9ème ennéade de Verimios, 1er mois de l’été, de l’An 18 du XI :
2ème jour de l’arrivée de la délégation Arétanne
Au matin après l’annonce des fiançailles d’Elyanna et de Charles de Lourbier
La soirée avait été agréable. Magnus s’était senti assez bien dans ce moment familial. Celui lui avait fait du bien mais cette bulle avait éclatée lorsqu’ils s’étaient séparés. Il fallait maintenant s’occuper de choses sérieuses. Il avait donc pris possession du bureau qui était à sa mère, il n’osait pas encore regarder ses parchemins. Non, il ne voulait décidément pas savoir ce qu’elle faisait ici quand elle l’y amenait. Il tenait à la version officielle : « Pour affaires ». Lorsqu’il aurait le temps, il s’occuperait de cela mais pour le moment, il avait plus important. Il devait annoncer la raison de la venue du jeune Harven jusqu’ici. Oh, bien sûr c’était également pour rencontrer le Roy mais aussi pour profiter un peu des festivités. Malheureusement, il y avait pas que cela.
On toqua à la porte. Il se servit une coupe de vin d’orange qu’il avait trouvé dans la cave de la Résidence… bon, il était certes un peu tôt pour picoler mais cela n’était pas grave.
»Entrez. »Lorsqu’il vit son jeune héritier apparaître en compagnie de sa sœur aîné, il eut un léger sourire. Ils étaient inséparables, la famille. Voilà le socle sur lequel il devra compter lorsqu’il sera en âge de régner.
« Asseyez vous. » Il but une seconde gorgée de son vin d’exception, cela changeait de l’affreux picrate d’Arétria et joignit les mains sur la table.
« Savez vous pourquoi j’vous ai d’mandé d’venir ? »Le jeune garçon avait l’air un peu timide. Il ne savait pas quoi dire tandis que sa sœur haussa un sourcil tout en attendant la suite de cette question qui n’en était pas une.
«Lorsque l’festivités et l’couronnement de s’Majesté prendront fin, t’nous accompagnera pas pour rentrer en Arétria, Harven. Tu suivras Dame Louise de Fernel jusqu’à ses terres pour une durée indéterminée. » « Pardon ?! » Ce fut la jeune rouquine dont la teinte du visage avait changé qui rompit le silence. Elle était outrée par ce qu’elle venait d’entendre tandis que Harven semblait sur le point de défaillir, il regardait son père comme si il ne savait pas ce qu’il avait entendu était vrai.
« Pourquoi tu lui fais ça, Père ? Pourquoi le punir ainsi ? Qu’a t-il fait ? »Cette fois le gamin pleura en silence. Des larmes roulèrent sur ses joues. Magnus regarda sa fille puis son fils.
« J’ne l’puni pas, Valendra. J’ne t’puni pas, fils. Au contraire. J’te … j’vous protège. » Il reporta son regard sur la rousse.
« Car, t’vas l’suivre puis t’iras auprès de t’tante en Alonna. » « Quoi ? Pourquoi ?! Tu ne sais plus quoi faire de nous donc tu nous abandonnes ?! »Cette fois Magnus vit rouge. Il tapa du poing sur le bureau avec un tel fracas que la cruche de vin se brisa sur le sol. Les enfants Terresang reculèrent, Valendra défiait son père du regard tandis que Harven était derrière elle.
« Bon sang, êtes vous aveugle?! Je ne vous abandonne pas ! Je vous aime ! Par conséquent, il est d’mon devoir d’vous protéger ! Et pour v’protégez j’dois d’vous envoyer loin d’Arétria ! La colère gronde parmi certains seigneurs et c’la n’m’étonnerais pas qu’ils tentent de v’atteindre, ce fut un grand risque d’vous amener ici.
Il est temps pour toi Harven d’apprendre c’qu’est diriger. Il est temps qu’tu apprennes l’ficelles seigneuriales et c’n’est pas avec moi qu’tu pourras l’comprendre. J’t’ai appris t’ce que j’ai pu t’enseigner. »Il contourna alors le bureau et se dirigea vers ses enfants. La jeune rebelle n’arrêta pas pour autant sa défiance envers son paternel et c’était bien la première fois qu’il voyait cela avec autant d’intensité. Il mit alors un genou à terre et prit le visage de son fils entre sa main bourrue pour planter son regard rempli de larmes dans celui du vieil homme.
« T’es un brave garçon. Mais tu as déjà tout appris d’ce qu’un Malelandois, un guerrier peut t’apprendre. Il est désormais temps qu’tu vois la voie seigneuriale d’la diplomatie. Qu’tu apprennes qu’la violence n’est parfois pas mère d’raison. Et Louise d’Fernel t’initiera à la fastidieuse tâche de la diplomatie, de l’éloquence, du voyage. T’dois voyager pour comprendre, pour savoir diriger. Ne fais pas comme moi. Ne reste pas planté dans la boue en attendant ton héritage. N’deviens pas un rustre. » Pour la première fois presque, il se comportait comme un père, un véritable paternel. Il lui essaya la larmichette qui était prêt à rejoindre ses sœurs sur la joue du gamin et se releva pour faire face à Valendra qui bouillonnait de rage.
« Et toi. T’es une femme. Si un jour, Harven tombe … t’hériteras d’ces terres qui appartiennent désormais à notre famille. Que crois-tu qu’il arrivera ? Tout les arrivistes et Stern en particulier tenteront d’t’avoir. N’devons empêcher cela. Mais avant, tu es l’socle qui parvient à faire tenir Harven, il aura b’soin d’toi ensuite, tu iras à Alonna avec t’tante pour t’trouver un mari. Les Lourbier ont des contacts dans toute la Péninsule, plus que les Terresang. » Il se recula alors avec un sourire franc. Il observa ses deux enfants. Ils avaient tellement grandi et les voir partir allait lui fendre le coeur.
« V’ferez d’excellents pupilles, v’me manquerez mais v’reviendrez plus fort que jamais et vous saurez finir ce que j’commencé en Arétria. Z’êtes ma fierté et j’suis sûr que vous irez loin. »