Donner sens à l'insensé [ Lynn / Mornàndur]

milieu de deuxième ennéade, barkios 20:XI
carrières du protectorat
suite de toutes griffes dehors

Le chaos de la carrière s’était maintenant tût depuis quelques heures. Les blessés avaient étés rapatriés du mieux possible bien que certains ne puissent avoir été déplacés. Le mainyth avait aussi fait rapatrier l’une des créatures, dans l’espoir que des elfes de meilleur compétences puissent en apprendre davantage sur cette étrange menace. Lui, il était resté avec quelques autres soldat indemnes, dans le doute où les monstres réapparaitraient mais il ne se passa plus rien durant quelques heures.

Quelques soldats noss réapparurent, probablement tout aussi avide de réponses que leur confrère d’habitude honnis. Cependant, la discussion ne mena à rien. Personne ne savait ni d’où ni pourquoi les monstres étaient apparus.

Après de longues heures de fouille et d’attente dans les alentours, les elfes, noss comme citadins finirent par en conclure à un phénomène dont la compréhension leur échapperait. Alors quand la nuit rendit les recherches trop dangereuses, ils furent forcés de rentrer chez eux, l’amertume au fond de la bouche.

1ière énnéade de Verimios 20:XI
Carrières d'Alëandir

Le temps avait passé, un mois entier, depuis la catastrophe qui s’était déroulée dans la carrière la plus proche de la cité. Les morts avaient étés rendus à leur terre. Les blessés avait été pris en charges. Si personne ne l’avait oubliée, il semblait malgré tout que la terrible colère de la Mère sur ses enfants s’était apaisée aussi rapidement qu’elle avait débuté dans ces lieux. Malgré la surveillance accrue et régulière, bien entendu renforcée en priorité, rien ne fut à signaler. Alors, naturellement la vie avait repris son cours le plus paisible.

Pourtant, un mois après, Aegden n'avait pas non plus oublié. Il avait décidé de revenir sur les lieux du drame encore une fois. Il devait être certain. Au quatre coins d’Anaëh l’on signalait un accroissement de la fougue de l’œuvre, souvent aux dépends des anedhels et la carrière était un lieu encore bien dérisoirement protégé.

Alors, comme la première fois, bien que cette fois aucun rapport ne l’y poussa, il avait pris quelques hommes avec lui, certain ayant déjà combattu les monstres de pierre, dans l’espoir d’explorer un peu les alentours, et peut être de comprendre, enfin, ce qu’il s’était passé.

J’ai eu peur qu’elle ne s’en sorte pas, je dois bien l’avouer. Si seulement je pouvais en parler, je ne pense pas que les elfes capables de comprendre ce que je ressens seraient nombreux, mais il n’y a rien que je ne trouve plus difficile que d’abandonner une créature aux portes de la mort, sans savoir ce qu’il adviendra d’elle. Tuer, j’en ai l’habitude. Tuer ne me fait pas plaisir, mais tuer fait partie de ma mission. Et au moins en donnant la mort, je peux offrir closure à un esprit ou à un Souffle. La Mère et la Voilée ont une place auprès d’elle pour ceux qui rendent leur dernier souffle. Ceux par contre, que la vie hésite à reprendre… ils sont seuls. Et la solitude est une dure maîtresse. J’en sais quelque chose.

Cela fait probablement longtemps que j’aurais dû m’éloigner d’Alëandir. En terminant de réveiller Anaëh, on dirait que la Nouvelle Lune a aussi réveillé l’Agaraswaen. Depuis combien de temps est-ce que je ne m’étais pas retrouvé forcé d’aussi souvent compter sur mes prédécesseurs ? Et aujourd’hui j’en étais là. Un vieux druide espérant désespérément que la Sylve ne l’appelle pas avant qu’il ait pu s’assurer que la petite avec qui il a passé presque un an s’en soit sortie. C’est que même avec la « sagesse » des années on ne se refait pas. Tu nous as fait bien têtus, Mère..

Il semblerait que la pierre se soit calmée depuis la dernière fois. La Sylve ne s’en est toujours pas complètement remise. Les Chants sont encore marqués d’une pointe anxieuse, mais les Premiers-Nés auront bientôt terminé de reprendre leurs droits sur les lieux. Ceux des pierres n’auront probablement plus que leurs souvenirs pour faire renaître la peur, et ceux des bois… je ne pense même pas qu’ils soient nombreux parmi eux à entendre le dernier pincement qui anime les Voix feu tranchées par la roche. Tant mieux. Que les elfes reprennent possession de l’endroit est la meilleure manière de promettre un futur plus radieux à la Sylve.
Maintenant… maintenant il me fallait la trouver. C’est pour elle que je suis venu ici après tout alors… Frères, Soeurs, si vous pouviez juste m’aider. Juste un murmure, que je sache si les mélodies que j’ai suivi m’ont conduit au bon endroit. Juste un murmure. Oui… je vous entends…. Je vous remercie. Merci…

- Lynn !

