A l'Est - Braähm

Almis était à nouveau.

Des semaines et des mois venaient de s’écouler depuis le retour des Vieilles-Veines et de la délégation qui s’était rendue dans le Kirgion. Les évènements furent nombreux, divers et variés et bien honnêtement pas tous assez important pour que l’on prenne le temps de s’étendre dessus. Mais des changements profonds avaient agité le roc et la pierre dans les souterrains de la Perle du Nord ; d’anciens liens avaient volés en éclat et de nouveaux serments furent prononcés ; la grogne qui s’était accumulé pendant les divers temps d’inconstance et de mépris qui avait agité la cité, avait enfin prit fin. La tension accumulée jusqu’ici venait de s’évanouir comme la neige qui fond dans les basses plaines à l’arrivée du printemps ; elle avait ruisselé, d’abord lentement, puis de plus en plus rapidement jusqu’à former un torrent impétueux qui avait prélevé dans son passage, les quelques dîmes nécessaires au regain de son paisible lit.

Ainsi, des barbes furent jugées coupable et servirent d’exemple. Un mal, mais un mal nécéssaire, car les nains étaient ainsi fait. Ô loin des grandes mesures que l’on pouvait imaginer, on ne tira ni fer et ne fit couler ni sang, l’opprobre se suffisant à elle même pour punition. Ce fût donc ainsi que le clan Chanteroche, ses dirigeants et ses membres les plus belliqueux à lâcher du leste, furent contraint de quitter leurs foyers. Chassé des souterrains, on les confina au Khaton, l’étage traditionnellement réservé aux petites mains et rare étrangers ; on confisqua aussi leurs biens malement accumulé et leur or fut en partie redistribué ; les plus belliqueux eux furent remerciés et jamais empêcher de prendre le chemin de la grande porte pour quitter le foyer.
Cette épuration plutôt saine, se fit non sans distribution une bien belle distribution de torgnolles, mais elle se fit dans « les règles ». Et c’est règles étaient maintenant les siennes.
Sognir dirigeait, comme il l’avait toujours fait pour son clan.

Bien sûr, il était facile pour le lambda d’apprécier sa vieille carne ; son histoire, son statut, son visage ridé et sa barbe grise en faisait une statue vivante vers laquelle la jeune génération appréciait se tourner, pis encore, s’en remettre. Mais il existait aussi dans le lot des mordards qui pensaient voir clair dans sa trame et qui se méfiaient toujours de lui. Des opposants, qui bien que peu nombreux, avaient le mérite d’exister ; et c’était en partie pour eux, que le Racleur avait dut ainsi racler Inga et les siens. Le prix de la pierre plutôt que celui du fer.

Mais comme toujours dans l’histoire naine, les lames n’étaient jamais loin.

Aussi, le Narundi avait tenu sa parole. Quand le Grand-Roi manda, il ordonna. Quand le Grand-Roi requit, il accepta. Quand le Grand-Roi voulut, il accourut. Du moins, autant que faire ce pouvait, car les ressources limitées de la Perle du Nord n’était un secret pour personne. Ainsi, des Almiens doués de leurs pagnes accompagnèrent les guerriers de l’Ouest ; d’autres plus téméraires, tirèrent même la hache ou le marteau pour servir de porteur d’acier dans l’expédition qui fut lancé. On ne put ainsi pas dire que ceux de l’Est furent des absents, mais on ne chanta point non plus leurs louanges et grandes assiduité. Et cela, Sognir le savait. Mais que pouvait-il faire d’autres ? On avait passé au gros tamis nombres des bonnes âmes de cette cité - à tord ou à raison, seuls les Ancêtres le diront, mais pouvait-on alors lui reprocher de ne point s’être trop impliqué ?

Dans le Zagazorn, le mot Almien résonnait encore avec méfiance et cela, le Narundi aussi en avait conscience. A lui maintenant, d’en prouver le contraire, les défis des mois à venir se révélaient tout aussi important, si ce n’est plus, que ceux passés.

