[Auberge du Crin d'écume; sujet Libre] Début d'automne crépusculaire

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Qui s'en vient ? Qui se présente ? Qui s'installe aux tables, appâté par une promesse de bon vin et d'agréable divertissement ? Voyageurs et marchands, en voilà un bon lot, parés de poussière et la bourse pas complètement vide, se présentant tour à tour à la porte, saluant la tenancière de ces charmants lieux. Humain et sang-mêlés, tient même un nain s'y trouve mêlé ! Tranquillement, les clients s'installent et devisent. Fêter quelque chose est toujours une bonne occasion de rencontrer du monde, et la société Ithri'vaane en est particulièrement friande !

Mais, au milieu de toutes ces grandes personnes sachant visiblement ce qu'elles font là, il y a en a une qui a l'air un peu perdue, avançant sur ses petits pieds. De la taille d'une jeune enfant, la tignasse blonde un peu en bagaille, baillant une nouvelle fois, une jeune elfe se glissait tranquillement ici, l'air encore un peu ensommeillée. Qu'un regard s'attarde de trop sur elle, et elle se glissa dans un coin - la force de l'habitude - pour mieux reprendre ses esprits... Et observer où elle se trouvait. Hmmmm oups, le chariot dans lequel elle avait piqué un somme était allé un peu plus loin que les portes de la ville... Le cahin-caha l'avait bien bercée. Oups, oups, et encore oups !

Pas l'air effrayée pour un sous, elle observa tout bonnement les alentours, la disposition des lieux, les cachettes potentielles - très important ! - et... Tout ce qu'il pouvait y avoir d'intéressant à ses yeux pâles. Plus loin, des artistes colorés semblaient préparer leurs instruments et échauffer leur voix. Leurs 'Lala' ne l'intéressèrent pas plus que ça, au contraire de ce qu'elle aperçue, installé sur certaines tables... Une langue gourmande vit son apparition, disparut bien vite... Et la petite délaissa son recoin, pour mieux replonger dans le bain - de jambes -.

Bientôt, tandis que deux commerçants discutaient sur le court du blé, une petite mimine tapota près d'eux sur la table jusqu'à trouver la panière à fruits. Nouveau tatonnement, une panière qui penche dangeureusement, et... Oui ! Un fruit roula par terre, mais un autre finit entre des quenottes voraces, qui le percèrent goulûment. Gourmande, la petite ne traîna pas sur les lieux de son méfait, et se faufila à nouveau parmi les invités, guettant les plats dans lesquels elle pourrait encore chiper ! Sans prêter attention au 'Sproch !' de fruit écrasé dans son dos.

Pourquoi aujourd’hui ? Je n’en avais aucune idée. Ou peut-être que si en fait mais je ne l’avouais pas de prime abord. Eänwen ne s’en doutait pas. Nethkir ne s’en était pas douté avant de recevoir ses ordres. Personne ne sut avant le moment fatidique et pourtant dès que j’avais claqué des mains, tout s’était mis en branle :

Ce soir-là j’avais décidé d’enfin visiter l’établissement qui avait grandi à mes frais. Après tout, un bon marchand s’enquérait bien de ses marchandises non ? Et bien là c’était pareil. J’allais m’enquérir de ce que j’avais acheté et cultivé.

Bien entendu, j’avais déjà eu vent de la petite réception que la jeune rouquine préparait et, histoire de, j’eus la bonté de me plier au code vestimentaire qu’elle imposait lorsque le voyage vint à son terme. J’étais plutôt de bonne humeur par ailleurs, prendre l’air loin de Baaz’hima semblait avoir fait du bien à ma santé étrangement vacillante ces derniers temps. Peut-être avait- juste eux besoin de quelques vacances.

Quoi qu’il en était, ces déboires ne dépassaient pas les portes de mon palais. Personne ne devait savoir alors,c’est donc la tête plus que haute, que j’entrais dans le hall, fidèle à moi même et rayonnant comme jamais. Je n'accordais  qu’un rictus amusé à la foule qui se retournerait inévitablement sur mon passage. J’étais maitre de ces lieux après tout et j'avais une cible bien précise.

-Eänwen, très chère ! finit-je par lancer, non sans avoir discrètement passé mes doigts sur un meuble, y constatant agréablement l’absence du moindre grain de poussière. C’est qu’elle commençait à avoir du goût cette petite. J’arrive à point nommé semble-t-il !

Alors que bien des têtes se tournaient vers une - énième - grande personne, la petite elle, voguait vers un objectif connu d'elle seule. Ses mires pétillantes sautaient d'un détail à un autre, là un joli dessin sur un tissu précieux, là une épée d'apparat au foureau magnifique, ou encore les merveilleuses couleurs de plumes garnissant une tête à la coiffure accadabrantesque - aux yeux de la petite sauvageonne elfe -.

