Les autres (Solo)

Le vent soufflait lentement entre les branches des arbres. A peine éveillé, Aegden les observait se balancer mollement au-dessus de sa tête. Sans vraiment savoir pourquoi, il trouvait à ce discret ballet quelque chose d’apaisant, lui faisant presque oublier l’étrangeté de son réveil. Où était-il ?

-Te voilà enfin éveillé ?

La silhouette qui venait de s’exprimer s’approcha lentement et s’agenouilla près du soldat. Il s’agissait d’un elfe sans âge à la peau presque aussi sombres que ses cheveux séparés en dizaines de petites tresses. Son regard sombre semblait examiner en profondeur son interlocuteur.

Par réflexe, Aegden voulu se redresser mais à l’instant précis où il décida de s’agiter, des dizaines de petites étincelles douloureuses explosèrent le long de ses flancs, lui arrachant un grognement sourd. Le soldat insistât tout de même en s’appuyant sur un coude et une fois adossé au tronc d’un arbre il secoua la tête afin de retrouver ses esprits.

-Va-y doucement pour l’amour d’I Emel…L’ornedhel affichait une moue désapprobatrice. Tu viens à peine de revenir à toi et te voilà déjà sur le pied de guerre…Ah les guerriers je vous jure. Ajouta-t-il entre ses dents.

Mais le soldat ne l’écoutait presque que d’une oreille, passant sa main au niveau de son ventre. Il se souvenait vaguement de ce qu’il s’était passé. L'attaque surprise des noss sur le camps des intrus vaanis. Le chef qui refuse la reddition. Le poignard au milieu de la débandade. Puis le calme et soudain plus rien. 

-C’est toi qui m’a soigné ?

La question était plus rhétorique qu’autre chose, Aegden se doutait bien que l’elfe à genoux à côté de lui n’était pas là par hasard, mais à vrai dire, il ne savait pas vraiment quoi dire d’autre. La situation avait le mérite de l’expédier à des lieux de sa zone de confort… D’un coup d’œil il observa les alentours. Ils se trouvaient visiblement dans un large bosquet dont l’ombre des arbres s’écoulait partout autour des  elfes attroupés ça et là, et était à peine percée par quelques trous de lumières entre le feuillage. Ils étaient tout deux un peu à l’écart, abrités par une tente de fortune constitué de deux piliers en os soutenant un assemblage de peaux et de cuirs. Non loin le soldat pouvait voir sa lance et son armure entreposées avec soin. L’elfe n’était plus vêtu que du pantalon salis qui en faisait partie et son torse était nu à l’exception des bandages. Un peu plus loin les autres elfes s’affairaient à droite à gauche, vaquant à leurs occupations sans prêter attention au citadin.

-Qui d’autre ? Le guérisseur inclina la tête, gardant un fin sourire sur les lèvres. J’étais plus proche de vous que ne l’était ton camp et tu perdais tes forces à une vitesse affolante, alors je t’ai récupéré. I Emël soit louée.

-Je t’en remercie sincèrement. Mais il faut que je rentre. Il …

-Pas question. L’ornedhel le coupa. Tu ne tiens même pas debout, pense-tu sincèrement tenir cinq minutes tout seul ? Tu ne manques pas de courage mais tu ne connais pas assez la prime œuvre pour trouver ton chemin dans cet état. Laisse-toi le temps de récupérer.

-Je ne suis pas plus en sécurité ici. Le soldat protesta et fit mine de se relever mais son interlocuteur le retint fermement.

-Fait moi confiance, la Prime Œuvre est ma sœur et ma guide, pas mon ennemie. Ni la tienne. Tu es en sécurité ici.

Le sourire avait disparu mais l’ornedhel n’en démordait pas. Un silence s’installa l’espace de quelques secondes pendant lesquelles le soldat fixa son interlocuteur. Quelques regards curieux s'étaient posés sur eux en entendant les éclats de voix mais Aegden n'en avait cure. Une foule d’émotion agitait son souffle. Il voulait rentrer chez lui, il détestait imaginer l’inquiétude sur les visages de ses frères et sœurs. Pire, il pensait à Sinieth qui devrait consoler Elben seule sans savoir quand son père reviendrait. Déjà mis à mal par les récents évènements, l’elfe avait dû pâlir d’autant plus puisque la main du guérisseur se fit plus chaleureuse.