«  Il en arrive encore. »  

La voix rocailleuse de l’Ancien se répercuta dans le vide sans trouver un seul écho , la roche primaire était trop loin et trop éloigné de son perchoir discret. Niché dans un affleurement qui surplombait le Khaton, de sa position, il pouvait admirer l’ensemble des âmes s’effretant à peine quelques mètres en contre bas. Ancien boyaux secondaire servant à l’excavation d’urgence, ce souterrain datait sans aucuns doutes des fondements même de la cité ; aujourd’hui il ne menait plus vraiment jusqu’à son fond, mais on l’avait conservé, pour le geste. D’habiles maîtres tailleurs de roc l’avaient embellis aux fils des ans, lui ajoutant une balustrade en sa fin et une porte dérobé à son début. Il fallait avoir l’oeil pour en connaitre l’existence tant on avait essayé de grimer son entrée en un simple affleurement rocheux. Sognir n’en possédait qu’un, d’oeil, mais le bon. Aussi, ainsi perché comme une vieille chouette attendant la tombée de la nuit, il se permit d’observer l’espace d’un instant les coups de ciseaux et de pics qui avaient façonné la margelle : une suite runique que le temps avait malmené était toujours visible, imposée comme un tâcheron face à l’éternité pour que le nom de son auteur ne soit jamais oublié. Malheureusement pour lui, la silice et le temps avait gagné se combat et on ne lisait plus qu’un rapide « sson » ou « fils de… ». Pas bien joli comme héritage.

Car le bougre avait eut la main belle pour sûr, un profane n’aurait pensé voir qu’une succession de trou dans la roche formant une barrière naturel empêchant les emprunteurs de chuter ; mais il en allait tout autrement, les orifices étaient intentionnels, les courbures voulues et l’effet des plus naturels. Un art comme on n’en faisait plus, préférant aujourd’hui un luxe un peu plus pimpant et visible. Alors Sognir se sentait bien ici, dans ce havre vieux, ou lui comme les bas reliefs, n’étaient plus de toute première jeunesse. Le silence du lieu n’était troublé que par sa respiration rauque et celle de son compagnon de l’instant, le fidèle Dagoran. Ce dernier était aussi loquace qu’à son habitude, autrement dit, point du tout. Aussi ne fit-il aucuns commentaires, mais ses mires engoncées dans ses sombres orbites ne loupaient rien de la scène.

Plus bas, un groupe de trois nains avançaient. Ils était chaudement vêtu pour ce début de saison d’Eté ; ils portaient une mine atroce et leurs barbes dénotaient clairement un manque crucial d’entretient. Pourtant, ils portaient tous dans le regard une flamme caractéristique, celle de la braise qui regagne son foyer. Au delà des fumerolles et du charbon de leurs apparences, brillait le réconfort d’un instant trop longtemps attendu, trop longtemps repoussé. Bien vite, des nains mieux apprêtaient vinrent à la rencontre des grimés. Après quelques instants d’hésitation, accolades et bon mots s’échangèrent, rire gras s’installèrent, quelques larmes même tombèrent. Le scénario était souvent le même, quand ceux qui furent banni revenaient parmi les leurs.

Le Racleur n’avait pour l’instant, pas grand avis sur la question ; pour la plupart, ces nains n’avaient eu que la malchance d’être au mauvais moment, au mauvais endroit. Avaient-ils réellement servit le Prophète, de leurs pleins grès ? Peut être que oui, peut être que non. La question restait en suspend. Mais une chose était certaine : ces nains étaient des Almiens, des soucheux, provenant de la même gangue. Qu’importe leurs méfaits maintenant, la dîme était payée, la punition passée. Il fallait allé de l’avant et cela sans prendre en compte les affinités de chacun. Bien sûr, l’Ancien trouvait la coïncidence plus que curieuse car, ils furent peu nombreux à regagner Almis en l’an 18, s’agglutinant comme des brebis galeuses retrouvant au hasard le chemin. Mais depuis qu’au Nord, la montagne avait à nouveau parlé, des groupes arrivaient plus régulièrement. Pas assez pour que cela ne passe inaperçu, trop pour que cela soit normal. Sognir imaginait bien que la peur tenait la bride haute à cette nouvelle migration, mais qui pouvait savoir quels mensonges se cachaient une fois que lune et soleil étaient couchés.

