Comme on se retrouve | Urgoll

5e ennéade de Verimios, an 18 du XIe cycle

Mettant enfin pied à terre, Dante accoste à la Dross. Sı l'humain apprécie moyennement le voyage, ne prenant que le nécessaire, la ville en elle-même lui plait énormément. Un peu comme le quartier dont il est issu, mais en moins sale. Avec pas mal plus d'arbre et beaucoup d'endroit à escalader. Un endroit dont la dangerosité est pleinement assumée.  

Et aussi l'endroit ou il trouve la majorité de ses produits de spécialité. Et pour les trouvailles, il n'y a pas mieux non plus. Aussi fait il plusieurs arrêts. A l'herboriste du coin avec qui il fait du troc de produit, à l'alchimiste qui lui fournit ses flèches enflammées, l'empoisonneur local qui lui vend ses venins et lui donne de nouveaux échantillons à tester.

Et en discutant pour prendre les nouvelles locales, il entend parler d'un nouveau venu à la Dross... Un demi sang peut être, parce qu'il est trop gris, trop grand et trop laid pour être autre chose. Sa curiosité est piquée par le récit des frasques qu'on lui raconte. Il a fait ceci, il a battu un autre... Est entré par effraction dans la demeure d'une drow pour une raison obscure.

Aussi, le lendemain, l'humain se lance t'il à la recherche de celui qui alimente les potins, histoire de constater de visu qui peut bien causer tant d'émoi parmis la bande de coupes-jarrets si peu impressionnables.  Et quand il le trouve, il est plus surpris de le savoir encore vivant et ayant pas mal plus d'allant que lors de leur première et dernière rencontre.

La Bête dans sa tête, lui murmure quelque chose de purement ludique tandis qu'il s'approche d'un étal sans se cacher du colosse. Intrigué, l'assassin l'est assurément. Cécilie sera contente d'avoir des nouvelles de son sujet.  

Géant courbé au milieu de la plèbe informe de la Dross, le sombre s'en revient après une énième recherche inutile, avançant d'un pas lent, l'œil rouge traînant, le flair noyé dans les senteurs d'un marché aux flagrances du bayou. Immortels, mortels et hybrides s'entremêlent autour de lui, jacassent et habillent son monde de mille visages sans attraits, au son des craquements des barraques à la survie invraisemblable. La Dross, cité branlante, toujours 'debout' malgré les sempiternelles altercations qui avivaient sa population. Une eau bourbeuse et mouvante, où le sombre plongeait sans jamais se fondre complétement... Et pourtant, ce n'était pas faute d'être entouré de gueules cassées.

Délaissant le brouhaha des étals, trop ailleurs pour remarquer l'attention inhabituelle qui lui est porter, le drow poursuivit sa route, se retrouvant sans peine dans les méandres de la ville. Ses longues enjambées l'emmenaient dans quelque recoin où l'air se chargeait d'effluves entêtantes, et le chemin, de corps avachis, au regard hagard. Avec la fluidité de l'habitude, le sombre s'engouffra dans l'un des nombreux creux s'enfonçant dans la roche. Là, la fumée prenait au nez, à la gorge... Et atténuait les sens. Pour en aiguiser d'autres.

Des couches de plantes tissées accueillaient de multiples corps à la conscience hagarde. Les enjambant, le drow dépose son paiement au nez d'un mortel à la peau sombre et aux dents pourries. Celles-ci s'exhibent un temps fugace, ravis de découvrir la monnaie faite d'ossement et de canines fraîchement arrachées... Qui disparaissent rapidement dans les replis de tissus, tandis que la crinière pâle se fond dans la brume entêtante.