-Ne t’en fait pas. Il sembla avoir lu dans les pensées du citadin. Tu retrouveras les tients bien assez tôt. En attendant, j’ai décidé de te maintenir en vie, laisse-moi accomplir cette mission jusqu’au bout.

-Il n’y a pas que ma vie en jeu. Aegden soupira.

-Probablement pas mais je présume que les vies impactées par ton absence le seraient d’avantage si tu avais rejoint la Voilée. Un nouveau silence tomba avant qu’il n’ajoute avec une pointe d’amusement. Et puis tu verras, vivre au sein de la prime œuvre n’est pas si terrible…

Aegden fut bien obligé de céder devant son guérisseur. Le bon sens l’ordonnait et il devait bien admettre qu’il serait bien en peine de se relever dans l’état ou il était,à sa plus grande frustration...

Une dizaine de minutes plus tard, une autre elfe était apparue dans son champ de visions, mettant au moins fin à l'ennui qui pointait déja le bout de son nez dans l'esprit du citadin. De petite taille, les cheveux entre brun et roux, elle irradiait d’une certaine prestance qui n’avait probablement pas grand-chose à voir avec les quelques bijoux et très simples parures qu’elle portait.


-Ravie de te savoir en vie. Sourit-elle au soldat. Elle avait une voix grave remarquable. L’on m’avait donné de bien sombres nouvelles lorsque tu nous es parvenu…
-Je suis bien désolé du tort que j’ai pu vous causer…Aegden passa une main dans ses cheveux roux. Il faut dire que je n’avais pas prévu que les choses se passent comme ça…

Il aurait préféré se décarcasser à Celimë plutôt que de ne rien faire là comme ça et à être un poid pour cette mini société, elle pouvait en être certaine.

-Je comprend. La femme sourit doucement. Quoi qu’il en soit, soit le bienvenu parmi nous, Rigwenn'do, le temps que tes blessures se referment.

Avec déférence, Aegden hocha la tête, reconnaissant de l’hospitalité de la petite elfe. Pourtant son air s’assombrit un peu alors qu’elle s’agenouilla sans prévenir. Les colliers de perle sur sa poitrine teintèrent en s’entrechoquant.

-Je doit pourtant me montrer honnête. Lâcha-t-elle sur le ton de la confidence. Les miens ne sont pas tous disposés à t’offrir le même accueil. Certain n’ont foi ni en toi ni en tes frères. Certains te le feront peut-être savoir et j’en suis d’avance sincèrement chagrinée mais je ne peux leur en tenir rigueur. J’ai beau assumer mon choix et celui de Tercano Tawardil, je ne souffrirais pas que pars des actes involontaires ou non, tu mettes en disgrâce notre parole. Nous nous sommes portés garant mais mon clan et son équilibre priment quoi qu’il en coute. Est-ce entendu ?

Aegden comprenait parfaitement le sous-entendu à peine voilé. Il était toléré en leur camps mais pas accepté. Il marchait sur un mince fil et qu’il froisse les ornedhels et leur patience fondrait comme neige au soleil. Rien d’étonnant, le citadin comprenait parfaitement et à nouveau il acquiesça.

-Je m’efforcerais de ne pas vous causer de tort, I Emel m’en soit témoin. Je m’en irais dès que je le pourrais.
-Bien. Elle se releva, visiblement satisfaite. Tu es entre de bonne main à présent. Elle lança un regard vers son camarade. Que la Mère et les Eäla vous guident.

Et elle s’éclipsa rapidement, ayant sans aucun doute bien d’autre chose à faire et Aegden se retrouva de nouveau seul avec celui qui avait été désigné comme un druide.

-Pourquoi ce regard ?

-J’ignorais que j’avais affaire à un héraut d’Anaëh…
-Ce clan est jeune et plein de souffles échauffés. Ils avaient besoin d’un peu de raison.
-alors te voici.
-Alors me voici. Confirma-t-il simplement.

Malgré l’agitation alentour, Les heures passèrent avec une monotonie difficilement supportable pour un elfe d’habitude aussi actif que l’était Aegden. D’autant plus ces derniers mois, le mainyth ne restait jamais en place bien longtemps. Etre réduit à l’immobilité quasi-totale aussi brusquement n’était pas une expérience qu’il appréciait…D’autant plus au beau milieux des bois…

-J’espère que tu as faim.

