[RP de faction] Avant que l'hiver n'arrive

RP de faction

Information contextuelle : après les évènements de Langehack, les Nains ont besoin de se retrouver. Si, pour certains, la paix n’aurait jamais dû avoir lieu, pour d’autre elle est plus que bénéfique. Tous, toutefois, s’accordent devant la nécessité de se retrouver tous ensemble, et de rendre hommage aux deux Dawis qui furent tués loin de chez eux.

Vous avez reçu l’édit royal annonçant le banquet durant la 9ème ennéade du mois de Favriüs, vous avez donc eu un peu plus de deux ennéades pour vous organiser.

1er jour de la 3ème ennéade de Bàrkios, second mois de l’Automne – An XIX : XI.
Dans la salle du trône de Kirgan.

Le jour était arrivé. Était-ce une bonne idée ? Harald pensait sincèrement que oui. Jamais, ô grand jamais, les Nains avaient manqué une occasion de célébrer la vie, de rendre hommage aux morts, de se réunir entre eux afin de vivre les coutumes et de profiter de ce qu’offrirent les divinités aux temps jadis. La paix avait été maintenue.

Certes, cette paix possédait une saveur désagréable. Pour qu’elle puisse se faire, Harald avait dû autoriser la venue des Umgis jusqu’au cœur de Kirgan, pour recevoir Louise, Ongrumthrong du clan Barbe-de-Fer et émissaire des Umgis aux côtés de cet Athanase de Cley, Grand Chancelier de la Péninsule. Cette survie ne tenait qu’à deux choses : la qualité de Louise, qui se devait d’être respectée, et la volonté de Harald d’éviter une guerre trop coûteuse, car cette guerre l’aurait été, coûteuse, sans aucun doute.

Harald désirait une autre guerre. Enfin, moins qu’une guerre, il s’agissait plutôt d’une reconquête des Nains sur leur environnement. L’environnement qui avait été changé, rendu plus mortifère encore que d’ordinaire, sous les impulsions violentes et ravageuses de Mogar, le Père-de-Tout. Grobis, Kobolds, Engeances de Brisséa, et autres calamités sauvageonnes et Berserkers, rendaient la vie difficile à celles et ceux d’Almis, et empêchait les Nains de reprendre possession des mines qui faisaient leur fortune par le passé. Cela changerait bientôt, assurément.

En attendant, Harald avait besoin de se rapprocher de son peuple. Il savait la paix solide, mais que certains, y compris ici à Kirgan, n’y étaient pas favorables et n’en n’étaient point satisfaits. Braähm Main-Ferme, Nain passé au titre de légende dorénavant, était de ceux-là… Et les bruits les plus sombres couraient sur lui… Préparait-il une révolte ? Une sédition ? Harald ne voulait pas y penser pour l’instant…

Aujourd’hui, le jour était dédié aux festivités. Des prêtres furent invités, notamment d’Heidum et de Girdon, afin de bénir ce banquet, les participants, et les jeux qui se tiendront en ce jour. Les mânes de deux Nains tués dans la lointaine région de Langehack seraient honorés aujourd’hui, leurs clans, respectés, et soutenus par toute une nation unifiée.

Harald avait hâte de voir son peuple boire, manger, rire, sourire, et profiter de cette vie. Tel le père protégeant sa famille, le thane manœuvrant son clan… Il ne désirait que le bien pour son peuple, et le royaume cycléen des Nains.

Plan de la salle du trône et illustrations (crédit :  Brynhild)

« Neh ! Neh ! » Clama un Nain. « Par les poils de la barbe de Girdon ! Une miche de pain par convive ! Combien de fois va-t-il falloir que je me répète ! Secouez-vous dont les miches ! »

Ce Nain, qui s’activait encore et encore, portait une tunique blanche au cul couleur ocre, et aux manches et poitrail recouverts de runes liturgiques brodées dans du fil doré. Aucune magie ne saurait s’en dégager, mais, pour le commun des Nains, tout ceci avait une importance quasi similaire. Ces runes sont des hommages. Des prières, des recueils, des liturgies connues depuis la nuit des temps, et qui façonnent le culte de Girdon depuis que celui-ci bénéficia de son tout premier prêtre. Ses longs cheveux roux, véritable crinière tombaiejt en arrière en une longue tresse composée de quatre nattes, étaient parfaitement assortis à sa longue barbe couleur de feu aux reflets poivre et sel se dessinant et augmentant d’année en année.

Ses attributs ne laissaient aucun doute : il était l’un des prêtres du sixième fils de la Première forge, Girdon le Ripailleur. Convié lui aussi a ce magnifique banquet en devenir, le prêtre n’en finissait plus de faire des allers et retours entre les tablées et les cuisines. Il arrivait un peu plus de convives chaque jour, de minute en minute. Les uns après les autres, ils déposaient leurs capes, leurs fourrures et leurs haches, et s’installaient selon leur bon vouloir. De toutes les tablées, seule la tablée royale était attitrée.

Entrant à nouveau dans les grandes, larges et longues cuisines royales, le prêtre huma toutes les préparations. Dans de grandes cheminées alimentées, aux conduits sortant dans les sommets des monts du Kirgion, trônaient des sangliers entiers, des cerfs, des biches, des poulets et des faisans. Rôtis, cuits, en marmites et en bouillons, on les trouvait à toutes les sauces et à toutes les préparations, et le prêtre, tel une vigie sans sommeil ni repos, veillait au grain avec une bienveillance toute naturelle.

Il n’oubliait évidemment pas la charcuterie. Les artisans préparaient leurs meilleurs saucissons, débitaient leurs meilleures tranches de viande crue qu’ils préparaient avec des sauces fortes mais ô combien savoureuses.

Aux côtés de ceux-ci, se trouvaient les poissons. Ecaillés, vidés de leurs œufs quand ils en portaient, certains étaient grillés, tandis que d’autres étaient servis crus. Provenant des fleuves du Zagazorn, et des côtes bordant les mers et les océans, ils reflétaient la bonne santé des cours d’eaux qui serpentent ici, loin au Nord.

Et enfin, les boissons. Bières sombres et claires, brunes et blondes, rouges et noires, fortes et légères ; vins doux et forts, épicés ou maturés ; liqueurs tourbées, ambrées ; tout était d’excellente facture. Lünn lui-même en avait fait ramener de ses propres caves.

