concentra, tendant l’oreille inutilement.

« Pas la moindre. Je sens quelque chose d’inhabituel, dont je n’ai jamais eu l’expérience précédemment. » Elle s’arrêta une courte seconde, indécise. « Est-il possible que la forêt nous... appelle ? »

Elle avait du mal, d’ordinaire, à s’ouvrir à un étranger. Toutefois, il s’agissait là d’un évènement hors du commun, et à situation exceptionnelle, il fallait prendre des mesures exceptionnelles.

Lorsque Lynn lui jeta un regard interrogateur, il haussa discrètement les épaules. Fallait-il suivre l’inconnu ? Aegden n’en avait aucune idée. Sans doute était-il même inquiet. Cependant le noss ne semblait absolument pas agressif. Il semblait même…étonnamment amical.  Pour le mainyth c’était une situation bizarrement inhabituelle. Et puis il semblait suivre le même chemin qu'eux, alors sans doute n'avaient-ils pas grand chose à perdre à l'accompagner dans cette quête imprévue.

Aegden resta silencieux aux questions de l’inconnu. Comment aurait-il pu avoir la moindre idée de l'origine du problème sans pouvoir s’apercevoir ne serait ce que de la présence dudit problème?  Il n'y avait que Lynn qui pouvait répondre à cette question actuellement.

Se décidant à enfiler son casque qu'il tenait jusque là sous son bras, il suivit donc les deux autres sans rien dire, ses oreilles basses et la mine troublée pour témoins de son malaise. C’était amèrement ironique de se retrouver dans une telle situation après avoir été interrompu dans ses prières. A moins que ce ne fut pas un hasard ? Dans tout les cas , il se sentait tout bonnement impuissant  à l'heure actuelle et cela déplaisait fortement à son esprit de soldat toujours prêt à agir.

- En dehors de ses druides et de ses avatars, l’Anaëh n’appelle jamais personne.

Je me baissai sur mes appuis, mes sourcils légèrement froncés et mes mains comme deux araignées. Ma manière de me déplacer avait changée… sans véritable raison en réalité. Si ce n’est qu’une bonne histoire n’est jamais dignement racontée qu’en faisant l’effort d’y tirer son audience.

- Elle se contente de vivre. D’observer. Et de partager ce qu’elle observe. je m’arrête brusquement Parfois nous, nous croyons qu’elle nous appelle. Parce que ses Chants rentrent en résonnance avec nous, et que l’empathie nous pousse vers elle. je ris d’un rire artificiellement assombri La Mère nous a fait ainsi. Seulement ne vous y trompez pas. je me redresse brusquement Il n’est presque aucun Chant qui ne soit donné à entendre à tous. Il n’y a pas d’appel, seulement des réponses.

Mon pas s’accélère au fur et à mesure que l’on approche des limites de la Cité. La discordance sonne de plus en plus puissante. Sa source par contre n’est pas plus évidente pour autant. C’est le Palais de Chêne. C’est le Palais de Chêne qui jusque-là nous en protégeait. S’éloigner de lui, c’est s’exposer. Et il semblerait que la Sylve Ardamirie soit déjà en train d’en faire les frais.

- J’espère que vous n’avez pas peur de vous retrouver face à des Noss extrêmement désagréables. rire n’est probablement pas la réaction la plus normale à ce genre de déclaration, mais il vaut mieux cela qu’en pleurer Lorsqu’il s’agit de lutter contre les discordance, il n’y a pas mieux placés que les Lam’Nir… malheureusement, déjà qu’ils ne sont pas bien agréables, ils le sont encore moins lorsque la Forêt est perturbée.

Et dans toute leur frustration, ils se rendent extrêmement faciles à trouver. C’est que pour des elfes chargés de maintenir la paix de la Sylve, ils la laissent sacrément marquée.

Discrètement le poing du soldat s’était serré, et son regard s’était assombri. Un pas de plus et il avait stoppé net son chemin.

Trop familier. Tout cela laissait un désagréable gout de déjà vu aux lèvres du mainyth. La dernière fois non plus il n’entendait pas. La dernière fois aussi on l’avait prévenu que la symphonie n’allait pas bien. La dernière fois aussi on lui avait promis de le mener à la sagesse ou il ne savait quoi.

La dernière fois on ne lui avait fait entendre et voir que violence et douleur.

-Je ne veux pas te suivre pour nous faire tuer.

C’est un elfe blessé qui se retrouve tendu à en faire pâlir ses phalanges. Un elfe blessé qui craint le nouveau coup de bâton que l’on vient presque de lui annoncer à mis mots. Un elfe qui a peur et qui se retrouve acculé contre un mur invisible, un dilemme stupide : écouter sa peur au risque de faillir, ou faire un pas en avant quitte à y laisser tout ce qui peux rester de bon dans son cœur envers ses frères des bois ?

Il déteste cette peur, ce sentiment de perte totale. Une part de l’elfe s’insurge d’une réaction aussi viscérale. Aegden sait qu’au fond de son souffle il ne souhaite qu’une chose c’est de continuer à suivre cet étrange elfe, et qu’en le suivant, tout devienne plus clair. Il ne peut que l’admettre malgré tout. Ils sont des frères terrifiants mais les ornedhels restent des frères. Mais Aegden est incapable de passer outre ce déferlement qui le saisi soudain. Deux sentiments contraires bataillent en lui et cette tempête lui donne presque la nausée.

