Surprise! [Sire Louis]

Kÿrianos, VIe ennéade de Verimios, An XVIII, Cycle XI
Langehack, Marquisat de Langehack, Péninsule

« Ô Grande Mère, Créatrice et Fondatrice, accorde-nous ta pitié et préserve-nous du malheur. Ô Divine Patronne, Vierge Vénérable, apaise nos cœurs et veille sur nos enfants. »


Agenouillée, la dame de Lodiaker répéta de nombreuses fois ces paroles alors que son regard azuré se portait sur la statue de la bienveillante. Après de nombreux jours à l’abri des regards, cela lui donnait un certain sentiment de liberté de pouvoir finalement sortir de l’auberge qui l’accueillait. Cela faisait déjà quelques jours depuis la fête des tisserands avaient eu lieu, et la nordienne avait reçue des informations des plus importantes. Une lettre bien particulière qui lui donnerait certainement un avantage bien particulier dans les prochains mois à venir. Bien consciente que certaines actions toucheraient d’innombrables personnes importantes, elle préféra demander tout de suite pardon à la damedieu. Lui demander de lui donner le courage de poursuivre ses actions devant la tyrannie du monde. Une fois sa prière terminée, la jeune femme se redressa avec élégance, replaçant doucement le voile de soie qui recouvrait ses longues boucles brunes, avant de se diriger vers la sortie. Là où, son cousin Aubry l’attendait avec impatience.


« Tout s’est bien passé? »


Adélina eut un léger sourire avant de hocher la tête, trouvant son cousin un peu trop protecteur. Mais qui aurait pu le blâmer? Dans les derniers mois, la jeune femme avait eu un peu trop d’expérience qui l’avait rapproché du royaume de Kyria. « Oui, tout va bien. Si vous le permettez, j’aimerais bien marcher un peu dans la ville avant de retourner à l’auberge. » Audry inclina légèrement la tête, avant de lever le bras pour inviter sa suzeraine à prendre les devants. Pour une raison qu’elle ignorait, le temple était particulièrement occupé en cette magnifique journée d’été. De nombreux langecins tentaient d’y entrer pour rendre hommage à la damedieu. La nordienne tenta tant bien que mal de se frayer un chemin au travers la foule, mais un homme, qui apparemment ne regardait pas nécessairement ou il allait – heurta de plein fouet la jeune femme, qui bouscula à son tour un autre homme qui passait par là.  Adélina eut une grimace alors qu’elle sentit sa cheville se tordre mais Aubry l’attrapa rapidement avant que cette dernière ne s’écrase sur le sol. L’homme en question se mit à se confondre en excuses. La jeune femme ne put s’empêcher de rire aux éclats, balayant de la main les excuses de l’homme en question.

« Ne vous en faites pas Messire, c’était un accident. »
« Oh merci Ma dame… Je suis désolé, je ne vous avais pas vraiment pas vu. »


Adélina posa son regard vers l’homme et lui tapota l’épaule. « Allez en paix, messire. Que la bienveillante vous protège. » Le langecin se confondit une nouvelle fois en excuse avant de se remettre à marcher vers le temple.


« Ça va aller? »
« Oui, je me suis un peu tordu la cheville mais je devrais survivre. »


Se rappelant qu’elle-même avait bousculé quelqu’un la nordienne se retourna vers l’homme en question et s’arrêta net. Son cœur fit un bond dans sa poitrine alors qu’elle reconnaissait quelqu’un qu’elle connaissait.  « Sire Louis… » commença la nordienne alors que son regard était ancré dans le sien. Sous le choc, la nordienne ne réagit pas tout de suite, se contentant de regarder le chevalier devant elle. Quelles étaient les chances qu’elle tombe ainsi sur ce dernier? Les dieux aimaient réellement lui jouer les plus vilains des tours… Au bout de quelques secondes, la damoiselle sembla reprendre contenance et s’inclina respectueusement devant ce dernier, tentant de retenir une grimace de douleur avant de reprendre la parole; « Toutes mes excuses, j’ai été bousculé à mon tour, et je n’ai pas pu me retenir. J’espère que vous pourrez me pardonner. » Se redressant finalement, la nordienne observa le langecin pendant une seconde avant de reprendre la parole; « J’ignorais que vous habitiez à Langehack même… »

