Les grandes réformes

Nakor était enfin revenu de son voyage vers le grand nord. Il avait participé au mariage du roi Harald et il avait particulièrement bien fait de s'y rendre. En plus de festivités sympathiques et joyeuses, de bonne nourriture, il avait été convié à un conseil bien spécifique. Il avait dû négocier en faisant front devant deux grandes puissances mais finalement un compromis plutôt encourageant et positif pour tous avait été trouvé. Il restait encore bien des choses à faire mais le vieux fou restait un humain plein de ressources et surtout avec une énergie considérable et un entrain légendaire. Ce fut donc sur son tapis volant qu'il revint du Zagazorn et se posa à l'entrée du Royaume de Naélis. Il observa la cité sur son grand rocher, elle était haute, proche de la mer, avait subi les dégâts de l'armée Drow mais avait su tenir, faire front et ne pas s'écrouler. Prenant une grande respiration, Nakor parla à lui-même, alors qu'il était absolument seul

"Il reste tant à faire ... chaque chose en son temps. Un pas après l'autre, comme toujours !"

Et, retrouvant un sourire sincère, il rangea son tapis volant dans sa barbe et avança vers la cité. Il marcha tranquillement, sous le soleil levant. Des gens commencèrent à crier puis à agiter vigoureusement des mains heureuses vers le vieux fou

"C'est le roi! Le roi Nakor est revenu.
- Ho ça alors, le seigneur est là!
- Il est là oui"

Et très vite, la nouvelle se répandit : le roi régent était enfin de retour. Même si son absence n'avait duré que quelques jours, depuis la récente grande bataille, les naélisiens se sentaient un peu plus en sécurité quand l'archimage était dans la place. Marchant avec son fidèle bâton, le vieillard sourit encore un peu plus et agita lui-même sa main en réponse. Il continua de glousser le long du chemin qui menait vers la cité. Un petit contingent d'hommes et de femmes faisait route vers lui. Nakor observa la position de l'astre sol dans le ciel et hocha doucement la tête. Ces gens-là allaient sans doute sur les terres agricoles de Naélis pour s'assurer du bon traitement des futurs vivres. Il reconnut alors deux magiciens, membre de la guilde du Firmament. Lorsque le contingent fut à son niveau, personne n'osa prendre la parole, c'était d'abord au Roi régent d'ouvrir la discussion.

"Ho, Kelehan, Charles, quel plaisir de vous voir. Mesdames, Messieurs. Vous allez au champ? C'est très bien, votre mission à tous est importante pour la cité.
- Oui Magistère Kelehan et sa magie de la terre font merveilles et mes petites manipulations d'eau aident nos amis.
- Pour sûr Seigneur qu'on a de la chance d'avoir la magie avec nous."

Tout ce petit monde se souriait et souriait avec chaleur en direction du magicien à la longue barbe blanche.

"Je ne veux pas vous retarder. Je rentre à la cité avec de bonnes nouvelles. Alors haut les cœurs mes enfants. Et au travail !"

Ils lancèrent tous un oui franc avant de reprendre la route. Nakor continua son chemin et arriva aux portes de la ville. Voilà que quatre personnes l'attendaient sur le pas de la cité, entouré de beaucoup de badauds. Dans un silence presque pesant, ils s'inclinèrent tous.

"Allons, allons mes enfants. Je vous remercie. Redressez-vous. Me voilà de retour mais ... j'ai la petite impression que vous le savez déjà!"

Et l'archimage explosa de rire. Certains habitants de la cité rirent aussi. Les quatre personnages restèrent sans broncher. Ils s'avancèrent vers le roi régent et la troupe se dispersa, sachant qu'il fallait laisser ces hautes autorités de la ville discuter avec Nakor. Il y avait le général militaire de Naélis Archibald, le secrétaire elfe du Firmament Alfirin, le secrétaire humain du Firmament Jean et le secrétaire drow du Firmament Moloch. Ce fut Alfirin qui prit la parole

"Avez-vous fait bon voyage Magistère?"
- Oui, je te remercie Alfirin. Et plus que bon, je reviens aussi avec de bonnes nouvelles pour la cité. Nous en parlerons au château. Archibald, Jean, Moloch ... tout s'est-il bien passé en mon absence?"

Et dans un ensemble, ils lancèrent tous un "Oui Monseigneur" franc. Le régent hocha la tête et marcha avec eux jusqu'au palais.