Il m’aura fallu la héler, et la saluer, avant de me rendre compte que postée en hauteur comme elle l’était, elle aurait probablement préféré être discrète. Mais eh ! À quoi bon. Le ciel est bleu, le soleil brille, et la Sylve combat sa morosité avec férocité. Le danger est loin, alors pourquoi essayer de s’en cacher ? Alors oui j’ai couru jusqu’à elle, sans discrétion aucune, mais encore une fois à quoi bon, puisqu’elle était déjà débusquée ?

- J’ai entendu dire qu’il s’était passé des choses étranges ici. je lui lance un regard complice Et qu’une archère qui te ressemble a failli y laisser sa peau. Mais je constate que tu vas parfaitement bien, donc j’imagine qu’il va falloir que j’en félicite une autre pour son courage.

Des appels résonnèrent soudain sur le chemin, après que l’archère soit brusquement partie devant eux. Surpris et curieux, Aegden suivit sa camarade, qui s’avérait finalement discuter avec un autre elfe comme s’ils s’étaient tous les deux toujours connus.

Il reconnaissait ce druide, pour l’avoir croisé une fois, dans des conditions plutôt…Désagréables… Mais cela remontait à bien deux années. Deux ans au cours desquelles s’étaient passées tellement d’évènements que le souvenir devenait lointain. Quoi qu'il en soit, loin de quelconque forme de rancune le soldat se demandait surtout ce qui pouvait bien le pousser à venir ici. Quoiqu'après tout, les druides avaient leurs raisons propres à bien des choses...

Comme Lynn semblait occupée à de joyeuses retrouvailles avec lui, Aegden se contenta de mettre pied à terre et, un peu en retrait du duo, de saluer le druide d’un simple poing sur la poitrine et d’un hochement de tête.

-Heru Tercano.Lui adressa-t-il.

- Je n’ai heureusement pas la mémoire si courte. je me retourne vers le jeune roux pour lui rendre ses salutations Heru Aegden.

À les revoir ensemble, je me dis que le duo du Commandant et de l’archère m’avait presque manqué. Et bien que je doute fort que ce soit réciproque, au moins le temps passé avec Lynn au cours de l’année dernière me permettra peut-être de regagner un peu des faveurs du plus récalcitrant des deux. Surtout qu’au vu de ce qui risquait de devenir leur sujet d’enquête, le pauvre risquerait – du moins il serait probablement dans son intérêt – de se coltiner mon expertise pendant encore quelques temps.

- Si tu cherches ton bienfaiteur Lynn, je me retourne à nouveau vers elle, sachant pertinemment que ce n’est certainement pas pour ça qu’elle est ici ça ne devrait pas être bien difficile. Entre druides, on a nos petits secrets pour nous retrouver.

Un clin d’oeil complice à l’archère plus tard, mon attention s’en retourne au Mainyth, qui lui n’est définitivement pas à la recherche d’un quelconque druide.

- Mais si le Commandant est là, j’imagine que ce n’est pas juste pour t’emmener faire des remerciements.

Les implications ne pouvaient pas êtres plus évidentes, alors je me contente de lever un sourcil, attendant qu’Aegden développe – ou pas – sur les raisons de leur présence.

-Croyez bien que j'aurais préféré. Aegden soupira, ses oreilles s’affaissant un peu venant trahir a contrariété devant la situation.

Tour à tour il fixa sa camarade puis le druide se demandant s’ils avaient pu se revoir durant l'absence de l'archère. Ils semblaient se connaître beaucoup mieux que la première fois. S’il ne disait rien, les questions se lisaient clairement dans son regard.

Un bruit attira leur attention alors que la mage du groupe qui s'était éloignée s’approchait, elle aussi attirée par des éclats de voix qu’elle ne reconnaissait pas forcément. Sans un bruit elle leur lança simplement un regard un peu surpris, interrogateur, mais attendit elle aussi que la situation s'éclaire d'elle-même.