Dans une alcôve isolée, la carcasse du drow s'effondre, lourde de fatigue et de pensées parasites, sur une couche trop basse. Qu'une poudre lui soit portée par un petit d'homme malingre - ou était-ce un nain à la pilosité erratique, et au regard vitreux ? -, et la grande pogne s'en empare.
Inspirer...
La tête se renverse, alors que les spores viennent lui accrocher les muqueuses. A l'effet des effluves nimbant les lieux, le psychotrope s'ajoute bientôt. Le corps éreinté se délasse, la tête vacille, alors que le regard sanguin s'égare en un autre endroit. Lentement, le souffle s'amplifie, soulevant doucement les pierres de phish oura, sous la chemise et le cuir usés et salis par la traque dans le bayou.

Les racines rampent et se fraient un chemin à travers la roche. L'obscurité se fait fraîche malgré qu'il transpire. Dans la brume, se devine les silhouettes d'arbres tordus... Puis le scintillement des yeux.
Des rejetons de bêtes, vulnérables, à portée de main. A offrir... A qui ?

D'entre les crocs, un misérable rire rampe, pour s'éteindre bien vite.

A portée... Comme les ailes de la petite créature, dont il devinait le battement dans les frondaisons. Si près, tel un petit cœur près du sien. Un petit cœur qu'il écrase bien dans son poing... Pour mieux sentir le sien s'arrêter.

Ses lames cachées, plus ou moins devinables sous sa tenue, marquée de boue séchée et de griffures, le sombre se laisse partir en arrière, posant contre la roche et les tentures aux motifs effacés son dos, un sourire larvaire s'égarant sur ses lèvres, au rythme de l'étrange mouvement de ses mires, derrière ses paupières mi-closes.

Intéressant. Evaluer l'Urgoll moyen dans son environnement naturel a ses avantages. A bonne distance, il y a un humain moyen qui se met à le pister. Ainsi donc les rumeurs sont fondées. La question se pose du nombre de temps que ca prendra aux drows pour l'identifier et le circonscrire. Est ce que ca arrivera de son vivant?

Et quand le colosse s'engouffre dans l'antre de la drogue, il calcule un léger moment de décalage, pour s'assurer qu'il ne ressorte pas tout de suite. Alors lui emboite t'il le pas. Et quand il passe l'antre crasseux, les odeurs qui percutent son nez le font grrimacer intérieurement malgré ses air impassibles. Sueur, maladie, crasse, avec un fort soupcon de drogue exhudant d'encensoirs savamment disséminés dans cet antre miteux.

Le drow se drogue, une variable dont la maitresse des âmes saura apprécier l'importance. Dante paye sa dose en argent sonnant et trébuchant et l'empoche pendant qu'il va juste jeter un oeil général. Le foulard sur son bas de visage, il évolue rapidement, yeutant une alcôve par ci par là, la fumée lui allégeant l'esprit. Il se trouve à planer légèrement et il n'aime pas ça, le maître assassin aime avoir les idées claires, aussi rebrousse t'il chemin pour s'installer bien en vue de la sortie.

Se juchant sur un muret, il expire à plein poumons, mangeant un peu, se forcant à l'hypervigilance pour combattre les effets de la fumée. þrobablement la même merde que ce que Vega aimait tant inspirer. Faisant preuve de la patience proverbiale des adeptes de sa profession, il se met à attendre. Le grand gris devra sortir, un moment ou à un autre... Sur ses pieds ou els pieds devant d'une overdose.

Cela maugréait, marmonnait, gémissait dans l'antre enfummée, les habitués y venant et en partant tranquillement. Le sombre s'était engouffré moins d'une heure auparavant quand un nouveau venu s'y présenta, non pas pour consommer ni faire mine de. Le visage barré d'un tissu, ses oreilles pointues se faufillant dans une crinière pâle, l'elfe armé déambula à l'intérieur avec la nonchalance de l'habitude, passant en revue rapidement les individus se trouvant-là. Difficile de rater celui qui l'intéressait. Avec un sifflement réprobateur, il s'approcha du géant avachi.

