Les chaînes d'Aduram - Le Favori | Kha'linas Do'ath

Neuvième ennéade de Verimios,
An Dix-Huit du Cycle XI,
Forêt d’Aduram

Son cri se fondit dans le Hurlement d’Aduram. Le feu irradiait de sa poitrine jusque dans ses orteils, le moindre mouvement déversait une coulée de lave glacée dans ses membres, que l’immobilité avait fait pourrir jusqu’à noirceur. Le fruit qu’il tenait s’échappa de ses faibles phalanges et roula à un pas de lui ; hors de sa portée. La seule bouchée qu’il avait arrachée à la forêt, d’un fruit trop mûr déjà rongé qui s’était échoué à lui, le Favori la délecta longtemps. Les félicités étaient rares pour ne pas être fêtées.

Elles ne l’avaient jamais abandonné. Ni Elle, ni la douleur. Elles n’étaient qu’Une, finalement.

Aduram s’était fait son refuge au lendemain des batailles contre la faiblesse humaine. La forêt l’avait avalé, l’avait accueilli et l’avait réfugié. Kiel avait été bonne avec lui. Sur la terre de ses ancêtres, où l’engeance des terres du Sud avait donné naissance à la race d’Uriz, Elle lui permettait de se consacrer à Elle. Il avait écouté Ses voix qui, au fil du temps, se firent plus fortes. Après quelques temps, les cris de la Bouche Hurlante ne le quittèrent plus.

Le temps n’eût plus d’emprise.

Aduram ravagea son corps ; non moins son esprit. Mais, en toute conscience, il s’était abandonné à la déesse. Plus que jamais sous le Volcan, Elle lui enseigna la Souffrance. Sur les mêmes terres où Elle avait combattu la Traitresse et attiré le regard du Père des Batailles, Elle l’avait conduit. Pour cela, il L’aima. Elle laissa son corps s’enraciner d’asthénie et écouta ses cris se perdre sous la canopée alors qu’il s’arrachait lui-même des lambeaux de chairs. Il La haït plus fort qu’aucun Autre.

A sa hanche, aux arêtes saillantes, le cliquetis du métal qui l’enserrait lui fit pousser un nouveau hurlement. Elle était son fardeau, le seul dont il n’avait pu se débarrasser. C’était la volonté de Kiel Elghinn qui, chaque jour, se rappelait à lui en pressant plus la chaîne contre sa taille.

Comme s’il avait plus L’oublier une seconde.

Lorsque, vaincu, il l’avait lâchée dans les eaux de la Sirilya, lorsque, se croyant libéré, il avait couru hors de Sa portée, la chaîne lui était revenue.

Elle lui avait fait payer cher cette infinie lâcheté.

Au bout d’un temps qu’il ne comptait plus, Elle l’avait mené ici. L’écorce était rude, le tronc biscornu plus qu’il ne semblait pouvoir supporter. Ses feuilles étaient brunes, ses racines noueuses s’étendaient loin avant de lentement s’enfoncer dans la terre. L’Arbre semblait souffrir. Ses fruits étaient rares, petits et à la peau épaisse et ridée. Mais il fut Son repaire les jours, Son refuge les nuits. Consumés de l’intérieur, il n’avait plus guère erré au-delà de la petite vallée autour de l’Arbre.

Au cœur de l’Aduram, il était devenu l’un des spectres, hantant les bois d’une présence sombre, comme maintenue en vie par une volonté obscure. Elle lui susurra la douleur et l’espoir, la souffrance et la fierté. A lui, Son Favori, Elle confiait l’épreuve suprême. Jusqu’à ce qu’un autre prenne sa place, il serait à jamais l’incarnation de Son Cri.

Les murmures l’avaient guidé, avaient conduit ses pas et c’est là qu’elle entendit le hurlement lointain… Ses oreilles se redressèrent alors que les voix devinrent de plus en plus fortes, certaines exprimant leurs excitations, les autres murmurants doucement comment éteindre la flamme. L’Obok Yatharil avait laissé son escorte derrière il y avait plusieurs heures déjà. Si elle devait affronter la créature, elle devrait le faire seule. C’était la volonté de sa maîtresse, la volonté du visage hurlant. Et c’est là qu’un éclat métallique attira son attention. Penchant légèrement sur le côté, l’ilythiiri la vit. Elle sentit son sang bouillonner dans ses veines, l’excitation rugissait en elle, alors que sa main torturée se crispait, faisant cliqueter les griffes de métal qui entouraient ses doigts déformés.