Allant de paire, certains groupes de guerriers qui avaient trainé dans le sillage de l’expédition lancé par le Grand-Roi trouvaient eux aussi le chemin de la cité. On les distinguaient rapidement, ils étaient mieux nourris et bien mieux armées. Si bien, qu’ils éclipsaient totalement la venue des Almiens pour la masse des habitants de la cité. Sur son perchoir, seul Sognir semblait prendre amèrement conscience du danger ; une rumeur soudre et sévère mais encore invisible, comme la chute de pierre qui ouvre la faille au grisou.

Almis se fardait des airs d’une réel poudrière.

De la lumière aux ténèbres, il n’y a qu’un pas.

En réalité, plusieurs centaines, mais la figure de style était on ne peut plus véridique ; car dans la Perle du Nord, tout n’était affaire que de jeux d’ombres et d’éclats halés. Bien loin des moeurs et des croyances de chacun, la simple route qui avait mené Sognir à l’endroit ou il se trouvait actuellement, résumé parfaitement le dicton. Il avait quitté son perchoir voici quelques heures maintenant pour entamer une longue descente dans le coeur vibrant d’Almis, loin sous la roche, la ou aucunes lumières ne pouvait espérer filtrer. A vrai dire, des le Khaton franchit, cette impression d’opacité vous saisissez directement. De tout temps, les Almiens avaient apprécié les enchevêtrement de torche et las bas-reliefs miroitants des milliers de reflets ou chaque joyaux renvoyaient la lumière à son suivant. Un système simple et astucieux,  dans son âge d’or, chacun des corridors de cette ville se targuait d’être aussi riche que la plupart des royaumes des hommes. Bien sur, le lustre s’en était allé. La morgue et la morne avait terni les éclats et rendus les boyaux plus sombre, mais l’esprit des anciens tailleurs de pierreries vivait toujours en ces lieux.
Au contraire de Thanor et feu Kirgan, ici les puits de lumière par juxtaposition de miroiterie n’avaient jamais eu grand succès. Sognir avait érigé une théorie à ce sujet : c’était dans l’obscurité et les ténèbres que s’épanouissaient les flammes du courage des braises les plus méritantes. D’une certaine manière, même les architectes d’antan avaient trouvé un moyen de révérer le Père-de-Tout en adoptant un style propre.

Tout autre braise que celle d’un nain aurait ressenti un sentiment de malaise à mesure que la pente se faisait descendante et que l’on s’engouffrait dans les profondeurs du monde. Les chemins concentriques d’Almis n’avaient par leurs pareils pour retranscrire cette impression minière ; on n’avait perpétuellement l’impression de descendre une pente et sans pour autant, ce rendre en direction du sud. L’air était plus chaud, plus dense, l’humidité plus présente, l’obscurité, toujours plus opaque. Un cheminement que le Racleur appréciait, car il réveillait en lui d’antique chimère et un fort sentiment de retour à la maison, à la source de tout. Aussi, s’accommodait-il bien mieux du bas jours, lui qui avait passé une vie entière à arpenter le monde du dessous. Et son but était précisément le point le plus lointain, celui que les surfaciens craignaient :  le 7ème niveau.

Ici, les stigmates du Voile étaient toujours présents. Ici, on saignait encore quotidiennement. Ici, la bataille éternel faisait toujours rage et cela même si la rage avait diminué avec les années.