-En réalité, si Kÿria le veut, notre présence ici n'est rien de plus qu'une balade de santé et ne durera pas longtemps. Poursuivit-le commandant. Si vous avez fréquenté les Min'nolwë récemment ils vous ont forcément parlé des créatures qui ont attaqué les carrières citadines et certain de leurs propres camarades il y a tout juste un mois. Elles ont blessée Lynn mais aussi tués des elfes, noss comme citadins sans aucune raison ni forme de mise en garde. Nous ne connaissions pas de créatures similaires et pour tout vous avouer le phénomène n'est pas isolé et a même tendance à prendre en ampleur. Donc, je suis inquiet.

D'où la présence du petit groupe ici, alors même qu'aucun autre incident n'avait eut lieu depuis des ennéades. Aegden avait l'impression de passer à coté d'un élément important. Il n'aimait pas se retrouver pris devant des évènements qu'il n'avait pas pu anticiper. Là, il y avait des vies en jeu, face à des événement qui arrivaient sans prévenir et qu'ils ne comprenaient pas alors ça le contrariait davantage encore. Assez pour ne pas s'embarrasser de quelconque méfiance à l'égard du druide qui de toute manière avait toujours été cordial avec eux. Peut-être même, sans doute, son statut d'élu de la Mère et sa proximité avec l'Œuvre lui faisait il voir les évènements d'un prisme tout autre...

- Je ne saurais pas dire si c’est une bonne chose ou pas, mais l’histoire de ce qu’il s’est passé ici a voyagé beaucoup plus loin que les Min’Nolwë.

Je ne fais juste pas partie des gens qui en ont été informés par la rumeur. Mais ça ils n’ont pas besoin de le savoir. De la même manière qu’il semblerait que Lynn considère qu’Aegden n’aie pas besoin de savoir où et surtout avec qui elle a passé cette dernière année. Pourquoi tant de secrets ? Ce n’est pas moi qui saurai vous le dire. En vérité s’il y a là un secret elle est la seule à le connaître, parce qu’à aucun moment durant les deux dernières saisons je ne pensais qu’elle vivait cette escapade en cachette.

- Et ce n’est malheureusement pas un cas isolé.

Malheureusement. Malheureusement est un grand mot. Que les éléments se déchaînent n’est pas malheureux. L’Œuvre vit. Peut-être pas de la même manière que ses habitants, mais l’Œuvre est parcourue d’énergies. D’énergies qui nous sont vitales, qui nous relient, qui nous permettent d’évoluer en ce monde. Alors comme nous vivants avons parfois besoin de rire, de pleurer, de hurler ou quoi qu’il en soit pour relâcher un trop plein d’énergie, l’Œuvre doit parfois matérialiser la sienne. Que les éléments se déchaînent est une bonne nouvelle. Ce qui est malheureux, c’est que des vies y aient été perdues. Mais je ne sais pas si c’est là un discours qu’ils sont prêts à entendre. Eux ou n’importe lesquels des elfes ayant vu – ou même juste entendu dire – que le sang des leurs a coulé. Plus tard certainement. Quand ils auront fait leur deuil. Pour l’instant, je ne peux que leur offrir un visage aussi sombre que le leur, et les y accompagner.

- Ni quelque chose de nouveau. juste un pas en arrière, pour ouvrir un espace entre nous Je vais vous montrer.

ប្រវត្តិសាស្រ្តពិភពលោក

- L’Œuvre est parcourues de forces qui nous touchent, nous servent et nous dépassent à la fois.

Quelques gouttes d’eau se rassemblent, pour former une sphère. Une sphère autour de laquelle orbitent et s’entrecroisent d’autre sphères, dans un parfais chaos organisé.

- Les forces du monde physique nous permettent de nous toucher. Les forces du monde spirituel nous permettent d’exister. Les Chants sont une passerelle entre le monde physique, où nous sommes séparés, et le monde spirituel, où nous sommes tous liés.

De goutte en goutte un fil minéral se tisse. Une fine toile de roche dessine les chemins secrets empruntés par l’eau, révélant le lien caché maintenant la perfection du chaos.

- Et la Mana, la force du monde éthéré, est celle qui à la fois les embrasse et leur échappe. Seuls les Dieux connaissent les limites de la force que Le Sage nous a enseigné à manier, mais déjà entre nos mains elle est capable d’altérer autant le physique que le spirituel.