La nuit commençait doucement à tomber sur les bois alors que l’activité du clan avait changé. Aegden avait observé quelques chasseurs être accueillis en grande pompes par les rares jeunes du clan, tandis que les autres se rassemblaient plus tranquillement. Le druide était revenu vers lui, quelques fruits secs dans les mains et les lui présentaient.

-J’aimerais me rapprocher des autres. Tu veux bien m’y aider ? Demanda-t-il tout à coup.

Aegden ne voulait pas rester à l’écart. Il n’était pas accepté par tous il l’avait bien compris, Il était un étranger qu’on les forçait à accueillir, mais quitte à rester parmi eux un moment, le Taledhel voulait faire de son mieux pour se faire oublier et se fondre un peu dans le décor. Il n’y parviendrait pas s’il restait là à les observer en chien de faïence comme l’étranger qu’il était.

-Très bien. Le druide avait mis quelques secondes à répondre mais n’objecta pas ni ne fit de commentaires. Appuie-toi sur mon épaule.

Reconnaissant, il s’aida volontiers de l’ornedhel, non sans un nouveau grognement de douleur lorsqu’il fallut se relever et puis ils s’approchèrent un peu du reste des membres du clan. Les plus proches se turent et fixèrent le duo, d’un air un peu mitigé. Et puis leur attention fut bien heureusement détournée par l’arrivée de leur cheffe un peu plus loin qui se plaça parmi ses congénères sans avoir l’air d’avoir la moindre place réservée. Elle adressa un très subtil signe de tête au Taledhel en le remarquant avant de se détourner complètement.

Les conversations recommencèrent à aller bon train et mine de rien, le citadin en poussa un très discret soupir de soulagement. Quelqu’un lui fit finalement passer un morceau de chair sanguinolente et il eut beaucoup de mal à ne pas froncer le nez. Il n’avait jamais aimé la viande, encore moins ainsi… Tawardil lui lança un discret regard qui voulait tout dire. Oui, c’était sa part et il n’avait pas vraiment le choix, à moins de vouloir rester le ventre vide et manquer de respect à la fois à la créature dont on lui offrait la vie et aux les chasseurs qui avaient donné leur temps et leur énergie pour lui.

Comme il mangeait du bout des lèvres malgré tout sa bonne volonté, cela finit par attirer l’attention d’un autre pas très loin.

-Ne me dit pas que vous ne mangez pas de Lepiscornis dans vos murs de pierres ? L’ornedhel haussa les sourcils et vint se poser devant lui.

-On essaie d’éviter la viande. Les oreilles du citadin se couchèrent vers l’arrière tandis qu’il continuait de mâchonner la viande crue. On essaie de réduire notre impact sur l’œuvre.

-Vous refusez de manger mais vous érigez des murs et éventrez la terre. Un autre releva un coin de ses lèvres et découvrit une dent. Amusant.

-Ce n’est pas la même chose. Aegden soupira. Le noss marquait pourtant un point quelque part.

-Ah oui ? Enfin soit, si tu n’en veux pas moi je le reprends.

A ces mots, l’elfe récupéra la viande, et sembla bien partit pour croquer dedans.

-Attend. Je vais la manger. Aegden leva la main dans sa direction.

L’ornedhel découvrit les dents en un sourire et laissa finalement le nouveau venu manger, ce qu’il fit avec un peu plus d’entrain forcé... Ils partagèrent ainsi un repas frugal, bien loin des plats sophistiqués des taledhels, mais, au final, pas si mauvais. Silencieux, le citadin avait observés ses désormais camarades, écoutés leurs discussions bien qu’il ne les comprit pas toutes, participa à quelques-unes. Quelque part, aussi perdu qu’il était, ses frères et sa famille lui manquant horriblement, il avait quand même trouvé une certaine paix dans ce moment de convivialité. Ils étaient différents, ils ne se faisaient pas confiance mais pourtant créatures sociales, ils se ressemblaient beaucoup, au final.