A dire vrai, on y évoluait comme dans une cité en siège, les patrouilles étaient quotidiennes, les prises de garde ininterrompues. A l’endroit culminant, dans le boyaux qui avait vu mourir l’Oeil-Tempête,  s’exerçait une vieille constante, haches brandies. C’était la précisément l’endroit ou il souhaitait se rendre, comme presque chaque ennéade depuis son retour à Almis. Ici, le Narundi veillait avec les barbes, car en plus des tensions qui pouvaient régner entre ses gens, la Perle du Nord était subissait encore une menace constante venu des profondeurs. On l’accueillit chaudement mais sobrement - ce qu’il apprécia. Il ne fit ni long discours, ni ne souhaita déranger les manieurs d’aciers en poste. Sognir se contenta de prendre ses quartiers dans un avant-poste ou se trouvait consigné les récits des dernières évènements déroulés. Il avait prit pour habitude de venir lui même se renseigner. Un tonnelet fut percé, un brule-gueule fut bourré, et le Racleur se perdit dans la lecture et la contemplation en compagnie de son compagnon d’arme et de sa fidèle Daldoka.
La veille Niflefer se logea dans un coin pour y faire la sieste, son énorme carcasse ne passant point inaperçue, elle poquait la silice et le goût du silex à plein nez.

Il ne sut dire combien de temps il resta ainsi, quand Dagoran émit un grognement, le prévenant de l’arrivé d’un groupe de nain à sa recherche. «  Ils sont trois et bien armés » lui compta le Combattants des Tunnels sur un ton aussi flegmatique qu’à son habitude.

«  Qu’ils entrent, ils ont fait long chemin pour me trouver. Qu’ils entrent. »

L’Ancien se cala dans son siège, le fumoir aux lippes.

L’Ancien laissa balancer son unique mire sur les trognes velues des arrivants.
Une analyse en règle, du haut en bas, de droite à gauche, du genre unique que seul les vieux nains maîtrisaient à la perfection. Autant dire qu’il en apprit tant pour tant, mais que cela leva avec une cascade de questionnement. Manifestement, ces nains avaient la carrure de ceux sachant creuser le roc et manger la roche ; ils se déplaçaient par petits pas, comme des automates trapus, le dos légèrement courbé sur lequel on devinait élégamment la ligne d’une bosse de galioth à l’interjection de la nuque. Comment le savait-il ? Il possédait le même artifice.
Des mineurs donc, mais pas d’ici, loin d’ici même. Dans la gestuelle, il exaltait un petit quelque chose neustrien, de mieux nourris, de moins malingre, de bien plus équipé. Dans leurs regards, on lisait des mauvaises choses, mais moins d’horreurs ou du moins, bien plus distillé. En sommes, des bons bougres qui, faisaient sans aucuns doutes, partis de ceux ayant rallié la Montagne Disparue.

Comme les bannis, ils en arrivaient régulièrement. Certains prenaient quartier un temps ici, d’autres ne se servaient de la Perle du Nord que comme un simple bivouac, un arrêt rapide qu’ils ne souhaitaient pas faire traîner en longueur. La majorités possédaient de bonnes raisons de ne pas traîner de la guibe entre les antiques murs, même si le Racleur ne comprenait vraiment pas pourquoi. Quel plus beaux et authentique lieu que celui ci ? Kirgan n’avait de nom, plus que le nom ; Thanor et Lante étaient jeunes, Almis elle, même dévastée et ayant perdus moults de ses niveaux, restait un joyaux de l’ancien temps. Toutes barbes auraient dut venir y faire pèlerinage la braise légère.

«  Baruk. » Cracha alors le Racleur dans un panache de fumé grise pour mettre fin au silence. Signant pour que la troupe prenne place ou cela était possible, il manda Dagoran pour faire office d’échanson. Le guerrier mit en perce un but de brut de malt distillé avec la rudesse d’un charretier. La liqueur blanchâtre n’était pas une bière, mais un spiritueux fort ; une boisson que l’Ancien appréciait bien plus, son palais étant devenu particulièrement difficile à égayer.

«  Je reçois rarement visiteur en cet endroit, cet endroit en lui même, est d'ailleurs fort peu adapter à la visite. Ëtes vous venus pour vous battre ? Qui êtes vous donc ? »

Grinçant comme le granit qui crisse sur son congénère, le Racleur semblait manifestement, ne pas avoir de temps à perdre. Pourtant, il avait déjà terminé la lecture de son document, et nul autre agitation ne retenait son attention ici, pis encore, il croisa les bras sur le ventre, signe qu’il était prêt à écouter une bonne histoire.