"T'es bien 'à, en'ore. Il se baissa, cherchant à croiser le chemin des mires rouges. EH ! Nau'hel ! Laz' te d'mande ! Un battoir s'agita, comme pour éloigner un insecte agaçant. L'elfe murmura plus bas, s'approchant davantage. Gueule-molle, t'veut c'euver d'la d'femme, hmmm ? Du con à la go'ge, hmmm ? Le regard se fit malfaisant. Les entend' gueuler, hmmmmmm ?

Poursuivant sur sa lancée de suggestions, l'elfe vit la gueule aux traits hallucinés se renfrogner peu à peu, jusqu'à ce que le drow enveloppe sa tête de ses mains.

"... Je venir." fut-il dit bas, après un silence.

Le trouble-fête laissa tomber le masque de vilennie, et roula des yeux.

"Magne."

_____________

S'extirpant de la roche, le duo s'enfença dans les ruelles longeant la paroi, l'elfe en tête. Celui-ci avait l'air aussi décidé que son comparse trainaît des pieds, secouant la tête comme si cela allait suffir à dissiper les brumes lui enveloppant l'esprit. Deux immortels de belle taille, cela se frayait un chemin avec aisance parmi les rebuts, bousculant ceux qui trainaient sur leur passage, faisant craquer le bois sous leur pas. A la fumée avait succédé l'humidité ambiante, et aux gémissements des drogués les éclats de voix de bandits s'haranguant, se disputant ou bavassant dans les recoins bancals.

Sans hésitation, l'elfe les guidait dans le dédale hasardeux de bicoques, se faufillant ici, tournant brusquement-là, attendant non sans agacement le sombre dont l'équilibre montrait parfois des signes de faiblesse.

C'est dans un de ces moments de pause que les mires de l'immortel accrochèrent une figure qu'il avait vu plus tôt. La ville n'était pas bien grande, mais quand même...

"T'as éne'vé que'qu'un, jourd'hui ?" fit-il en regardant le sombre, qui respirait à grande goulée.

Il n'obtint qu'un secouage de tête, sans être sûr qu'il s'agissait bien d'une réponse, et pas juste une énième tentative de s'éclaircir les idées. Sans marquer plus d'intérêt, il reprit le chemin... N'attendant qu'un détour intéressant pour échapper à l'oeil du potentiel suiveur, laisser le drow poursuivre, puis prendre le curieux - s'il était encore là, tout le monde ne veut pas votre peau ici - à revers.

Drogué et subalterne. Devine Dante du bord de son mur, inexplicablement décu quand les mirettes carmines passent par dessus sans le reconnaitre. Mais s'attendre à ce que ce regard brumeux s'arrête sur lui est trop demander.

Tout dans ce qu'il voit clame la défaite. Les épaules voutées, la démarche lente. Et pourtant, il est certain que quelque part dans cette antique carcasse, doit sûrement brûler encore quelques flammes.

La Destruction appelle la Destruction. Et quand il ne reste plus rien à détruire, reste à reconstruire. Pense l'adepte de Zhak'Bar avec une certaine sagesse tandis qu'il emboite le pas aux deux colosses jusqu'à un secteur qu'il sait ne pas lui être recommandable, même pour lui.

Et, en nouvel homme sage, il ne pousse pas sa chance plus loin, se désengageant pour aller négocier queque menue commissions tout en réfléchissant. Qu'un ancien chef avide de sang se retrouve dans le rôle d'un pouilleux n'a rien de déshonorant pour lui, au contraire. C'est comme un retour aux sources. Comme lui à chaque fois qu'il voyage. L'argent et le pouvoir ne sont qu'éphémères. Comme les vies. Comme ce monde pourri qui empire à chaque génération. Cette pensée d'ailleurs n'amène qu'un reniflement amusé de l'humain là ou il y a deux ans à peine elle lui aurait fait montrer les crocs et hurler à la soif de sang.

L'indifférence est pas mal plus économe en énergie et meilleure conseillère que la haine. Il n'en reste pas moins que le chaos est toujours quelque chose d'extrêmement réjouissant. On ne peut refaire son homme.

