Diplomatie à l'Arétanne [PV Harald]

Voilà quatre ennéades que le serment de fidélité avait eu lieu. Voilà quatre ennéades que Harald n’était plus veuf, mais lié à une charmante, magnifique, et puissante tresse : Brynhild Odomar. Et depuis, Harald avait pu ressentir toute la fraicheur de cette nouvelle union enfin assumée. Plus la peine de se cacher, d’être pudique. Brynhild et Harald étaient liés. Ils pouvaient se fréquenter en public, témoigner leur affection, et surtout… Vivre ensemble, dans les appartements royaux.

Finalement, Hilda, la fille cadette de Harald, s’était plutôt liée d’amitié avec Brynhild, nouvelle épouse de son royal paternel. Elle qui les avait surpris au lit conjugal, voyant son père dans le plus simple appareil, la viande déballée du torchon, et Brynhild fuyant la chambrée drapée dans la couverture volée, elle avait fini par accepter les décisions de son père. Car telle était Hilda, la seule de la fratrie à avoir reçu la patience de sa mère, la première épouse de Harald.

Harald était très occupé aussi. L’économie de guerre avait été stoppée, suite aux multiples demandes et à la grogne de son peuple. Les artisans étouffèrent rapidement sous le poids de cette économie, alors que la très grande majorité de leurs productions, de leurs travaux, de leurs créations, allaient tout droit dans l’effort de guerre, à des prix dérisoires, les coupant de l’apport d’oxygène – et d’or – qui trouvait sa source dans le commerce extérieur. Si les militaires, eux, n’étaient point gênés, les artisans, les éleveurs, les cultivateurs, les agriculteurs, les bûcherons, eux, faisaient face à trop de sacrifices, en plus de ceux déjà réalisés pour pouvoir satisfaire aux besoins des immenses chantiers du Zagazorn.

Les réclamations furent nombreuses, très rapidement. Fidèle à sa politique, Harald prit le temps de lire les missives, et de recevoir celles et ceux qui faisaient le déplacement jusqu’à Kirgan pour pouvoir être entendus. Plusieurs dirigeants, plusieurs éminents Dawi aussi, réagirent à leurs tours, forts de la parole de leurs habitants, ou de leurs longues années d’existence. Et finalement, Harald dû se rendre à l’évidence : il avait été trop gourmand, trop impatient aussi, et son expérience militaire, bien que bénéfique, avait été ici une sorte d’œillère, l’empêchant d’entrevoir tous les aspects d’une telle guerre, notamment les aspects économiques.

Alors, l’économie de guerre fut abandonnée. Et les artisans et commerçants pouvaient de nouveau respirer. Le commerce extérieur pouvait reprendre selon les accords et les besoins ordinaires, les écus et les souverains retrouvaient leurs destinations dans les coffres des divers clans et cités du Zagazorn. La reconquête du Nord n’était cependant point abandonnée, seulement, un grand et vaste plan militaire était mis sur pied pour pouvoir réaliser une telle campagne sur le long terme, sans asphyxier ni son peuple, ni sa nation.

Une missive le sorti de ses pensées et de sa torpeur. Sa couronne sur le crâne, reluisante de sa magnifique couleur d’or rougeâtre, Harald était assis à son bureau, lorsqu’un garde déposa une missive envoyée par corbeau depuis Lante. Une missive qui portait un sceau inconnu par Harald, mais dont il trouva rapidement la provenance en lisant le vélin, et en rapportant l’endroit sur l’immense carte gravée au mur : Arétria. Un Comté se trouvant dans le Nord de la Péninsule. Un Comté avec lequel le Zagazorn avait eu des ententes, et même un comptoir, voilà des années et des années. Mais les choses s’étaient mal passées, d’ailleurs… Dès lors, Harald relu la missive avec un œil nettement plus acéré.

