De surprise en surprise... [Solo]

Kÿrianos, IIe ennéade de Verimios, An XVIII, Cycle XI
Lodiaker-la-ville, Lodiaker, Baronnie d’Alonna, Péninsule

La jeune femme se tenait debout, droite devant son oncle qui la regardait l’air surpris. Puis, ce dernier se mit à rire. Un rire franc, amusé. « Jamais je n’aurais cru que ma nièce me marierait. » Adélina eut un léger sourire, alors qu’elle regardait Charles de ses prunelles azurées.


« Ne le prenez pas mal mon oncle. Elyanna de Terresang est une femme tout à fait remarquable. Cela vous met dans une excellente position, un membre de la famille comtale. »


Le quadragénaire hocha la tête, un air des plus amusés. « Je ne condamne pas vos actions Ma Dame, je sais pertinemment que cela était nécessaire à ce que le Lodiaker retrouve sa splendeur d’antan. Après tout, qui peut-on faire confiance dans ce monde qu’aux autres membres de sa famille? »


« Cela fait beaucoup trop longtemps que les Lourbier souffrent. C’est le moment que nous avancions. » Charles eut un sourire, avant de s’approcher de sa nièce, mettant doucement ses mains sur ses épaules; « Votre père serait fier de vos progrès. Il a tenté de vous protéger pendant si longtemps, et voilà que vous vous montrez finalement sous votre véritable jour. »
« Cachée et patiente… » Commença-t-elle en fixant son oncle dans les yeux. « C’est ce que mon père ne cessait de me répéter, et le temps est finalement arrivé. Je sais ce qu’ils pensent. Ils me croient jeune et naïve, et nous nous devons d’utiliser le fait qu’il me sous-estime. Transformer la poussière en diamant pendant qu’ils ne regardent pas. »


Et avoir des informations était si simple lorsque les gens vous croyaient faible, alors qu’en réalité vous étiez en parfait contrôle du jeu. Elle avait été patiente, et elle savait pertinemment que les dieux étaient de son côté.


« D’ailleurs, si forger des alliances par le mariage est une bonne idée, peut-être devrions – nous vous trouvez un mari. »


Adélina soupira en reculant d’un pas en évitant le regard de son oncle.


« Je n’ai pas trouvé personne encore. »
« Avez-vous simplement cherché? »
« Je viens à peine de prendre ma place dans le Lodiaker, mon oncle. Soutenir la seigneurie me semblait bien plus important que de trouver un homme qui accepterait de passer sa vie à mes côtés. »
« Alors peut-être est-ce le temps de regarder vos options. Si le Comte d’Arétria n’a pas fait de proposition pour vous, cela n’est pas la fin du monde. Peut-être devrions nous nous rapprocher du Sud? J’ai entendu dire que le Marquis de Langehack avait deux fils. Peut-être qu’il accepterait de forger une alliance? Ou sinon, que diriez-vous de cet autre langecin qui s’est présenté au château à la dernière ennéade. »


Adélina ne répondit rien, se contentant de se retourner pour aller observer le paysage par l’une des fenêtres. Si elle avait envie de se marier, elle espérait tout de même avoir un certain respect entre elle et son futur mari…


« Ou peut-être devrions-nous tenter de renouer notre alliance avec Oësgard? Peut-être que le Baron aurait quelqu’un à vous suggérer? »
« Oësgard ne semble pas une alliance que nous devrions nous concentrer sur. Ils pourraient facilement voir cela comme une tentative de trahison, comme un crime… »

Adélina soupira avant de reprendre;
« Le seul crime que j’ai commis à leurs yeux est d’être née une Lourbier, et rien d’autre n’a d’importance pour ces êtres puérils. »


Charles eut un sourire, mais n’eut même pas le temps d’ouvrir la bouche que les grandes portent de bois du bureau s’ouvrirent pour laisser entrer Flavien, fier Commandant de la garde de Lodiaker. « Ma Dame, Votre Seigneurie. » Le garde mit sa main sur son cœur avant de s’incliner devant le duo.