La mimique crayeuse qu’affichait Sognir en racontait long sur les sentiments qu’il nourrissait en cette instant devant ce groupe de drôles venus de l’ouest. Manifestement, aucuns d’entre eux n’avaient séjourné longtemps entre les murs concentriques  d’Almis et cela, même avant que la colère du Père-de-tout ne s’abatte sur le Zagazorn. Sinon, comment auraient-ils put oublier le goût du Weritazharr ? S’il était de notoriété publique que, parmi ceux de la montagne,  une multitude d’élixir différent circulait dans le Royaume et faisait sa renommée ; ce dernier était aussi célèbre que spécifique à la Perle du Nord. De tout temps, le climat rude de l’Almion, du Nivor et des contreforts est du Septentrion n’avait jamais épargné les cultures, aussi, les maîtres brasseurs avaient dut rivalisé d’astuce pour extraire le meilleur de ces terres difficiles. Ici, on ne produisait par les orges, froments et blés gras qui pouvaient pousser dans le Brissalion, ici la lande froide n’offrait qu’une maigre récompense : un seigle gris et tenace à l’astringence déchausseuse de dent.
Des cet or terne, on distillait une quintessence de breuvage titrant au delà du raisonnable. Littéralement traduite par «  L’ivresse de feu », cet alcool avait lentement finit par sombrer dans la décrépitude en même temps que la cité se faisait plus grasse. On l’avait relégué au rang des inférieurs, destiné à ceux sans le sous ou manquant de raffinement. Typique compagnon des mangeurs de gravier Almiens pour qui la bière avait pour mauvaise habitude de mal se conserver trop longtemps sous terre.
Depuis que Mogar avait rabattu les cartes, le Weritazharr faisait son grand retour, au plus grand bonheur du Racleur.

«  Doux sur le coude Pète-Nez ou attention au retour du bigot. » Annonça, morne, Dagoran tandis qu’il avalait une lampée sèche du breuvage au goût de flamme. «  C’est pas de la rincette fréquente d’ou tu viens. » Le descendant de Vigir ne plaisantait pas, ne se moquait pas, annonçait juste un fait. Il s’exécuta néanmoins d’un geste simple en claquant sa pogne sur le tonnelet plein qui jouxtait le percé : le message était clair, Jnordil ne repartirait pas les mains vides.

Cette intervention peu habituel eut le loisir de laisser Sognir réfléchir sur les paroles qui suivirent. Ces barbes n’avaient pas parcourus le Grand Nord à la recherche de la Disparue. Ils étaient venus ici avec une intention bien faite, chose plutôt rare. Aussi, le Narundi posa un regard bien différent sur ces curieux qui l’avaient déniché dans son trou. Prenant le temps de la réflexion et de la digestion, il en fit craquer son brûle-gueule de rage, transformant la petite pièce en une étuve enfumée aux fragrances de pins et d’épices incongrues.

«  Les Main-Ferme. » finit-il par éructer dans un grincement gras comme s’il s’apprêtait s’étendre en palabres. Mais il n’en fut rien, Sognir pensait en réalité à haute voix, cherchant dans sa mémoire les différents faits qu’il pouvait relié à ce clan qui ne lui était pas inconnu. La Lignée de Gumbur, Bromür au Grand Marteau, Le Vieux Dailor, La Haute-Virnée, Thanor, et bien sur, le Mogarium. Un fait bien plus récent et sujet à d’autres convoitises.

