Alicia de Terresang
Humain
Nombre de messages : 389 Âge : 37 Date d'inscription : 19/02/2021
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 19 ans (5-2-4 1:XI) Taille : 1m56 Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: La vérité révélée | Solo Dim 22 Mai 2022 - 10:23 | |
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Fin de la deuxième ennéade Hiver, Verimios 19:XI
Entre les murs humides résonnent des bruits de pas, de clefs qui tintinnabulent à une ceinture et d'une canne qui frappe le sol à un rythme régulier. Plusieurs personnes avancent dans les couloirs en sous-sol, la nuit s'évanouissant temporairement au passage de leurs torches. Les flammes éclairent la pierre qui s'ouvre sur plusieurs pièces fermées par des grilles de métal. Les portes ajourées dévoilent ainsi que leurs occupants, le teint blafard, la peau sale et les yeux fuyants la lumière. Après de longues minutes, les trois hommes s'arrêtent, échangent un regard, puis l'un d'eux continue son chemin. Les deux restants s'approchent d'une grille. Le plus jeune avance sa torche afin d'en projeter les rayons à l'intérieur. Ils découvrent alors une silhouette assise au fond de la pièce, vêtue seulement d'une chemise simple et longue jusqu'aux genoux. Replié sur lui-même, le prisonnier essaie de se garder lui-même au chaud alors qu'il n'est pas encore habitué à la température ambiante. Et il n'en aura pas le temps de toute façon.
-Tiens, tiens, tiens... Mais qui voilà ? Un père déçu et un frère ingrat. Mais puis-je seulement utiliser ces qualificatifs quand j'ai été dépouillé de mon nom ? -C'est toi l'ingrat. Il a tenté de te préserver de toi-même quand tu n'as rien voulu entendre. -Si vous êtes venus pour me faire des reproches, je n'ai nul envie de les entendre, vous pouvez repartir. -Je suis venu pour voir le véritable visage de mon fils.
Le silence plane l'espace de quelques instants avant que Klaus daigne enfin lever les yeux. Edouard Losir découvre alors une expression qu'il ne lui connaissait pas. Ce n'est pas seulement son apparence générale et l'état sanitaire dans lequel il se trouve. Son regard... est différent. De même que cet imperceptible sourire aux coins de ses lèvres. Il ne reconnaît pas là le garçon qu'il a élevé. Il savait que sa personnalité était déplaisante mais les propos qu'on lui a rapporté laissaient plutôt penser à un monstre. Et il le découvrait en cet instant.
-Il m'a fallu quelques secondes pour reconnaître votre canne. J'ai cru que la Dame de Terrefière venait mettre à l'épreuve son courage en venant s'entretenir une dernière fois avec son agresseur. Mais je vois qu'elle n'en est pas dotée. -Elle a la force de survivre à une nouvelle agression contre sa personne. Je crois plutôt que ce que tu aurais voulu, c'est te repaître une dernière fois de la souffrance que tu as causé. N'en éprouves-tu pas le moindre remord ? -Ces souvenirs sont délicieux, au contraire. Vous n'avez pas la moindre idée de ce que c'est... Que de posséder une femme... Et la sentir en même temps expirer pour la dernière fois entre vos doigts. -Comment ai-je pu engendrer un être comme toi ?... -Il fallait bien contrebalancer la perfection que vous aviez engendré par ailleurs, n'est-ce pas ? -Tu exagères, mon frère. -Oh mais je ne parlais pas de toi, mon frère. Même si tu es un fils modèle, tu sais bien que ce cher Edouard se languit toujours de son premier héritier.
Il lui arrive effectivement d'en parler. Ou bien il est surpris en train de méditer devant l'un de ses portraits. Quoi de plus normal pour un père de pleurer son enfant ?
-Je ne vois pas l'utilité d'en parler. -Mais il le faut, pourtant. Car, après tout, c'est toi qui va vivre dans son ombre désormais. -Il s'en sortira bien mieux que toi, je peux te l'assurer. -Mais il ne peut pas l'égaler, c'est ce que vous pensez même si vous ne le direz jamais. -Il avait douze ans, il n'y a plus lieu de faire de comparaison. Tu te trompes de sujet. -Tu dis cela parce que tu ignores certaines choses. Père aussi a ses secrets.
Ego fronce légèrement les sourcils, sans comprendre de quoi il parle. Klaus étire son sourire plein de délectation.
