Le début de grandes choses [Entité]

Vers la fin de la matinée au large de l’île aux pins apparu un boutre aux voiles amples et gonflées par le vent. Le navire fendit les flots en direction de la plage avant de ralentir son allure pour s’en approcher sans risquer d’heurter les bancs de sable. Quelques cris s’échappèrent alors du pont et une barque sur laquelle embarqua quelques silhouettes termina le trajet pour s’échouer sur la plage.

L’épave encore présente de l’ancien boutre n’avait pas été épargnée par le sel et les vents déchirants et on y voyait déjà quelques algues vertes et autres crustacés qui y avaient élu domicile. Plus surprenant encore, les bûchers avaient marqué de leurs empreintes le sable clair de cette île et on pouvait y déceler aux emplacements d’anciens feu de grandes tailles.

Le Rokvenha, à mesure qu’il approcha de la plage perdu sa bonne humeur. Le regard du Capitaine parcouru la surface de la mer comme à la recherche de quelques indices qu’il aurait pu oublier auparavant. Dans un geste lent il glissa sa main dans une de ses poches et en sorti un souverain qu’il jeta à la mer. Son geste fut imité par sa Seconde ainsi que son Quartier-Maître, qui à leur tour jetèrent une pièce aux reflets brillants qui disparurent dans la noirceur des profondeurs.

Revenir sur ces lieux était assez difficile pour Croqueuse qui, même si elle s’efforça de ne rien laisser paraître pâlit et laissa perler une larme sur sa joue. Le Rokvenha quant à lui, garda son calme apparent, se parant d’une expression froide s’efforçant d’enfouir tout souvenir ou autre sentiment.

Finalement, les cinq marins débarquèrent sur la plage et le Rokvenha se retourna pour donner ses ordres aux deux marins. « R’tournez sur l’bout’, dites aux aut’ qu’ça peut ‘prend’ p’t’êt’ un peu d’temps et qu’peuvent faire c’qu’ils veulent en 'tendant. » Les deux mécans opinèrent en silence et repoussèrent la coque de noix dans la direction opposée, luttant contre les vagues avant de monter à bord et de se diriger vers le navire.

Le Capitaine tourna alors la tête, semblant être à la recherche de quelqu’un attendant patiemment au lieu qu’on lui avait indiqué.

Du couvert de la forêt se détache les silhouettes de la Médée et de ses suivants. Le colosse, comme à son habitude, marche à ses côtés, l’arme à la main. La procession compte une petite poignée de personnes, elles sont chargées des sacs et des sacoches, toutes se dirigent vers le navire venu les chercher. Les minutes s’égrènent lentement mais sûrement, la cohorte approche de la rive. La Médée salue le pirate d’un signe de tête.

- Nous sommes prêts à embarquer. Ramène-nous à Meca, il va te falloir mouiller dans un chantier naval et mettre ce bâtiment en cale sèche. Nous avons beaucoup à faire.

Le trajet entre l’île aux pins et la cité des pirates est court. Court et glaçant. Les suivantes de la Médée ne parlent qu’entre elles, chuchotant toujours, jamais un éclat de voix. Et leur cheffe n’est guère plus loquace, elle qui se contente d’observer les flots et la côte depuis la proue.

Au port, tirer le bateau hors de l’eau n’aura pris que quelques heures. Quelques heures que les ferventes croyantes mettent à profit pour se préparer. Le colosse congédie l’équipage, il monte la garde toute la nuit. Toute une nuit durant laquelle les chants de la Médée ont percé le silence nocturne maintes et maintes fois.

Au lendemain, le boutre est libéré des cordages et remis à la mer. Sa coque est plus sombre que la veille et l’odeur peu agréable. C’est l’odeur du sel, du fer, de la mort. Les suivantes sont exténuées, épuisées, vidées.

- Une bonne chose. Oui. C’est une bonne chose. Murmure la Médée en observant la coque retrouver l’eau. L’avenir est plus incertain que jamais. Son regard glisse en direction du colosse. Nous en avons terminé ici. Et nous avons déjà à faire ailleurs.

Un air satisfait sur le visage, elle tourne les talons et hèle ses ouailles, les pressant à se mettre en marche sans tarder.