« Tu as effectivement fait long voyage Jnordil. Je ne t’insulterai pas en te demandant si tu as autorité pour représenter les tiens, mais ne fait pas de même, ne soit pas goguenard, personne ne devrait passer plus souvent en ce lieu. Ici les murs sont encore taché du sang des morts, ici le feu de la colère ne s’est jamais éteint. Nous profitons d’une accalmie, nous nous grimons en nous servant des choppes de gnôle, mais n’oubli pas qu’il ne s’agit que d’une illusion. » Pour couronner sa phrase, une légère secousse, presque imperceptible, fit vibrer le boyau et l’avant poste souterrain. A peine de quoi greloter du talon, mais la vieille Daldoka en releva du chef, se dévoilant aux arrivants.

«  Pourtant, j’entend tes paroles et pense bien, que j’apprécie cette proposition. Almis à besoin de toutes les aides existantes. L’offre des Main-Ferme est généreuse, mais comment pourrait-il en être autrement pour ceux ayant déniché une veine du sang divin ? » Un sourire édenté lui défigura la tronche et bien que ses paroles se fassent aussi tranchantes que les grès cristallisés qui lacéraient les pognes, elles n’avaient rien de moqueuse. Le Racleur, raclait.

«  L’Ungordrinin ne sera achevée que dans plusieurs années, or, mon peuple à besoin d’aide maintenant. As tu les latitudes nécéssaire pour m’affirmer que votre aide sera acheminée avant la fin de sa construction ? Ou es-tu venu ici pour me promettre silice et poussière ? »

Froid comme la roche, dur comme le roc, immobile comme la montagne elle même, Dagoran ne partagea ni la liesse ni la risette. Le massif manieur de manche restait comme à son habitude : droit comme un stalactite, aussi grincheux que pouvait l’être la grincherie elle même, c’est donc beaucoup dire. Mais discuter trop longtemps du non attrait fort peu habituel que possédait le guerrier pour les sujet de festoiries ne changerait pas sa condition ; bien trop blasé par la vie, il resterait sûrement ainsi jusqu’au jour de sa dernière étincelle.

Sognir lui, menait presque même barque, mais le Racleur n’avait pas totalement desserré les choses du communs. Pour lui, les vivants avaient encore un sens, mais si dans un sens, il se sentait plus proche des morts. Un joufflu entre deux chaises et deux existences qui, lui donnait la fâcheuse habitude d’être souvent de mauvais poil. Et autant dire que l’Ancien, comme tout bon gens de sa condition, en avait quelques uns, des poils. Les escouades bien ouverte, le Narundi émit un long grognement une fois que Jnordil avait terminé sa tirade ; si on aurait facilement put le prendre pour un plantigrade en maraude dans un boyaux du sous monde qui venait de terminer sa sieste, l’Ancien n’en était pas moins très alerte. Manifestement, il planchait de la caboche sur la proposition du clan Main-Ferme. L’offre était alléchante : elle ne demandait pour l’instant, aucune contrepartie. Autant dire que le risque était donc faible, sans parler des richesses que possédaient le dit clan et qui, par ruissellement, pourrait profiter indirectement à la Perle du Nord.

Après une bouffée qui avait sans douter, consumer l’air de tout ses poumons, Sognir crachota comme un dragon la même et habituel fumée lourde.

«  Bien. » Finit-il par lâcher, lapidairement. «  Nous partageons au moins et sans conteste un point commun Jnordil des Main-Ferme, celui de souhaiter le mieux à cette cité. Il va sans dire que le cadeau que nous fait Breet Bräahmsdottir sera accepté. Néanmoins, je ne signerais aucuns monopoles à ton clan tant que les menus détails concernant la nature de l’approvisionnement ne soient réglé, aussi, il me faudra… »

Un terrible craquement fit trembler la casemate souterraine.

Sognir s’interrompit. Daldoka émit un grincement gras et s’agita, ce qui était mauvais signe quand l’on connaissait la bête. Elle grattait le sol et renâclait, tapant de son arrière train sur le sol pavé, lâchant de fort «  bam » sourd et sonore. Dagoran quitta la pièce avec une agilité qu’on ne soupçonnait pas chez un nain de sa stature, il revint quelques minutes plus tard, alors que le silence c’était abattu. Il portait à la main sa pique de guerre, une pioche qui n’avait plus rien de l’outil. Il avait le regard sévère, mais plus rien ne transpirait le stoïcisme chez lui maintenant.