****

Plus tard, le soir est déjà bien entamé quand il rencontre un indépendant autour d'un bon repas dans l'auberge du coin. Ca discute ferme à la Dross et si Dante est dans un coin, la lueur du feu éclaire son mauvais coté de visage de façon fort révélatrice, faisant briller son oeil comme une pierre précieuse maléfique.

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A la manière d'une mauvaise comédie... Servir ceux qui l'indiffèrent, se fondre dans la fange pour mieux y vomir ce qui lui nouent les tripes. Une aberration dont une nouvelle péripétie se jouait, une fois de plus, bien des heures après que les brumes halucinogènes se soient dissipées. Et pourtant, il était toujours là. Au milieu d'une ribambelle d'immondices du fin fond de la Dross.

Autrement dis, dans une certaine auberge, quelques bandits débarquèrent bruyamment, riant, se tapant l'épaule et les frimousses gaillardes. Le plus stoïque - et massif - suivait, sans un sourire sincère, sice n'est l'ombre des crocs que l'on devinait sous ses lèvres frémissantes. De la barbaque fut commandée, et les maraux devisèrent à demi-mots de leur dernière rapine, tout en attaquant le morceau. Des liens de camaraderie se devinaient aisément entre eux, tout en se dissipant autour du colosse courbé, mangeant près des autres mais à des éons de leur 'joie' de vie de brigand. Pourtant, ce n'était pas faute pour ses 'amis' de tenter de l'attirer dans leur giron occasionnellement, mais ils n'obtenaient pas plus que des regards fixes ou des mimiques dentues. De quoi accompagner de petites anecdotes lugubres !

Ce regard de sang ne joua pas le jeu bien longtemps, une fois qu'il eut réalisé qu'une autre figure lui était familière. Fixant l'individu discutant nonchalament avec un tier, il pouvait semblait à quiconque lui prétant attention qu'il 'enflait' de tension, un battoir se crispant sur un juteux, les épaules se raidissant... Et puis, cela s'évanouie, comme emporté par un courant d'air. Délaissant sa compagnie - qui s'en émue brièvement -, le géant se releva et traversa la salle, droit vers le duo. Subtil, n'est-ce pas ?

Un battoir se posa sur une chaise qui n'avait rien demandé... Et l'inconnu sans intérêt fut tiré en arrière comme un enfant dérangeant, tandis que le grand gris s'adressait à l'autre, qu'il n'avait pas revu depuis... Quelques temps. Pas assez.

"Vel'bol ragarrl lil'... Auflaque ? fut-il demandé avec toute la délicatesse d'une voix caverneuse. Xor... Zhah gaer natha jabbress bauth ?"
Que fait le chien ici ? Ou... Y a-t-il une maîtresse quelque part ?

Dans le souq civilement sauvage de l'auberge, l'on entendu un morceau de gigot être cogné sur une table.

"Y cause l'autre con ! Des phrases ! Et nous y dit rien ?" râla un camarade, trahissant l'attention du trio, éloigné de quelques tables.

Les deux autres lui claquèrent l'épaule, riant de sa surprise, sans que le gris ne leur prête attention, tout à sa désagréable rencontre.

A la corpulence, la grâce naturelle et la subtilité du drow, il est impossible de ne pas prendre conscience de sa présence. Même si il est avachi sur lui-même, le colosse a une certaine prestance. Probablement que c'est parce qu'il est recroquevillé comme si il voulait passer inapercu justement. Si il se tenait droit et fringunt au milieu de sa bande de joyeux lurons, ca serait déjà moins flagrant. →Ŀ se traine comme si il avait des boulets aux pieds en plus.