Ses découvertes s'accompagnaient du doux goût sucré du fruit qu'elle avait chipé, et dont le jus lui barbouillait le bas du visage, goûtant sur le sol et sa robe à la couleur rendue irrégulière par la poussière. Petite voyageuse dans le monde des grands, elle ne prêtait qu'à peine l'oreille aux commérages, aux étalages de politesse et aux débordements de compliments forcés. Ce genre de jeu passait bien au dessus de sa tête blonde... Mais il en était un autre qu'elle connaissait par coeur.

"Vient ici !" souffla une madame.

Vive et agile, la petite esquiva la pogne de la matrone.

"Mais ?! Que fais-tu là petite ? Et où sont donc tes parents ?" s'agaça l'humaine, tout en s'avançant vers la petite elfe.

Ne montrant pas la moindre volonté de coopérer, jaugeant son adversaire, l'enfant attendit le moment opportun... Avant de lui adresser un grand sourire, et de lui lancer le fruit entamé. Oh, pas du tout dans le visage voyons ! Mais que la dame le réceptionne, et elle en eut plein les doigts, alors que la sacripan détalait sous une table. Fourant la preuve délicate dans l'une des grandes poches de son tablier, l'humaine embarassée s'empressa de suivre la petite fouineuse... Tout en tâchant de paraître le mois du monde pressée ou embêtée auprès de la belle clientèle. Halala, l'importance des apparences !

La petite elle n'en avait cure, riant au éclat dès qu'elle croisait le regard de sa poursuivante, pour mieux disparaître entre deux paires de jambes, ou même, mieux ! Dans les froufrous d'une dame, déclenchant un petit cri de stupeur gênée. Fort heureusement, les musiciens commencèrent à agréer l'assitance de de quelques notes, qui s'enchainèrent bientôt élégamment, offrant une couverture bienvenue pour les petites 'perturbations' engendrées par l'enfant qui se faufilait, et sa poursuivante qui multipliait les virages sérés pour suivre le rythme sans percuter personne.

A se faufiler partout, la petite tomba même sur l'un des fruits tombés plus tôt, qui avait été oublié sous une chaise. S'emparant de son butin avec joie, elle croqua à nouveau à pleine dent... Et ne réalisa pas tout de suite que ses pieds battaient l'air. Les mirettes ravies se firent curieuses, quand elles croisèrent un regard tout pâle, mais bien moins enfantin derrière ses drpoles de trucs sur le nez, sur une figure toute sombre. Oups, quelqu'un l'avait attrapée par le col en pleine course ! Elle déglutit un peu plus difficilement.

-Et pourquoi pas les deux ?! Riait-je, plus par esprit de contrariété qu’autre chose. Enfin, j’imagine que nous avons tout notre temps pour ce qui est des affaires, je ne vais pas priver tes invités de notre présence voyons.

Alors que j’esquissai un nouveau sourire, un mouvement dans le coin de mon regard attira mon attention et j’haussais un sourcil surpris bien vite remplacé par une moue moqueuse devant la scène qui se déroulait sous mes yeux.

-Il semblerais qu’il reste quelques petites souris dans ton établissement très chère.

J’observais mon garde du corps personnel à quelque mètres de là, soulever une jeune imprudente par le col. Plus qu’en colère, le drow semblait surtout intrigué par la petite qui se débattait en vain. Relevant la tête, nous échangeâmes un regard et sachant alors ses ordres, Nethkir tira la petite un peu plus loin, non sans attirer pas mal d’attention autour d’eux.

Là, la petite toujours bien agrippée, il attrapa de sa main libre un fruit qu’il lui tendit en s'agenouillant à sa hauteur. Son visage toujours aussi froid il lui adressa pourtant des mots bienveillants.

-Tient petite. Mon prince est généreux et il t’offre de quoi manger ce soir. Mais il espère qu’en échange tu ne chaparderas plus de la sorte. Il serait chagriné de savoir un si jeune souffle sur un chemin bien sombre.

Une fois la réponse donnée, il la lâcherait. Oh je ne doutais pas qu’elle recommencerait aussitôt à piller de tout son soûl. On ne se refaisait pas même à un si jeune âge. Mais elle m’offrait là un parfait tremplin de gloire et d’attention positive, alors je tâchais de ne pas en être trop écœuré.