Il revint à la salle du trône, et fut fort surpris de trouver un Glumtol radieux et tout sourire, réprimander dans un rire gras, une pauvre ouaille qui ne possédait même pas encore de véritable toison faciale. Le pauvre ne demanda pas son reste, et courut jusqu’en cuisine récupérer une chope. Lünn, qui connaissait extrêmement bien la Voix de Thanor, puisqu’elle était un fervent fidèle de Girdon, connaissait ce caractère faussement belliqueux : le Nain était un railleur et un joueur, mais sa sincérité faisait toujours mouche. Marchant vers lui, Lünn ouvrit ses bras. « Glumtol ! Mon ami ! Puisse le Ripailleur poser des yeux gourmands sur toi aujourd’hui ! Car aujourd’hui, nous ripaillerons en son honneur ! »

L’accolade qu’il lui offrit fut des plus viriles et sincères. La voix de Thanor avait beau être très ronde, très proéminente, sa force n’était plus à démontrer, et il manqua de détacher les deux poumons du prêtre, qui parvint à retenir une quinte de toux. Se détournant de lui, il laissa la jeune ouaille servir sa bière au représentant de Thanor, avant de lui montrer la tablée royale. «  Tu sièges ici mon ami. La place centrale et celle à sa droite sont occupées, mais tu trouveras ton bonheur, j’en suis sûr ! »

La Voix de Thanor avait quelque chose de changée. Des rumeurs disaient qu’il était affairé à plusieurs dossiers, certains d’intérêts publics, d’autres d’intérêts privés, et que, depuis l’expédition lancée dans le Septentrion, il était au four et au moulin. D’aucun disait aussi – de sources bien plus sûres cette fois – que l’expédition était un succès, et que celui-ci ne serait que grandissant au fur et à mesure des mois, et avec le prochain été.

On racontait en effet que la cohorte avait affronté d’innombrables dangers. Qu’une fois arrivée au cœur d’un cratère d’un ancien volcan apparemment endormi, les nains qui composaient la fameuse cohorte expéditionnaire se mirent à creuser, et qu’ils trouvèrent d’importants filons de minerais et de métaux de qualité. La roche magmatique solidifiée est difficile à creuser, mais l’effort valait apparemment la chandelle. Les plus optimistes prédisaient des arrivages précieux et en quantité en provenance de cette mine, dès l’arrivée du prochain été.

Aussi, la Voix de Thanor semblait à la fois aussi joviale que d’ordinaire, et profondément sérieux ; toujours aussi fervent adepte et nouvellement pensif. Que préparait-il ? Lünn se posa rapidement la question, mais celles posées par le Maître des Banquets furent bien plus importantes dans l’esprit du prêtre.

« J’ai beaucoup œuvré dernièrement durant les offices et n’en ai que peu profité à mon tour… Mais je compte sur ce festin pour élargir mon tour de taille ! » Répondit-il, dans un rire exclamé se voulant gras, et une accolade pour l’ami à l’œil avisé. « Les deux se portent bien ! Bien qu’à Kirgan, certains demeurent encore sceptiques quant à l’absence de guerre avec les Mal-faits… » La politique était trop complexe pour le prêtre jovial, aussi s’y tenait-il le plus éloigné possible. Mais puisque la Voix demandait, la Voix saurait, maintenant. « Des rumeurs racontent qu’un thane accueille d’autres thanes dans les tavernes, pour promouvoir la guerre et la vengeance. Mais les rumeurs peuvent bien dire ce qu’elles veulent, tu me connais mon ami : je n’œuvre et ne vis que pour honorer le Sixième Fils et nourrir toutes ses ouailles affamées. J’ai moi-même surveillé l’élaboration des plats de ce jour ! » Avoua-t-il, fier comme un coq. Recevant ses cadeaux, ses joues se firent rosées et ses mires pétillantes de curiosité et de gourmandise. « Par les flatulences d’un millier de fêtards, merci mon ami ! J’ai hâtes de goûter à tout cela ! Mais j’ai malheureux encore beaucoup à faire mon ami, je dois retourner aux cuisines. Assieds-toi ! Je t’apporte de quoi patienter. »

Ce sera bientôt l'heure...

Je fais les cent pas dans le couloir. Quoi que je dois bien en être à mille. Je me récite encore et encore mon histoire, me remémorant le texte mais aussi mes intonations, ma mise en scène, les effets sonores... De temps à autres, je vais jeter un œil sur la salle. Elle est encore vide de tout convive mais j'essaie de m'imaginer où me placer, comment bouger, où aller pour qu'à chaque moment on me voit, on m'entende, on me suive... L'un des groupes de musique de la soirée m'a offert de m'accompagner pour donner plus de corps à mon récit. Ils joueront des morceaux différents à chaque étape de l'histoire. Nous les avons sélectionnés ensemble afin qu'ils collent au mieux à l'ambiance que je veux donner à la scène que je raconte. Et puis, parfois, il n'y aura rien, à par de petits effets pour ponctuer un instant en particulier. Ils joueront doucement tandis que je parlerai à forte voix. L'attention doit se focaliser sur moi, leur tour viendra juste après pour faire un entracte entre deux numéros. C'est aussi l'occasion pour eux de montrer ce qu'ils savent faire, même si ce n'est que pour faire le fond sonore. Et je ne manquerai pas de les remercier à la fin de mon numéro.

Un nouveau coup d’œil. Je reconnais vite la silhouette assise à la grande table. Mes lèvres s'étirent d'une oreille à l'autre. J'irais bien le voir mais je veux garder la surprise. Papa ne m'a certainement jamais vu aussi élégante. Je ne porte jamais de robe d'habitude et encore moins de cette qualité. Pourtant, je meurs d'envie d'y aller, je ne l'ai pas vu depuis plusieurs jours tellement ce spectacle m'accapare. Pour une fois que c'est moi qui suis occupée ! C'est amusant. J'en ris doucement, pour moi-même.
Néanmoins, l'excitation est entachée par le trac. C'est la première fois que j'aurais un public aussi important et aussi varié. On est bien loin des petites auberges de Thanor dans lesquelles je me suis produite à quelques occasions. Ce ne sont pas de simples travailleurs encore en quête de reconnaissance qui vont être là, il y a du beau peuple ! Dois-je encore compter sur l'attention du Roi ? J'ai encore tellement honte de mon comportement d'hier que j'ai bien peur qu'il préfère discuter avec son voisin plutôt que de m'écouter.