Une rencontre pacifique… Une rencontre sans aucun doute commerciale également… Voulue sur un terrain neutre, autrement dit, la mer. Nul doute que ce fameux Comte ne se déplacerait point lui-même jusqu’ici, et il était donc inconcevable pour Harald de se déplacer lui. Cela serait donner trop de crédit, trop d’importance à un simple mal-fait. Comte ou pas, les Humains demeuraient des êtres imparfaits, mortels, immatures et impatients. Et la réputation de ces Nordiens avait traversé les frontières du Zagazorn depuis bien des années, tant on entendait parler de leurs guerres et de leurs révoltes. S’il se déplaçait lui-même, pour faire face à cet – ou ces – émissaire, au beau milieu de la mer, il enverrait un mauvais message à son peuple, et garantirait trop d’honneur aux Humains, qui ne le méritent pas. Non, il n’irait point. Il enverrait lui aussi quelqu’un, et sans doute aussi Glumtol Barbe-de-Fer, un Nain qui commence à avoir une certaine expérience avec les Humains, et qui, mine de rien, avait obtenu la confiance du Grand-Roi des Nains.

Alors, il prit son plus beau vélin tiré d’un artisanat de qualité. De son plus beau stylet d’argent, il trempa dans l’encre bleutée et écrivit les mots qu’il enverrait au Comte d’Arétria.

8ème ennéade de Bàrkios, second mois du Printemps.
Année XVIII du cycle XI.

Au responsable d’Arétria,

Les mots de votre missive auront réussi à trouver le chemin de la capitale du royaume des nains, et je vous remercie pour votre sollicitude quant au serment de fidélité qui fut prononcé devant certains de vos compatriotes.

Je suis bien aise d’apprendre que vous avez été nommé dans le but d’entreprendre des relations pacifiques avec vos voisins plus anciens. J’espère que ce geste trouvera son épilogue dans une nouvelle entente entre nos deux peuples.

Toutefois, notre mémoire est longue, et les évènements provoqués par les vôtres n’ont point disparus de nos songes. Que vous en acceptiez la responsabilité passée est une félicité en soi, mais la confiance demande de la patience.

J’accepte vos conditions d’entrevue au large de nos côtes, en signe de bonne foi et d’honneur. Toutefois, je vous demanderais une preuve de votre bonne foi lorsque nos deux émissaires se rencontreront. Je vous propose une rencontre dans quatre ennéades, le temps que nous nous organisions. Vous apporterez la preuve de votre bonne foi lors de la rencontre maritime, en signe de respect et de bon augure.

Que les divinités vous accompagnent.

Harald « Barbe-Sanglante » Thorgmundsson.
Thane du clan Brise-Os
Grand-Roi du Zagazorn.

Puis il roula le vélin, et pour le sceller, apposa le sceau royal de Kirgan contre la cire rougeâtre, avant de l’engoncer dans un cylindre de métal. Ce était tout à fait basique, moins ouvragé que ceux qu’utilisait traditionnellement Harald. Les deux extrémité du cylindre furent elles-aussi scellées par de la cire, et un sceau royal.

Magnus de Terresang a écrit:

1ère ennéade de Verimios, premier mois de l’été de l’An 18 du XI :

A l’attention du Roi du Zagazorn

En réponse à sa missive de la 8ème ennéade de Barkios de l’An 18 du XI :

C’est avec joie que j’ai bien eu réception de votre missive et de votre acceptation, quant à une rencontre entre nos deux pays. Ces lignes sont de ma propre plume, au nom d’Arétria, moi, Magnus, Seigneur de Terresang et Comte de ses terres, vous envoie tout son respect en travers de ce vélin dont vous lirez très certainement une ennéade avant la rencontre entre nos deux émissaires.

Sachez tout d’abord que mes intentions sont tout à fait louables et de bonne foi. J’aimerais que vous pardonniez le peuple Arétan qui a été dirigé aveuglement par un homme qui pensait tout avoir. Ces lignes vous diront que moi-même, je ne suis pas de cette trempe, je ne souhaite qu’une chose : Rétablir la bonne entente d’autrefois avant que les rebuts de notre société ne viennent rejoindre la vôtre.

En signe de bonne foi, vous trouverez ci-joint un titre de propriété faisant de vous le propriétaire de l’ancienne capitainerie de Lün, ce bâtiment vous appartient.

Avec mes sincères salutations

Magnus

Seigneur de Terresang

Comte d’Arétria