Que vas-tu faire?


Un sourire carnassier orna ses lèvres fendues alors que son menton se pencha un peu plus vers le sol, plongeant son regard sur sa cible.


« Je lui arracherais sa chair, lui arracherais sa flamme et anéantir ses rêves. Il n’est pas digne de toi, pas digne de la mission que tu lui as donnée. »


La main gauche de l’Obok yatharil se referma sur sa dague, alors qu’un murmure se fit entendre à nouveau derrière le masque.


« Je referais le monde à ton image, maîtresse. Ce monde est pourri, impure, nous devons le purger. Je le briserai.»


Elle entendit le rire dans sa tête. Elle était contente, elle allait définitivement apprécier ce spectacle. Ses deux favoris – face à face – pour une ultime fois…


Ne craint pas les ténèbres. Crains ce qui t’arrivera si tu échoues…


Sans attendre, l’Obok Yatharil enleva rapidement le masque d’Onous'Delab, dévoilant son visage presque intact. Si elle affrontait la créature de Kiel, elle voudrait qu’il la voie comme il l’avait forgé. Après tout, c’était lui qui l’avait entraîné dans les tourments, lui qui lui avait appris tout ce qu’elle savait, et c’est aujourd’hui que l’élève dépasserait finalement le maître. Laissant tomber le masque dans les herbes, la prêtresse dégaina rapidement son épée, laissant s’échapper un crissement, avant de s’avancer rapidement dans la vallée. On aurait dit que la forêt était devenue silencieuse, comme consciente du moment terrifiant qui se déroulait devant elle, comme consciente que la rencontre qui avait lieu était décisive. Ses doigts bardés de fer s’enfoncèrent dans sa chair alors que sa poigne se refermait, laissant quelques gouttelettes de sang imprégner les lanières de cuir qui entourait le pommeau de son épée.


Et bientôt elle fut assez proche pour voir l’épave qu’était devenu la créature de Kiel. Comme un ramassis de chair qui peinait à sauver sa flamme. Une vision pathétique. Cela n’était pas étonnant que le visage hurlant avait choisi sa nouvelle favorite… Quoique… S’arrêtant net, les prunelles vides semblèrent se rapetisser, si Bol d’Jiv’elgg lui avait appris quelques choses, c’était qui ne fallait pas se soucier des apparences… Qui est le jouet des apparences se laisse séduire par des mensonges… Kha’linas s’arrêta à une certaine distance de la créature, fixant sa proie alors que tout ses sens étaient en alerte. Son sourire carnassier semble s’agrandir alors que l’excitation semblait s’emparer d’elle et pourtant, se fut une voix neutre, presque las, qui sortit de ses lèvres. « Certaines personnes choisissent leur chemin, d’autres sont condamné, consumé par le leur… » L’Obok Yatharil écarta légèrement les pieds, prête à répondre à une quelconque attaque, avant de continuer; « J’aimerais dire que je suis surprise par ton état… Mais ta chute était prévisible. » Elle pouvait voir sa chaîne autour de la chair, et le masque qui recouvrait son visage. Kiel Elamshinae était si près, elles seraient sienne très bientôt…

Les voix se turent, la forêt se calmait. Les cris s’apaisèrent, alors que sa solitude prenait fin. Des pas approchèrent l’intrus de son refuge.

Il vit les bottes d’abord, que son regard pu attraper au ras du sol. Ses mollets, ensuite, couvertes par le tissu des voyages et des combats, les jambes d’une femelle. En appui sur ses avant-bras, contraignant ses vertèbres pour se relever, il remonta sa taille, d’où tombait le bas d’une toge vermeil, celle des adeptes de la Hurleuse, au rouge qui dilue le sang des traîtres et s’imprègne de celui que l’on offre de bon gré à la Déesse. Elle était ceinte d’une ceinture de clous, de laquelle pendaient les armes au fil émoussé de souffrances et de cris. Le masque, sobre, dénoué de tout ornement, cachait le visage de celle qu’il avait, déjà, identifié.

Le masque tomba, il pu la voir.