-Pourquoi nous jeter directement dans la gueule du loup au juste ?

Il lance un bref regard à Lynn qui ne doit pas reconnaitre son commandant à cet instant. Tout mais pas une victime de plus à ce conflit stupide, Kyria ait pitié.

Lynn regardait ses deux compagnons d’infortune l’un après l’autre. Dans quoi s’étaient-ils donc fourrés ? Les paroles du Noss résonnaient encore dans son esprit, et faisaient écho à son éducation infantile. Elle se remémorait les enseignements de la shamane de son clan Nöss, autrefois. Sa question avait été bien trop naïve et égoïste. Évidemment que la Symphonie ne s’adressait pas directement à elle. Elle secoua la tête et écouta en silence les mots sages de celui qu’ils suivaient sans trop se poser de questions.

La remarque qui s’ensuivit fit naître un frisson dans le dos de l’elfe. Rencontrer des Noss ? S’aventurer hors de la cité ? Elle n’était pas prête pour ça. Certes, l’archère était sortie avec un poignard, mais son arc et son armure étaient restés dans sa chambre. Elle se sentirait toute nue si un combat devait se dérouler. Elle avait déjà eu affaire à des Noss de mauvaise humeur, et c’était prendre un grand risque que de quitter la ville sans préparation correcte. Elle ignorait que Aegden serait de son avis, et lorsqu’il s’arrêta pour refuser de le suivre, elle l’imita.

Il semblait effrayé, ou hanté par quelque souvenir désagréable. Lynn ne connaissait pas bien le passé de son commandant, chose à laquelle il faudrait remédier en temps et en heure. En tout cas, s’il n’entendait pas la Symphonie, c’était certainement les Noss qui l’effrayaient. Elle voulut tenter de le rassurer, mais ici, les voix qui la hantaient semblaient plus fortes. Quelque chose les protégeait visiblement au sein de la cité, mais elle ne savait pas quoi. Elle s’essaya néanmoins, malgré l’appréhension qui naissait en elle.

« Les Noss ne sont pas tous mauvais, Aegden, au contraire. Les problèmes que nous pouvons avoir avec eux n’ont pas lieu d’être ici. Il faut surpasser notre aversion les uns pour les autres pour se concentrer sur la chose qui importe ici : réparer le trouble qui anime la forêt. »

Sa voix tremblait, mais ses intentions étaient bel et bien celles-ci. Elle aurait juste aimé enfiler son armure et récupérer son arc, juste au cas où.

Je savais les Citadins se méfier des Noss. Et quand il s’agissait des Ardamiris – du moins ceux s’étant un brin intéressé à la vie des clans fréquentant leur Cité – qu’ils se méfiaient particulièrement des Lam’Nir. Mais de réaction comme celle du rouquin, je n’en avais que très rarement vue. Les relations entre les elfes sont étaient décidément fracturées bien plus profondément que je n’osais l’imaginer… Heureusement qu’il en reste encore – des deux côtés – comme sa camarade ! Et j’espère que les temps ne les feront pas de plus en plus rares… parce que je crains bien qu’avec l’agitation qui remue la forêt en ces temps de grands changements, on ne puisse éviter que des elfes ne blessent d’autres elfes dans leur quête de nouvelles identités. Le renouveau rend les elfes fragiles, les elfes fragiles se brisent, et un elfe brisé, c’est autant d’échardes versées sous les pieds de ceux partageant un même sol.

- Les Lam’Nir sont plus chiens que loups si ça peut te rassurer difficile de s’empêcher de rire après une déclaration pareille Ils aboient beaucoup, mais mordent peu. je me retourne vers le roux en tout sérieux Mais dans tous les cas, s’il le faut, je vous protégerai.

Une grande et belle promesse, quand en réalité, je n’avais aucune idée de ce dont je pourrais être amené à les protéger. Les clans d’Ardamir, qu’il s’agisse des Mirtil’Di, des Lam’Nir ou des Sin’Dalvir étaient loin d’être la plus grande des menaces. Même les seconds, aussi farouches que le voulait leur réputation, rechignaient à donner la mort sans que la raison ne soit – à leurs yeux au moins – grave. On est encore bien loin des Baar’Ane.

- Soyez juste attentifs.

Mais attentifs à quoi exactement ? Là encore j’aurais pour une fois bien aimé pouvoir le leur dire. La discordance est là, omniprésente, mais diffuse. Plus on avance et plus elle nous entoure. Mais plus on avance et moins elle est dérangeante. Peut-être était-ce sa lutte contre les immuables mélodies du Palais de Chêne la source de notre mal-être à la jeunette et à moi. Car autant que mes yeux veuillent bien me le montrer, l’Œuvre ne semblait pas trouver souffrance dans son nouvel état. Il y avait quelque chose de différent dans les Chants d’Ardamir. Quelque chose de plus… passionné. Quelque chose de plus… vivant. À la fois plus vivant et plus dérangeant.
J’avance avec eux sur quelques centaines de mètres encore. Et toujours rien de concluant. Comme s’il en était juste ainsi sans raison. Comme si la Sylve Ardamirie avait juste choisi de changer son langage du jour au lendemain.