Face aux constellations aqueuses, naissent des constellations de flammes. Un miroir parfait, de flammes rouges, jaunes et bleues, du tissu du monde. Un reflet qui ne tarde pas à se déformer, pour venir par endroits embrasser ce dont il imite l’image. Et certaines flammes entourent l’eau, certaines flammes plongent en son coeur pour habiter au centre des bulles, certaines flammes dansent autour de perles transparentes, et d’autres entrent en collision avec pour qu’eau et feu finissent sphère de vapeur.

- Alors entre les mains de ses Maîtres légitimes, ou même simplement laissée sans contrôle…

Les flammes s’excitent, grandissent en chaleur, arrêtent d’être reflet, et deviennent chaos primal. Sous l’effet de leur chaleur l’eau est poussée, la brume est soufflée, certaines gouttes séparées, d’autres rassemblées. Et les fils de roches se brisent, leurs poussières flottent à la recherchent de liens à tisser, et l’univers se transforme en un tourbillon à la recherche d’un nouvel équilibre.

- J’ai bien peur que pour l’instant, il n’y ait pas grand-chose à anticiper. Je pense que les Dieux sont simplement en train de façonner quelque chose de nouveau. Nous vivons un temps où La Mana altère le monde.

Le tourbillon trouve son rythme, les brumes et les eaux trouvent leur équilibre. L’onde et la flamme s’embrassent en de nouvelles constellations, et alors à nouveau un chemin pour la pierre se dessine. Une nouvelle route apparaît. Tout est à nouveau relié. Tout fait à nouveau sens, car tout a toujours fait sens. Que l’oeil soit capable de le comprendre ou pas.

- Et nous, il va nous falloir trouver un nouvel équilibre. je souris, et finis par effacer mon sortilège Mais à défaut de pouvoir vraiment l’anticiper… ce genre de perturbations se sentent. Comme on sent venir l’orage. C’est probablement comme ça que le druide des Min’nolwë a été attiré ici. Il suffit d’y prêter attention.

Lynn sait peut-être de quoi je parle. Après tout, les Chants ont beaucoup guidé nos voyages. Même sans véritablement les comprendre, se laisser aller à eux fait beaucoup. Ils sont une part de notre essence et de notre être. J’en souris probablement autant que les Ornedhels n’en ragent, mais je serai toujours impressionné de voir à quel point nous les Anedhels – et moi y compris – sommes si souvent aveugles à l’influence des Chants sur notre être et de notre être sur les Chants.

-Je n’ai pas besoin de vous dire que vous avez raison. Aegden laissa échapper un soupir, levant machinalement son regard vers les frondaisons, comme si elles gardaient en elles toutes les réponses à ces secrets. Mais c’est bien ce qui me fait peur justement. Ajouta-t-il calmement. Les temps changent. Ses lèvres se relevèrent légèrement, en une moue moitié amusée moitié agacé par ce simple constat. Mais nous nous n’avons jamais été très bon à nous y adapter.

Les elfes n’étaient pas réputés pour leur rapidité d’action et de prise de décisions c’était un fait. Ils étaient un peuple casanier, dont les traditions et les habitudes avaient la vie dure. Il leur faudrait du temps pour s’adapter à ce nouvel équilibre précaire.  Ils y parviendrait, Aegden n'en doutait pas mais le plus rapidement était le mieux pour la sureté du plus grand nombre et ce n'était clairement pas gagné s'ils ne pouvaient même pas prévoir où et quand la forêt se décidait à frapper.

Quant à le sentir comme l’orage…Voilà qui n’était pas spécialement satisfaisant. Il fallait dont dire cela aux artisans des carrières attaquées brutalement…

-Sentez-vous quelque chose ici Heru Tercano ? Osa-t-il malgré tout demander en retrouvant son regard, ses propres oreilles haussées, comme en quête d’un pressentiment invisible.

La question de Lynn était rigolote. Rigolote et naïve. Du moins, c’est ainsi que je préfère le voir. De nombreuses forces ont altéré l’essence d’Anaëh à travers le temps, et nous sommes l’une d’entre elles. Nos constructions, notre magie, nos prières, nos joies, nos colères, notre amour, ou notre dédain sont autant de puissances qui ont profondément marqué la Sylve. Mais heureusement pour chacun d’entre nous, ce sont des marques que nous avons apposés en tant que peuple plutôt qu’en tant qu’individus.

- Il n’est pas Souffle qui vivent en ces lieux qui ait assez de pouvoir pour à ce point influencer notre monde. Seuls les dieux et leurs plus puissantes créatures en sont capables. je souris et hausse les épaules Mais les Hydres dorment, les Dragons sont loin, les Phoenix ont disparu et les Sept se font discrets.