Louis de Poiginia avait eu affaire en ville durant plusieurs jours et maintenant que le couronnement du Roi approchait à grand pas, le chevalier avait décidé de profiter du festival des tisserands pour se faire confectionner une tunique ayant fière allure. Le chevalier quittait rarement son armure, mais noble de sang, il savait qu’une tunique de bonne couture était de mise pour le bal. Son épée à la ceinture et la bride de son cheval en main, le chevalier se faufilait à travers la foule qui gonflait, près à retourner chez lui maintenant que sa commande avait été faite.
Depuis son voyage dans le Nord, Louis avait étrangement passé très peu de temps sur ses terres, appelé dernièrement à venir à Langehack même par Mère Zofia, qui avait reçu une étrange lettre de la part de son supérieur. Sachant qu’elle pouvait lui faire confiance et en bon chevalier qu’il était, l’homme d’armes avait chevauché jusqu’ici, curieux. Cette étrange rencontre qu’il avait eue avec le fils du Marquis et ses comparses l’avait surpris, mais sachant l’heure très grave, il avait promis d’emporter le secret de cette rencontre dans sa tombe et de prêter sa lame pour cette importante mission. Il ignorait ce que sera la suite pour Mère Zofia et lui, mais jamais il ne laisserait des arcaménites fouler les terres sacrées de la Bienveillante et en ternir son sol. Vigilant, le néerite s’était promit de porter davantage attention à son environnement, un échec pour l’instant puisqu’une fine silhouette le tira de ses songes en le bousculant.

Vif, le chevalier lui avait attrapé très brièvement le bras pour l’empêcher de s’étaler de tout son long par terre. Un accent et une voix qu’il aurait reconnue entre mille teinta alors à son oreille, lui arrachant un air surprit.

La Dame s’excusa à l’individu et lorsqu’elle se retourna, le choc habilla son joli visage. Elle finit par s’incliner pour le saluer et l’œil aiguisé de Louis remarqua cette grimace de douleur. Il s’inclina à son tour, un doux sourire sur ses lèvres :

-N’ayez crainte ma Dame. Vous ne m’avez point fait mal. Je suis même agréablement surpris de vous croiser ici.

Il remarqua l’homme près d’elle. Sans doute un accompagnateur et le salua aussi avec cette chaleur typiquement suderonne pour revenir à Adélina :

-Je n’habite pas exactement à Langehack même, mais j’ai dû me déplacer jusqu’ici parce qu’on me la demandée. Mes terres sont à une demie journée de chevauchée de la ville. C’est donc un heureux hasard de vous croiser ici Adélina et aussi loin de chez vous. Vous êtes venu profiter du festival des tisserands ? Je sais que Langehack est réputé pour ses étoffes et que vu le grand évènement qui se prépare à Diantra, beaucoup ont eu cette idée.

Un éclat d’inquiétude traversa, alors son regard, se rappelant cette légère grimace qu’elle a eu alors qu’elle le saluait en s’inclinant.

-Vous n’êtes pas blessé, j’espère ? Je peux vous aider à monter sur mon destrier si vous le voulez, le temps que je vous raccompagne jusqu’à votre auberge.

Il tendit sa main, pas sans jeter un premier coup d’œil à l’homme près d’elle, comme pour avoir son approbation. Louis avait entendu les rumeurs qui circulaient sur une Dame du Nord et le fils du Marquis et se doutait bien que ce fût sans doute d’Adélina dont il était question. Le curieux espoir de la recroiser avait titillé le chevalier, qui n’avait point oublié cette invitation qu’il lui avait faite lors de leur première discussion ni ce qu’elle lui avait dit avant de s’éclipser pour une rencontre protocolaire. On ne lui avait jamais dit qu’il était surprenant. Pieux, droit et redoutable à la lame, mais jamais surprenant. Le rouge de ses joues ne lui avait pas non plus échappé, troublant le chevalier qui ne savait point ce qu’il avait pu dire pour lui soutirer ce genre de réaction. 