Revenant à ses moutons, le maitre assassin s'occupe de ses oignons, comme tout un chacun dans la baraque. Sa recrue potentielle  se révèle ête une pure perte de temps, mais lui permet d'étudier à la dérobée la dynamique quasi inexistante entre l'ancien et  son groupe de brigands. Il ne semble pas diriger la troupe, ce qui semble exceptionnel. IĿ ne reste, chez Urgoll, aucune arrogance. Il semble éteint et c'est ce qui, pour Dante, le rend autrement plus dangereux. Si il n'avait pas été un Eldéen pur poil, il se serait peut-être risqué à l'embaucher. La destruction appelle la Destruction après tout, mais il ne lui fait aucunement confiance. Ne lui fera jamais confiance, pur instinct de survis. Il n'en reste pas moins trèes intéressant de voir l'évolution du bonhomme qui vient maintenant à sa rencontre.

La posture de l'humain s'assouplie, pendant qu'il pose son bras sur le derrière de la chaise. Regardant sa couverture se faire dégager prestement du terrain dans un concert d'imprécations qui s'arrêtent net quand le demi elfe voit à qui il  à faire. C'est qu'il est connu mine de rien à la Dross.  Les prunelles dépareillées luisent intensément à la lumière du feu, donnant l'impression de se faire regarder par deux personnes. Il lève un unique doigt, intimant au gris d'attendre un instant.

-Dégage... Dit il au jeunot
-Mais...
-Tu t'es laissé déloger devant mes yeux...

Ignorant ensuite la recrue qui fulmine en s'en allant vers la sortie, la prunelle verte se repose ensuite sur son ''invité''

"Vel'bol ragarrl lil'... Auflaque ? fut-il demandé avec toute la délicatesse d'une voix caverneuse. Xor... Zhah gaer natha jabbress bauth ?"
Que fait le chien ici ? Ou... Y a-t-il une maîtresse quelque part ?

"Y cause l'autre con ! Des phrases ! Et nous y dit rien ?"

Un deux et trois... Qui écoutent et épient, comme les vautours, les charognards qu'ils sont. Dans un recoin de son esprit, Dante note leur dégaine et leur sale gueule pour les mettre en réserve. Pour le moment, il se concentre sur le sombre, qui est la plus grande menace potentielle présente en ce moment. Ŀe visage inexpressif, l'Ombre répond dans son Eldéen parfait.

Vel'bol ph'xundus l'mith tanth ghil? Dos ragar dosstan fol jabbuk ulu kla'ath? Usstan xunus naut zhaun l'Dross zhahen dosst ehmth. Usstan inbal chaon ghil. Lu'dos?
Que fais le Ver gris ici? Tu t'es trouvé un maitre à servir? Je ne savais pas que la Dross était ton territoire. J'ai à faire ici. Et toi?  

Levant la main et claquant des doigts, il commande silencieusement bière et bouffe pour eux deux avant de reporter son attention sur son invité. Il lui balance alors tout de go, ne répondant pas à l'insulte. Le ton de l'humain prenant une note dure.

dos lle'warinil l'talthalra xuil l'Jabbress. Il zhahus mar'iusne nauqu'allath.
Tu as manqué le rendez-vous avec la Maitresse. Elle a été extrêmement mécontente.

Si loin et proches à la fois, ces derniers souvenirs, dans une cabane miteuse... A présent le sombre pouvait tenir debout, frapper à l'envie, se venger peut-être ? Il ne savait, vivait juste cet instant étrange où, sous le regard blasé - mais pas si inattentif que ça - de la grasse tenancière, il se retrouvait face à l'un de ses anciens geôliers, devisant - presque - naturellement, dans une auberge de bandits de diverses eaux. Tant de choses pouvaient advenir. Pourquoi faire ? Le regard sanglant était fixe, le sourire peu naturel, et la poigne lourde sur la chaise à présent vide. Des aiguillons venaient se mêler à son habituel flegme morbide. Les moucherons du tas de boue l'agaçaient tout juste. Lui... Cela pouvait s'avérer bien plus savoureux. Quel intérêt ?

"Yugho jabbress... Il ori'gato lil' karadi zhah yugho, ji ssinjin." sussure en réponse le drow.
Douce maîtresse... Elle laisse la laisse détendue, si douce...

