Cavale rocailleuse [Braähm]

« Ils lui ont coupé une pogne ? » Répéta t-elle d'un ton sombre.

Le nain qui lui faisait face acquiesça, la mine de pierre, le front bas et une torsion particulière sur les lèvres. Ce nain, c'était Kram. Kram le bouvier, Kram le dresseur de chien, Kram le dernier frère du Marteau à avoir rejoint le rang. Voila maintenant plus de deux ennéades que Oda et sa petite troupe avait prit la fuite en direction de la Haute-Virnée. Si les débuts avaient été chaotique, ils ne furent en rien rattrapé par la routine qui c'était installé dans le groupe. Peu familière des lieux, la Mange-Magma avait dut à maintes reprises ordonner un rebrousse chemin. Ils s'étaient perdus, avaient dut faire demi-tour, avaient quelques fois frôlés la mort en évitant de justesse des chutes dans des failles retorses. Autant dire que cette cavale n'avait rien d'une promenade de santé, mais tous suivaient le rythme avec bien sûr, les quelques railleries des plus véhéments et cabochards.

Très vite, ils avaient sacrifié les béliers qui bien qu'utiles, se révélaient être encombrants dans de telles zones montagneuses. Kram avait avec expertise, réussit à tirer quelques kilos de viandes qu'il avait réussit à faire fumer dans un fumoir improvisé. La barbaque avait un goût immonde et empestait le vieux cuir, mais au moins, ils ne mourraient pas de faim pour l'instant. L'eau était présente partout dans les montagnes et en récupérer n'avait rien de bien sorcier pour un bon sourcier. Mais le principal danger qui les guettaient réellement n'était autre que le froid. La Fraternité n'était pas équipé pour affronter les conditions rudes de se début d'automne. Si en d'autre endroit du monde, le temps était encore agréable, en Zagazorn il en allait tout autrement. Oda avait put ressentir cela alors qu'ils avaient posé leurs grolles dans une cavité naturel des contreforts. Ils patientaient maintenant depuis trois jours, dans une ambiance aussi lourde que morne, mais l'attente fut enfin récompensé quand Kram revint enfin de son expédition solitaire dans le Sud. S'étant fait passé pour un montagnard, il avait atteint les limites de la civilisation en prétextant vouloir troquer de la nourriture contre quelques habits de laine pour restaurer sa garde robe. A force de palabres, ils avaient réussi à apprendre le sort exact du reste des membres de la Fraternité et de leur chef, Nimir.
C'est avec appréhension et dégout qu'il avait conté son récit aux nains qui patientaient dans le rocher, car il savait que cette histoire n'allait en rien arranger leur situation. Ils étaient aujourd'hui traqué, comme des bêtes sur la terre même de leurs ancêtres.

« Foutu viandard. J'avais prévenu Nimir, je lui avais dit que ce n'était pas une bonne idée, encore plus après avoir assisté à tout ce simulacre dans la salle du trône de la Maudite. Par les tétons de mes ancêtres, voila ce qu'il coute d'offrir sa loyauté à notre Grand-Roi. J'aurais du l'abattre ce jour la, devant les yeux de tous. J'aurais du le tondre et lui faire manger ses propres poils. J'aurais du lui concevoir un cercueil avec le bois de son foutu trône. J'aurais du tout brûler et ne laisser que des cendres. J'aurais du transformer cette cité en brasier. J'aurais du...»

Elle s'interrompit, se rendant compte du poids de la colère qu'elle venait de déverser gratuitement au yeux de tous. Ils avaient l'habitude, mais elle regrettait toujours de s'emporter ainsi comme une jeune naine. Une foule de sentiment lui étreignait le palpitant. Des remords, de la crainte, de la peur. Elle n'en laissa rien paraitre, car sa détermination n'en fut que renforcé. Prenant le temps de la réflexion, elle tenta de se calmer, puis annonça.