Oh oui, pour être une surprise, cela en était effectivement une! Jamais elle n’aurait cru rencontrer le chevalier à Langehack et surtout dans ces conditions. Néanmoins, Aubry, souriant, répondit rapidement aux chaleureuses salutations du suderon, en profitant à son tour pour le saluer; « C’est un plaisir Messire de Poiginia. Je suis le Chevalier Aubry Lourbier. » Inutile d’aller plus loin, il comprendrait bien assez vite qu’il était un cousin de la Dame du Nord. Adélina sembla finalement sortir de sa torpeur alors que Sire Louis lui demandait la raison de sa venue en Langehack. « En réalité, je n’avais aucune idée qu’une fête des tisserands existait. » dit-elle non sans rougir. « Nous sommes en route pour Diantra et à peine amarré, nous avons reçu une invitation de Son Excellence Théodoric de Langehack pour la fête des tisserands, et il aurait été mal vu d’avoir refusé. » Mieux valait ne pas lui dire la réelle raison de sa visite. C’était mieux, du moins, pour sa sécurité. Comment réagirait-il s’il savait qu’elle complotait pour reprendre la baronnie qui lui revenait? Adélina ne voulait pas que le chevalier la voie comme une femme vile et sans cœur. Elle savait que ce n’était pas le cas, mais pour une raison qui l’échappait, elle ne voulait pas décevoir le chevalier.


« Oh » commença la jeune femme avant de fixer le sol, l’air gênée. « Je ne crois pas que j’ai quoi que ce soit de casser, Messire. Qu’une fausse manœuvre, un peu de repos et je serais sur pied rapidement. » Aubry, son cousin, se racla doucement la gorge; avant de prendre la parole; « Je crois que vous devriez écouter Sire Louis, ma dame. Cela évitera d’aggraver votre blessure, du moins jusqu’à ce que l’on ne vous ait fait examiner. » Adélina se retourna vers son cousin qui la regardait. Elle n’eut pas besoin de lui poser de question, ou même de protester, elle connaissait assez bien Aubry et son attitude de grand frère protecteur pour savoir que c’était peine perdue. Hésitante, la jeune femme déposa doucement sa main dans celle du chevalier alors que son regard croisait le sien. « Messire, puis-je vous demander de raccompagner ma cousine à l’auberge? J’irais faire quérir un guérisseur pendant ce temps. » Il se doutait bien qu’il n’aurait pas de problème, et se doutait bien que ce n’était pas si grave que cela, mais valait mieux ne pas tarder à faire examiner cette blessure, aussi bénigne soit-elle. Adélina soupira, avant de regarder son cousin; « Vous vous faites trop de mauvais sang pour rien. » Aubry haussa des épaules; « Peut-être! Mais je ne serais pas celui que vous blâmerez si vous ne pouvez danser à Diantra. » Il lui lança un sourire amusé avant d’incliner la tête vers le chevalier; « Bonne chance à vous chevalier. Je vous rejoins dans quelques minutes. » Sans attendre, Aubry s’engagea dans la foule évitant volontairement le regard meurtrier de sa cousine. Adélina secoua la tête, avant de retourner son regard vers le chevalier. Réalisant que ce dernier tenait toujours sa main, la jeune femme sembla se calmer et le rouge revint rapidement sur ses pommettes; « Pardonnez mon cousin, Messire. Il n’est guère friand de la bienséance. »