- វិវរណៈ

Je m’arrête. J’ordonne. Le sol est mu d’une imperceptible vibration, mourant à elle-même passée la première chaîne. Autour de nous la Sylve se met à murmurer de plus belle, à s’agiter de plus belle, à questionner les raisons de mon ordre. Je veux juste comprendre. Je veux qu’elle m’explique. Et lorsqu’elle finit enfin par le faire, je suis sa commande.

- ភាពជាខ្ញុំបម្រើ

Le sol tremble une seconde fois, une chaleur s’en empare, la Mana bout, et l’eau s’échappe de la terre. Des gouttes d’eau cristalline s’arrachent au sol tout autour de nous, et nous narguent. Elles flottent un instant, pluie inverse, et la Sylve est calme à nouveau. Et elles chutent. Et la Sylve s’agite à nouveau.

- C’est l’eau. je me retourne vers mes accompagnateurs Ce qu’on cherche est dans l’eau.

Bénie soit La-Très-Sage, et remerciés soient nos ancêtres pour avoir assez cultivé confiance des elfes en leurs Druides pour que les Anedhels en acceptent les énigmes, sans jamais réaliser que souvent… nous sommes tout aussi perdus qu’eux.

à noter :

Combien de fois ? Combien de fois avait-il entendu les arguments de Lynn ? Combien de fois avait-il lui-même, exprimé les mêmes idées, avant ? Aegden serre les mâchoires, profondément amer de la situation présente. Il a envie de répliquer bien des choses. Mais il sait que c'est  inutile. Ils n'ont pas le choix. Il n’allait certainement pas renoncer, faire demi-tour et faire comme si de rien n’était… S’il voulait tenir ses promesses, il fallait suivre le vieil elfe.

Alors après un deuxième regard vers lynn, il accepte. C’est à contrecœur et ça se voit. Le soldat est tendu et ce n’est pas à cause des chants. Il continue de les suivre, les oreilles plaquées en arrière. Il aimerait juste que toute ses énigmes cessent pour une fois. Il ne dit rien lorsque l’autre incante, il se contente d’observer les gouttes d’eau s’envoler par la magie avant de retomber. Il n’a aucune idée de comment le noss peut déterminer quoi que ce soit par ce geste…

-Qu’est-ce qu’on cherche exactement ?

Il veut bien s’amuser à remuer la forêt en quête de la source du malaise des deux autres elfes, mais s’ils ne savent pas quoi chercher, ils pourront bien y passer des mois…

-La dernière fois qu’on a pu me faire part de dissonance dans la zone, c’était à cause d’un déséquilibre de la flore locale. Les oreilles de l’elfe s’agitent tandis qu’il se force à rester calme et à ne pas réactiver les souvenir douloureux prêts à surgir à tout instant. Il doit rester calme et réfléchir. Est-ce que c’est ça qu’on cherche ? Des signes anormaux ?

Malgré l’absence de confiance envers l’inconnu, quoi que jusqu’ici, il semble tenir ses paroles, Aegden veux aider. Il a besoin de se sentir utile. Mais pour cela il faut qu’on lui en donne le moyen. Il ne peut pas se lancer à l’aveugle en espérant tomber sur leur problème. Il pourrait, mais ça serait prendre le risque de passer à côté sans même s’en rendre compte.  Il doit bien y avoir des indices qui soient à sa portée tout de même…

D’ailleurs il cherche dans leurs champs de vision ce qui pourrait ressembler à un éventuel cours d’eau. Dans quelle chasse à l’aiguille dans une botte de foin se sont-ils lancés ?

Le regard que lui avait lancé Aegden avait laissé Lynn quelque peu anxieuse. Elle ne l’avait jamais vu ainsi. D’ordinaire de sang-froid, courageux et brave, il semblait terrorisé à l’idée d’aller à l’encontre de cette discordance. Et si lui ressentait une telle appréhension, comment devait-elle elle-même réagir ? C’est donc très tendue qu’elle suivit le vieux Noss qui les guidait à travers la forêt, Aegden fermant la marche.

Le soleil montait déjà haut dans le ciel, réchauffant l’atmosphère autour d’eux, et apaisant quelque peu son esprit. La chaleur de l’été arrivait doucement, augurant de belles choses pour les mois à venir, si tant est qu’ils survivaient à ces prochaines heures. Elle essaya de fermer le plus possible son esprit à la Symphonie pour n’entendre que ce qui pourrait les intéresser, et éviter le malaise qu’elle lui procurait. Cela sembla fonctionner, le chant des arbres semblait plus doux à mesure qu’ils s’enfonçaient dans la forêt.

Lynn observa le mage incanter avec intérêt. Son père avait souvent utilisé de la magie près d’elle, et même si elle n’y comprenait pas grand-chose, elle trouvait toujours fascinant de voir les effets de certains sortilèges. Elle ne perçut rien de différent après sa première incantation, mais la deuxième eut un effet beaucoup plus visible. Les gouttelettes d’eau vinrent chatouiller son épiderme, alors que la Symphonie murmurait de nouveau son chant habituel. L’espace d’un instant, elle se demanda si le mage venait de résoudre leur problème, mais fut vite dépitée lorsque l’eau rejoignit enfin la terre. Le Noss indiqua alors ce qui était déjà clair pour elle que l’eau était source du trouble, ou tout du moins l’indice qu’ils recherchaient.