Les yeux laiteux du Favori se perdirent sur le charbon de la peau de celle qui fut son élève. Un spasme arrêta le rictus qui s’était dessiné sur ses lèvres arides. Le sang gicla dans sa bouche, arracha à sa gorge un râle qu’il contint en griffant sa joue de ses crocs. Bol d’Jiv’elgg grimaça et un rire âpre lui échappa des lèvres. Un souffle guttural naquit dans son torse et il lança, comme un murmure, entre deux quintes :

« - Tu es venue, dalharil. »

La Voix revint, plus forte qu’elle ne le fut jamais, vrilla ses tympans et le condamnant à un nouveau spasme.

« - Elle vient pour moi. »

Il était Son Favori. Elle n’était rien. Elle venait lui arracher Sa considération. Le corps certes, fort, mais l’esprit faible, elle venait, triomphante, chercher les honneurs d’Elda par les artefacts de Kiel Elghinn.

Elle n’en est pas digne.

L’Ordalie Suprême n’était que le premier pas. Des deux sarcophages, Aduram était, de loin, le plus terrible. Son poison s’était distillé à son sang ; étreinte dévorante qui paralysait ses membres.

A quiconque qui n’ait été éprouvé, la Déesse n’accorderait sa faveur.

Un cliquetis s’échappa de ses doigts ornés de métal, sa main se crispa alors que les voix semblèrent rugir en cœur. Le regard vide, l’Obok Yatharil observa les gouttelettes de sang qui tombait du menton de son ancien maître.  Il ne lui semblait plus qu’une loque, qu’un amassi de chair. Il n’était pas digne des artéfacts qu’il portait, pas digne de la déesse. Elle l’avait guidé jusqu’à lui. Elle lui avait donné une mission. C’était pour elle qu’elle était venue.


« Une pâle copie de ce que tu étais… Impie…  Tu étais peut-être l’excellence, mais l’on peut dire que ce n’est plus le cas. Il est temps de changer les choses, de les pousser plus loin.»


Le regard vide de Kiel Elamshinae se porte sur l’ilythirii alors que ses doits semblèrent se refermer sur la poignée ornée de la dague, faisant doucement crisser le métal finement décoré. Cela faisait tellement longtemps qu’elle attendait ce moment. Elle avait été plus loin que lui et elle savaient que trop bien que sa mission était loin d’être terminée.  Les voix semblèrent se multiplier, rugir devant le visage ensanglanté de son ancien maître. Kha’linas leva rapidement la main, faisant taire les multiples murmures, avant qu’un n’intime le silence aux autres.


PRENDS-LE!


Un sourire carnassier vint orner son visage alors qu’elle s’accroupit, se mettant au niveau de de l’ancien Obok M'thain. Ses prunelles vides se figèrent dans les rubis de son adversaire, avant que cette dernière ne reprenne la parole;


« N'aie pas peur de souffrir, m'a-t-elle dit,
car ma bénédiction pour toi est la survie.
La pointe de son épée sur ma poitrine,
car il vaut mieux se précipiter sur cette lame maintenant
que de s'éloigner de la vie, de peur. »


Et pendant qu’elle répétait cette prière si commune, le poignard se posa délicatement sur la gorge de l’ilythiiri, s’appuyant doucement sur l’amas de chair, laissant une légère trace rougeâtre à son extrémité.  Puis soudainement, ses doigts bardés de fer s’enfoncèrent dans sa chair, tentant d’entourer  le cœur de son adversaire. Elle sentait le sang couler sur sa main, alors que son souffle s’accélérait. Elle pouvait sentir son sang battre contre ses tempes alors que son regard semblait s’emplir d’une folie à peine contagieuse.  Kha’linas approcha son visage du sien, laissant s’échapper un soupir d’extase, alors que son sourire sembla s’agrandir. Son ancien maître, c’était maintenant elle qui le possédait, elle qui s’infiltrait en lui. La chair se découpait alors que ses doigts s’arrêtèrent tout près de l’organe battant.  Elle reprit doucement la parole, murmurant cette fois, comme si elle parlait à l’un de ses amants;


« Je suis ton ombre, et je serai la dernière chose que tu entendras quand tu mourras…
Voici, j’entends notre maîtresse
Elle m'appelle, emmène-moi vers elle, fais-lui entendre nos cris. »

Le métal toucha sa gorge rachitique, imprima son fil d’un tracé vermeil sur sa peau sombre. La prière de la prêtresse se substitua à La Voix et clama présomptueusement sa dévotion. Que pouvait-elle savoir de la sincère ferveur ? Elle n’avait jamais éprouvé son ardeur pour la Maîtresse des Souffrances, nullement connu la profonde communion avec le Cri. Sa foi n’était pas feinte, mais elle n’aurait jamais Sa faveur.

