La valse des notes [PV Rad']

Aegden leva les yeux au ciel l’espace d’un instant, pensif. Il était un peu hésitant sur l’instant. Pour une fois qu’il avait du temps pour lui, il avait proposé à un ami de l’accompagner en musique pendant qu’il dansait. Seulement son ami l’avait prévenu au dernier moment qu’il ne pourrait venir en réalité et sans qu’Aegden ne puisse rien y faire, il lui avait écrit qu’il avait proposé à une autre de ses connaissances de le remplacer.

Il était un peu mal à l’aise de partager ce genre de chose avec un ou une elfe dont il ne connaissait rien, mais il n’avait pas eu le loisir de répondre à son camarade alors il n’avait eu d’autre choix que de se rendre au rendez-vous et d’attendre l’inconnue musicienne. Peut-être cela serait-il productif après tout et il avait trop peux d’occasion comme celle-ci pour la gâcher.

Le dos appuyé contre un arbre, les bras croisés il poussa un léger soupir. Il ne savait pas grand-chose sinon rien de l’artiste. Cela ne serait pas facile. Pourraient-il seulement se reconnaitre ?

En tout cas pour une fois le soldat avait laissé de côté armes et amures et si ce n’était son visage balafré rien n’indiquait qu’il appartenait d’abord au domaine des armes avant celui des arts. 

Il était vêtu d’une tenue toute simple, une chemise et un pantalon qui s’arrêtait aux genoux, tandis que ses cheveux de flamme étaient relevés en un vague demi chignon dont quelques mèches ne pouvaient s’empêcher de s’échapper.

Soudain des pas se firent entendre non loin dans le jardin , le tirant de ses doutes, et l’elfe releva alors la tête dans la direction de celui ou celle qui approchait.

-Heri Radwëdh ? Demanda-t-il amicalement.

Radwëdh avait reçu une requête bien particulière de la part d’un proche ami musicien concernant un militaire qui voulait s’entraîner. Ce dernier a dû d’ailleurs la convaincre très fort, car de nature introvertie, la Taledhelle n’a pas du tout l’habitude de jouer devant quelqu’un, encore moins quelqu’un qu’elle ne connaît pas. Cependant, elle devait ce service à son ami. Curieuse, l’elfe avait donc demandé un peu plus d’informations sur celui qui avait besoin de musique pour ce genre de chose. Rapide comme l’éclair, l’Épervier avait donc prit la peine de s’informer sur cet Aegden dès le lendemain, même si cela n’avait pas du tout été difficile ; beaucoup le connaissent dans le monde militaire et particulièrement depuis qu’il avait été promu Mainyth. Gênée et angoissée à l’idée de devoir faire une prestance musicale devant un officier, Radwëdh ne peut toutefois plus reculer maintenant qu’elle a dit oui.

Son luth en bandoulière, l’elfe se dirige vers le point de rendez-vous qui est un jardin. Ah ! Au moins, elle sera entourée de verdure, un endroit parfait qui l’aidera à se détendre. La peintre arrive dans les jardins d’un pas plus ou moins assuré, toisant les alentours à la recherche de celui qu’elle doit rencontrer. Un elfe balafré et à la chevelure de feu se tient au milieu. Celui-ci s’adresse à elle et l’Épervier lui envoie un sourire aimable, même si la gêne et l’angoisse l’a tenaille :

-Oui c’est bien moi,Heru Aegden.

Un léger silence s’installer et l’elfe s’empresse de le briser :

-Comment désirez-vous procéder ?

-A vrai dire, j’ai tendance à me laisser porter par la musique et mon camarade du moment se laisse inspirer par ce que je fais. Aegden ne cessa de garder un air amical, cachant plus habilement qu’a l’accoutumé ce qui le met mal à l’aise. C’est un exercice qu’on fait à deux selon moi, pas l’un qui accompagne l’autre.

Il pencha la tête sur le côté, espérant qu’elle comprenait ce qu’il voulait dire. Elle avait l’air aussi mal à l’aise que lui et s’il y avait une chose dont il ne voulait pas c’est qu’elle se sente forcée. Il se demanda soudain comment son camarade lui avait présenté les choses…

-J’en convient c’est plus facile quand on se connait. Il rit un peu nerveusement tout de même, une main venant s’égarer dans sa crinière rousse. Je ne sais pas ce qui est passé par la tête de notre ami. Mais puisque qu’on est là, autant s’en sortir avec quelque chose qui nous plait tous les deux non ?

Il aimait danser, il ne faisait aucun doute qu’elle aimait autant la musique. Ils n’avaient rien à perdre.

-Tu joue du luth visiblement ? Continua-t-il. Du menton il désigna l’objet de bois dans son dos. Est-ce que tu chantes aussi ?

Aucune requête de sa part, il préfère plutôt qu’ils mettent en commun leur atouts afin de modeler leur art ensemble et sa manière de parler n’est rien d’autre que la manière de parler d’un artiste à une autre.

L’elfe se sent un peu moins nerveuse. En fait, le Mainyth fait tout pour la rendre confortable en sa présence, quelque chose que l’Épervier apprécie beaucoup. Après tout, tous les deux s’apprêtent à partager leur art à quelqu’un qui leur est parfaitement inconnu. Ainsi, elle doit plutôt puiser son inspiration dans les mouvements du militaire. Intéressant ! Elle ne l’a pas vu ainsi, mais est prête à tenter le coup. Radwëdh passe donc outre sa gêne et relève la tête pour prendre un air plus sûr d’elle.

-Je suis prête à tenter le coup. Si notre ami commun m’a demandé, c’est qu’il croît que cela peut fonctionner, dit-elle avec un sourire.

Elle remarque un banc et s’assit donc. Elle place ses doigts sur les cordes et après une petite inspiration, elle gratte quelques notes pour se réchauffer, tout en répondant à la question du militaire :

-Je chante aussi, mais il m’est très rare d’improviser des paroles, dit-elle en lui lançant un air désoler. Toutefois, improviser au luth me plaît bien. Je joue rarement devant public, mais les quelques fois où cela s’est produit, on m’a dit que je suis une excellente accompagnatrice et que je sais traduire l’émotion juste à travers les notes que je gratte. C’est peut-être pour cela que mon ami m’a conseillé ? Je ne voudrais toutefois pas me donner trop de crédit...

En fait, si elle joue ainsi, c’est qu’elle en a l’habitude. En effet, sensible à la Symphonie, elle traduit les Voix avec de la musique. Elle sait donc déjà comment se laisser guider par quelqu’un d’autre. Elle hésite toutefois à en parler à l’elfe, consciente que parfois, ils ne comprennent pas tous. Elle baisse à nouveau les yeux et affiche un nouveau sourire :

-Enfin, vous verrez. Peut-être que nous allons à nouveau tenter l’expérience après celle-ci.