Alors que le soldat partageait ses inquiétudes et ses interrogations, Lynn réfléchissait à toute vitesse. La rosée de la nuit avait-elle apporté cette discordance ? Un élément extérieur avait-il perturbé la paix relative de la nuit et s’était insinué dans un plan d’eau aux alentours ? Quelque chose avait peut-être contaminé la flore plus en profondeur encore. Elle se demanda si les animaux avaient perçu le changement, liés comme ils l’étaient à la forêt. Elle tendit l’oreille mais n’entendit rien d’anormal : quelques gazouillis d’oiseaux, le frémissement des feuilles au gré du vent, le grognement sourd d’un prédateur au loin...

Elle vit Aegden regarder autour de lui et chercher un indice visuel. Le feuillage dense autour d’eux leur cachait bien des choses, qu’espérait-il percevoir à travers la végétation touffue ? Lynn ne voyait pas comment aider, elle se sentait impuissante. Elle ferma les yeux et s’ouvrit de nouveau à la Symphonie, essayant de se détendre pour s’imprégner de la sagesse de la forêt.

« Parle-moi, ma chérie... » murmura-t-elle pour elle-même. « Laisse-moi t’aider et te soulager de ton trouble. »

Une brise légère se fit ressentir. Un bruissement dans les feuilles d’un arbre proche. Le gratouillis des pattes d’un petit rongeur qui a pris peur. La voix des arbres ne lui donnait rien. Son regard dévia vers le tronc où elle avait perçu l’animal fuir, et ses yeux croisèrent celui d’un elfe qui les observait. Un Noss. Il était rare qu’un elfe sauvage se déplace seul, sans doute celui-ci ne l’était pas. Alerte, elle se déplaça tranquillement entre ses compagnons en se gardant de toucher à son arme, et parla à voix basse pour se faire entendre seulement des deux elfes à ses côtés.

« Pas de geste brusque, Aegden. Des Noss, dans les arbres. Nous sommes sûrement encerclés. »

Elle espérait fort que la présence de l’un d’entre eux suffirait à les dissuader de les exterminer. Les paroles du magicien faisaient écho à ses pensées. « Plus chien que loup. » Mais étaient-ils bien les Lam’Nir qu’il avait déjà évoqué deux fois ?

- Vous n’avez pas grand-chose à craindre.

La crinière rousse qui s’est arrachée à la pénombre n’appartient pas à quelqu’un de dangereux. À vrai dire, aucune des crinières qui aurait pu s’arracher à la pénombre ici n’appartient à quelqu’un de dangereux. Elles sont encore assez loin au Nord comme ça les limites du territoire des Baar’Ane.

- Tout va bien ?

Je n’y avais pas pensé sur l’instant, mais s’il devait y avoir un clan pour s’inquiéter de ce que les eaux soient touchées d’une quelconque façon, c’étaient bien les Mirtil’Di. Je n’ose même pas imaginer ce qu’il adviendrait si leur Source se trouvait corrompue… de quelque manière que ce soit. Espérons seulement que ce n’est pas le cas.

- Tout va bien.

Je souris au dernier arrivé. Il me le rend timidement. Mais sa moue reste perplexe. Son regard se pose avec une certaine crainte sur mes deux accompagnateurs. Il ne peut pas me parler s’ils entendent. Du moins, il ne peut pas me parler librement. Il lui faut protéger La Source, et le moindre mot de travers pourrait trahir une position gardée secrète de tous – sauf des Mirtil’Di eux-mêmes, et des héraults d’Anaëh quoi moi-même – depuis de longs Cycles déjà.

- Excusez-nous juste une seconde je lance à mes accompagnateurs ទ្រុង

Autour de nous l’air se fait plus épais, s’enroule sur lui-même, puis se solidifie. Une bulle de glace nous entoure l’Ornedhel et moi. Il peut parler maintenant.

- Elle n’a rien ?

- Non, elle n’a rien. La Shamane en était tout aussi étonnée que vous. Mais il semblerait que tout aille bien. C’est… étrange, mais ni les plantes ni les animaux ne semble en être gênés. Et plus le temps passe…

- …Moins on en est dérangés nous aussi. voilà qui est étrange La Sylve nous ferait un caprice tu penses ?

- Peut être ! je réussis à lui arracher un rire Mais je pense quand même que tout ça a un sens. Ce sont les eaux les premières à parler quand la santé d’Anaëh est touchée.

- Que  Maurquimellë me prenne à témoin, je n’ai de mon vivant jamais rien connu de tel. Et pour ce que j’en vois, je ne pense pas qu’il s’agisse d’un… d’un mal.

La bulle est faite poudreuse, et s’effondre délicatement sur le sol. Je me retourne vers mes deux Taledhels d’accompagnateurs, la mine déçue.

- Il n’en sait pas plus que nous. quoique… Tu sais si les Lam’Nir s’inquiètent ?

- Ils n’en ont pas l’air ! Nous sommes les premiers qu’ils viennent voir habituellement quand c’est le cas.

- Et bien il semblerait que ce soit à mes camarades et à moi d’éclaircir le mystère… si I Mîngely le veux bien.

- Je… peut-être vaut-il mieux ne pas se poser de question et accepter que tout va bien. Non ?