Rah, il faut que j'arrête de penser à ça et que je me concentre ! S'il ne m'écoute pas, je dois m'attacher à conserver le regard des autres sur moi. Je ne sais pas encore comment, mais je trouverai !

Les derniers temps avaient été fou, personne ne savaient réellement comment se positionner et de nombreux projets avaient été mis entre parenthèse. La naine vivaient dans le stress depuis des mois, entrainant ses troupes dans l'attente du pire. Fort heureusement, la guerre était évité et pour récompenser ses barbes d'avoir maintenu la tension tout du long, elle leur avait octroyer deux ennéades de congé durant lesquels ils pourraient profiter de leur famille et de leur temps libre à leur guise.
N'avait-elle point eut une bonne idée en susurrant à l'oreille du roi d'organiser une grande célébration? Tout les dawis qu'elle avait croiser ses derniers jours se réjouissaient par avance des festivités à venir.
Des centaines de barils de bière avaient rejoint la capitale, sans compter les masses de viandes sécher par avances, et les feux qui rôtissaient les gibiers. Du vin avait été apporter du sud, et toute les spécialités naines avaient été préparer, mettant à la pâte tous les cuisiniers de la ville.

Pour une fois, Bryn prenait sa journée. Elle avait trainé au lit, s'était promener dans la ville à la recherche de petits cadeaux pour ses neveux et sa nièce et surtout, le clou de sa journée, prit un bain suivit d'un massage. Il était exaltant de sentir ses muscles se dénouer et se relâcher sous les mains experte de la bavette qui s'occupait de son bien être.
La thane se sentait bien enveloppé dans le cocon de chaleur, de vapeur et retourna se mettre dans un bain bien chaud afin de se détendre. Si bien qu'elle s'était endormit dedans, elle était désormais en retard. Non, pardon, elle n'était pas en retard. La première naine du Zagazorn était précisément à l'heure, les dawis étaient en avance à la sauterie.

La naine s'apparat pour la soirée d'une tunique d'un bleu roi, brodé de fil d'or, un ruban au même couleur dans sa tresse basse qui tombait sur son épaule. Elle s'était parfumée d'une senteur de fleur légère. Une fragrance qui plaisait à son lié, après tout, c'était un jour de fête pour les nains.

La Thane rejoignit la grande salle afin d'y retrouver le roi du Zagazorn. Elle chercha du regard son lié parmi la foule qui commençait à arriver.

- Vous voilà mon roi, je vous cherchais de partout!

Ah, l’insatiable Voix de Thanor… Plus fervent fidèle de Girdon qu’aucun autre membre du clergé du Ripailleur, à l’appétit d’ogre, aux mensurations dignes d’un monstre glouton… Et au caractère ô combien affirmé. En même temps, pour être la voix d’une des plus importantes cités de tout le royaume, il en faut, du caractère.

Comme promis, le prêtre retourna aux cuisines, et ramena à Glumtol de quoi patienter : une grande et large pinte de bière, et de la charcuterie. Déposant le tout sur la tablée, ses mires noisette se posèrent instinctivement sur une petite porte qui s’ouvre et se ferme, et derrière laquelle semble s’agiter une Braise inquiète. Sans trop savoir pourquoi ni comment, le prêtre s’avance… S’avance encore… Et arrive jusqu’à la fameuse porte derrière laquelle il retrouve une jeune bavette anxieuse. Anxieuse, secouée, faisant les cents pas comme un Leominis en cage.

« Par les entrailles du Ripailleur ! Mon enfant, pourquoi sembles-tu aussi prompt à t’effondrer comme une antique montagne dévorée par les Holwern ! » Demanda-t-il, l’élan paternel, s’approchant tout en refermant la porte doucement derrière lui, comme pour éviter d’attirer la curiosité. « Que ce passe-t-il mon enfant ? »

C'est pas vrai, Thordril est là lui aussi !!! Je l'ai aperçu, il y a si peu de monde encore qu'il m'aurait été difficile de le manquer. Maintenant, en plus de gérer le regard du Roi, il va falloir que j'évite celui de cette salle qui me déteste le plus au monde. Comment je suis censé faire ça en étant plantée en plein milieu de la pièce et en attirant les regards en parlant fort pour surpasser les discussions intermittentes et la musique de fond ?!! Par les Dieux, qu'ai-je fait pour mériter que ma première grande démonstration publique m'apporte plus qu'un simple trac ?!

Mais alors que je fais encore un énième aller-retour, je sursaute en entendant une voix derrière moi. Je me retourne et reconnais sans mal un ami -sinon une bonne relation- de mon père. Je lui souris, un peu contente de le voir, un peu soulagée que ce ne soit que lui mais toujours tourmentée par toutes mes pensées. Je m'incline par respect autant pour son statut de prêtre que pour son âge, même si je reste assez familière car je le connais depuis longtemps.

-Lün... Je... présente un spectacle tout à l'heure. Une de mes histoires personnelles sur un fond musical !

J'essaie de me montrer enjouée mais je me mens à moi-même en fait... Et je n'ai pas le cœur à mentir à quelqu'un en qui j'ai confiance et le seul peut-être à pouvoir m'apporter sa sagesse à cette heure-ci.

-Et je m'apprête à le faire devant... des dizaines de dawis venus de tout le pays, tous plus valeureux les uns que les autres... mon père, qui croit tellement en moi et que j'ai peur de décevoir... le roi, que j'ai croisé hier et devant qui je me suis... totalement ridiculisée... et quelqu'un qui me déteste et me voit comme un monstre.

Je souris toujours mais c'est forcé. Je suis à deux doigts de pleurer d'avoir sorti tout ça à haute voix. Ça rend les choses tellement plus réelles... J'ai l'impression d'être devant une montagne à pic que je dois monter sans grappin ni piolet et je suis presque prête à abandonner. Je sais, ce n'est pas digne d'un nain mais j'étais censée me distinguer devant tout le monde aujourd'hui et c'est tellement mal engagé que je me demande s'il ne serait pas plus sage de me retirer pour mieux revenir, plus tard.

