Oschide d'Anoszia
Humain
Nombre de messages : 477 Âge : 33 Date d'inscription : 10/02/2014
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 29 (Mort) Taille : Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: La vérité des uns [Solo] Mer 20 Avr 2016 - 19:55 | |
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Le brave Cavrour n’avait sûrement jamais autant voyagé de toute sa vie. Tant de temps passé seulement sur sa terre natale, et voilà qu’en l’espace d’un mois, il avait atteint des frontières méconnues, et rencontré des gens qui parlaient une autre langue, ou avec un autre accent. Il avait vu des paysages qu’il n’oublierait sûrement jamais, du moins, si son âge avancé lui permettait de conserver ses souvenirs encore intacts, dans moins de dix ans. De Soltariel, il avait repris à la hâte une barge fluviale, bien modeste en comparaison de celle dans laquelle était reparti son ancien collègue diplomatique. Arrêté à chaque pont par les suppôts de la Ligue, il avait dû montrer son appartenance à la diplomatie langecine pour pouvoir passer. A la fin, Cavrour en venait presque à qualifier ces arrêts de harcèlements.
Après toutes ces péripéties, il était donc parfaitement normal que le vieillard perde patience lorsqu’un jeune garde lui annonçait, avec le sourire le plus niais de la Création, que le Duc de Langehack était parti à Sainte-Berthilde, et ne devrait pas revenir avant un ou deux jours. Le chancelier savait pertinemment que ce n’était pas de la faute du pauvre jeune homme. Néanmoins, il se permit de le tancer un peu, ne serait-ce que pour évacuer sa propre frustration.
« Dans un ou deux jours ? Je viens de traverser le Garnaad, j’ai même chevauché, ce qui ne m’était plus arrivé depuis deux décennies ! Et tout cela pour me faire éconduire de la sorte à la porte du Château de Diantra ? »
Le garde fit la moue.
« Je ne vous ai pas dit que vous ne pouviez pas rentrer, monseigneur… Juste que… Le Duc n’était pas présent. »
Le chancelier se calma, et soupira.
« Non, ce n’est rien. Je suis fatigué, c’est tout. »
Il passa le garde d’un pas plus vif qu’il ne se le serait permis d’habitude. Ce n’était pas de l’empressement, juste de la frustration. Il arpenta les couloirs, cherchant un homme ayant l’amabilité de lui présenter une chambre où le chancelier pourrait passer une nuit calme et reposante. Au lieu de cela, il tomba sur un groupe de trois soldats langecins en grande discussion. L’un d’eux tourna la tête, et sembla étudier du regard le vieux Cavrour. Le vieillard s’apprêtait à passer son chemin sans faire attention au trio, lorsque soudain, le soldat ayant tourné la tête l’apostropha.
« Seigneur Cavrour ? »
L’intéressé s’arrêta, et fit face aux trois hommes. Celui qui avait parlé sourit.
« Je me disais bien que c’était vous, messire ! Je vous avais vu lors d’un banquet à Langehack. Hum, j’étais à la porte ce jour-là, enfin… Bref. Puis-je vous demander quelque chose ? »
Le chancelier s’étonna.
« Je doute que je puisse faire quoi que ce soit ici, mais… Parlez toujours, soldat. »
L’homme acquiesça.
« Ho, une simple requête, monseigneur. C’est à propos des soldats d’Ysari… Nous, Langecins, sommes cantonnés dans les casernes, pendant que les Ysarains dorment dans les anciennes propriétés des nobles de Diantra. »
Cavrour fronça les sourcils.
« Qui a donné un tel ordre ? »
« Ansaldo d’Anoszia, messire. C’est lui qui est venu, accompagné de ces troupes. Ni les capitaines, ni le sire Tibérias de Roch n’osent intervenir, puisque c’est l’oncle de son Altesse le Duc. Peut-être que vous, seigneur, en votre qualité de… hum… chancelier… »
Cavrour haussa les épaules.
« Malheureusement, je pense qu’à l’heure actuelle, le seul à pouvoir régler cette affaire soit… »
Il vit les soldats se redresser tout à coup, leurs piques bien hautes, et leurs boucliers sur le côté. Le vieil homme devant eux ne s’en émut pourtant guère. Il sourit.
« … derrière moi ? »
Il se retourna. Face à lui, Oschide d’Anoszia, accompagné d’une quinzaine de chevaliers. Il avait la main posée sur le pommeau de son arme, et affichait un mince sourire.
« Cavrour. Que voilà une agréable surprise, chancelier. »
Le vieillard s’inclina.
« Votre Altesse, il m’est fort aise de vous trouver aujourd’hui, alors que vous étiez annoncé pour bien plus tard. »
Oschide acquiesça.