« Que se passe-t-il, Flavien? » Adélina perdit instantanément son sourire alors qu’elle vit l’expression du garde. Elle avança d’un pas, s’approchant de ce dernier l’air grave. Elle le connaissait assez bien pour savoir que son expression ne voulait dire rien de bon. Ce dernier se releva avant de prendre la parole; « Nos éclaireurs ont arrêté un supposé prêtre du Karamstra qui circulait sur notre territoire. » Le visage d’Adélina se referma alors que ses sourcils se froncèrent. « Enfermer dans les geôles. Il sera jugé comme l’hérétique qu’il est. » Comment osait-il se promener sur le territoire de la bienveillante? Comment osait-il défier ainsi les valeurs et les croyances alonnaises? Cela sonnait comme un autre piège des Broissieux…  « Il est déjà dans les geôles ma dame. Mais en le fouillant nous avons réalisé qu’il avait cette lettre. » Il tendit un bout de papier usé vers la jeune femme, qui s’approcha de son garde. Elle attrapa le message et s’arrêta net alors qu’elle vit le sceau qui ornait le parchemin. Elle reconnut que trop bien le faucon qui ornait le sceau de la lettre… « De vair au faucon de gueules… » murmura-t-elle alors que son doigt se déposait doucement sur la cire. Si la lettre ne datait pas d’hier, le sceau, lui avait été parfaitement conservé, preuve que l’on se servait de l’autorité de la famille baronniale pour porter l’horrible message du prêtre. Adélina sentit son souffle s’accélérer alors qu’elle retournait son regard vers Flavien. « Conduis-moi à lui. » Sans attendre, elle contourna le garde, s’engageant dans les couloirs de son château pour rejoindre les geôles. Elle devait le voir, elle devait savoir de quoi il s’agissait.

Ses pas semblèrent résonner sur la pierre alors que la Dame de Lodiaker s’avançait d’un pas décidé. Flavien ouvrait la marche, et Charles de Lourbier la suivait, silencieux, se demandant quel était cette mascarade. Le trio arriva finalement dans les gêoles, là, où un homme enchainé se tenait. Son visage barbouillé de sang semblait en dire long sur son état. Il avait été définitivement rudoyer par les gardes qui l’avait trainé dans la cellule. Ce dernier regarde la Dame de Lodiaker avait dégout, osant même la détailler de la tête aux pieds. « Qui êtes-vous? » L’homme eut un air mesquin avant de prendre finalement la parole en faisant trembler les chaînes qui le retenait. « Pourquoi petite? Tu ne croies plus en la bienvaillante? C’est pour cela que tu es venu voir la voix du culte? » Adélina s’avança vers ce dernier, l’air furieux, alors que son regard bleuté semblait bouillonné de rage; « Ne teste pas mes pouvoirs et surtout ne tente pas ma fureur. »


« Adélina, que se passe-t-il? » Sans attendre, la jeune femme tendit le morceau de parchemin à son oncle, qui l’ouvrit doucement avant de commencer à la lire;

À celui qui guide dans la torpeur de l'hiver,
Ne blasphémant ni sa famille ni les dieux,
D'Alanya de Broissieux, Baronne d'Alonna et enfant perdue.

Entendez ma crainte et mon désespoir. Je ne savais vers qui tourner mon horreur et mes larmes de sang, aussi ai-je pensé que vous pourriez m'aider à trouver la lumière.
Les temps sont troubles, d'épais nuages noirs planent sur ma tête et je ne sais quelle direction prendre. M'aiderez-vous?


Il y a tant de distances, de chemins et champs que je brûle d'envie de parcourir mais dont la noirceur de l'avenir m'empêche d'y penser. Je suis perdue, Ô Guide, dans les méandres profonds du doute. Aidez-moi à supplicier le Mal, à mettre à genoux la Vermine, et ensemble, nous construirons quelque chose de neuf, de grand, de beau, où je pourrais alors chasser d'un revers de la main ce temps instable. J'aimerais avoir l'appui des Puissants, ceux qui veillent en silence.

Voyez, en toute chose il faut voir l'inactivisme et le mouvement. Trop de temps sans rien faire, reste le pas en avant, la douce conquête. Je suis perdue, aidez-moi, alliez votre sagesse à ma puissance, utilisez votre ruse quand moi j'utiliserais la mienne. Montrez-moi la Voie, celle que l'on empreinte mais dont seule la victoire ou la défaite peuvent expier tous nos péchés.


Aidez-moi.