-Tout va très bien.

A-t-on déjà vu pire menteuse que moi en cet instant ? J'en doute. Mais mon attitude n'est pas celle que je devrais adopter et je montre toutes mes faiblesses à quelqu'un qui partage plus d'atomes crochus avec mon père qu'avec moi. Mais ce doit être son attitude paternelle, l'oreille qu'il s'est proposé de me tendre et son lien avec Kirgon qui m'ont poussée à lui parler si ouvertement.

Harald n’était pas encore dans la salle, mais il entendait déjà les échos du début des festivités. Il entendait déjà certains éclats de rires, certains murmures de discussions feutrées, certains claquements des pognes frappant les dos, les épaules, les plastrons. D’ici, de là où il était, les festivités semblaient débuter sous les meilleurs hospices. Et intérieurement, le Barbe-Sanglante était heureux face à cette idée.

Dans la partie réservée au souverain élu, Harald s’apprêtait. Oh, il ne se parait d’aucune fioriture d’aucune sorte, non. Bien qu’aujourd’hui et les prochains jours soient des moments de fêtes, les tensions demeuraient toujours vives et perceptibles. Il savait que certains parmi les plus fervents militaires, ne lui pardonnaient pas – et ne lui pardonneraient peut être jamais – son manque de fermeté et de dureté à l’égard des Umgis. Les militaires, même les plus gradés, désiraient enfoncer leurs haches dans les crânes de ces misérables Umgis aux pathétiques existences. Et pourtant, nombreux aussi étaient ceux qui louaient cette magnanimité. Certes, les différentes visions de l’honneur s’affrontaient selon les affinités, mais beaucoup parmi les artisans et les marchands, les bateliers et les caravaniers, les commerçants et les revendeurs, étaient heureux de cette absence de guerre. Car ils pouvaient toujours faire affaires, car l’économie n’était point tournée toute entière vers la guerre et la production de masse. Demandez à un artisan de travailler contre un pécule conséquent, et il se sentira bien dans son travail. Demandez lui de n’œuvrer que pour une fraction de ses revenus habituels, pour l’effort de guerre, pour la sauvegarde du peuple, pour que les combats soient toujours plus prégnants, il sera honoré de se battre à sa manière. Mais laissez le faire tout cela trop longtemps, et il n’y trouvera plus suffisamment d’honneur pour compenser ses pertes, d’une certaine manière.

Arrivant dans la salle du trône, Harald, vêtu d’une petite tunique de fourrure et de cuir, arborait la couronne des Rois, la couronne en Mogarium. Lorsqu’il entra, beaucoup le saluèrent, lui offrirent de puissants « Baruk », frappèrent leurs plastrons, lui donnèrent l’accolade. Mais ce qui semblait si paisible de loin, devint soudainement très lourd… Tous n’étaient pas heureux d’être là.

Etait-ce une bonne idée, finalement…

-… Mais tu vas te détendre toi !?

Grühm, vêtu d’un grand manteau soigneusement travaillé avec quelques dorures, avait une impatience palpable d’aller rejoindre ses confrères dans cette salle où émanait de vieux chants festifs.

Dardusorg accompagnait son thane à cet événement, sous une certaine pression de la part de son ami cela dit…
Le clan avait réussi a retomber sur ses pattes depuis la Malnuit, mais concevoir élixirs ET raffiner une multitudes d’agents alchimiques prends énormément de temps… Ce qui a fini par isoler la plupart des dawis, dont Dardusorg.

- La dernière fois que je suis allé rejoindre un évènement de ce genre, était au Groin du Roi en face de la loge, et tu te souviens bien de comment ça s’est fini d’ailleurs….

- Oui ! Avec toi qui tombe dans la rivière, et moi qui deviens thane !

- … en ma défense, Tholin m’avait bousculé….

Après un fou rire partagé, les deux barbes se ressaisirent, et se dirigèrent vers la grande porte.
Les odeurs de mets et bières avec les chants de plusieurs nains fort joyeux redonna un peu de courage aux deux Crin D’Acier, courage dont l’alchimiste avait besoin…

-Écoutes, depuis notre arrivé dans l’Enclave, on ne se monte plus. Hormis les missives que je te donnes, tu ne sors pas de l’atelier. Tu as beau avoir presque finis tes recherches, et que nos terres ancestrales vont bientôt être reprises, grâces à toi d’ailleurs.  Mais reposes toi un peu, tu travail tellement ces dernières années que tu en oublis même de manger ! Ce soir, fais plaisir au vieux marchand que je suis, et parles, manges, bois et profites de ces célébrations. Tu l’as largement mérité. Et pas un mot sur ton besoin de volontaires ! Les essais de ton philtre attendrons bien jusqu’à demain. Allons, ils vont finir par nous attendre.

Le duo entra enfin dans la grande salle, et ralenti jusqu’à s’arrêter devant la scène qui se présenta à ses yeux :

de vastes tables couvert de vivres aussi variés que succulent, des lustres rayonnant, des piliers richement gravés, des tresses et barbes de tout âges portant des tenues magnifiques et sublimes...

L’alchimiste regarda ce qu’il portait, voir s’il n’avait pas taché cette tenue malgré l’avoir rangé bien, bien loin de l’atelier :

Ses bottes étaient parfaitement cirée, faisant ressortir les nuances du cuir ; sa tenue mêlait le bleu et le vert, son veston en peau de bélier gonflait son buste et faisant luire fièrement son pendentif en pierre de lune.

Non, il était propre, cheveux et barbes coiffés, monocle nettoyé et sa tenue ne faisait pas non plus tâche dans cette foule. Tout allait bien, sauf peut être le fait que le savant ne reconnaissait absolument personne dans son entourage immédiat, et par malice des dieux : son thane avait déjà rejoint des personnes et n’était plus dans les parages.

Les mires du prêtre de Girdon posèrent un regard d’une douceur incroyable sur la jeune bavette en détresse. Plus d’un siècle d’existence séparait ces deux représentants du Zagazorn : Rubisséa était la fille chérie d’un éminent dirigeant Nain qui, s’il n’avait pas toujours été Voix de Thanor, ni Haut-Conseiller, avait, très tôt déjà, montré des talents innés pour l’art de la mine et la recherche de filons et de minerais rares, le minage, et même le commerce ! Lünn, quant à lui, était tout simplement un humble représentant du clergé de Girdon. Fier festoyeur, prédicateur attentif, clerc dédié à sa foi, il était un être de douceur, de croyance et de bonté.