Accepter que tout va bien… je me sais capable de le faire. J’ai assez confiance en Hirîl Lôthren pour m’aiguiller si je venais à me tromper, la question – et c’est celle que je pose en les regardant eux, sourcils levés – si eux sont prêts à s’en contenter.

Aegden avait écouté la discussion entre les deux autres, quand il l’avait pu, l’air pensif, les bras croisés et le regard perdu vers les branches au-dessus d’eux. Cette histoire le troublait pour beaucoup de raisons. Il s’était brusquement fait sortir de toutes ses zones de confort d’un seul coup. C’était un peux perturbant…

Cependant Lynn avait pu constater que son commandant avait retrouvé une grande partie de ses moyens depuis que le noss avait décidé de se montrer. Il était méfiant, pas stupide, et l’elfe aux cheveux aussi roux que les siens avait l’air de tout sauf d’une menace. A vrai dire il semblait aussi perdu qu’eux. On était bien loin d’un exemple des ornedhels des légendes ayant réponse à tout ce qui tombaient sur leur nez...

Ses oreilles s’agitèrent et il finit par de nouveau baisser les yeux à hauteur d’elfes quand les deux sylvains semblèrent s’accorder sur le fait que tout cela n’était au final peut être pas un problème.

-Je ne comprend pas. Protestât-il alors, réellement confus. Quelque chose vous dérange, jusqu’à vous attirer ici. Quelque chose qui d’après vos dires à tous les deux, il lance un regard à Lynn puis à Mornandur, semble…menaçant ? Ou...menacé ? Il hésita, ayant du mal à poser des mots sur un sentiment qu’il est incapable de ressentir. En tout cas source d’assez d’inconfort pour qu’on soit tous ici, maintenant. Pourquoi renoncer… ?

Cette fois c’est le noss qu’il fixa. Point d’animosité dans son regard. Il cherchait à comprendre. Aegden n’était pas le genre d’elfe à laisser les choses telles quel en espérant que tout aille bien. Il ne pouvait pas faire comme si de rien n’était. Il aurait fait demi-tour depuis longtemps si ça avait été le cas. Et depuis quelques temps, il n’était plus du genre à ne pas se poser de questions.

-Même si ça se…calme. Est-ce que je suis vraiment le seul à vouloir comprendre ce qui viens de se passer ?

Etait-ce vraiment le sourd le seul qui voulait écouter le message qui venait de retentir ?

Le corps apparemment détendu, Lynn restait sur ses gardes, prête à bondir au moindre problème. Les paroles rassurantes du vieux Noss ne la touchèrent pas le moins du monde, au contraire. Tout ceci n’était-il qu’un piège ? Elle sentait son inconfort s’apaiser, peut-être que tout ceci n’était qu’artificiel. La sortie de l’elfe roux et la question de leur compagnon lui permit toutefois de remettre les choses à leur place. S’ils leurs avaient voulu du mal, les citadins seraient déjà morts. Elle ne relâcha pas sa méfiance et continua de scruter discrètement les alentours, écoutant d’une oreille distraite la très brève conversation, mais pas longtemps. Le magicien avait de nouveau agi, et les deux Noss furent coupés du monde, inaccessible par l’ouïe comme par la vue. Lynn soupira, se demandant bien pourquoi tant de secret était nécessaire.

Avant même qu’elle ait eu le temps de finir sa pensée, la glace s’effondra sur elle-même, et les deux semblaient toujours aussi incertains. Leurs paroles confirmèrent ses doutes. Dans quelle situation s’étaient-ils donc mis ? Elle regarda Aegden, qui semblait pris entre la confusion et la colère, et elle le comprenait bien. À vrai dire, elle ne partageait pas du tout l’avis des Noss. Si leur perception du danger disparaissait, lui restait sans doute bien réel.

« Non, tu n’es pas le seul. » répondit-elle en faisant un pas vers les deux étrangers. « Nous ne pouvons prétendre que Anaëh va bien seulement parce que son cri s’estompe. Nous avons entendu son appel, sa détresse. Je refuse de m’arrêter là et de fermer les yeux. »

Elle reprit sa respiration, les joues rouges. Elle n’avait pas l’habitude de s’exprimer si directement, surtout devant des êtres qui semblaient si sûrs d’eux. Si Aegden s’était tu, elle n’aurait probablement rien dit, mais il y a un monde entre faire face seule ou à deux.

« Quitte à être assurés que tout va bien, on ne peut pas ignorer ce qu’il s’est passé. Et je suis étonnée que vous prétendiez le vouloir, vous qui vous targuez d’être les défenseurs de la forêt. »

Il était peut-être un peu tard pour se rendre compte que les provoquer n’était pas forcément la meilleure idée pour les faire réagir, mais elle ne recula pas.

Je m’en serais douté. Accepter. Simplement accepter les choses a toujours été particulièrement difficiles aux Citadins. Oh, I Ëmel, quelle idée de faire tes enfants aussi intelligents ? Maintenant voilà que l’intelligence que tu nous as donné nous pousse à essayer de toujours tout comprendre… pour le meilleur et pour le pire.

- Personne n’ignore ce qui s’est passé. non, ô grand jamais Il se passe juste parfois des choses sur lesquelles il ne nous est pas donné d’agir. ou encore mieux Ou même sur lesquelles nous ne pouvons simplement pas agir.