« J’ai chevauché à bride abattue. J’ai été informé des événements à la cour du Soltaar, et j’ai craint pour la sûreté de la délégation. Mais je vois que je n’avais pas lieu d’être inquiet. Ou le devrais-je ? »
Le ton de la dernière phrase sonnait plutôt comme une question, dont Oschide appréhendait la réponse. Il était rentré de Sainte-Berthilde avec un jour d’avance, et pourtant, il avait pu méditer sur les paroles du Marquis Godfroy. Cet homme avait mis fin à ses interrogations, et s’était montré très convaincant. En définitive, Oschide avait toujours préféré l’idée qu’un véritable monarque dirige la Péninsule, car depuis la mort de Trystan, aucun véritable adulte n’avait pu prétendre au titre royal. Et depuis la mort de Trystan, tout allait à vau-l’eau dans le Royaume. Ce n’était pas un enfant qui remettrait l’ordre là où s’était installé le plus pur chaos. Il pointa du doigt le couloir menant à la salle du trône.
« Parlons-en dans un endroit plus propice à une telle conversation. »
Les deux hommes se mirent côte à côte, et firent mine de partir. Le soldat langecin qui avait parlé à Cavrour, cependant, osa une nouvelle apostrophe.
« Messires ? Et… pour les Ysarains ? »
Oschide s’arrêta un instant, et regarda l’homme d’arme dans les yeux.
« J’en toucherai mot à mon oncle. Je ne vois pas pourquoi des soldats étrangers seraient mieux traités que les miens. »
Ces paroles semblèrent rassurer le trio de guerriers, qui se mirent à échanger des paroles entre eux, puis à partir, sûrement pour prévenir d’autres personnes. Cavrour et son suzerain, accompagnés des chevaliers, marchèrent, puis pénétrèrent la salle du trône, laquelle était vide et froide, abandonnée de ses courtisans. Une fois à l’intérieur, le Duc proposa à son chancelier de s’asseoir à côté de lui, pour lui parler. Les chevaliers, eux, s’étaient dispersés contre les murs de la salle, et devant les portes.
« Votre Altesse, je reviens avec un Traité proposé par la Cour du Roi Bohémond. »
Le titre de l’enfant-roi fit tiquer Oschide. Cavrour lui tendit un gros vélin, contenant le fameux Traité de Soltariel. Le Duc le regarda un instant, mais ne sembla pas l’ouvrir. Au lieu de cela, il regarda Cavrour.
« Vous savez, chancelier… Au cours de ma petite escapade berthildoise, j’ai appris un certain nombre de choses. »
« Lesquelles, messire ? »
« Comme je l’ai dit, un certain nombre de choses. Mais sachez déjà que nous sommes moins isolés que nous le pensions, Cavrour. Langehack n’est pas cernée que par d’apathiques voisins. Au Nord… Il y a un Roi. Un vrai Roi. »
La gorge de Cavrour se noua.
« Qu’est-ce que cela signifie pour le Traité, monseigneur ? »
Oschide regarda le vélin.
« Je parie qu’ils n’ont même pas pris la peine de nous laisser jouir des serments vassaliques mervalois et scylléen, n’est-ce pas ? »
Cavrour acquiesça.
« Je le savais. Je l’aurais parié… He bien, chancelier, j’enverrai une nouvelle délégation sur place pour aller renégocier ce traité. »
Oschide ricana. Le chancelier ouvrit de grands yeux.
« Oh ! Ne vous inquiétez pas, je vous fais grâce d’un nouveau voyage, mon ami. Vous devriez retrouver vos pénates bientôt. Quittez Diantra quand vous voulez, pour retourner auprès de mon épouse… »
Le Duc sentait tout le poids de ses responsabilités. Il aurait tant voulu revoir Méliane, et craignait toujours de ne pas être présent pour son accouchement. Elle qui avait déjà la santé fragile… Il ne se le pardonnerait pas. Et pourtant, il ne semblait pouvoir faire autrement. Il soupira.
« Où est le seigneur d’Ernolss ? »
« Resté à Soltariel. Nous craignions un refus de votre part, aussi a-t-il décidé de rester sur place au cas où le Traité viendrait à devoir être changé. »
Oschide opina du chef.
« Voilà qui est parfait. »
« Dois-je le prévenir ? »
« Non. Vous direz seulement que certaines closes ne me plaisent guère. Vous savez très bien lesquelles. Dites que je lui envoie sur-le-champ l’un de mes courtisans lui venir en aide. Vous avez été d’une grande aide à Langehack, et je vous en remercie personnellement. »
Oschide plaça une main sur l’épaule du vieillard, qui sourit et courba la tête.
« Votre Altesse, c’est un immense privilège, et une joie de pouvoir servir mon suzerain et ma terre. »
Le vieillard finit par prendre congé de son suzerain, après avoir échangé sur d’autres sujets. La salle du trône redevint alors silencieuse, seulement habitée par un Duc épuisé, entouré de ses fidèles chevaliers…
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