Certaines gueules se tirent alentours, n'appréciant pas plus que cela d'entendre de l'eldéen. D'autres encore tendent l'oreille, ou poursuivent leurs propres affaires sans s'y intéresser plus que nécessaire. L'air empeste beuverie et la graisse dégoulinant d'une viande que l'on cuit. Une viande trouvée en Aduram... Quelle délice.
Avec l'agilité du survivant qui en à vue d'autre, un maigre larron amena sous leurs charmants groins la commande du plus civilisé. C'est que le drow laissait traîner son silence... Et qu'il fallait garder de la barbaque disponibles pour occuper les ventres, au détriment des lames si tatillonnes.

"V'la m'sieur." fit le jeune marmot, esquivant les regards avec stoïcisme.

Brutalement, les mires sanglantes le fixèrent, mais il parvint à s'en retourner sans trop presser le pas, quoiqu'en dise une légère sueur froide. Le sombre lui, ne voyait rien de plus en lui qu'un moucheron qui l'avait distrait d'une pensée désagréable. Ainsi put-il rire, un son grinçant, alors qu'il ajoutait :

"F'sarn jivvust elghinyrr whol ussta valyrin ! Ol's fa'narow."
Je joue les morts pour les miens. Cela m'occupe suffisamment.

D'un mouvement lourd, il retourna la chaise et s'installa à califourchon, drow quelque peu grand et massif pour un meuble destiné à des humains ou des sangs mêlés. Le dossier disparaissait donc sous ses bras et sa crinière pâle... Car le malotru se tenait toujours courbé. Heureusement que le tissu dont il était vêtu était ample, et ne faisait qu'évoquer sa stature.
Plus loin, ses 'camarades' poursuivaient leur ripaille, non sans que l'un n'ait haussé un sourcil, fugacement, en les observant.

"Dos phuul ragarrl fol sel siltrin ?" Questionna tranquillement le drow avachi.
Chercherais-tu de la viande fraîche ?

Des morceaux de chairs baignaient dans leur jus, accompagnés de haricots, dans leurs assiettes.

Quand on prend le temps d'examiner Urgoll'Ven ou peu importe comment il se fait appeler, il est distrayant. Il aurait été plaisant qu'il soit de cette affabilité dans la cahute. Ils auraient pu papoter comme deux vieilles mémères, pense Dante avec amusement.

Dante pourrais se défendre pour la laisse... Mais ca aussi ca l'amuse cette différence de perception. Sa maitresse qui le tient en laisse. C'est d'un risible. Mais il est vrai qu'ils ont eu quelques ratées de fonctionnement quand ils ont attrappé le grand gris.

Levant une main en signe de paix, le maitre assassin fouille dans sa sacoche de cuisse et y extirpe la drogue qu'il a acheté la veille, la faisant glisser sur la table  discrètement entre eux, attentif à l'expression du drow.

dosst's zhah l'toha ssinjin
La tienne l'est tout autant à ce que je vois.

Insensible au silence, Dante attends alors, la posture on ne peut plus détendue, surveillant autant son invité que les oreilles indiscrètes alentour. Un silence que ni l'un ni l'autre ne semble disposé à briser d'ailleurs, tout  à leur examen mutuels. Ca renifle, ca graille, ca boit comme si il n'y avait plus de lendemain, quelques transactions louches, des paris peut-être, se font autour d'eux. Et cette guerre des nerfs est interrompue par le gamin et la pitance. Haricot et gibier trop cuit. L'estomac de Dante en proteste discrètement, mécontent de cette nourriture mais sachant pertinemment que son propiétaire s'en fout royalement. C'est chaud et ca se mange.

Dante ajuste les manches sous ses bracelets de force, déterminé à manger, quand le grand gris reprend la parole, l'éclairant autant sur sa philosophie de vie que sur les raison d'être ici. Il fait profil bas, logique. þersonne ne va s'enterrer définitivement à la Dross sans une excellente raison.  

Bwael... dos ph'xundus alur taga l'vaen draeval usstan loril a dos.... Bwael
Bien... Tu vas mieux que la dernière fois que je t'ai vu... bien...