Discrets mais pas muets. C’est comme ça que je trouve les perturbations. En écoutant les Chants, et en laissant les discrètes injonctions de Liltalaima me guider. Probablement seront-ils incapables de les entendre comme moi je les entends. Là est après tout le plus grand des dons faits aux druides par La Mère, mais en réalité...

- La question, par contre, Aegden je me tourne vers le jeune lancier est plutôt de savoir si vous sentez quelque chose. j’ai du mal à ne pas m’amuser de pouvoir faire ce genre de réponses, le pauvre doit me détester à l’heure qu’il est Avant de t’énerver, offre-moi juste une minute d’accord ? Toi aussi Lynn. Prenez le temps de respirer.

Prendre le temps d’exister dans l’instant. C’était là le grand secret. Et là raison pour laquelle beaucoup d’Elfes des Pierres se pensent moins sensibles à la nature qu’ils ne le sont réellement. Ceux des Pierres vivent souvent soit dans l’avenir, soit dans le passé. Il est rare qu’ils ne soient pas soit en train de s’accrocher à l’idée d’un temps perdu, ou à une quelconque perspective d’avenir. Parfois les deux en même temps, et je les comprends. Mais ce n’est malheureusement pas comme ça qu’on Entend.

- Essayez d’oublier un instant que vous êtes venus chercher quelque chose, et écoutez chanter les oiseaux. Puis écoutez siffler le vent. Ecoutez bruisser la canopée à son contact. Laissez-vous bercer par les sons de la forêt. Essayez de chasser vos pensées. Concentrez-vous sur votre respiration. Ecoutez votre corps. Les clignements de vos yeux, les frissons de votre peau, et le battement de votre coeur. Posez-vous la question de ce que vous ressentez, ici et maintenant. Puis posez-vous la question de si c’est bien vous qui le ressentez, ou de s’il s’agit de quelque chose que la Forêt essaie de vous partager.

-Au risque de surprendre, non je ne vais pas m’énerver.

Ça l’aurait probablement vexé en temps normal. Mais peut-être était-ce la fatigue et l’inquiétude, le désespoir d’obtenir la moindre étincelle d’aide. Peut-être avait-il tout simplement plus changé qu’il ne voulait le croire. Mais il se contenta d’un fin rictus d’un très timide amusement.

Les bras croisés, il écouta le druide et machinalement son regard retrouva encore les frondaisons. Son esprit lui, plongea par automatisme dans les souvenirs de ce jour pas si lointain où, perdu en Annon, entre les mains patientes d’un autre druide, il avait entendu pour la première foi.

Aujourd’hui, l’intense harmonie était devenu un rythme sourd dans sa poitrine. Elle ne le quittait plus, mais, comme le flot d’une rivière constante, il avait fini par s’y habituer lentement. Parfois il se rendait compte que ce rythme venait le guider sans qu’il ne s’en rende compte.

Mais d’autres fois lorsqu’il tendait l’oreille, il percevait presque encore l’écho de ce souvenir. Ici, le vent dans les branches sifflait doucement. Un cervidé fuyait à grand bond quelques mètres plus loin, dérangeant un oiseau qui fit bruyamment battre ses ailes. A ses côtés, plus proches, Vailimo souffla des naseaux et secoua son lourd mufle, curieux du soudain manège des elfes. Il y avait Lynn et leur troisième camarade dont les souffles se faisaient lourds dans l’exercice imposé par le druide. Comme un cristal fragile, tous ces sons se mêlaient en un seul tout. Un seul équilibre.

Mais ce cristal qui battait à rythme régulier était différent. Les branches qui oscillaient ici formaient un ballet qui n’était pas celui de l’Annon. Aegden se surpris à froncer les sourcils. Ténue, il restait une inquiétude au fond, à côté de la sienne. Seulement contrairement à ses propres craintes, cette angoisse-là elle semblait plus douce. Malgré lui, Aegden se rappela soudain un soir durant lequel Elben pleurait à chaudes larmes après une frayeur d’enfant bénigne. Lorsque l’enfant avait fini par être consolé, il restait malgré tout un fond de tension chez lui, transmit à ses parents qui avait mis du temps à s'effacer totalement. Ici, le lancier avait la sensation de ressentir une sensation similaire. Comme un dernier frisson avant de finalement oublier ce qui l'avait provoqué.

-La forêt a besoin de temps. Mais je crois que tout finira par aller mieux. Finit-il par souffler, brisant sa propre bulle au bout d'un temps qu'il ne savait pas vraiment mesurer.