" Archibald, dites-moi, nos hommes et nos femmes sont-ils correctement répartis dans les tâches de reconstruction et les tâches agraires?
- Oui Majesté. Nous privilégions pour le moment la culture des champs à l'aide des quelques magiciens que le Firmament peut dégager de ses autres obligations. Nos hommes et nos femmes s'habituent et s'émerveillent de ce qu'ils peuvent faire. La confiance grandit, c'est une bonne chose. Nos pêcheurs sont très actifs et donnent le meilleur d'eux-mêmes. Nous continuons de survivre mais c'est déjà ça.
- Très bien, il faut continuer à faire face, nous aurons bientôt de l'aide. Une aide précieuse."

Le général avait pour le moment la charge de comptabiliser la main d'œuvre disponible. Chaque bras était indispensable et tout le monde devait participer à l'effort. Hommes et Femmes de la cité étaient tous réquisitionnés.

"Alfirin, dîtes moi mon ami, la santé du peuple est-elle acceptable?"
- Oui Magistère. Les soigneurs font un travail éprouvant mais formidable. Beaucoup des gens âgés de la cité sont venus leur prêter main forte. Ne serait-ce que pour réaliser des onguents, des infusions et des décoctions. Certains nous aident aussi à changer les bandages, nettoyer les plaies et aider les malades à retrouver leur force. Chaque jour qui passe, il y a un peu moins à faire.
- Excellent, je ne doutais pas que nos sorciers fassent merveille et si nos anciens peuvent aider, ils se retrouvent aussi occupés ce qui les dynamise.

Alfirin, le secrétaire personne de Nakor pour les elfes du Firmament avait été en charge de gérer les soins de la cité.

"Moloch, mon cher, où en est la reconstruction de la cité?
- nous avons isolé les quartiers compléments détruits pour ne pas provoquer de risque supplémentaire. Après découpage de chaque zone, une seule a été considéré pour le moment. Comme vous l'avez ordonné Magistère, un pas après l'autre. La zone en question est enfin totalement nettoyée. Plusieurs habitations sont construites. Assez vastes pour accueillir plusieurs familles en même temps et les protéger de la rigueur du froid. L'idée est que ce quartier, lorsque toute la cité sera remise sur pied, subisse lui-aussi une nouvelle modification et devienne le quartier des casernes pour différentes guildes et castes. Armée, police, soigneurs, commerçant de gros. Chaque ennéade qui passe permet le relogement de nombreuses familles dans des conditions décentes.
- Je vous remercie mon ami. Cette partie du travail sera la plus fastidieuse. La cité a été défigurée par la guerre. Trop de monde loge, entassé, au château et ailleurs. Plus nous donnerons de la place, plus les gens pourront retrouver une vie de plus en plus normale. Là aussi, une aide qui n'a pas de prix vous sera apportée sous peu. Et pendant ce temps, je viendrai moi-même aider aux travaux. Ma magie y sera faire peau neuve!"

Moloch s'inclina. Le magicien drow avait eu en charge le chantier de rénovation de la cité. Nakor avait eu une double idée là-dedans : les drows étaient fiers, combattifs et n'avaient peur de presque rien. Un si vaste chantier était dans leurs cordes. Et surtout, avec des magiciens drows à la reconstruction, les habitants de la cité s'habituaient doucement à ne pas tout confondre. A ne pas juger trop vite sur la couleur de la peau des individus mais plutôt sur leurs actes.

"Et vous Jean, comme se passe notre plan massif de formation mon enfant?
- Il a plus que bien commencé Magistère. Nous avons accueilli autant d'enfant qu'il était possible d'en loger dans ce qui était la tour Ombreuse. Nous avons d'ailleurs décidé de la renommer "Tour du Firmament" si cela vous convient? Nous formons doucement les jeunes de Naélis à la magie. Et beaucoup d'entre-deux y montrent d'abord des aptitudes intéressantes mais surtout une profonde envie d'apprendre. Il faudra du temps, le peuple de la cité étant majoritairement humain, la formation va s'étaler sur plusieurs années. Mais les parents ont accepté la proposition et les enfants aussi évidemment. L'emploi du temps des professeurs du Firmament est totalement saturé d'ailleurs.
- C'est excellent Jean! Nous devons travailler à saturation justement. Je viendrai aussi donner quelques leçons aux gamins de la cité. Si nous tenons le choc, si nous survivons encore quelques mois pour tout réguler, Naélis reviendra sur le devant de la scène avec vigueur. En tout cas, tout le monde aura donné le meilleur de soi-même pour !"