Aussi son instinct paternel prit-il le dessus lorsqu’il ressentit toute la détresse de la jeune tresse. Ses joues, toujours rougeâtre grâce à l’alcool dont il raffole, se haussèrent doucement telles deux boules en haut d’un sapin. Son nez, organe proéminent, se para lui aussi de couleurs chaudes à mesure que lui montait l’émotion aux narines. Ses yeux, pétillants, doux, emplis d’une bonté candide, manquèrent de laisser s’échapper une larmichette qu’il contint fort bravement.

« Ma douce nanillonne » Dit-il, posant une pogne sur l’épaule de la jeune tresse, et la prenant ensuite doucement au creux de ses bras. « Puissent tous les Dawis du Zagazorn te voir et t’apprécier à leur juste valeur. Crois-tu, douce Nanillonne, que tu es la seule à ressentir pareil trac ? » Demandait-il, en une question rhétorique alors qu’il s’éloigna doucement de Rubisséa tout en gardant une pogne sur elle. « Non, ma douce petite. Tous les Nains ont un jour ressenti le trac. Même les plus grands parmi nos sagas. Tous les Rois ont vidé leurs entrailles sur ce trône, là-bas, la première fois qu’ils durent s’y installer pour être reconnus des Althinkalans du passé. Tous les cognards ont vomis leurs tripes lorsqu’ils tuèrent leur premier Grobi. Tous les prêtres manquèrent de s’effondrer face à leur premier office. Toutes les légendes ont ressenti la peur alors qu’ils bâtissaient leurs actes héroïques. Crois-tu qu’Ankorong se soit bâtie en un jour ? Ou que Kirgan, fruit de la chute de cette dernière, ait été trouvée facilement ? Crois-tu que feu Hardrek Poing-de-Fer, alors simple Ongarazrinn n’ai point eu peur lorsqu’il dû voir l’effondrement de Kirgan sans rien faire ? Lorsqu’il mena les réfugiés jusqu’à Lante ? Penses-tu que le légendaire Alarik Œil-Tempête n’ait point ressenti la peur, la colère ou même l’envie d’abandonner, lorsqu’il combattit dans les tréfonds d’Almis ? » Dit-il, assenant des brides d’histoires, de sagas, de légendes plus ou moins proches ou éloignées des temps modernes, afin de prouver à Rubisséa que ce qu’elle ressentait n’était ni une honte, ni un acte de faiblesse, mais bel et bien l’étoffe des plus grands héros. « Je te le dis, ô ma petite, tous se sont retrouvés à ta place un jour. Sais-tu ce qui a fait d’eux des légendes ? Ils ont fait ce pour quoi ils s’étaient engagés. Ne doute pas de toi, jamais. La scène est à toi, et aujourd’hui, tu auras l’occasion de remplir le cœur de toute une nation de joie, de fierté et d’honneur, et Girdon m’en, soi témoin… Nous avons besoin de tout ceci, après les jours difficiles que nous avons vécus… Et pour les prochains, qui ne manqueront pas de l’être également. Aller, je crois en toi ! »

Faire la route depuis Thanor fut, au yeux de Thorgrel, une réel promenade de santé. 
Il avait apprécié remonter le lit de la Virnée tout en profitant du cadre si familier du Kirgion qui avait, fut un temps, été son plus proche foyer. Depuis, tant de choses avaient changé, le monde n’était plus le même et avait connut moult désagrément et troubles qui lui avait laissé une cicatrice profonde ; pourtant, ici, tout semblait paisible, calme, comme si les avants jours du Voile était toujours présent. Mais au fond de son palpitant vieillissant, le Mange-Dragon savait qu’il ne agissait là que d’une fable, d’une chimère à peine assez grande pour leurrer les chairs. Il se rendait à Kirgan, la Cité Mère, la Tombée et Relevée. Demeure des Rois de son peuple et tombeau de son Père. Ses pensées lui laissaient un goût amer en bouche mais aucunes tristesses, car alors qu’il arpentait les couloirs fantasmagorique d’Ankorong, il avait put apercevoir la silhouette de Hardrek. Depuis, il en était convaincu, son aïeul avait trouvé le chemin des halls des ancêtes après avoir traversé le Grand Pont.

Ce fut néanmoins pour lui qu’il quitta l’escorte qu’il avait accompagné, à savoir, les membres de la délégation Thanorite et particulièrement le Skaruni, Glumtol Barbe-de-Fer. Après s’être séparé sur le pas de la grande porte, Thorgrel avait erré un temps dans les couloirs de la cité jusqu'à qu'on lui apprenne la localisation du tombeau de son père. Il avait passé de nombreuses heures, assis contre le fronton, méditant quelques prières de son cru, recommandant la braise de son paternel au Père des Haches. Accompagné d’une liqueur de bière ayant dépassé le siècle, il avait parlé une dernière fois à celui qui lui avait donné la vie, lui avouant ses craintes, ses colères et ses déceptions, puis il avait déposé sa hache sur la tombe, promettant de venir la chercher une fois que sa mission serait terminé.

Alors, Thorgrel s’était âpreté dans une cellule appartenant au clan Poing-de-Fer. Il avait salué quelques uns des membres du clan qui furent surpris de sa venue et tellement heureux en même temps. Il resta en leur compagnie jusqu’à que sonne l’heure du banquet. Du moins, l’heure avait du filé, car le Gormisson arrivait en bien en retard.

Quand il se présenta sur le pas de la porte, il était vêtu d’une simple tunique de lin aux broderies ocres et dorée, savant qu’arboraient les prêtres d’Ikthor sans pour autant être l’habit cérémoniel. Se servant du manche comme une canne, il prit un instant et posa ses lourdes pognes sur le plat de la tête de l’imposant marteau, dévoilant Kharogan au yeux des observateurs avertit. 
Il distingua un grand nombres de visage connus, et quelques uns, plus inconnus, mais Thorgrel éructa un soupir de contentement. Il était heureux d’apprécier ainsi une scène simple de la vie des nains ou l’insouciance semblait régnait de façade. Pourtant, une nouvelle fois il le savait, cela n’était que chimère et duperie. Son visage se durcit à nouveau et il fit le premier pas dans la grande salle.