Le regard dépareillé se relève et fixe le carmin sans émotions. Sans haine ni déplaisir, ni plaisir. Juste une reconnaissance de sa présence physique en une tempérance nouvelle qu'Urgoll ne lui a jamais vu. Dante a changé, plus calme. Et, d'ailleurs, pendant qu'il l'examine de nouveau avec un intérêt incisif.

usstan orn naut Wuzul chaon ghil.Dosst naut l'valyrin d'siltrin usstan lac whol. Lu'dosst... abbilen ph'definitely naut ussta jank ichl taudl. Jhal ka foltangi usstan inbal natha emp'poss jrellin dosst equidal, mayoe udosorn shlu'ta kyorl ulu fol xund. Xun dos ssrig'luin folbol? L'Jabbress orn naut tlu sae'uth ka usstan xun naut plynn kyon d'dosst al tluin.

Je ne discuterai aps affaires ici et Tu n'es pas le genre de chair fraiche que je cherche... Et tes... Amis ne sont définitement pas mon type non plus, désolé. Sı un jour j'ai besoin de tes compétences particulières, nous pourrons voir à travailler ensemble peut-être... As tu besoin de quelque chose? Notre Maitresse serait mécontente si je ne m'occupais pas de ton bien-être.

Dit il, la voix grave et rauque de l'Estreventin rendant particulièrement bien son Eldéen sans défaut.

Une ombre de colère seule accueillit le geste de l'humain, et sa petite provocation. Le sombre ne fit pas mine de toucher à la chose, ni n'y jeta plus un regard. Quant à l'attention et à la proposition faite, elles semblèrent le laisser froid. Du moins, jusqu'aux tous derniers mots. Là, un rictus de mépris lui tira la gueule.

"Xuat eszak bauth nindel. Dorn tlu vel'klar usstan'bal ichl, lueth nindel's jal. Sur le ton de la conversation, une conversation où il serait question d'une plaie infectée et purulente. Usstan inbalus z'lonzic... De' nindol valyrin de' elg'cahl."

Ne te préoccupe pas de cela. Je serai là où je dois être, rien de plus. Ce genre de poison... J'en ai eu mon content.

Le petit animal de la Sorcière... Dans une parodie de salut cordial, l'elfe sombre sourit à son déplaisant interlocuteur, et s'en fut avec une lenteur assumée, abandonnant chaise, drogue et plat fûmant, taisant ainsi son ressenti.
Mais, sa place n'était pas perdue pour tout le monde.

L'un de ses camarades ne réprima pas longtemps sa curiosité et, sitôt le taciturne drow hors du bâtiment - le coquin laissait ses camarades en plan, ha ! -, le demi-sang rejoignit la place vide avec entrain, aussi souriant que l'autre avait grimacé. L'air jeunot, quoique son sang mêlé fut visible dans ses oreilles pointues malgré sa petite taille, il retourna la chaise et attaqua tout de go :

"Hôl' l'ami ! T'veux bien qu'j'vienne lô ? Pis l'assiette d'un ami, s'perd pas comme ça, eh. Les mains n'étaient pas loin d'attaquer le plat, mais il eut - au moins - la courtoisie d'attendre un signe de bienvenue de l'inconnu. Pô pu m'empêcher d'vor qu'l'aut' t'causait, 'lors... L'ami d'un ami, c't'un ami, non ? Un petit clin d'oeil encourageant. Entre ami d'ami, peut s'dire des trucs, t'sais ?"

Telle une curieuse pièce de théâtre, après que le premier eut été surveillé jusqu'à son départ, un second prenait sa place, et avait tout autant d'yeux posés sur lui... Si ce n'est que cette fois, le groupe semblait partagé entre l'amusement et la contrariété, à voir le jeunôt fureter sur les traces du grand drow. Ah, la bonne entente entre les brigands, les racontars... Un trait commun aux races pensantes étaient qu'elles se plaisaient à colporter des ragots, non ?