Et peut-être tout cela ne les rassurera pas plus. Le contrôle, n’est-ce pas en partie ce que recherchaient ceux qui ont bâti les murs ? Une manière de se protéger du chaos de la forêt profonde pour mieux s’en faire les dignes maîtres ? Pas étonnant que ceux-là plus encore que les autres peinent à garder leur calme lorsque le contrôle leur échappe.

- Parfois encore, ce que Chante la Sylve ne nous concerne tout simplement pas. comment l’expliquer ? J’imagine que vous vous êtes tous déjà cognés l’orteil ? Sur le moment c’est désagréable, et parfois ça nous arrachera même un petit cri. Mais au final il est rare que ça ait la moindre conséquence à part une petite gêne passagère. Notre chère Anaëh a juste de très gros orteils. et la voix qui va avec

Je ne peux m’empêcher de rire, et mon congénère Mirtil’Di ne peut s’empêcher de me suivre. Non, ce n’est pas sérieux, mais il vaut mieux rire des choses plutôt qu’en pleurer. C’est ainsi que l’on vit vieux.

- Mais si vous voulez vous assurer qu’elle ne se soit pas brisé un ongle, je suis avec vous. le rouquin et moi échangeons encore un fou-rire, qui se calme finalement très vite Comme ça vous pourrez être sûrs qu’il n’y a pas de plaie qui risque de s’infecter.

J’aurais dû arrêter la métaphore bien plus tôt, mais la roue était déjà lancée. Difficile de l’arrêter avant qu’elle ne finisse au bas de la colline. Au moins cette démonstration bancale d’humour nous laissait tout de même avec une piste à explorer. Avec un peu de chance, voilà qui suffirait à garder la face devant mes chers compagnons d’infortune.

- Allons vers les rives de l’Elorëa. je lançai la marche sans vraiment attendre leur avis Si l’eau est bien le cœur de la discordance, le fleuve devrait pouvoir nous en dire un peu plus.

Et si ce que je ressentais à chaque pas de plus en direction du fleuve était bien réel, alors oui. La ripisylve aurait beaucoup à dire. Certainement moins que n’en disais la Source, seulement la Source, je ne pourrai y avoir accès qu’après avoir contenté la curiosité et apaisé les craintes de mes deux jeunes amis.

- Rentre auprès de ton clan. je lance au Mirtil’Di Et essayez de trouver les Lam’Nir. S’il y a du nouveau, qu’Ardamir le sache.

Les deux qui me suivent ne seraient certainement pas les seuls à avoir besoin d’être rassurés.

L’air du soldat n’avait pas changé ni au cours de la diatribe de sa compagne d’infortune ni au cours de la réponse de leur étrange guide. Et à vrai dire la pointe d’humour de ce dernier le laissa absolument de marbre… Tant mieux si ce n’était pas grave. Tant mieux si cela en faisait éclater de rire les ornedhels. Tant mieux mais ce n’était pas son cas. Chercher une réponse afin de rentrer chez eux le cœur à peu près rassurés, ce n’était pas trop demander, si ?

 -Si il s’avère qu’il n’y a plus rien, ou que l’œuvre n’a pas besoin de nous alors on s’en ira. On n’est pas là pour interférer avec ce qui nous regarde pas.

Mais sans aucun doute, Aegden préférait largement se rendre compte que sa prudence était bien inutile plutôt que d’apprendre plus tard qu’ils avaient laissé quelque chose de grave se produire.

-On vous suis…Marmonna-t-il finalement plus bas, la mine presque boudeuse.

Comme il ne pouvait prendre les devants, Aegden se plaça de manière à fermer la marche. Il était dans une situation où il lui fallait faire confiance aux deux autres, l’ornedhel compris, aussi difficile était-ce.

La métaphore du vieux Noss laissa Lynn sans voix. Non mais, pour qui se prenait-il, au juste ? Et était-il vraiment en train de se moquer d’eux et de leur ignorance, avec le benêt à ses côtés ? Elle sentit sa tête pencher sur le côté, et elle feignit un petit rire avec eux, tout en réfléchissant soigneusement à une façon de se venger, plus tard. Et il continuait à parler d’ongles et d’orteils, sans montrer une once de respect sur le sujet à propos duquel il semblait en savoir tant. Il s’exprimait avec aisance, et Lynn ne pouvait s’empêcher de penser qu’il la prît vraiment pour une enfant de 72 ans.

Enfin, il poursuivit et leur donna enfin un indice, une piste. L’Eloräe était donc proche d’ici. Le sortilège qu’avait utilisé le Noss semblait en effet indiquer que l’eau était liée à la discordance, si elle n’en était la source. Chemin faisant, Lynn choisit de le suivre en restant muette, alors que l’autre obéissait aux instructions de leur guide. Aegden fermait la marche. Il semblait garder son sang-froid, alors que le sien bouillonnait. Il fallait tenter de garder les idées claires s’ils voulaient percer le mystère qui les entourait, mais impossible de le faire tout de suite.