Il existait un temps pour tout, et celui de la liesse n’était pas encore arrivé.


D’un pas lent, il se dirigea en direction du trône. Sur la route il salua quelques connaissances et eut une attention particulière pour le Thane des Hache-de-Bronze. S’il ne connaissait pas bien le nouvelle Ongaraz de Lante, son clan était un influent de la cité des plaines et il avait par le passé côtoyé nombres de ces membres. Passant non loin, il fit un signe à la Voix de Thanor, un signe respectueux mais qui dénotait une certaine retenue, la réputation Girdonienne de se nain n’était elle pas une fable et il semblait que l’actuel Skaruni avait tendance à plus souvent utiliser sa voix lors des banquets que des champs de batailles. Puis, il arriva en face du trône.

«  Voici bien longtemps que nos chemins ne se soient croisés, Harald. Et il s’est passé nombres d’évènements depuis. Aurjourd’hui tu te tiens la ou se tenait mon père,  aussi, je te salue, Grand-Roi du Zagazorn. » 



L’instant était assez proche du solennel et de la symbolique. Le Gormisson se frappa la poitrine en signe de respect avant de laisser retomber sa main sur la tête du marteau.



Quelle ne fut pas la surprise de Harald lorsqu’il vit que celui qui lançait les festivités dans ce banquet était nul autre que… Thordril ! Le jeune représentant des Hargrund était d’ordinaire quelqu’un de très calme, très serein, très éloigné aussi des tumultes de la vie. Harald se souvenait comme si c’était hier de la première fois qu’il vit le jeune forgeron : au début, il le croyait pleutre, trop jeune pour réaliser quoi que ce soit. Il doutait même qu’il s’agisse du véritable forgeron qui, aux côtés de Kongrim, combattit le Holwern dans les profondeurs de Kirgan sous les ordres de feu Hardrek Poing-de-Fer.

Sa bouche décrivit une petite moue de stupeur, alors que le forgeron envoyait un tranchoir à l’autre bout de la salle, sur une cible désignée par lui-même. Était-il devenu fou ? Avait-il déjà tant picolé qu’il ne répondait plus de rien ? En tout cas, un autre Nain avait réagi, et celui-ci, cette fois-ci, était attendu : Glumtol Barbe-de-Fer.

Visiblement irrité de n’avoir point été le lanceur des hostilités, la Voix de Thanor se mit en tête de redorer son propre blason. Thordril débuta les hostilités ? Glumtol serait celui qui les gagnerait ! Son tranchoir vola à son tour, et sa précision fut plutôt impressionnante pour quelqu’un qui n’était ni un artisan d’arme, ni un guerrier d’aucune sorte. Mais voilà, il n’en avait pas terminé : a peine eut-il impressionné son monde avec son lancer de tranchoir qu’il débuta une rengaine au rythme entêtant, bientôt suivie par bon nombre de poilus et de tresses…

Puis, le monde sembla sombrer dans un silence de contemplation. Des rumeurs s’étaient éveillées ces derniers jours, venant de Lante, de Thanor, puis de Kirgan elle-même : Thorgrel Poing-de-Fer, ancien Roi de Lante, ancien Gazanundi, fils d’Ikthor, était revenu à la vie ! Et il était ici, à Kirgan…

Lorsqu’il paru dans la salle du trône, l’on n’entendit plus un bruit. Ses pas, lourds, résonnaient comme autant de tambours de guerre. Son faciès buriné, dur, ceint d’une immense barbe rousse et de cheveux de feu, lui rendait une aura impressionnante que son iris mordorée semblait souligner avec l’étoffe digne d’un roi. En sa poigne trônait un marteau, et pas n’importe lequel : celui qui fut porté par la légendaire Alarik Œil-Tempête lors de la reconquête d’Almis, la seule relique qui, aujourd’hui, permettait de rendre hommage à feu l’ancienne Voix de Thanor, en son cénotaphe. Cette vision fit plonger l’esprit du souverain dans des souvenirs passés, sombres et froids, emplis de sang, de tripaille et de cris d’effrois.

Mais plus que toute autre chose, cela faisait des années que Harald n’avait pas rencontré ce Nain qui, d’entre tous, devait le plus s’apparenter à un mentor. Sous les ordres de Thorgrel, Harald avait combattu à Almis. Sous ses ordres, il fut mortellement blessé, manquant de rejoindre les Halls de ses ancêtres lorsqu’une lance gobeline lui perça le flanc. Sous l’influence de Thorgrel, Harald devint Ongaraz, puis Gazanundi lorsque ce dernier disparut sans laisser de trace, pour mieux revenir accomplir le miracle du Serment d’Acier. Mais surtout… Surtout… Thorgrel assura à Harald une stabilité ésotérique : lui qui avait été un fervent mogarite durant toute son existence – d’où son surnom terriblement révélateur de « Barbe-Sanglante » - le Voile aura été une véritable perdition spirituelle pour le Groman-Rikactuel…

Ce fut Thorgrel qui, béni par le Puissant, remit Harald dans le chemin de la foi d’Ikthor. Face à lui, Harald n’avait donc pas seulement un ancien ami, un ancien dirigeant, un nain illustre… Il avait un véritable mentor… Aussi manqua-t-il un battement de cœur et une respiration lorsque le Gormisson se présenta devant lui, s’adressa à lui, et frappa son plastron.

En signe de respect, le Groman-Rik du Zagazorn s’inclina doucement, légèrement, et frappa son plastron à son tour. Ce n’était pas tous les jours que l’on s’adressait avec solennité au représentant sur terre d’une divinité adorée.

« Bien longtemps, en effet, mon ami. » Dit-il, un sourire déformant son épaisse barbe, alors qu’il posa une pogne fraternelle sur l’épaule du Gormisson « Bien des choses se sont déroulées ces dernières années. J’étais auprès de ton père lorsqu’il rendit son dernier souffle… Il gît non loin d’ici, au bout de ce corridor. Son tombeau inaugure la crypte des Rois. » Dit-il, pointant du doigt la porte se situant à gauche du trône, celle-là même qui conduisait vers les parties privées du Roi. « Je te salue, ô Gormisson »

La Thane savait ce que cette fête, si l'on pouvait l'appeler ainsi, représentait pour les dawis. Un serment d'unité, de justice dans le deuil de quelques uns d'entre eux. Des frères, des cousins, des liés, des pères.
Chaque dawis avait sa place au Zagazorn, et la perte d'un de cette manière bouleversait la dynamique du groupe. Ils s'en remettraient, mais il fallait avoir une pensée pour ses barbes disparut.