Un hochement de tête pour le monsieur tout sombre - et les mimines s'emparèrent bien vite du nouveau trésor - et la petiote se retrouva dans une pièce où une madame tout agité lui posa plein de question. Le fruit croqué lui tâchait sa robe de jus sucré, tandis que l'autre, intact, était caché par son autre main, dans les plis du tissu, sait-on jamais que cela ne se voit pas trop.

Le nez baissé, l'elfillette regardait par en dessous les belles fleurs tressauter dans la tresse rousse. En réponse au geste de la jeune femme à l'égard d'une mèche blonde, une de ses fleurs se retrouva sur la tignasse de la petite voleuse. Et le fruit abandonné finit par terre. Oups, double oups ! L'enfant le choppa derechef, et offrit un sourire contrit.

Puis elle ouvrit la bouche.

"Je dormais, et puis je me suis réveillée, mais je n'étais pas au bon endroit, et il y avait tous ces gens qui venaient. Alors je les ai suivi ! Les gens vont là où il y a à manger non ? Et j'en ai trouvé ! Ils sont bons les fruits. Tous sucrés, pas pourris comme ceux du marché ! Mais la madame elle ne voulait pas que j'en prenne, alors j'ai couru, et couru ! Et c'était rigolo. Peut-être qu'elle voulait jouer à chat ? J'adore jouer à chat ! Je gagne toujours ! Mais le monsieur il a triché, il n'avait pas dit qu'il jouait ! L'on pouvait lire dans ses yeux clairs son grand sentiment d'injustice. Il a triché, donc il a pas gagné. Par contre il m'a donnée un fruit, c'est gentil. Ils sont très bons, tu en veux un ? Et tu veux jouer avec moi ? A cache-cache ? J'adore jouer à cache-cache aussi !"

Tout en tendant le fruit - intact, pas celui qu'elle avait croqué - la fillette offrit son plus grand sourire, toute joyeuse, ignorant totalement l'embêtement de son interlocutrice.

"S'il te plait ? Tu comptes et je me cache ?"

Tout refus la verrait en être très attristée. Ah les enfants !

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Séparés de ce grand dilemme par une porte, les convives appréciaient musique, mets et liquide onéreux, certains ne se gênant pas pour s'interroger quant à la présence de la petite voleuse. Les gueux de la ville s'infiltrait jusque dans les bonnes adresses, ah quel malheur ! Disait l'un. Et il est des princes pour les récompenser ! médisait un autre, aussi corrompu que n'importe quel autre, mais se plaisant à se croire grand homme. Et l'aubergiste, tu crois qu'il l'a mise dans son lit ? Suggéra une autre, sur un tout autre sujet. Les racontars allaient toujours bon train à Thaar...

Eäwen était d’une bonté rare dans ce monde si froid, j’étais moi-même forcé de le reconnaitre. Je me surpris à ne rien ajouter tandis que rouge de honte, elle s’empressait d’éloigner la petite intruse de toute vue.

J’eus une ou deux secondes d’absence, décontenancé par cette suite d’évènement avant qu’un chuchotement dans mon dos ne me fasse revenir à moi, un sourire nouveau sur les lèvres. Que les médisant piaillent de tout leur soûl, eux qui n’avaient pas les moyens d’être au centre de l’attention.

-A cet établissement et à notre hôte ! Fit-je en levant un verre, scellant définitivement les dernières mésaventures dans le passé.

Un certain nombre suivirent le mouvement avec plus ou moins d’entrain; Et puis le plus naturellement du monde, je pris place sur le rebord de la fontaine. Eäwen ne mit pas longtemps à revenir, peut-être 5 minutes environs.

Peut-être était-ce l’alcool qui me montait à la tête, mais elle me tournait plus que de raison. Je l’aurais souhaité du moins. Du coin de l’œil je vis Nethkir croiser mon regard à nouveau et froncer les sourcils derrière ses fichues lunettes qu’il remonta pour la millième fois.Nous nous comprenions sans mots et je savais alors que j’avais désormais deux choix.

D’un bond, comme si de rien n’était je me dirigeais d’un pas léger vers la pauvre aubergiste qui passait définitivement une soirée agitée.

-Et si tu me montrais les rénovations finalement ? Lui lançais-je en posant une main délicate sur son épaule, faisant mine de vouloir l’entrainer plus loin, et à l’abri des regards agaçants. Je crois que tes invités se portent comme un charme en fin de compte. Tu sais comment son les mondains... Un rien leur suffit !  D'ailleurs la petite, qu'en a tu fait très cher, tu ne l'a certainement pas jetée dehors ? J’étais pâle et mon sourire n’était peut-être pas aussi habile qu’à son habitude, mais j’avais choisi de sauver un maximum les apparences.