La nuit fut plus difficile. D’un sommeil naturellement léger, le citadin pourtant habitué à voyager eut du mal à le trouver. Ici il n’y avait aucun de ses frères pour veiller, pas de crépitement rassurant du feu, pas de perspective de route à prendre le lendemain. Il n’y avait que le silence et la pénombre.
Pour compléter le tout, une violente pluie s’abattit sur l’œuvre cette nuit-là, trempant tout ce qu’il ne bénéficiait pas assez du couvert des jeunes arbres. Autant dire que cela n’améliorait pas beaucoup l’humeur du soldat. Il n’avait beau pas plus craindre le froid que ses congénères, la sensation d’être détrempé de la tête au pied n’était pas des plus agréables, encore moins à moitié nu…

Le lendemain, Aegden ne trouva pas son guide à ses côtés et celui-ci ne répondit pas à son appel. Il était seul sous la minuscule tente. Du moins le pensait-t-il… De là où il était, il sembla au soldat apercevoir une étrange silhouette, d’une dizaine de centimètres à peine, flotter près de ses affaires. A peine se redressa-t-il cependant qu’elle disparut et il crut avoir rêvé avant de la retrouver un peu plus loin, flottant à nouveau doucement.

Surpris, il prit appui auprès d’une racine épaisse et se releva, voulant se rapprocher de l’étrange apparition qui disparut instantanément et réapparu encore un peu plus loin.  Définitivement intrigué, Aegden se mis à suivre la muse qui prenait un malin plaisir à fuir tout en restant toujours à portée. A de nombreuses reprise, il hésita entre continuer ou retrouver le couvert sûr de la clairière des Rigwenn'do  mais à chaque fois, la petite muse cessait de disparaitre comme si elle attendait l’elfe.

Cela dura longtemps pour l’anedhel encore en rémission. Mine de rien, il savait qu’il tirait sur le peu de forces qu’il avait recouvré jusqu’ici en suivant l’étrange créature. C’était un risque dont il prenait conscience au fur et à mesure qu’elle le faisait osciller à droite à gauche.


La créature finit enfin par se stopper. Le chemin sur leur gauche laissait place à une nette crevasse au fond de laquelle s’étendait une rivière gonflée par les pluies précédentes. Sous les pieds de l’elfe, quelques filets argentés dans la végétation plus luxuriante qu'au sein du bosquet venaient se jeter par-dessus les roches pour rejoindre le flux le plus important. C’était d’une beauté à couper le souffle.

-Qu’est-ce que tu veux ?

Bien évidemment pas un son ne sortit plus de sa bouche. La créature finit même par redisparaitre pour de bon sembla-t-il, laissant l’anedhel troublé par ce flottement étrange. Épuisé, il décida de s’asseoir quelques minutes près d’un des ruisseaux.

-Je ne suis pas sûr de comprendre.

De longues minutes s’écoulèrent, laissant l’elfe s’interroger en observant la prime œuvre dans toute sa splendeur, avant qu’une lumière bleutée ne vienne détourner encore son attention. A quelque pas, au-dessus de l’eau qui gazouillait, il y avait encore et toujours cette minuscule silhouette. Trouble, indéfinie, elle s’agitait joyeusement, comme dansant au fil des petites vagues de l’onde en dessous de ses pieds. Elle disparut, puis un battement de cil plus tard elle ne s’était pas éloigné au contraire. Elle se trouvait désormais à une longueur de bras de l’elfe. Par reflexe, il tendit sa paume et la muse flotta au-dessus. Aegden ne parvenait pas à percevoir son visage, mais il émanait de son corps une certaine joie communicative. A nouveau elle se remit à danser. Son corps ondulait et devenait plus ou moins vaporeux au fil de son étrange chorégraphie. Le citadin, tout artiste dans le souffle qu’il était, tomba dans une contemplation fascinée de la petite créature, en oubliant presque où il se trouvait.  

-Tu es magnifique. Souffla-t-il comme si le danseur pouvait saisir ses paroles.

Aegden perdit totalement la notion du temps devant le spectacle qui se déroulait au-dessus de sa paume. Ses pensées défilaient, il se posait des milliers de question, mais la chorégraphie de la créature lui procurait un étrange sentiment de plénitude. C’était la même sensation que lorsque que lui-même dansait. Pour la première fois depuis des jours, il se sentit apaisé.

Au bout d’un moment sans qu’il ne sache pourquoi, s’il y avait réellement une raison, le danseur s’évapora doucement, laissant l’anedhel seul avec lui-même, sa paume ouverte sur le vide.

Lorsqu’il retrouva la petite clairière, plus tard, le druide était revenu. Agenouillé près de traces de pas, il releva automatiquement la tête en s’apercevant de la présence de son protégé. Ses billes sombres exprimaient à la fois surprise, déception et soulagement cependant tout cela s’évapora au profit de l’interrogation.