« Il en arrive un autre Sognir. Tu devrais prendre le chemin de la sur… »
«  Baste Dagoran. Trop de marches. J’irais avec vous. »

Un autre terrible craquement se fit entendre. Le boyaux semblait prendre vie, vibrer. On entendit bientôt des cris et une forte odeur, indescriptible. Sognir se tourna en direction du trio Main-Ferme.

«  Voici votre assurance Main-Ferme. Le moment de tirer la pique ensemble. Que dites-vous ? »

La question restait en suspend alors que les cris s’intensifiaient au dehors, le regard unique du Racleur recommençait à juger ses hôtes.

Et c’est sur ces mots, que les nains partirent à la ferraille.

Sognir ne partageait pas l’enthousiasme du Main-Ferme, peut être était-ce lié aux nombreux écrits qu’il avait dut ingérer pour obtenir son titre de Zagazkroni ; dans nombres d’entre eux, une ligne, un paragraphe, parfois un chapitre entier était dédié au Vulduman. On pouvait lire les descriptions lapidaires typiques des gratte-papiers qui, tout en essayant de gagner de la place, tentait d’apposer un prose parfaite sur les dangers représentaient par cet insecte cavernicole belliqueux. Ainsi il se souvenait d’un passage ou, un groupe de piqueurs avaient eu la malchance de prendre quartier et de s’assoupir pile sous ce que l’Ancien décrivait comme une « poche ». En réalité, rien d’autre qu’un nid dans la roche que ces fieffés aux nombreuses pattes creusaient avec leurs mandibules et leurs gaz liquéfiant. Les malheureuses barbes furent retrouvés quelques semaines après, du moins on ne retrouva que leurs traces : leur dernier bivouac ressemblait à une fosse, comme si la terre elle même c’était ouverte pour les avaler dans un déchainement de crocs et d’entrailles.
Des Vuldumans, on n’avait retrouvé qu’une myriade de griffures et d’excréments.

C’est donc ainsi que le Racleur se rendit à l’entrée du 7ème souterrain. Il n’existait pas beaucoup de lieu aussi dangereux dans tout le Zagazorn ; moult surfaciens n’en avaient pas encore prit conscience, dans ce lieu sombre, humide et emplit de ténèbres que toutes lumières avaient déserté.
En observant le trou béant qui se finissait par des éboulis rocailleux, on aurait put penser à un simple boyaux de mine et pourtant, quelque chose de lourd dans l’air trahissait l’endroit. On pouvait y sentir la mort.

Dagoran se tenait alerte, sa pique de guerre bien en main. Six gardes armées, de réel combattant, avaient eux aussi la hache au clair. Le trio Main-Ferme sûr sur les appuis semblaient prêt à en découdre et enfin, Sognir légèrement en retrait, manipulant dans sa pogne ses curieux instrument.
L’espace d’un moment, tous patientaient dans un silence pesant ; dans l’air on distinguait sans mal l’odeur caractéristique des souffres du terrible centipède. Quelques fumerolles s’échappaient de trous invisibles dans la roche, trahissant sa présence. Puis, le bruit revint. D’abord un grattement, puis un cisaillement et un crissement. L’insecte était la, maraudant dans un contre-tunnel connu de lui seul. Les nains l’attendaient mais impossible de prédire ou et quand viendrait l’attaque. Une petite chute de pierre sur la gauche retint l’attention de tous, et ce fut sur la droite que le Vulduman frappa.

Dans un éclat de pierre et de silice, il fracassa la roche, rageur et seulement éclairé par les lueurs de ses antennes. Les nains hurlaient à l’unisson, se projettent au hasard, espérant dévier la cible initiale. Tous réussir, sauf le dénommé Lugnar, un combattant originaire de Thanor. Le nain fut proprement fendu en deux au niveau de la ceinture par le choc. La bête ne le lâcha qu’une fois replié en face du groupe qui l’attendait. Le sang gicla, tachant la pierre, les visages et les barbes. D’instinct, les nains se ruaient en avant, adoptant la forme d’un fer de lance, chacun protégeant le flanc de son frère d’armes. Il n’existait pas de tactique précise contre se type d’adversaire outre celle qui consistait à s’élancer en avant avant de se replier pour éviter les coups.