Ce chevalier qui l’accompagnait était donc un membre de la famille de la Dame. Louis ne put que lui sourire davantage, heureux de rencontrer un frère d’armes. Il eut d’ailleurs son accord pour ramener Adélina à l’auberge, pendant qu’elle lui expliquait qu’elle avait reçu une invitation du fils du Marquis. Il ne put s’empêcher d’afficher un air surpris, mais se rappela que les enfants de Griffon de Langehack n'étaient pas encore mariés...Cependant, le chevalier trouvait cela fort surprenant que cette famille fièrement suderonne invite une nordienne ici de plein gré et que le fils du Marquis courtise ainsi une Dame du Nord. Noble lui aussi, mais sans réel titre autre que chevalier et fils de Seigneur, il y a toutefois certains jeux politiques que Louis ne connaissait point et dont il ne se mêlait pas tout à fait. Après tout, il n’était qu’un guerrier prêtant sa lame à qui le lui demandait, un loyal serviteur de leur Mère à tous. Il devait avouer que sans vraiment savoir pourquoi, ces rumeurs sur la Dame et son Excellence lui avaient agité le cœur, mais pleinement concentré sur sa chasse à l’arcaménite, le chevalier avait étouffé ce sentiment, désireux plutôt de remplir son devoir. Il tenait toujours la délicate et douce main d’Adélina dans la sienne, qui avait malheureusement la peau calleuse pour un noble. Le chevalier était un homme manuel et la Dame s’en rendra sans doute compte vu sa peau plutôt rugueuse. Il remarqua aussi les rougeurs sur les joues de la jeune femme et s’empressa de la rassurer, tout sourire aux lèvres :

-Je ne lui en tiens point rigueur ma Dame. Il est vrai que ce serait bien dommage que votre cheville m’empêche de vous demander une danse à Diantra.

Son sourire fut franc et une lueur d’amusement brilla dans ses yeux marron. Bon, peut-être n’allait-il pas aider le feu qui semblait assaillir le visage de la Dame depuis qu’il tenait sa main, mais cette proposition avait été dans ses plans depuis leur première rencontre. Enfin, à moins qu’on ne le devance.

Lorsque Aubry s’éclipsa, Louis le salua donc d'un mouvement de tête. Doucement, il approcha la main d’Adélina qu’il tenait toujours sur le pommeau de sa selle, en lui disant de s’accrocher et en se penchant pour tenir le devant de sa jambe. Ce fut sans difficulté qu’il la souleva pour la hisser sur sa selle. Il empoigna ensuite les rennes et lui demanda :

-Votre auberge se trouve à quel endroit ? Peut-être que le nom m’est familier puisque je connais bien Langehack.

Une autre question lui brûlait aussi les lèvres :

-J’imagine que vous restez aussi là-bas jusqu’aux festivités à Diantra.

Louis se demandait si le cousin d'Adélina accepterait qu'ils logent tous les deux chez lui le temps qu'ils se rendent au couronnement du Roi. Pour l'instant, le chevalier tâtait le terrain, s'informant davantage sur la situation. En effet, il ne voudrait point les mettre dans l'embarras, même si sa demeure était grande. Des rumeurs courraient déjà...

La main dans la sienne, la jeune femme ne pouvait détourner le regard, comme obnubilé par le chevalier alors qu’il lui avouait vouloir lui demander une danse à Diantra. Elle sentit alors le rouge monté à ses joues alors qu’elle détournait le regard, semblant trouvé une nouvelle admiration pour les pierres qui pavaient le chemin, alors qu’elle tentait, tant bien que mal de reprendre le contrôle de ses émotions. Une tâche particulièrement difficile en soi, surtout qu’on aurait dit que le chevalier lui faisait la cour. Chose qui généralement ne la dérangeait pas, mais l’idée d’accorder une danse à Sire Louis n’était en aucun cas déplaisant. Au contraire, la jeune femme s’en réjouissait. Après tout, elle avait elle-même catalogué le chevalier de surprenant et elle se devait de satisfaire la curiosité qui la dérangeait. Le chevalier de Néera était si doux avec elle, et pourtant on lui avait mentionné que ce dernier avait une réputation extrêmement différente sur le champ de bataille. « Cela sera avec plaisir que je vous accorderai une danse Messire. » Ce fut son tour de lui lancer un regard amusé. Le testait-elle? Oh oui, définitivement, elle tentait tant bien que mal de déterminer quel était ses intentions. Tentait-il simplement de la mettre mal à l’aise? Ou ressentait-il quelques choses d’autres pour la jeune femme? Adélina laisse Louis la guider alors qu’il la souleva sans difficulté, l’installant confortablement sur sa scelle, avant de lui demander où se situait son auberge.