-Hé bien te voilà ! je commençais à m’inquiéter. Je te croyais repartit pour ton foyer. Admit le druide. Mais apparemment ce n’est pas le cas et j’en suis soulagé. Que t’arrive-il ?
-Je n’en suis pas sûr
-Il y a bien une raison à la mine que tu affiche… Il fronça les sourcils.
-Tu as déjà vu une muse ? Aegden s’assit sur une grosse racine, appuyant ses coudes contre ses genoux et fixant un point invisible. Enfin qu’est-ce que je demande ? Évidemment que tu as déjà vu en voir… Tu me dirais que tu discutes régulièrement avec les dragons que ça ne me surprendrais pas.
- Tu en a croisée une ? On dirait que tu as de la chance, elles se font rares et tout le monde n’est pas capable de les percevoir. Le druide s’approcha du soldat. Laisse-moi voir tes blessures, tu t’es agité et je ne voudrais pas que cela ait ruiné mes efforts. Fit-il comme s’il venait de lui parler de la pluie et du beau temps.

Aegden le laissa faire en se redressant et observa ses gestes d’un œil distrait.

-J’ignorais que tu étais aussi un artiste. Le druide releva un instant les yeux vers ceux d’Aegden  tout en faisant mine d’appliquer une mixture étrange sur ses plaies. Elle dégageait une légère odeur mentholée mêlée de miel.
-Je ne suis pas qu’un idiot de guerrier Taledhel. Répond-il avec une pointe de sarcasme avant de reprendre un ton plus sérieux. J’ai toujours aimé danser. A vrai dire, il y a eu une époque où je me voyais plus passer ma vie comme ça que sur les champs de batailles.
-Pourquoi est-ce que tu es devenu guerrier dans ce cas ?

Aegden fixa son interlocuteur, cherchant à savoir s’il s’agissait d’une vraie question. Il hésitât avant de répondre.

-Pourquoi est tu devenu druide Tawardil ?
-L’anaëh en a décidé ainsi. Il s’était mis à rire.
-Alors disons que la vie en a décidé ainsi. Le soldat répondit doucement.

Le druide acquiesça en silence et termina son ouvrage avec grande attention.  Efficace, le druide n’en était clairement pas à son coup d’essai. L’espace d’un instant, Aegden s’interrogea sur son âge. Combien de temps avait-il passé seul parmi les arbres ? Combien d’anehdel lui devaient la vie ? Anaëh lui murmurait-elle quoi faire ?

-Tu te pose une question, je le vois.
-Je m’en pose des milliers à vrai dire.
-hm. Ça ne m’étonne pas. Soudain l’elfe se mit à doucement rire. Cette muse à l’air de t’avoir tourné la tête.
-Probablement.

La muse avait réveillé bon nombre d’interrogation dans l’esprit du soldat. Il ne comprenait pas ce qu’il venait de se passer. Il aurait voulu, mais il avait la sensation d’en être incapable.

-Pourquoi est-ce que je suis ici d’après toi ? Pourquoi est-ce que tu m’as sauvé la vie Tercano ? Finit-il par demander au bout d'une minute de silence.
-Tu pense que j’aurais pu te laisser mourir ?
-Non… Ma question avait un sens un peu plus…général. Fit-il d’une voix lente. Tu passes ton temps à m’expliquer que rien n’est dû au hasard. Je me demande ce que signifie tout ce qui viens d’arriver, aujourd’hui, même ces derniers jours en fait.
-Je l’ignore Aegden. Il hésita avant d’ajouter. Et même si je le savais…Je crois qu’il faut que tu le découvre par toi-même pour y trouver un réel sens. C’est entre toi et I mingely. Mais si j’étais toi, je porterais une grande attention à ces signes. Écoute la prime œuvre, elle est bien plus sage que nous ne le seront jamais.

Ce jour-là, Le camps d’anehdel s’était mis bouillonner d’activité à peine les rayons de soleil levés, le citadin commençait à doucement s'habituer à ce genre de réveil. Là, des femmes tissaient un grand pan de tissus sur un métier bien plus sommaire que ceux qu’Aegden avait déjà pu observer en Alëandir. Ici deux elfes se cherchaient et luttaient l’un contre l’autre dans un duel amical. Ce qu’il constatait déjà la depuis quelque jours se confirmait drastiquement dans l’esprit du citadin : il était un étranger dans une civilisation pourtant tellement proche de la sienne. L’un des combattant finit par envoyer son camarade au sol dans un grand cri de victoire. Celui qui venait de perdre le combat se releva tant bien que mal, ronchonnant un peu pour la forme. L’autre remarqua le regard du taledhel et il fit un geste dans sa direction l’air légèrement crâneur.