Ah, tiens, il n'est pas encore tout à fait mort. Dante percoit l'éclat de colère vite tamisé du regard. Penchant légèrement la tête de côté, écoutant une voix qu'il est le seul à entendre, il examine le drow avec un très grand intérêt.

Zhak'Bar n'en n'a pas fini avec celui-là.  La Bête a envie de le bénir, mais ici, à la Dross, mieux vaut laisser les dieux le plus loin possible.

"Xuat eszak bauth nindel. Dorn tlu vel'klar usstan'bal ichl, lueth nindel's jal... Usstan inbalus z'lonzic... De' nindol valyrin de' elg'cahl."

Ne te préoccupe pas de cela. Je serai là où je dois être, rien de plus. Ce genre de poison... J'en ai eu mon content.

Combien de drogués ont eu cette même affirmation et de cette façon? Les bandits à la petite semaine et à la grande, qui dépouillent et tuent que pour avoir leur dose de poudre blanche.  Et il se lève, et il s'en va. Les Eldéens, quelle race étrange. A croire qu'ils sont tous tarés de naissance. Ca doit avoir rapport avec l'air de l'Edna, il doit être toxique et déglingue le ciboulot.

Au salut faussement cordial du mercenaire ne répond qu'un léger mouvement de tête tout aussi faussement cordial de l'humain qui ne le retient pas. Si sa haine des sombres est intacte, elle se teinte d'une certaine curiosité face à celui-là. Il a changé... Comme lui en un sens. Ils ont tout deux traversé une crise de foi énorme et manifestement, il y en a un qui a perdu plus de cuir dans le processus que l'autre. Le potentiel latent de Destruction provenant de Naukhel est ahurissant. Dante est certain que si il en avait la capacité, il pourrait en voir les miasmes danser autour de la haute silhouette qui se pousse dignement.

Ramenant la drogue dans sa besace, Dante s'ajuste alors pour manger, laissant l'écuelle et le broc devant lui comme appât. L'assassin sent une agitation à la table que l'autre a quittée pour le rejoindre. Des regards curieux, méfiants pour certain. Et il n'a pas è attendre longtemp. A peine le temps d'enfourner une cuillerée de ragoût qu'un demi décide de s'inviter tel qu'attendu.

*sale cafard*

Pense il alors que le regard dépareillé se porte sur lui avec une inexpressivité certaine. Semi jeune...Peut-être pas un siècle Sûrement pas deux. Petit et mince, peut-être limite maigre. Trop de sourire, trop d'entrain.  

"Hôl' l'ami ! T'veux bien qu'j'vienne lô ? Pis l'assiette d'un ami, s'perd pas comme ça, eh.

Manifestement, à la façon dont les mains flirtent avec le rebord de l'assiette, il a faim. Dante laisse quelques secondes passer avant de lui dire de bouffer d'un infime signe de menton. Du coin de l,oeil, sans en avoir l'air, il décompte de nouveau la belle assemblée de joyeux lurons, mi-hilaires, mi-irrités qui l'envisagent tandis qu'avec la force de l'habitude, il se ménage mentalement une zone de repli.  

Pô pu m'empêcher d'vor qu'l'aut' t'causait, 'lors... L'ami d'un ami, c't'un ami, non ? Un petit clin d'oeil encourageant. Entre ami d'ami, peut s'dire des trucs, t'sais ?"

Se redressant, la lueur du feu souligne momentanément la sauvagerie du coté gauche du visage de l'homme ainsi que son oeil d'un vert dérangeant d'une fort perturbante façon. Et le maitre assassin de se lever, en fouillant dans sa sacoche de cuisse.

-"Entre amis", l'ami, je vais te donner un bon conseil. Les cafards, à la Dross, gardent pas leur cuir longtemps. Tournée générale, c'est sur mon bras.

Dit il en déposant le montant directement dans la paume du tenancier en allant vers la sortie et prenant le même chemin que le grand gris.
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