Dagoran abattis sa pique en premier et rata sous un entrelacs du corps chitineux. Jnordil fut le second et perça une première fois arrachant un cri inhumain à l’insecte.Ian et Grok frappaient en suite de concert, le premier rencontra le vide et le second arracha une première patte. Quant aux gardes des tunnels : deux servaient de bouclier aux guerriers, trois autres avaient choisis de défendre le Racleur. Sognir lui, se concentrait afin d’invoquer l’éther. Une suite runique prenait du temps, sans parler de son inscription, un domaine que heureusement le Narundi maitrisait.

La bête réagit alors comme on l’attendait de sa part, elle lâcha un nuage de gaz odorant ; une manière de se défendre pour mieux attaquer qui en plus de créer la confusion, avait le loisir de vous tuer si vous en respiriez trop. Alors que le premier rang allait être atteint, un mur de boue s’éleva devant les nains, aqueux et collant. L’édifice se mua fit rempart aux gaz en l’emprisonnant dans sa gangue avant de venir s’écraser sur le Vulduman qui se trouvait au bout du tunnel. L’insecte grogna, salit et courroucé. Les guerriers profitèrent de cette aide pour s’élancer à nouveau. Les combattants en armure chutèrent dans la boue, emporter par leurs équipements. Les frères Joufflu-Piquant atteignirent l’adversaire en premier mais furent repoussé par un coup corps rugueux qui les envoya voler dans la mine. Jnordil lui, fit tomber son pic et cloua le Vulduman qui chercha d’instinct à le mordre. Dagoran dévia alors l’énorme gueule en partant de sa pioche de guerre. Le choc le propulsa au sol, dans la fange. L’insecte en profita pour enrouler son corps autour du Pète-Nez et l’enserrer dans ses milliers de pattes. La pic toujours en main, le Main-Ferme réussi à reprendre son arme mais point à se débarrasser de l’étreinte. Des pattes lui lacéraient les chaires à moult endroit, faisant couler le sang. Le centipède ouvrit alors la gueule prêt à engloutir le nain, quant un projectile de la taille d’une bombe, vint lui frapper la trogne avec violence.
L’étreinte prit fin et Jnordil retrouva le sol. A sa merci, il en profita pour enfoncer une dernière fois sa pique dans le crâne de la bête. La vie le quitta lentement tandis qu’il se débattait contre l’évidence. Les nains se repliaient alors hors de la portée de tout coups mortels.

On pensait déjà les plaies, superficiel pour la plus pars : Dagoran avait perdu une dent, Ian et Grok avaient sans douter chacuns quelques côtes fêlées et respiraient difficilement, Jnordil saignait de multiples coupures sur presque tout le corps, quant à Sognir, il semblait épuisé mais toujours vaillant.
Cocassement, ce fût l’instant que choisit un messager, hors d’haleine, pour atterrir derrière eux. Il suait à grosse goutte, tandis que surprise et incompréhension se peignait sur sa trogne. Tendant le vélin au Narundi, le Racleur lui lança une oeillade sombre avant de commencer la lecture.

Ce qui aurait dut être une formalité ne le fut pas. Sognir malgré les blessures et le mort, relit une fois, puis deux, puis trois fois le parchemin. Puis il le plia et le rangea dans une poche de ses mises. Crachotant, il se servit du nain qui le secondait comme d’une canne avant de toiser le trio de mineur venu de la Haute-Virnée.

«  Il semblerait que votre clan, n’est pas finit de faire parler de lui, mais nous aurons tous le temps qu'il nous faut pour en jaqueter. Nous enterrons notre mort, puis tous nous partirons à l’Ouest. Braähm des Main-Ferme vient de convoquer l’Althinkalan. »