-On me juge immoral mais c'est ce qui m'a permis de découvrir toute la vérité. J'ai passé ma vie à me faire rebattre les oreilles à propos de ce premier fils, tellement désiré et tellement parfait ! Un jour, de colère je suis allé dans son mausolée. -Qu'as-tu fait... -Oh mais rien, Père. Et vous savez très bien que je ne pouvais rien faire. Si seulement il y avait eu au moins un cercueil à brûler, mais je n'ai même pas eu ce plaisir puisque le tombeau est de pierre.
Le regard du cadet passe de Klaus à son père, l'air hébété.
-Je ne comprends pas... -C'est très simple mon frère. -Klaus. Tente de le reprendre Edouard. -La tombe est vide. Lâche-t-il sans plus attendre.
Le silence plane soudain. Ego reste là, choqué par la nouvelle, tandis que son père ne répond rien, admettant ainsi la véracité des propos de son frère. Il connaît, comme beaucoup, l'histoire de ce garçon décédé au cours d'une chasse. Mais ce serait un tombeau vide qui aurait été scellé ?
-Merci... Cette première réponse d'Edouard surprend ses deux enfants dont l'un reste abasourdi par la nouvelle qu'il vient d'apprendre. Merci de m'avoir montré qui tu étais vraiment à la veille de ta mort. Un homme capable de tels actes, contre les vivants et contre les morts, contre Néera et contre Tyra, mérite le châtiment qui sera le tient.
Sur ces mots, le vieil homme se détourne de la grille et s'éloigne. Ego met quelques secondes avant de finalement s'en aller à son tour, non sans un dernier regard sur son frère. Il le rattrape sans mal mais ne cherche pas à le retenir. Ensemble, ils sortent de ces couloirs sombres, retournent à la salle de garde où ils abandonnent la torche puis quittent la citadelle. Ils n'échangent pas un mot de tout le trajet qui les ramène chez eux et ce n'est qu'une fois la porte d'un salon close derrière eux qu'Ego retrouve l'usage de la parole.
-Est-ce que c'est vrai ?
Dos à son fils, Edouard se sent bien plus lourd et las qu'à l'accoutumée. Il vient de tirer un trait sur son deuxième héritier qui a révélé le secret de son prédécesseur à son successeur. Une affaire qu'il espérait garder secrète à tout jamais, pour plus d'une raison. Mais son silence en dit bien plus long qu'il ne le voudrait.
-Pourquoi ne pas nous l'avoir dit ? -Vous dire quoi ? Lui répond-il en se retournant enfin. Que j'ai failli ? Que j'ai commis la pire erreur de ma vie ? Que par croyance, superstition, j'ai renié ce fils que j'avais eu tant de mal à avoir ? Et que, non content de l'avoir perdu, mon geste a eu pour conséquence de créer ton frère !
Ego reste planté là, blessé dans son être. Il sait qu'il a fallu trois épouses à son père pour gagner un héritier mâle. Lorsqu'il l'a déclaré mort, il a renié sa femme -sous prétexte qu'elle ne lui donnait plus d'enfants- pour en prendre une nouvelle. C'est ainsi que Klaus est né. Et lui aussi par la même occasion... En voyant le visage de son fils, Edouard comprend vite ce qu'il lui passe par la tête et il soupire avant d'avancer de quelques pas dans sa direction.
-Crois bien que, si je regrette la naissance de ton frère, la tienne remplit mon cœur de fierté. Tu es désormais mon héritier. Et je suis bien plus serein à l'idée que ce soit toi qui prenne ma succession. J'espère que les actes de Klaus ne m'empêcheront pas de te trouver rapidement une épouse afin d'assurer ta succession. -Et Calel ?
La main que le vieil homme avait posé sur le bras de son fils retombe le long de son corps.
-S'il se manifeste pour reprendre ses droits ? Ou ses enfants s'il en a ? -Cela fait plus de trente ans. S'il avait voulu revenir, il se serait montré depuis longtemps. Et puis... J'ignore même s'il a atteint l'âge adulte. Ou quel genre d'homme il a pu devenir. -Probablement le même que celui que vous avez vu en lui à l'époque.
Edouard fait la moue tout en hochant la tête en signe d'accord. Il a sans doute raison. Mais peu importe finalement.
-Je crois que je ne le saurais pas avant de rejoindre le royaume de la Voilée. En attendant, occupons-nous de ton avenir.
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