« On va pas moisir ici les cognards. Préparez vous à vous geler le coquillard, demain on prendra la route pour s'enfoncer encore plus loin dans cette foutue région.»

Enfin, le temps de la faim était arrivé.

La viande fumée ne fut pas une réel réussite. Kram n'avait pas eu le temps, ni le matériel nécessaire à un fumage optimal qui aurait garantit une conservation parfaite de cette dernière dans le temps. En plus de son goût affreux, elle était rapidement devenue dur, puis molle à nouveau, et dans les derniers jours, soumise à l'humidité, elle avait commencé à moisir, d'abord sur sa surface externe, puis rapidement dans toute sa partie intérieur. Autant dire que les nains avaient gratté au plus possible, qu'ils avaient retiré ce qu'il fallait au millimètre, que certains avaient même décidé d'engloutir le tout, quoi qu'il en coute. Ce ne fut vraiment pas des bons jours et ils le devinrent encore moins quand, à la lueur d'une aube sans nom, ils furent surpris à leur réveil, par le retour d'un ours des montagne dans sa caverne.

Bien sûr, Oda avait remarqué les traces de griffes sur les parois, elle avait sentie la merde qui émanait du charnier proche, elle avait vu les boules de poils et autres restes en tout genre, mais que pouvait-elle faire d'autre ? Entre crever de froid à l'extérieur et parier sur un danger qui ne l'était pas encore, son choix avait été rapide. Ils avaient instauré une garde ce soir la, mais trop affaiblit, le dernier veilleur s'était endormit. Un sommeil duquel il ne se réveillerait jamais, car il fut la première victime du plantigrade qui, pas vraiment jouasse de voir qu'on profitait de son trou, avait aussi sûrement un petit creux.
Sa braise soit loué au Père et rendu à la terre, c'était les cris du malheureux qui avaient sauvé le reste de la troupe. Ainsi ils avaient eu le temps de saisir leurs marteaux, de se préparer, et de tailler une cotte de maille bien serré à l'animal qui regagnait son foyer. Ils auraient pu en retirer la fourrure et s'en faire des moufles, ils auraient pu transformer la viande, ils auraient pu faire tant de choses, mais la mort de Yustour le Gras, avaient réussis à couper la chic à tout le monde.
Ils s'étaient alors échignés à épuiser leurs forces dans un enterrement sommaire, sous un monticule de pierre, dans le creux d'une vallée sans nom et oublié de tous. Une sale fin pour un sale nain, mais tout de même.

C'est sous ces auspices qu'elle avait ordonné la remise en route, n'osant toujours pas avoué à ses compagnons, qu'elle était totalement perdu. Au levé du jour et à la tombée de la nuit, elle priait le Père-de-Tout de bien vouloir lui venir en aide, de bien vouloir la guider, de bien vouloir lui fournir un manteau de laine, une veste de cuir coupe-vent, un festin de viande chaude, de la bière aux reflets dorés et une tripoté de cognard prêt à lui masser les arpions. Mais jours après jours, aucunes de ses prières ne fut exaucés. Elle ne faisait qu'en désespérer d'avantage.

Puis, un soir, alors que le crépuscule approchait à grand pas et qu'ils n'avaient encore trouvé aucuns abris. Une lueur c'était élevé à l'Est. Croyant d'abord à l'hallucination, elle avait suivit son instinct et son odorat : sa fleurait bon la barbaque. Aucuns gobelins ne cuisinaient ainsi, et moins encore un ours des cavernes. Marchant frénétiquement dans la direction indiqué, elle cria sur ses compagnons d'augmenter la cadence. Et c'est ainsi, que sans savoir ou ils débarquaient, ils tombèrent nez à nez avec ce qui semblait être la Loge d'un clan. Les bannières, les sculptures, les bas reliefs, tout désignait un repère de mineurs. Une pioche n'avait pas grande chose de différent à un marteau non ?