Tous étaient invités, petits et grands, l'idée était de repartir le cœur plus chaud que lorsqu'ils étaient arrivés. Et aussi un peu plus repu, si Glumtol n'avait pas tout manger d'ici là, et plus alcoolisé, encore une fois si Glumtol n'avait pas tout bu. Elle connait trop bien l'appétit du dawis, qui à lui seul avait presque vider les cuisines durant leur pacte.

La naine se promenait dans l'assemblée afin de saluer les barbes qu'elle connaissait et accueillir les autres qui venaient lui témoigner leurs respects. Lorsqu'elle aperçut l'ongaraz de Lantes, Akkar Hache de Bronze. Elle se dirigea dans sa direction, faisant des signes de mains à ceux qui tendaient de l'approcher, faisant ainsi comprendre qu'elle était occupée.

Bryn scannait les alentours et vit grimper Glumtol sur une table pour beugler à ceux qui voudrait l'écouté et surtout, se mettre à chanter, accompagné de joyeuses âmes autour de lui. Il avait l'art et la manière d'amener les gens à l'apprécier malgré sa gaucheté et son appétit.
La naine sourit et finit son périple jusqu'à l'ongaraz; attrapant au passage deux pintes de bière sur un plateau.

- Mes salutations Akkar, j'espère que le trajet ne fût pas trop épuisant, que l'auberge dans laquelle vous résidez vous convient et que vous allez bien!

Elle était consciente que beaucoup de dawis important avait fait le déplacement avec quelques unes de leur barbe, voire épouse en plus de cela, saturant la capitale de monture, et les auberges de réservations. Le palais avait transformer quelques pièces en dortoir afin d'accueillir ceux qui n'avaient point trouver de toits pour la nuit, ou pour décuver tout simplement.
S'inquiéter de son état, était sa manière de lui montrer le respect qu'elle avait à son égard. Mais aussi une manière de le "caresser" dans le sens du poil, elle connaissait sa position face à la situation, et son mécontentement envers Harald.
Il n'était pas le seul furieux qu'Harald ne fasse pas plus preuve de force contre les humains, il avait choisit la voie de la diplomatie, un chemin que peu de dawis maitrise.
Akkar n'était pas connu pour sa politique, ni ses compromis, il favorisait l'armée au dépend du commerce, de l'économie, et du bien être des dawis.
Brynhild, qui convoitait le poste de Gazagundi, savait qu'elle devait se le mettre dans la poche. Ce soir elle serait donc une hôtesse digne de ce nom et tenterait de lui prouver qu'elle était la bavette qu'il faudrait suivre.

- Tenez, je vous ai apporter une bière, il fait une chaleur ici, vous devez avoir soif.

Elle tendit la pinte et tendit la sienne pour trinquer.

J'apprécie les efforts de Lün. Ses étreintes me réconfortent autant que ses paroles. Le fait qu'il me compare à de grands guerriers m'arrache un petit rire au milieu des larmes qui ont fini par échapper à mon contrôle. A la fin de son discours, il met plus de poids sur mes épaules mais, curieusement, cela ne m'angoisse pas davantage. Au contraire, cela me donne une responsabilité que je me sens l'obligation d'honorer avec dignité et brio. J'ai toujours eu l'impression que mon travail était jugé comme une chose futile par mon entourage. Même si on apprécie mes contes, on me juge beaucoup... mais parce que personne autour de moi n'est romancier. J'aurais dû être mineuse ou cuisinière... C'était le seule voie que j'aurais dû pouvoir suivre. Mes parents m'ont donnée la possibilité qu'il en soit autrement mais cela signifie aussi que je dois lutter contre l'adversité et me faire ma place seule.
Peu à peu, je cesse de pleurer. Je me redresse. Je relève la tête. J'essuie mes joues. Et puis, je souris.

-Merci, Lün.

C'est à ce moment-là qu'une voix braillarde nous parvient. J'affiche une mine surprise puis je grimace d'un air amusée et honteuse à la fois. Je reconnais sans mal mon père qui essaie de mettre l'ambiance.

-Il ne peut pas déjà être saoul, si ?

Je m'approche de la porte pour l'entrouvrir juste assez pour le voir perché sur sa table. Je le regarde faire, hochant lentement la tête de droite à gauche. Il est incorrigible...

-Je crois que je peux faire mieux.

Je me retourne vers Lün pour échanger un regard avec lui avant de rire doucement. Je plaisante mais, c'est sûr qu'après sa prestation, je peux y aller un peu plus confiante.

-Tu as sûrement des tas de choses à faire encore. Tu devrais y aller. Merci d'avoir pris le temps de m'écouter...

Thorgrel accueillit le salut avec dignité et fierté ; il était réellement heureux de recroiser une vieille connaissance. Mais cette situation lui laissait un goût métallique dans la bouche, depuis sa longue épopée chimérique et son réveil, il n’était plus le même nain. Ainsi, ses anciennes relations lui semblaient lointaines, comme s’il n’était plus exactement sur des les avoirs connus et fréquentés. Quelque chose s’était brisé en lui et Ikthor l’avait modelé et remodelé pour faire de lui un nouveau poilu. Mais malgré cela, il reconnaissait en Harald une figure connu et apprécié. Son visage se dérida légèrement, même s’il était encore lesté du poids des nouvelles qu’il apportait avec lui.



«  Je suis heureux d’apprendre qu’il ne fût pas seul à la fin. J’ai pu dans la journée, visiter la crypte et son tombeau : un bien bel hommage que voici, il en serait fier, sans douter. Soit en remercier Harald, aujourd’hui, mon père festoie dans les Grand Halls en compagnie des anciens de mon clan, plus jamais il ne connaitre la faim, la soif et la souffrance. Un privilège d’on nous ne disposons pas, ou presque. »



Il se tourna légèrement et observa les convives et le banquet qui se déroulait. La Voix de Thanor fanfaronnait comme un vrai braillard des plaines et il faisait sans douter, plus de bruit qu’un Galioth en rut. D’autres nains qu’ils ne connaissaient pas ou peu, s’enterraient, riaient, buvaient et chantaient à tût tête. La liesse était de mise, et Thorgrel trouvait que cette liesse n’était pas totalement approprié, quelque chose le dérangeait.