« En effet, notre auberge s’appelle Aux quatres poney , juste à côté du marché. » commença – t-elle alors qu’elle attrapait doucement le pommeau de la selle alors que la monture se mettait en marche avec son cavalier. « Mon oncle et notre suite sont avec nous. Langehack n’était originalement pas une ville dans laquelle l’on voulait s’attarder, mais il faut croire que les dieux nous réservent de bien curieuse rencontre. » Le regard azuré se porta sur le chevalier, lui faisant un timide sourire. En effet, elle n’aurait jamais cru rencontrer le chevalier devant le temps de Néera, et soyons honnête, quelles étaient réellement les choses que cela arrive? Elle était minime… mais pourtant le destin semblait les réunir d’une bien curieuse manière. Peut-être que cela était la volonté des dieux, peut-être avait-il un message dans leur curieuse rencontre. Adélina se laissa guider par le pas de la monture qui suivait paisiblement son cavalier alors qu’ils traversèrent les rues de Langehack pour se rendre à l’auberge. « Restez-vous à Langehack pour quelques jours ou retournez-vous sur vos terres aujourd’hui? » Dit-elle en posant son regard sur Louis. Cela lui avait pris énormément de courage pour cette simple question. C’était étrange à quel point, la jeune femme perdait ses moyens autours de Louis. Elle qui, à l’exception des deux chevaliers langecins, n’avaient aucun mal à tenir tête à un homme, les rabrouant si nécessaire. Mais il fallait croire que le charme langecin était d’un tout autre calibre.

Le chevalier sentait qu’il créait un certain émoi chez la Dame, un émoi qui le surprenait lui-même puisqu’il ne voulait que son confort. Il remarquait bien son sourire toutefois et ses rougeurs et Sir Louis avait beau être un piètre romantique, ce n’était pas la première femme qui réagissait de la sorte en sa présence. C’est qu’en combat et dans la vie de tous les jours, le chevalier était un homme bien différent. C’était comme si sa douceur s'évaporait et que quelque chose de sombre l’animait à chaque fois qu’il tenait sa lame. S’il était un guerrier aussi pieu envers leur Bienveillante, c’est qu’il avait de nombreux fantômes du passé à apaiser...Sir Louis n’était qu’un mortel après tout, avec tous les défauts que leur Mère à tous leur a donné. Il faisait donc de son mieux, se rattrapant et tentant d’apaiser son propre Souffle meurtrit par tout ce sang qu’il a versé. Oui, peut-être était-il doux en ce moment, mais le chevalier avait ses secrets.

La suite lui rendit son sourire ; il est bien vrai que le hasard de retrouver Dame de Lourbier ici à Langehack était fort surprenant, mais bien agréable. Elle venait de si loin ! Ainsi, son cortège et elle n’avaient pas été supposés s’attarder ici. Il plissa légèrement les sourcils, se demandant ce qui l’avait donc poussé à rester. Il ne posa toutefois pas la question, même si elle lui brûlait les lèvres, conscient que la Dame avait droit à ses propres secrets. Et puis, alors qu’il croisa son regard, la jeune femme lui posa une question qui le surprit. Il l’observa quelques secondes, des couleurs lui aussi sur ses joues :

-Puisque j’ai terminé ici, je comptais effectivement chevaucher jusqu’à chez moi.

Il prit une pause, alors qu’un autre sourire étira ses lèvres, un peu plus rieur celui-ci, mais tout aussi doux que le précédent :

-Je peux sans doute rester plus longtemps si vous le souhaitez. Je connais Langehack, assez pour vous aider à vous retrouver. D’ailleurs, votre auberge vous convient jusqu’à maintenant ?

Ils marchèrent encore plusieurs minutes, jusqu’à ce qu’ils parviennent à sortir du marché encore bondé à cette heure et qu’ils voient l’enseigne de l’auberge se balancer doucement au rythme du vent. C’était un établissement assez central, sans être hors de prix, mais pas du tout miteux non plus. Il arrêta devant les écuries et tendit les bras vers Adélina pour la soutenir par la taille et l’aider à descendre. Elle pourra prendre appui sur ses épaules si elle le désire. Un palefrenier prit alors les reines, pendant que le chevalier tendit son bras pour qu’elle le prenne si jamais elle avait besoin d’aide.