La main de l’Obok Yatharil se ficha dans sa poitrine, y exhumant un cri étouffé qu’il ne put retenir. A mesure qu’elle refermait ses griffes sur son palpitant, son esprit s’assécha de toute force.

« - Je suis ton ombre, et je serai la dernière chose que tu entendras quand tu mourras… Voici, j’entends notre maîtresse… Elle m'appelle, emmène-moi vers elle, fais-lui entendre nos cris. »

Elle osait insulter Son Favori, souiller Sa prière de son orgueil démesuré.

« - Crie, fais toi souffrance ;
Crie, prouve ta puissance ;
Crie, châtie celui qui fléchi ;
Hurle, abandonne-toi au Cri. »

Sa voix n’était qu’une douloureuse exhalaison difficilement audible. Le regard fiché dans les prunelles opalines de son élève, secoué de spasmes, il soufflait une haleine putride au visage de sa tortionnaire.

« - Nul ne vaincs Elamsh'inae d’Kiel Elghinn par la souffrance. »

Une dernière provocation. Il emporterai avec lui son secret, il ne La trahirait pas. Où Elle poussa les Siens, face à l’immonde Kerhel, il joindrai son dernier Cri à ses chœurs.

« - TUE LA. »

A l’injonction, la chaîne qui retenait ses hanches se délia et s’ancra dans son poignet, arrachant la peau, déchira les chairs pour s’enraciner dans l’os. Une force nouvelle inspira ses muscles, gorgea son sang d’une vigueur ranimée et ramena lucidité à ses pensées. Bol d’Jivv’elgg s’extirpa de la poigne aux griffes métalliques, sans plus aviser le liquide vermeil qui maculait le sol. Il arma le bras et frappa, enroulant les maillons autour de la cuisse de la prêtresse. D’un geste, il rappela à lui la chaîne, ouvrant de larges plaies sanglantes dans les chairs. Aucune reddition.

* Drow :

Un rire dément vint raisonner dans la clairière alors que le sang coulait sur la terre mouillée. Elle la sent finalement, la douleur, elle ressent l’excitation parcourir ses veines alors que sa chair trouée empeste l’atmosphère. L’odeur du sang – son propre sang vint finalement orner ses narines, alors que ses cheveux semblent se hérisser sur sa nuque. La voilà l’excitation, elle embrassait la douleur comme une vieille amie, une amie qu’elle n’avait pas rencontrée depuis des années. D’un geste sec, l’Obok Yatharil arracha le bout de tissus rouge, dévoilant sa jambe maintenant déchiquetée, avant de lancer le tissu rougeâtre plus loin. De sa main libre, elle fit tournoyer sa dague sacrificielle alors qu’un sourire carnassier venait orner son visage. « Tu te trompes, Ilharn… » Commença-t-elle avant de laisser échapper un rire. Puis, soudainement elle s’arrêta net, plongea ses prunelles vides sur sa proie alors que son visage se referma; « Cela fait longtemps que tu n’es plus Kiel Elamshinae. Elle m’a choisie, m’a conduit à toi… Elle me veut MOI! »


La voix résonna dans sa tête. Ferme, indiscutable.


TUE-LE.


Sans attendre, l’Obok Yatharil se jeta sur son ancien maître, le clouant sur son ancienne prison de bois. Sa main droite gantée de fer, et l’autre tenant fermement la lame dédiée à sa maîtresse. D’un mouvement rapide, elle attrapa la chaîne, l’entourant à son tour sur son bras, sentant cette dernière se refermer sur ton bras torturé alors que sa main droite se faufile à nouveau dans la cavité, refermant les cisailles qui ornaient ses doigts autour du muscle qui palpitait entre ses doigts. Kha’linas eut l’impression que le temps se ralentissait alors qu’elle sentait son coeur se contracter sous son attaque alors qu’elle l’écrasait de ses doigts. Plus elle serrait, et plus le sang giclait sur son visage, tâchant sa peau grisâtre.