«  Ils festoient et je le comprends. Mais j’apporte avec moi des nouvelles qui calmeront les ardeurs des cognards. Nous devrons nous entretenir de sujet qui sont loin des temps de fêtes et de répit. N’ai crainte, il ne s’agit pas là des échos de guerre, ou de là conduite que certains te reprochent envers les Umgis. J’en ai eu vent. Peut être aurons nous l’occasion d’en débattre une autre fois… »

Un petit cri strident s’éleva du haut de la pièce et une ombre blanchâtre se détacha des voutes de pierres. Mursal vint se placer sur son épaule et toisa de son oeil d’ovipare le dirigeant du Grand Royaume nain. Dans la pupille mordorée du Gormisson, une flamme s’alluma.



« …Ou peut être pas. Car les évènements qui approchent, on le goût du sang et non de la bière. » 



Serait-ce l’iris mordorée ? Serait-ce l’attitude ? Serait-ce cette aura si étrange, charismatique, spirituelle ? Serait-ce cette voix qui, bien qu’encore celle d’un nain dans la force de l’âge, semblait à la fois vibrer d’un vieil et ancien écho comme si le nain avait d’ores-et-déjà vécu toute une vie naine ?

Harald n’en savait rien, et n’en saurait sans doute jamais rien, mais quelque chose, dans l’attitude, les paroles, et l’aura du Gormisson lui faisait froid dans le dos. Son échine n’avait point ressenti tel vie depuis bien des lustres… Sans doute que cette dernière sensation étrange, celle d’un nain se rendant compte de sa faiblesse, ou de sa probable finalité, remontait alors aux temps jadis des combats dans les tréfonds d’Almis. A cette époque, le « Barbe-Sanglante » était déjà connu pour sa cruauté au combat, et pourtant…

Pourtant, lorsqu’il eut à combattre à Almis contre les Grobis et les Kobolds dans les tréfonds de la Perle de l’Est, il l’avait ressenti, cette onde de choc tout du long de son échine. Alors, que lui valait cette sensation oubliée et, disons le… Détestée ?

Les paroles du Gormisson ne tardèrent point à soulager l’esprit de Harald du fardeau de la curiosité. Il venait avec de sombres nouvelles, tranchant nettement avec l’ambiance actuelle. Et, des mots, Mursal ce fit le marteau qui enfoncerait le pointeau dans une lame encore chauffée à blanc. Non seulement Thorgrel portait le fameux marteau d’Alaric Œil-Tempête… Mais en plus, il était suivi par Mursal, un des deux petits Drake qui accompagnaient l’ancienne Voix. Là encore, une vision du passé pour Harald…

« J’ai l’impression, mon ami, que toutes tes venues sont à chaque fois le signe de temps difficiles. Ce fut le cas il y a 5 années, alors que les Grobis déferlaient depuis les monts… Que m’apportes-tu, Gormisson ? » Demanda Harald, regardant ensuite l’assemblée toujours quelque peu choquée de voir Thorgrel, mais plus encore de voir – ou revoir – le petite drake sur son épaule. « Profites un peu de la fête, Gormisson, cognards, poilus et tresses en ont besoin. Je suis prêt à m’entretenir avec toi de tous les sujets, dès que tu m’en feras l’honneur. »

Si Thorgrel, mue par des pensées, des pulsions et des ordres divins, était plus proche des divinités que des affres et des plaisirs d’une vie charnelle, Harald, lui, était prêt à l’entendre, et à chercher conseil.

Lünn était soucieux. Tel le Prêtre qu’il avait toujours été en sa Braise-Vie et en sa conscience, il avait dispensé dans les esgourdes de Rubisséa quelques conseils et diatribes dignes d’un de ses meilleurs sermons. Il était fier de lui, certes, mais inquiet que la jeune bavette n’ait point tout ce dont elle avait besoin pour pouvoir faire cette prestation. Et s’il avait échoué dans son rôle aujourd’hui ? Les festins, les banquets, les orgies culinaires et alcoolisées étaient tant de choses qu’il maîtrisait à la perfection… Mais aujourd’hui, il avait joué le rôle d’un mentor… S’il avait échoué, ce serait toute une animation destinée à un banquet royal qui s’écroulerait comme un château de carte soufflé par un coup de grisou dans une mine…

En revenant toutefois à la salle du trône, Lünn vit qu’on n’avait point attendu le prêtre pour lancer les festivités. On lançait des tranchoirs, on buvait des canons culs secs, et, surtout… Glumtol lançait un jeu ô combien appréciable : tenter de le renverser de sa table.

Et quelle idée ! Quel défi ! Le nain pesait plus qu’un tonneau de bière, et la tablée, épaisse, faite d’un bois très résistant, pesait également son poids. Plusieurs poilus et tresses tentèrent leurs chances : l’un cru qu’il serait suffisamment fort pour le faire seul, mais ses braies reçurent bientôt le contenu de ses entrailles alors qu’il manqua de faire éclater une veine de son front. L’hilarité commune ne manqua point, mais n’effaça point non plus la présence d’esprit de certains camarades qui eurent tôt fait d’emmener le fier à bras se faire changer et soigner.

Une bavette tenta un coup de maître : à l’aide d’un grand torchon, elle tenta d’entraver les pieds de la Voix de Thanor dans le but de le faire choir sur la table et, profitant du poids soudainement tombé, de faire rouler le nain et la table ensemble, et ainsi gagner le défi. Mais c’était sans compter sur les appuis de Glumtol qui, bien qu’entravé, pesait encore le poids d’un Bëarog. Lorsque la tresse poussa la Voix… Ce fut elle qui termina le joufflu au sol.

Lünn, lui, riait de bon cœur. Une assiette de charcuterie et de fromages en main et sa fidèle pipe en bois dans l’autre, il fumait et grignotait devant un tel spectacle.

Ah, Girdon devait être si fier… Si fier !