Sans hésiter, elle s'approcha et frappa à la lourde porte. Elle était morte de froid, mais elle espérait que derrière les battants, se trouvait maintenant sa tripoté de barbus prête à lui masser les arpions.

La loge des Main-Ferme.

Un nom qui sans douter, ne lui sortirait plus jamais de la caboche tant il résonnait comme un salut ultime à ses esgourdes. Voila qu'ils débarquaient comme des malpropres en ces lieux et ce fut un vénérable nain qui les accueillis. L'Ancêtre avait tout de l'ancien dirigeant, Oda en aurait parié sa tresse, il avait dut être Thane dans un tant passé. Elle eu d'instinct de l'estime pour ce nain, bien que cette estime soit teintée de méfiance et de crainte. Car en cet endroit, elle et ceux du Marteau qui la suivait été des intrus. Rien n'empêcherait ces nains de les rejeter à la dureté de l'extérieur, pis encore, ils pourraient les livrer aux forces du Grand-Roi qui, Kram l'avait appris, étaient à leur recherche.

Mais Oda se devait un certain pragmatisme : entre mourir de froid dans la nuit, mourir de faim dans l'ennéade qui suivait et mourir le ventre plein et la braise réchauffée dans quelques jours, son choix était fait. Elle profiterait à maxima de cette mâne venue de la terre. Peut être même, pourrait-elle envisager que cette loge éloigné, le fusse trop pour être au courant des évènements passés. Les chances étaient minime, mais elle pouvait néanmoins toujours espérer. L'espoir fait vivre, mais il tue aussi. Voila une des phrases qu'appréciait particulièrement Nimir. Mais Nimir n'était plus la et elle était seule à affronter le poids du devoir et des responsabilités qu'elle avait vis à vis de ses suiveurs.

Alors, vint le temps ou ils reçurent, le pain, la bière et le couvert. Tout ce passa vite, peut être un peu trop vite. Mais Oda ne réussit à dire plus d'un mot avant que son estomac ne soit remplis et que ses os ne soient réchauffés par la chaleur d'une flamme vive et intense. L'Ancien Dailor était toujours présent, aussi devait-il surveiller comme un pâtre le faisait pour un troupeau égaré. Ou comme un berger tenant fermement à l'œil les loups prêt à manger ses broutards.

« Oda. Oda des Mange-Magma. » Finit-elle par avouer alors qu'elle finissait une bière chaude agrémentée d'épice. Les regards des siens se tournèrent dans sa direction ; ils semblaient jauger la réaction adéquate à avoir. Puis ils se présentèrent tour après tour, en finissant par Kram qui se tenait dans un coin de la pièce, accompagné de sa meute de Gazan'Grom qui finissait de grignoter de gros os à moelle.

« Je suis...leur meneuse. Aussi, permet moi de parler en leur nom, Dailor Main-Ferme. Ton hospitalité nous...honore. » Elle laissa un temps de silence s'installer avant de continuer. Par automatisme, elle porta son regard sur le ratelier d'arme qui comprenait les différents marteaux de la troupe. Elle soupira en suite, puis fit son choix.

« Nous sommes de la Fraternité du Marteau et nous...nous sommes égarés. J'ai pour habitude d'être franche, alors je le serais  : nous avoir donné le gîte te fais courir un risque. Nous sommes...recherchés. »

Voila, c'était fait. Elle avait mit son destin et ceux des siens entre les pognes du Créateur et elle priait déjà ardemment pour qu'une nouvelle fois, il ourdisse ses prières. Dans la grandsalle, on n'entendait maintenant plus que le crépitement des flammes.