-Vous pouvez prendre appui sur moi si vous peinez à marcher.

Adélina ne manqua pas l’air du chevalier. Il avait l’air intrigué par ses paroles, se demandant ce qui l’avait poussé à rester, mais elle ne pouvait pas lui révéler la totalité de ses plans, s’était… trop dangereux… Certes, elle faisait confiance au chevalier, mais elle ne souhaitait guère l’inclure dans des intrigues ou il ne serait pas confortable. Après tout, ne lui avait-il pas déjà dit ne pas se soucier des intrigues des autres nobles? Ce fut le chevalier qui la sortit de ses pensées, alors qu’il lui révélait qu’il avait terminé dans la ville et qu’il retournait dans son domaine. Gênée, la jeune femme baissa légèrement le regard, honteuse de le déranger d’une telle façon avant de reprendre la parole; « Toutes mes excuses de vous retenir, Messire. Si des affaires plus urgentes vous attendent, vous pouvez me laisser, je saurais retrouver mon chemin. » Bon, certes son pied la faisait légèrement souffrir, mais cela se guérirait rapidement. Mais le chevalier la rassura rapidement, lui avouant qu’il pouvait même rester un peu plus longtemps si elle le désirait, ce qui, la fit immédiatement rougir. Il fallait dire qu’elle n’était guère habituée à ce genre d’attention. Aussitôt que la conversation était hors d’un contexte diplomatique, la jeune femme semblait perdre tous ses moyens. C’était définitivement quelque chose qu’elle se devait de travailler, et rapidement. « Pour le moment, elle me va bien. Ce n’est guère un établissement de luxe, mais nous n’avons pas besoin de plus. L’aubergiste est un remarquable cordon-bleu! J’ai bien peur de ne plus pouvoir mettre la robe que j’ai commandée pour le couronnement du roi. » Adélina eut un petit rire, avant de continuer; « Mais je vous remercie de votre proposition, cela me fait chaud au cœur que vous soyez autant concerné par ma simple personne. »  La nordienne leva finalement les yeux, croisant le regard du chevalier en lui faisant un léger sourire.


Mais la chevauché – si l’on pouvait appeler cela une chevauchée, fut de courte durée, ils arrivèrent rapidement à l’auberge, et Louis ne tarda pas à attraper la jeune femme par la taille, pour l’aider à descendre. Instinctivement, la jeune femme posa doucement ses mains sur les épaules du chevalier, les enlevant rapidement telle une enfant qui avait fait une erreur alors que ses pieds touchèrent finalement le sol. Elle fixa son bras tendu, pendant une seconde, avant de remonter son regard vers ce dernier, hésitante, avant de déposer doucement sa main sur l’avant-bras du langecin. Le duo traversa rapidement l’auberge, montant les marches qui les menèrent aux appartements temporaires de la jeune femme. Cette dernière claudiquant, non sans laisser s’échapper quelques grimaces. Ils arrivèrent rapidement aux appartements de la jeune femme, là où, sa camériste eut un air affolée en voyant la damoiselle.


« Mais… Ma dame… Que s’est-il passé? »
« Rien de grave, Clervie. Je me suis tourné la cheville en évitant quelqu’un au temple. »
« Assisez-vous! »


Amusée, la jeune femme se laissa conduire par le chevalier, alors qu’elle s’assit doucement sur l’un des canapés qui ornaient la pièce. Sans attendre Clervie prit quelques cousins, les déposants au sol pour remonter le pied de la jeune femme avant de lui enlever doucement sa chaussure, inspectant la cheville de cette dernière.


« Il n’y a pas de bleu ou d’enflement. »
« Mais je vous l’ai tous dit que vous vous affolez pour rien! Dans quelques heures tout ira bien. »


Clervie jeta un regard noir à sa dame, avant de se retourner vers le chevalier; « Puis-je vous offrir quelques choses à boire, messire? » Après tout, ce dernier méritait bien un moment de repos pour avoir aidé la dame du nord ainsi!