« xuat treemma p'leik, il della uns'aa,
whol ussta dumoas ulu dos zhah dro'xundus
lil' tela de' ilta killian a ussta arlyurl,
whol ol zhah alur ulu huertar pholor nindol velve nin
taga ulu inlul tarthe dal dro, wun treemma »
Et je tiens son regard et ses mains tachées de sang
reposent sur ma tête en bénédiction,
et je ne me suis jeté en avant
sur la lame qu'elle tient à mon cœur.


Et elle referme ses lames sur le cœur avant de le tirer hors de sa poitrine. Le sang sembla exploser, alors qu’une partie du corps reste dans ses mains, encore battant et c’est là qu’elle l’entend encore une fois, qu’elle entend son rire. Elle est satisfaite, elle veut qu’elle gagne. Le sourire carnassier revient sur son visage, alors qu’elle se prépare à riposter; lançant le bout de cœur un peu plus loin sur le sol, murmurant des paroles en drow. Il est à elle. Elle est l’élue. Elle est la personne qui lui faut et elle lui prouvera.

La poigne de l’adepte retrouva sa proie, mordait les chairs pour en arracher le cœur. Son sang arrosait de vermeil la main de Kha’linas, ruisselant le long de son bras et s’échouant à grosses gouttes sur le tapis brun d’humus du bois. Un râle naquit dans sa poitrine et vint mourir sur ses lèvres, étouffés par la douleur. Un rictus fendit cependant la face de l’ilythiiri. Ressentir l’agonie aigüe dans son sang versé pour la déesse était une douceur qu’il chérissait plus encore après des années de lente meurtrissure amère.

La dextre gantée de la prêtresse ressortit, triomphante, de son poitrail sanguinolant, l’abandonnant à un cri bestial. Le Favori expectora les caillots violacés que sa gorge avait fait remonter dans sa bouche sur le visage de la Do’ath arrogante. Faisant fi de la blessure qui ouvrait en son cœur une faille béante, l’ermite fit trouver à sa main droite le chemin de la gorge de l’adepte en robe rouge. Sans que ses doigts ne l’enserre, les chairs se tordirent, étreignant les cervicales et contraignant les veines d’une emprise arcanique infaillible.

« - Tu le cherches... éructa-t-il, Ta quête est vaine… Car nul autre que moi ne sait où se trouve la relique de Kiel Elghinn. »

Il la repoussa. La chaîne reliait leur deux bras comme un cordon ombilical d’acier poisseux. Mais ses maillons ne pouvaient obéir à plus d’un maître. Honorant loyauté envers leur propriétaire, elle s’arracha au bras de la Haute-Prêtresse. Quand, finalement, Bol d’Jivv’elgg allait frapper, il tomba sur un genou, défait par le battement périclité de son cœur.

« - Je lui appartiens… »

La forêt se refermait sur lui, comme si, dans sa mort, il lui serait un cadeau. Son emprise sur le monde s’affaiblit, son esprit s’accrochait à une vaine survie lucide.

« - La Voilée m’honorera du Nahali. Tu n’auras qu’une défaite à rapporter à Elda. »

Prostré, son sourire s’effaça et ses lèvres s’agitèrent d’une fervente prière.

Regardant la flamme devant elle, l’obok yatharil retourna finalement son regard vers le Cœur ensanglanté de son ancien maître. Elle pouvait presque le sentir battre, elle pouvait presque sentir le soubresaut qui venait faire trembler ses doigts recouverts de sang. Et c’est là qu’elle l’entendit à nouveau.


Le laisseras-tu te parler ainsi, Kiel Elamshinae?


Sa main gantée de fer se referma sur le membre, l’écrasant de toute sa force alors qu’une traînée rougeâtre s’échappait de ses doigts, puis elle tourna la main, laissant le ramassis de chair tomber sur le sol avant de faire un pas vers Bol d’Jivv’elgg. « Non… » Murmura-t-elle en s’accroupissant devant son ancien maître, ses prunelles vides fixant l’ilythiiri.