En chemin, Lynn s’appliqua donc à observer la flore autour d’eux, cherchant dans la sérénité de ces lieux la paix qu’elle désirait tant. Les plantes avaient cet effet sur elle. Ils étaient entourés par les arbres vénérables, emplis d’histoire et d’expérience, par les nouvelles fleurs qui profitaient du climat tempéré du printemps pour montrer le bout de leur nez, par les mauvaises herbes qui se répandaient en protégeant la terre et préservant la biodiversité de la forêt... Chacune des plantes autour d’eux avait son utilité. Penser à cela réussit à Lynn qui s’apaisa petit à petit, alors que la végétation se dégageait au fur et à mesure qu’ils s’approchaient du fleuve.

Devant eux, un animal fuyait, apeuré par leur présence. Les oiseaux accueillaient leur passage en chantant. L’humidité dans l’air grimpait petit à petit, alourdissant l’atmosphère. Un humain aurait ressenti plus de chaleur, mais pour les elfes, la température n’avait pas un grand intérêt. Chaque pas en direction du fleuve semblait augmenter le volume des murmures de la Symphonie. En jetant un regard derrière elle, Lynn voyait Aegden renfrogné sur lui-même, et se demandait à quoi il pouvait bien penser. Plus loin, elle remarqua que personne ne les suivait, à sa connaissance – ou alors étaient-ils bien discrets. Enfin, le fleuve commença à se faire entendre, son écoulement rebondissant sur les arbres. Ils approchaient.

Au ton utilisé je devine facilement que pour le rouquin, mon explication avait jeté un froid. La brune au contraire tentait de se contenir, mais difficile de ne pas remarquer qu’elle était au bord de l’ébullition. Un tremblement de paupière a vite fait de vous trahir. Dans les deux cas par contre, mon échec était une constante. À se demander à quoi est-ce que je m’attendais. Ce n’est ni la première ni la dernière fois que ma relation à la forêt aura mis un elfe mal à l’aise. Probablement faudrait-il un jour que j’apprenne à faire plus attention à ma manière de la présenter. Ah… mais c’est qu’un Phish Oura ne change pas si facilement ses mouchetures. Quoique… avec un peu de chance après la mue hivernale…

- Voilà. j’ouvre les bras, désignant indirectement le fleuve l’Elorëa.

Et le point culminant du fourmillement. Je me baisse, passe ma main entre les brins d’herbes, j’écoute, et tout est comme ce à quoi je m’étais attendu en approchant des rives. À la fois d’une effrayante normalité et profondément différent de ce qui est censé être. De l’agitation, seulement de l’agitation, pas du stress. Mais qu’est-ce qui aurait bien pu à ce point exciter la Sylve d’aussi bon matin ?

- La discordance ne sonnera pas plus fort qu’ici.

J’avance encore un peu, jusqu’à ce que mes pieds nus trouvent l’eau du fleuve. Et là je m’arrête un instant. Il y a peu de choses plus belles en Anaëh que la vision des lacs, étangs et fleuves au printemps. Les nénuphars en fleur, les libellules qui s’activent, les oiseaux qui se dépoussièrent au matin, les occasionnels grands animaux qui viennent s’abreuver, et puis… les poissons qui viennent vous grignoter les peaux mortes…

- Salut toi.

La grenouille aura préféré fuir plutôt que de me rendre les politesses. Quoique…

- Si vous avez du temps devant vous, on peut essayer de remonter vers la source du fleuve.

Je doute fort qu’on y trouve quoi que ce soit, mais si quelque chose touchait l’eau, remonter à la source était notre meilleure chance de comprendre quoi.

Effectivement perdu dans ses pensées, Aegden ne remarqua pas le coup d’œil que lui avait jeté Lynn et il était à nouveau resté silencieux jusqu’à ce qu’ils atteignent leur visible destination. Destination qui n’avait aux yeux de l’elfe rien de différent du reste de la forêt…

-Personne n’a répondu à ma question tout à l’heure… Aegden se mit à de nouveau observer les alentours, perdu. Qu’est-ce qu’on cherche ? ça commençait à devenir profondément humiliant d’être trimbalé à droite à gauche sans rien savoir. Je veux dire…

Aegden soupira, cherchant à s’expliquer sans exprimer sa frustration. Il essayait de faire un effort envers l’inconnu, histoire de ne pas l’agresser pour rien.

-Depuis le début vous parlez tous les deux de menace, de…dissonance. Il trouvait ce mot extrême et espérait sincèrement qu’il le soit. Une aduram était déja de trop. Mais il n’y a rien. Tout est parfaitement calme. Même vous deux.

Pour en avoir fait l’expérience, il les trouvait très calmes ses camarades, s’il régnait réellement une dissonance autour d’eux.Il avait encore assez de confiance pour se douter que ni l’un ni l’autre ne mentait quant à son ressentit mais c’était profondément perturbant. Il avait l’impression de marcher dans un autre monde, déconnecté de ses racines.

-J’ai franchement du mal à accepter que l’œuvre envoie ces messages pendant de longues minutes pour un bref incident.Continua-t-il. Pas plus que je ne comprends pourquoi remonter le fleuve si c’est ici l’épicentre du problème.

Pour reprendre la métaphore du noss, lorsqu’on se cognait le pied on avait mal quelques secondes, pas en continu. Et c’est ce qu’ils semblaient dire tous les deux : c’était continu.