Charles eut un air horrifié avant de relever les yeux vers sa nièce. Sa nièce, l’air grave, fixait le prêtre qui se tenait devant elle, avant de reculer de quelques pas. « Qui d’autres est au courant? » Celui qui se faisait appelé la Voix du Culte eut un sourire qui découvrit ses dents tâchées de sang, avant de reprendre la parole; « Tout le culte. Nous finirons par prendre Alonna et ce n’est pas toi qui nous empêcheras. » Sans attendre, Flavien asséna un violent coup au soi-disant prêtre. Adélina, l’air toujours grave, ne lui donna aucune réaction, aucune satisfaction. La jeune femme reprit finalement la parole, fixant toujours l’hérétique devant elle. « Fais le parler. Je veux savoir où sont ces hérétiques. » Sans attendre, la jeune femme tourna les talons sortant des cachots, laissant l’homme derrière elle, alors que ce dernier tentait de l’effrayer avec des menaces vaines.

Kÿrianos, Ve ennéade de Verimios, An XVIII, Cycle XI
Lodiaker-la-ville, Lodiaker, Baronnie d’Alonna, Péninsule

Dire qu’il était surpris aurait été un mensonge. Non, le chef de la garde de Lodiaker regardait l’homme d’un air dégouté, les yeux plissés, les bras croisés, Flavien observait le prisonnier d’un air grave. Jamais il n’aurait pensé avoir affaire à une telle calomnie. Devant lui, l’homme avait pour mission d’enseigner la parole de la bienveillante, mais ce dernier avait choisi de lui cracher au visage. L’homme fit cliqueter ses chaînes rageusement avant d’hurler à nouveau;


« Hérétique! Vous osez emprisonner la voix de la Damedieu! Arcaménite! »


Soudainement une violente vague d’eau glaciale vint lui frapper le visage, semblant calmer la fureur qui l’avait embrasé.


« Vous croyez qu’il va se taire maintenant? »


L’alonnais haussa les épaules avant de faire un signe de sa main ganté à l’un des soldats qui hocha la tête.


« Vous allez le payer! Vous et votre maîtresse! »


C’est là qu’un sourire vint orner le visage de l’homme d’armes, alors que ce dernier s’approche du soi-disant prêtre.


« Je ne crois pas…. Au contraire, je crois que c’est toi qui es dans de beau drap. Inutile de nous mentir, nous savons tous qui vous êtes. »


Interdit, le prêtre dévisagea d’un air suspicieux le soldat alonnais, alors qu’une prêtresse entra rapidement dans le cachot, la tête baissée pendant un moment.


« Ma mère. Tout ceci est d’une importance capitale. Pouvez-vous me confirmer que c’est bien l’homme dont vous nous avez parlé? »



La prêtresse releva son regard émeraude. Son visage rond, criblé de tache de rousseur, se releva finalement vers le prêtre, observant son visage buriné par le temps.


« Oui, c’est bien lui. »


Flavien eut un sourire, avant de refaire un signe au soldat qui attrapa rapidement la fausse prêtresse par le bras pour la reconduire à sa cellule. Le prisonnier, quant à lui, sembla soudainement bouillonner de colère. Bien entendu qu’il avait reconnu la femme. Il fallait dire qu’elle était beaucoup plus mignonne lorsqu’elle était une novice, mais cela était un détail… Ce dernier cracha au sol, alors que ses dents grincèrent violemment. Il n’avait pas besoin d’explication, il venait de comprendre. Il venait de comprendre que ces attardés de pentiens venaient finalement de découvrir son identité, et il savait que trop bien le prix qu’il paierait pour cet affront. Soudainement le chef de la garde s’approcha de ce dernier, non sans lui lâcher un regard mauvais alors qu’il reprenait la parole;


« Je te laisse deux choix. La manière douce ou la manière forte. Le choix est tien, et tu n’as qu’à répondre à une seule question…  Êtes-vous le prêtre qui a mis en contact Alanya de Broissieux et la Voix du Culte? »


Le prêtre ricana, ne siffla qu’un oui amusé, ne sachant que trop bien qu’il n’aurait pas d’autres choix que de parler. Flavien se releva, et sortit rapidement de la cellule pour appeler un messager. Il avait un message important à faire parvenir à la Dame de Lodiaker. Elle avait finalement tous les pions…