Affaires de bandits | Solo

1e ennéade de Karfias
An 18 du XIe cycle
Aux abords de la Dross

La sueur et l'humidité leur collait à la peau. Après bien des jours de lutte à travers l'Aduräm, pour un peu de pillage chez leurs chers voisins Vaanis, une troupe de bandits hétéroclites de la Dross, retrouvait avec satisfaction les abords marécageux de la 'ville', là où il pourrait revendre et profiter de leurs butins chèrement acquis. Les plaies seraient - enfin - correctement soignées, et les ventres s'empliraient d'autres choses que de viande séchée, ou mal cuite. Un bon verre de rouge, plutôt que de la pisse des marais, et une bonne fille à fourrer... Une perspective qui raviva la marche de l'humain en tête.

"Haut les cœurs, mes princesses, l'argent ne va pas se jeter tout seul dans vos bourses... sourit-il à la cantonade, l'œil attendri par les sacs bedonnant que se coltinaient les malfrats à sa suite. Trouvez une barque - ou deux même ! - et nous serons chez nous !
- Lazar, Lazar... Le malfrat fit volte-face aussitôt, lame à la main... Pour voir surgir des herbes hautes des faciès d'hybrides ô combien familiers. M'semble qu'tes gars sont fatigués... Qu'est-ce qu'y dirait qu'on les décharge un peu, hmmm ?"

Aux sourires torves s'alliaient tout naturellement des lames nues et vilaines, que le bandit supposait sans mal être empoisonnées pour certaine. Les armes sorties dans son dos par ses compagnons ne le rassuraient qu'à moitié. Il y aurait des pertes dans les deux camps - d'autant qu'il ne voyait pas tous les salauds qu'il pouvait y avoir -, sans garanti de préserver leur butin. Petit salaud, tu n'avais que cela à faire d'attendre notre retour ?! Ses broussailles noires collées sur ses tempes par la sueur du voyage, Lazar offrit son plus beau sourire, sans pour autant ranger sa lame.

"Mon vieil ami, quel plaisir de te voir si généreux... répondit-il, réfléchissant à toute allure. Sais-tu où tu peux la garder d'ailleurs ? Dans les tréfonds de ton être, si tu ne nous laisses pas gentiment passer.
- T'sais pas t'conduire correctement, petit. grimaça avec une peine toute paternelle le concurrent, tout en faisant tournoyer sa lame, tandis que cela s'agitait dans les rangs. Laisse moi t'rappel-"

L'échange de mondanités drossiennes prit abruptement fin alors que la fin de journée saumâtre se transformait un bref instant en plein été dans le désert. Lazar connut une fulgurante intimité avec l'hybride elfe, tout deux se retrouvant projetés à terre, au même titre que les autres bandits. Ceux qui ne brûlaient pas du moins. Non loin du malfrat assourdi, écrasé par le corps de son adversaire, l'herbe avait disparu, noirci; quelques corps brûlés tressautaient plus loin; les survivants se relevaient en chancelant, les plus éloignés, encore debout, restaient sur le qui-vive.

Brusquement, une ombre recouvrit Lazar, et son ennemi gémissant - odeur de porc grillé - fut soulevé par ce qu'il lui restait de cheveux.

"Ennemi... ?" fut-il grogné dans un olyian approximatif.

Clignant des yeux, l'humain reconnut l'une des dernières recrue dans sa troupe, l'un des drows les plus laids qu'il lui eut été donné de côtoyer. Putain de mage... D'où il venait, la populace avait le bon goût de les pousser au trépas de manière prématurée. Dans ces terres sauvages, c'était une autre affaire. Et les aléas de la magie, quand elle n'était pas dû au charlatanisme des sauvages, dépassait quelque peu le mortel. Mais bon... Tant qu'elle visait ses ennemis...

"Ennemi. confirma-t-il avec un sourire forcé, qui se grandit de sincérité alors que ses mires se portait sur celui qui le menaçait un instant plus tôt. Alors, ta générosité, tu la sens bien ? Se redressant, il inspira un bon coup. COURREZ SI VOUS VOULEZ CREVER ! Les autres, vos services m'intéressent."

Un râle lui échappa alors que l'hybride lui était lâché dessus, et que le grand drow s'élançait, larme sortie, sur un bandit ennemi qui ne semblait pas vouloir courir. Même s'il dut penser sincèrement qu'il aurait dû.

"MAIS PAS LUI, MERDE !"

Plus tard, dans une planque de la Dross...