En effet, avant son départ et après avoir été nommé roi régent, Nakor n'était pas resté inactif. Il avait cédé comme état indépendant, la tour ombreuse à la guilde du Firmament. Le château de l'Aurore était trop proche de la ligne de front avec le monde drow pour y revenir. Il avait donc fallu loger les mages. Il y avait malheureusement eu quelques pertes durant les combats. Le vieux fou n'avait pas voulu fondre sa guilde dans les rangs de la cité : si un jour Glinaina revenait au pouvoir ou ses enfants, le Firmament ne devait pas y être rattaché. La décision avait été accepté sans problème et trois grands mages avaient été nommé comme représentant de la guilde auprès du pouvoir. Jean, qui avait été transfiguré après la guerre, pour les mages humains. Alfirin pour représenter le peuple elfe et Moloch pour représenter le peuple drow. Nakor avait modifié la salle du trône. Le siège royal restait en retrait au centre de la pièce sur le font de la salle du trône. Il n'était pas roi, simplement régent, il ne pouvait donc y siéger. Il avait cependant fait installer une grande table formant un demi-cercle. Le siège de Nakor était un peu plus grand et stylisé que celui des autres membres du conseil. Il faisait face à la grande porte par laquelle entrait quiconque venait en audience. Sur sa gauche Jean puis Moloch, sur sa droite Archibald et Moloch. Les vieux généraux militaires avaient perdu la vie pendant la bataille. Archibald avait été nommé pour ses talents au poste de seul général. Il avait eu la liberté de reformer les rangs des troupes armées de Naélis. Ainsi, les cinq sièges occupaient le demi-cercle que formait la table en bois massif et permettait à chacun de voir les quatre autres membres.

Le sorcier se faisait donc autant appeler Majesté par les gens de la cité que Magistère par les mages du Firmament. Il avait aussi lancé de grandes réformes : un maximum d'enfants n’irait plus au champ ou au port pour pêcher. Ils seraient formés à la magie. D'ici une dizaine d'années, Naélis deviendrait alors une puissance magique notable en plus d'être une puissance commerciale s'il jouait bien ses cartes. Justement, avec les négociations lors du conseil des couronnes, il espérait que cela fonctionne. Le seul but de Nakor était que Naélis lui survive et puisse, sans lui, continuer de vivre dignement.

Ils arrivèrent enfin au palais et ils se rendirent immédiatement dans la salle du trône. Nakor ordonna

"Que tout le monde nous laisse!"

Les gardes sortirent et chacun s'installa sur son siège.

"J'ai de particulièrement bonnes nouvelles mes amis. Au prix de quelques sacrifices financiers et en continuant de surveiller les environs et l'Ithri'Vaan, j'ai pu m'allier l'aide et le partenariat de deux grandes puissances de notre monde. L'Anaëh d'abord. Nos amis elfes acceptent de nous envoyer une délégation afin d'améliorer nos pratiques agricoles et étendre nos terres agraires. Nous devons viser une autosuffisance alimentaire! Le Zagazorn ensuite. Nos amis nains vont détourner leurs voies fluviales et faire transiter tous leurs navires de marchandises en direction des Milles Caves par notre port. Nous allons pouvoir bénéficier de taxes portuaires et du commerce avec le grand nord. Nous avons une grande carte à jouer là-dessus. En leur permettant de créer un comptoir nain sur le port et avec une réduction des taxes portuaires, les nains acceptent de nous envoyer un contingent d'artisans et d'ingénieurs. Ils proposent de reconstruire la partie détruite de la cité. C'est une possibilité sans précédent qui nous est offert. Le prix qu'ils nous proposeront devra être étudié avec le conseil des finances de la couronne mais nous devrons faire tout notre possible pour accepter ou rendre la proposition décente. Cela scellera un pacte sur le long terme. Naélis a besoin d'amis. Je suis allé les chercher. A nous maintenant d'en faire bon usage."

Et le conseil resta longuement à discuter de toutes les possibilités avec le roi régent. Naélis était en ordre de marche!