-Hé le citadin ! ‘Parait que t’es plutôt respecté chez les haedrims. Viens donc voir ce que tu vaux contre l’un d’entre nous.

-Il est encore blessé c’est une mauvaise idée. Son camarade protesta, hésitant très certainement à juste titre. Tawardil va nous en vouloir…

-Tawardil n’est pas là. Et puis il va mieux non ? Il nous a aidé toute la journée d’hier. Allez viens donc, j’irais doucement ! Le premier ornedhel ne sembla pas en démordre.

Aegden hésita, puis remarqua les quelques regard curieux çà et là. Certains semblaient définitivement attendre qu’il rejoigne leur camarade. Peut-être était là une autre occasion de se mêler à eux. Ils étaient un clan particulièrement guerrier après tout, parfois au grand dam du druide qui les conseillait... D’ailleurs un autre s’était déjà levé pour retracer le large cercle autour des combattants.

-Bon très bien. Finit-il par céder.

Laissant à côté de lui les plantes que le druide lui avait demandé de transformer en poudre. Il posa une main sur le sol et se releva. Effectivement, il semblait aller beaucoup mieux, de là à se battre en revanche, il n’en était pas certain.

-Le premier hors du cercle à perdu. Pas de magie, pas de triche. Un combat à la loyal, ça te va citadin ?

-Je m’appelle Aegden. Répondit-il simplement.

L’autre étira un sourire légèrement provocateur et sans attendre lança l’assaut. Aegden s’esquiva aussitôt en arrière. L’autre continua, cherchant à faire toujours plus reculer son adversaire qui finit par rouler sur le côté lorsqu’il se lança en avant. Là où le noss semblait terriblement puissant, le citadin compensait en vitesse et en esquive et rapidement, spectateurs comme combattant purent constater que le match ne serait pas si inégal malgré le net désavantage du soldat en rémissions. Vint un instant fatidique où l’ornedhel avait fini par rattraper le rythme effréné des pas du danseur martial et ce dernier se retrouva pied mordant presque la fine frontière de sable. Soudain, un objet attira son attention. Le dernier coup du noss fut soudain paré par une épaisse branche d'arbre.

-hé c'est de la triche !

-Un combat à la loyale sans moyen de se défendre ? Si tu veux savoir ce que je vaut vraiment prend donc ça.

Aegden lui adressa le même genre de sourire provocateur que précédemment et il lança le baton dans les mains de son adversaire, avant de lui même se saisir d'une autre arme de fortune. Pas si surprenamment, le noss accepta le nouveau défis et les deux combattant relancèrent rapidement la dance.

S'il eurent le temps de se mesurer de nouveau, aucun ne franchis la ligne fatidique avant qu'un toussotement réprobateur n'attire leur attention. De concert ils tournèrent la tête dans la direction du responsable. Tawardil se tenait poing sur les hanche, l’air agacé par le spectacle.

-Vous êtes incorrigibles tous autant que vous êtes.

Au tapotement amical sur son épaule, le citadin comprit une chose: il avait certes agacé son protecteur, mais il avait très certainement gagné l'amitié de quelques un de ses hôtes.

 

Le soir était tombé depuis longtemps alors qu’Aegden, avait profité de l’absence de son guide encore un peu contrarié par la matinée agitée de son protégé, pour faire quelques pas aux abord de la clairière. A vrai dire, difficile de vraiment déterminer si le soleil dardait encore quelques rayons ou non dans la pénombre de la forêt et le citadin ne se fiait qu’à son instinct et ses habitudes. Avec une pointe de tristesse, il leva les yeux vers le couvert des arbres toujours agité par une fine brise. Il était bien loin de la jetée bordant sa maison. Ses bras se serrèrent machinalement contre son torse en pensant à son fils qu’il aurait dû bercer au lieu de se morfondre seul au beau milieu de la forêt. Si seulement il pouvait au moins lui dire qu’il lui manquait…

Sa rencontre d'il y avait quelques jours retournait soudain dans son esprit alors que le calme tombait sur la forêt. Avait-il rêvé ? Y avait-il un sens où avait-il était victime d’un étonnant hasard ? Quel message derrière cette apparition si brève ?