Tant de joie à retrouver la maison... Un sourire moustachu jusqu'aux oreilles, le bandit regardait ses camarades se jeter sur butin fraîchement rapporté, depuis un siège honteusement plus distingué que le reste de l'antre.

Les nouvelles recrues, renfrognées, ne se mêlaient guère à la bousculade, tandis que les plus avisés évaluaient la valeur des choses, et que les plus bagarreurs comme des pies convergeaient autour de ce qui brillaient . Dans la grande pièce éclairée d'hasardeuses flammes, c'était toute une affaire de craquements de bois sous des pas lourds, de grande table et de chaise poussées dans moult grincements, tandis que les voix claquaient leur mécontentement, murmuraient leurs affaires, comme se muraient dans un silence résigné. Ravis d'être en vie, d'avoir vaincu l'ennemi, et de revenir un peu plus riche qu'hier... Quoique roussis.

"Que crois-tu en tirer ? s'agaçait une femme.
- De belles affaires ? répondit-il avec ennui. Fait-moi donc voir ce chapeau !"

Un demi-nain proche s'exécuta, levant un sourcil amusé quand la plume s'agita sur la tignasse bouclée. Même des paysans ont ce genre d'amusement dans leurs placards, en Ithri'Vaan ? Le hasard de leurs pillages le surprenait encore parfois.

"On verra comme elles seront belles, quand les plaies se nécroseront.
- As-tu seulement vu l'expression du bâtard elfe quand sa petite surprise a viré court...? Une perle de prise de conscience. Le couvre-chef était confortable, mais aurait tôt fait de finir sur une branche en Aduram. Combien ?"

Le demi-nain eut l'air peu convaincu de tirer grand chose de l'objet, et s'en retourna à son tri. Les drossiens n'étaient pas amateurs de ce qui étaient beaux et non résistants à un coup de dague. Ah, les sauvages... Comme pour bloquer le regard évasif du Lazar, la mercenaire se décala, le geste mettant en avant ses longues jambes, et la fine lame qui en était l'ombre.

"Et nos gars ? s'indigna la combattante. A peine quelques brûlures... Mais il a fait plus avant. Comment crois-tu l'empêcher de recommencer ?
- En commençant par ne pas le dévisager avec si peu de politesse, comme tu le fais depuis tout à l'heure..." répondit le gaillard, doucereux.

Mais ses mires s'étaient affermies, alors que la vue était bouchée par quelque chose de bien plus massif. Le grand gris était sorti de son coin d'ombre, à pas lents, indifférent à l'effervescence alentours.

"Ah, mon ami ! s'exclama Lazar en se redressant. Encore une fois, une bien belle intervention, plus tôt...
- Riluss uriu natha k'lar... Usst zhah ulu flamgra.* disait-il d'un ton tranquille, que démentant son regard, fixé sur la tête de la fille. Tesso uns'aa... dossta ?
- L'eldéen, une fascinante langue... Pour qui peut la comprendre. Où en es ton vaani ? s'amusa faussement le dandy, avant de héler quelqu'un qui pourrait traduire.
- Ennemi... ?
- Quoi ? Ah ! Mort, ou devenu ami. Merveilleux non ?
- Rappelle-moi ton nom.
- C'est -
- Naukhel."

Et l'ombre d'un rictus déplaisant s'évanouit comme la brume sous des rayons ardents. D'une sombre entité, le sombre se fit vieil être qu'un pas éloigna un peu, suivi d'un autre. La tension dans la main de la femme, posée sur le pommeau de son arme, se détendit alors. Lazar se rendit compte qu'il respirait mieux. Fort élégante, la combattante cracha au sol, alors que le large dos se fondait dans les murs.

"Pourriture. grogna-t-elle, à peine audible par delà les grandes gueules des drossiens.
- Tu l'as ta réponse. Dit Lazar en se rallongeant.
- Quoi ?
- C'est une grande âme timide. Avec un peu de douceur, on peut tout en tirer..."

Avec écœurement, la guerrière s'éloigna, choisissant le côté de la salle où la brute ne se trouvait pas. Non sans un haussement d'épaules, Lazar récupéra derrière lui une bouteille, éloignant sa main de sa propre arme, avant de faire sauter le bouchon allègrement. Une bande de loups, de serpents et de sangsues... Et toujours, trouver l'appât... Et le bâton adéquat. Soudainement, l'un des gars avait bondi sur la grande table, et paradait en arborant des vêtements inadéquats pour son sexe, et qui déclenchèrent rires et huées. Ah oui, et des singes aussi.

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