-Je ne perçoit rien de ce que vous percevez tous les deux. Reprit-il, ses oreilles se couchant contre son crâne, signe de malaise. Si je veux être utile j’ai besoin d’éléments concret. Alors pour l’amour d’Hiril lothren, si tu as quelque chose en tête, dit le. S’adressa-il à l’ornedhel. Il mit une bonne trentaine de seconde à ajouter : s’il te plait.

Machinalement il ôta son casque pour quelque instant au moins. Il était tendu, non pas par peur de son interlocuteur mais parce qu’il en avait assez d’être perdu. Aegden détestait ne pas comprendre quelque chose. En général il fuyait les sujets qui lui étaient inaccessibles les remisant dans un coin opaque de son esprit, comme il l'avait fait toute sa vie avec la magie. Seulement là c’était impossible. Ce n’était pas de la colère dans sa voix, peut-être y avait-il de la frustration mais elle n’était pas dirigée vers le noss. Il voulait juste comprendre pour une fois.

Le fleuve s’écoulait devant eux, calme et tranquille. Rien ne semblait déranger son ruissèlement perpétuel. Il continuait sa route à travers la forêt, imperturbable même par le vieux Noss qui vint y tremper ses orteils. Espérons qu’il s’y cogne un orteil, se dit Lynn avec un sourire discret. Elle l’observa et s’émerveilla, cette fois, de le voir si proche de la nature. Il semblait autant dans son élément entre les arbres que dans le cours d’eau. Sa proposition de le remonter était, pour l’elfe, évidemment acceptée. Ils n’avaient pas fait tout ce chemin pour s’arrêter si proches. La Symphonie continuait de lui souffler à l’oreille ses plaintes, confirmant qu’ils étaient sur la bonne voie. Et puis, Aegden reprit la parole, répétant son incompréhension.

« Qu’est-ce qu’on cherche ? Je veux dire… »

Lynn se rapprocha de lui et lui fit un bref sourire timide.

« De ce que j’ai compris, la Symphonie aime prévenir ses protecteur – nous, les elfes – des problèmes qu’elle peut connaître. Parfois, ces problèmes sont insignifiants, d’après ce qu’en dit notre compagnon. D’autres fois, ça peut être bien plus grave. Nous cherchons à comprendre l’origine de la dissonance. C’est ça que l’on cherche.
- Depuis le début vous parlez tous les deux de menace, de…dissonance. Mais il n’y a rien. Tout est parfaitement calme. Même vous deux.
- Les paroles des deux Noss m’ont rassurée, même si leur façon de s’exprimer m’a... gênée. »

Difficile de dire qu’elle avait eu envie de leur mettre à chacun une claque pour leur faire comprendre le respect que les citadins méritaient aussi. Aegden continua sa tirade, à laquelle Lynn s’efforça de répondre aussi simplement que possible.

« Moi non plus, je n’y crois pas. J’ai peur qu’il y ait un réel problème, mais je me fais à l’idée que son impact ne doit pas être si important. Après tout, nous en aurions déjà vu ou ressenti les effets, s’il l’était. Lorsque notre compagnon a utilisé sa magie, tout à l’heure, et que l’eau des plantes nous a entourés, la dissonance a vibré autour de nous. C’est pour ça qu’on pense que le fleuve doit avoir un lien, ou au moins un indice. Je ne sais où se trouve la source de l’Elorëa, mais si elle est proche, ça vaut le coup d’aller y faire un tour. »

Lynn ne savait comment continuer lorsqu’il évoqua vouloir se sentir utile. Elle-même n’avait pas l’impression d’être d’une grande aide pour le moment. L’elfe se tourna donc à son tour vers l’ornedhel. Elle n’était pas certaine qu’il saurait y répondre non plus.

- De discordance pas de dissonance.

La distinction est importante. Fondamentale même. Pas étonnant que le rouquin se soit autant effrayé de ce que pouvait être le souci s’il pensait véritablement un phénomène similaire à la Dissonance se jouer en Ardamir.

- La Dissonance est le nom que l’on a donné aux Chants d’Aduram. Ce sont des Chants dont la fondation même a été altérée lorsque Mëlien a transformé l’ancien Linoïn en l’Aduram. Pour que quelque chose de similaire à la Dissonance trouve son chemin jusqu’au sein des autres Protectorats d’Anaëh, il faudrait un événement d’une ampleur inimaginable ou alors… ou bien un sacré caprice de la part de Mëlien. je souris en direction du plus Sourd d’entre eux, espérant calmer un peu ses inquiétudes À côté, les discordances sont juste le résultat de la vie de la forêt. L’Œuvre vit comme vous et moi, et ressent les choses comme vous et moi. Et parfois, il lui arrive de vivre certaines choses plus intensément qu’à son habitude.

Je me rapproche de lui pour me poster à sa droite, puis mes yeux s’en vont en direction de l’amont du fleuve. Avec un peu de chance, les siens suivront.

- Notre lien avec l’Œuvre fait que toutes ces choses, on les vit avec elle. C’est du coup naturel pour nous – lorsque la forêt semble en détresse – d’offrir notre aide. Mais au final, elle n’est que rarement nécessaire. Et heureusement ! l’Œuvre est immense après tout, et les elfes ne peuvent pas être partout à la fois pour tout vérifier Par contre… vous n’avez jamais remonté l’Elorëa ? Parce qu’il y a quand même une sacré trotte jusqu’à Mera.