-Difficile de dormir ?

Le citadin n’eut pas besoin de se retourner pour reconnaitre la voix grave de la cheffe du clan hétéroclite. Ses oreilles s’affaissèrent un peu tandis qu’il daigna enfin lui accorder un regard.

-Veux-tu marcher un peu ?

Elle sourit, satisfaite lorsqu’il acquiesça et ne perdit pas beaucoup de temps. Le soldat remarqua tout de même qu’elle restreignait son pas gracile et veillait visiblement à ne pas lui imposer trop d’efforts et au fond, à côté de l’égo blessé, il lui en était reconnaissant.

-Tawardil m’a raconté tes dernières aventures. Enchaina-t-elle. Il m’a dit que cela t’avais particulièrement marqué.

-Celles de ce matin ou les autres ? Il demanda avec une pointe d’ironie avant de reprendre plus sérieusement. Il a raison. Il me semble que vous ne croyez pas aux hasard des choses. Moi non plus. Finit-il par s’expliquer. Pas vraiment. Alors je m’interroge sur tout ce qui m’arrive. Je suis Taledhel de naissance et de cœur. J’aime Anaëh de tout mon souffle et je lui donnerais ma vie sans hésiter, mais rares ont été les occasions d’en être aussi…proche.

- Tu as du mal à t’y habituer ?

- Sans doute mais le fond du problème n’est pas là.

-Quel est-t-il ? demanda-elle alors doucement.

-C’est égoïste. Les oreilles de l’elfes s’affaissèrent. Mais j’aimerais partager le lien que vous entretenez avec l’œuvre. Je...Il soupira. Je vis entre les murs, comme des milliers d’autres anedhels. Et comme des milliers d’entre eux, je suis sourd. Je suis pataud, ignorant. Un enfant. Ses prunelles vinrent trouver celle de son interlocutrice qui l’écoutait en silence. Il m’a fallu. Tout ça... Il ouvrit son bras et désigna la clairière. Pour m’en rendre compte. Et ça me terrifie. Sa voix se fait un peu plus basse, comme s’il s’agissait d’une confidence. Ça me terrifie de constater à quel point je vis loin de ce que je pense protéger depuis si longtemps.

La petite elfe se stoppa, et pris doucement ses mains dans les siennes, paumes vers le haut.

-Un enfant finit toujours par grandir. Reconnaitre ses erreurs est déjà un pas en avant. Apprend à écouter, Taledhel. Anaëh te donne tout ce dont tu as besoin, ne l’entend-tu pas ?

-Apprenez moi. Ses oreilles se haussèrent. S’il vous plait.

elfique:

-Comment te sent tu ?
-difficile à dire.

Aegden leva les yeux vers les frondaisons à peine éclairées par les derniers rayons de soleil. Le vent soufflait lentement entre les branches des arbres. Il les observait se balancer mollement au-dessus de sa tête. Mais cette fois, il comprenait pourquoi ce ballet l’apaisait. Au fond de son cœur, il y avait toujours cette sensation, ce battement indescriptible. Ou plutôt ces battements. Une multitude de sensation qui n’en formait pourtant qu’une. Ténu, aussi léger qu’un souffle, c’était déjà beaucoup pour l’anedhel qui apprenait littéralement à entendre.

-J’ai l’impression d’avoir changé. Pourtant, ce n’est pas vraiment le cas.
-Peut-être bien que si. La noss sourit gentiment. Le citadin blessé que nous avons recueilli se serait enfuit s’il avait pu. Celui que j’ai en face de moi demande, et s’interroge.

Aegden hocha la tête, sans rien dire. Quelque part elle avait raison.

-J’aimerais t’offrir un cadeau, avant que tu ne partes demain.
-Je crois en avoir assez obtenu. Il refusa gentiment.
-Alors prend le comme un ordre. L’orndhelle retira un cercle de son poignet et sans demander son avis au soldat, pris sa main pour le lui faire porter. C’était un bracelet d’os blanchi et sculpté avec une extrême finesse.Garde le et souvient toi Atatrimö, partage tes souvenirs avec tes frères et peut être certains changerons comme toi tu as changé.