Elle s'était attendu à une telle réaction, même si elle avait rêvé une autre issue, une autre route. Mais c'était folie de penser qu'un tel nain pouvait se ranger de son côté ; de toute son existence, ils furent bien trop rare à prendre son partie, alors pourquoi donc l'aurait-il fait lui ? Seul Nimir avait été bon avec elle, seule la Fraternité du Marteau lui avait servie de réel famille. Elle n'avait que eux au monde. Devant les minois sombres de ses frères qui la suivait encore, elle se sentait grandement coupable : pourquoi n'avait-elle pas menti ? Pourquoi ne s'était-elle pas grimer afin de se trouver une place bien au chaud dans cet endroit ? Oda n'aurait sut le dire exactement, mais peut être en avait-elle assez de fuir. Assez de toujours devoir regarder en arrière.

« Je te comprends, Maître Dailor...Ta décision est celle que j'aurais sûrement prise. Ne soit pas inquiet, nous ne sommes pas assez fort, ni assez fou, pour espérer ce rebeller contre ton clan tout entier. »

C'était la vérité, même si l'idée lui avait traversé la caboche. Une analysez rapide de la situation lui avait suffit à se rattacher à son désespoir, ils n'avaient pas fait tout cette route pour finir avec une pioche entre les deux yeux. Alors, peut être mieux valait-il profiter de leurs derniers moments de liberté, peut être l'Ancien avait-il raison, qui savait à part les Dieux, de quoi serait fait demain ? Mais Oda ne pouvait s'y résigner totalement, pour elle, la situation lui semblait trop injuste. Tandis qu'elle finissait de mâchonner un de ces biscuits au goût de pierre, elle s'approcha de l'Ancien et s'assis à côté de lui, le regard braqué dans les flammes.

«  J'aimerais te conter ma version de l'histoire Maître Dailor, car comme je comprends les choses en cet instant, nous sommes victimes d'actes que nous n'avons pas commis. Si tu veux bien m'écouter, j'avoue que j'irais à la rencontre de mon destin la braise plus légère...Elle se resservit en bière à épice et en biscuit, et ne lui laissa en réalité par le temps de répondre...Moi et les miens sommes pourchassés pour une faute qui incombe à notre chef, Nimir. Depuis, il semblerait que les forces du Grand-Roi nous traque comme...des animaux. Pourtant, je n'ai rien fait. Strictement rien. Je ne sais même pas pourquoi notre capitaine à eut la main tranchée, les seuls rumeurs qui nous sont parvenus font mention d'un refus d'abnégation de sa foi. Mais comment pouvait-il faire cela ? Accepterais-tu à toi qu'on te retire ta pioche parce qu'elle a fendue la mauvaise pierre ? Tout ça me dépasse en vérité. Je ne comprends pas comment cela à put dégénérer ainsi. Je suis jeune, bien plus que toi, et pourtant j'ai longtemps prié le Père. Comme tu as du le faire. Trouves tu juste qu'aujourd'hui sa simple évocation ait pour effet de te faire perdre la main ? Moi non. »

Un soupçon de colère commencé à teinté sa voix rauque de naine. Ce feu intérieur qui brûler en elle et qui menaçait souvent de la submerger n'était point loin sous la surface.



« Tout ça me semble encore plus absurde après ce que j'ai vu de mes propres yeux dans la salle du trône de...Kirgan. Notre Grand-Roi était en compagnie d'une bande de malfait à qui il promit monts et merveilles. Une récompense, du moins, un accord. Un accord pour avoir occis les nôtres. Trouves-tu cela raisonnable toi Maître Dailor ? On punirait un nain pour ses croyances et on laisserait des tueurs en liberté et lesté d'or. Est-ce comme ça que le Zagazorn à évolué ? J'espère bien que non...Tout cela me dépasse, tout cela dépasse aussi mes frères qui sont ici. Pourrais tu m'expliquer toi, Gromtommi, le pourquoi de toute cette affaire ? »

Oda n'avait pas changé de ton, mais l'abus de bière après un si long moment de privation était peut être une des causes de son franc parlé si direct. Ou alors, était-elle tout simplement trop dépassé pour réfléchir correctement.