« Ce n’est pas le Nahali qui t’attend… » Sa main sanglante attrapa son ancien maître, alors que ses griffes s’enfoncèrent dans la peau d’ébène de Bol, le forçant à la regarder. Aucun sourire, qu’un visage sans émotion, neutre, comme si elle s’apprêtait à faire la plus bénignes des choses. « Un og'elend ne peut qu’aller au P’leik. » Serrant ses doigts encore plus, le menton de l’ilythiiri se baissa vers le sol, plantant son regard dans son adversaire, alors qu’un air dédaigneux vint orner son visage. «  Tu l’as abandonné… Tu as abandonné notre maîtresse pour te morfondre dans cette forêt. Où étais-tu lorsque l’Elda avait besoin d’une voix? Où étais-tu lorsqu’il était le temps de faire entendre SA voix? » Sans attendre, l’ilythiiri, prit la dague sacrificielle avant de l’enfoncer directement dans la trachée de l’ancien Obok M’thain. D’un coup sec, elle lâcha sa prise et retira la lame, se relevant alors que ses prunelles bouillonnaient toujours de colère. « Tu as échoué. Tu as déshonoré la maîtresse… »  La prêtresse recula d’un pas, observant la flamme se flétrir. Curieusement, les voix étaient silencieuses, comme si elles étaient au courant de l’importance de ce moment, comme si elles se taisent pour la voix de sa maîtresse. Ce ne fut qu’au bout de quelques minutes qu’une seule décida de poser une timide question;


Que feras-tu pour elle?


L’obok yatharil redressa sa tête, non sans fixer son ancien maître.


« Je suis à votre disposition pour votre plan.
Laisse-moi tailler la chair, laisse-moi m'envelopper de massacre
Cache-moi dans le carnage.
Et je prendrais tout d’eux.
Je prendrai leurs membres, je récolterai leur bien-aimé
J'arracherai à leur conscience la volonté de vivre
Et ils lamenteront ton nom… Et personne ne pourra jamais oublier qui est véritablement Kiel Elghinn. »


Au fur et à mesure qu’elle prononçait ses paroles, sa voix devenait plus assurée, plus forte, comme si elle voulait que la créature de cette forêt entende sa promesse à sa maîtresse. Plus rien ne comptait, aucune douleur, aucun plaisir, aucun artéfact, qu’un but…

« Oui… C'est mon but… » murmura-t-elle, le regard toujours fixé sur sa proie mourante.

Le corps du Favori s’était couché sur l’humus. Figés dans sa prière, les traits de l’ancien Haut-Prêtre arboraient deux orbites vides, privées à jamais de leur Flamme. De sa trachée sanguinolente suintait le sang encore chaud qui souillait la vallée. Le silence avait vaincu ses derniers râles et l’odeur conquérante de la mort envahissait l’air d’une humeur poisseuse. Vainement accrochée à son avant-bras inerte, la chaîne émit le cliquetis caractéristique des maillons qui s’animent. Sans qu’aucune impulsion ne lui fut soufflée, elle rampa aux pieds de la prêtresse. La Chaîne de Kiel revendiquait son possesseur.

Aduram bruissa. Dans sa canopée soufflait les cors d’une ère nouvelle. Autour de Kha’linas Do’Ath, dans le berceau d’Elda s’éleva le Cri.

Il vrilla ses tympans, comme s’il eût pu les déchirer plus facilement qu’une dague lacère la chair.
Il opprima son esprit et balaya sa conscience, plus aisément qu’un fétus au vent.
Il fit vaciller sa Flamme, comme si L’écouter pouvait la souffler comme le serait le feu d’une chandelle.

Kha’linas tomba à genou, hurlant en écho au Cri qui la torturait. Et dans le sillage du Cri, une voix sifflante ressassait sa litanie.

« - Ul'nusst Velnarin… Ul'nusst Velnarin… »

Après un temps qui parût des heures, le Cri se tut, laissant le Silence s’imposer à la Forêt. Rien ne bruissait plus au vent.

* Drow :

Décédé en Verimios de l'an 18 du XIe Cycle

Nom : Bol’d’Jivv’elg, Haut-Prêtre de Kiel Elghinn
Age : 327 ans

Haut-Prêtre de Kiel, Bol’d’Jivv’elg mena la Légion Sainte sur les terres péninsulaires et y livra batailles. Finalement repoussé, il s’exila en Aduram. Y menant une vie d’ermite dévoué à Kiel et rongé par son culte de la douleur, il est retrouvé et tué par sa successeure Kha’linas Do’ath, partie à la recherche des artefacts divins en sa possession.

Code:

Mort en Verimios de l'an 18

[Métier] : Haut-Prêtre de Kiel

[Sexe] : Masculin & Drow

[Classe d'arme] : Corps-à-corps & Magie

[Alignement] : Chaotique Mauvais

[Lieu de repos] : Forêt d’Aduram
 

Lien vers le RP de la mort : Les chaînes d’Aduram – Le Favori