L'unification sous le regard de la DameDieu [PV Solange]

Solange d'Escault aimait beaucoup Diantra.

Bien qu'elle se sentît mal à l'aise dans le manoir de son défunt époux, pouvoir y revenir libre, maitresse même de ses actes et de son avenir l'emplissait d'une certaine ivresse. Sa douce fille tant chérie lui manquait cruellement ; cependant, elle ne pouvait nier qu'il s'agissait d'une occasion unique de rencontrer toute la noblesse péninsulaire, et de se faire des contacts, à défaut d'amis.

Aussi, la missive du Comte Magnus de Terresang ne la surprit guère. Mais en lieu et place d'éprouver son anxiété ordinaire, la jeune femme éprouvait presque une joyeuse attente. Sans doute avait-elle été gagnée par la liesse qui avait agitée la ville lors du Couronnement du Roi Bohémond le Saint - comme elle le surnommait dans le secret de ses prières - mais aussi par le beau mariage de Dame Louise de Fernel et de son Duc. Un mariage d'amour, à ce qu'il semblait, ou, en tout cas, une union où l'intérêt coïncidait avec l'inclinaison. Un peu comme ses futures épousailles.

Quoi qu'il en était, elle se prépara avec grand soin à l'entrevue arrangée avec son voisin. Bien qu'elle n'était plus la comtesse en titre, elle avait la mission claire de sauvegarder et de préserver son Comté le mieux possible. Elle en était la gardienne, et comptait bien représenter le raffinement de sa province. Ce fut ainsi vêtue de soie et de velours azuré aux rubans d'argent brodés de symboles religieux, ses cheveux nattés entrelacés de ses plus belles perles, accompagnée de son fiancé, qui ne la quittait presque jamais, de sa chère Coline et d'Isobel, sa dame de compagnie, ainsi que de deux gardes parmi les plus compétents, qu'elle se présenta au Manoir de son hôte.
On le disait rustre, sale et vulgaire ; mais leur deux comtés avaient été autrefois en si mauvais terme qu'elle considérait comme une priorité de rétablir enfin leurs relations. La jeune péninsulaire avait appris récemment que la douce Alicia de Terresang avait gagné la sécurité de sa précieuse Odélian, aussi se sentait-elle d'humeur étrangement sereine.
Elle admira, le sourire aux lèvres, l'architecture de la demeure cossue, l'harmonie d'un jardin ombragé ainsi que d'un kiosque délicatement sculpté, avant d'incliner brièvement sa tête devant Magnus, qu'elle détailla d'un oeil curieux, avant de se reporter sur ses enfants. Elle leur adressa un chaleureux sourire, s'installa avec toute l'lélégance possible dans un fauteuil confortable.

- "Votre Grandeur, je suis bien aise de vous rencontrer enfin. Ce sont d'heureuses circonstances qui nous réunissent, et j'espère que nous pourrons continuer sur cette voie. Tel est mon souhait, en tout cas, bien que je sois séparée de sa Grandeur, la Comtesse Elisabeth."

Solange marqua une pause de quelques secondes, avant de désigner Aurel d'une main gracieuse.

- "Je vous présente le Seigneur Aurel de Lantenes. Il s'agit de mon fiancé, ainsi, il est juste qu'il assiste à notre entrevue. J'ai toujours eu grande envie de mieux vous connaitre, vous et votre famille, et voilà que la Damedieu réalise mes souhaits, en un mois déjà prolixe en bienfaits."

- "En effet, Comte. Je ne suis pas là pour parler chiffon non plus."

Dame Solange d'Escault esquissa un sourire. Elle se sentait extrêmement nerveuse à l'idée d'échouer, de froisser involontairement un interlocuteur qu'elle savait froid, martial et sans indulgence. Il était aussi bien plus expérimentée qu'elle, ce qui ne manquait pas de l'intimider - après tout, elle se savait femme, et peu habituée aux arcanes du pouvoir.
Mais la jeune femme comprit qu'il fallait changer l'approche qu'elle employait d'ordinaire. Il parlait presque comme les brigands qui l'avaient enlevée ; et il fallait lui répondre comme lui, comme un homme. Directe, en allant droit au but.

Il prononçait même des excuses quant à la manière dont il s'était comporté avec feu le Comte Gaubert ; et bien qu'il lui demandait la pareille, Solange nota qu'il savait se montrer beau joueur, et qu'il désirait manifestement aplanir les relations entre Odélian et Arétria.

L'espoir lui redonna un peu de baume au cœur. Il n'était pas difficile de reconnaitre que l'ancien Comte s'était conduit comme un idiot, sans pour autant dévaloriser Odélian. Ensuite, ils pourraient passer tous deux à d'autres sujets.

- "Je vous présente également mes excuses, au nom de Feu le Comte Gaubert. Il n'aurait pas dû vous manquer de respect, et j'aimerai que vous sachiez que je ne l'ai jamais approuvé en la matière."

La Régente prit le temps d'inspirer, puis d'expirer lentement, avant de reprendre la parole.

- "J'ai reçu des nouvelles de Dame Alicia. Elle est bien arrivée au château, et a été accueillie comme il se doit. Malheureusement, je n'ai pas pu la rencontrer, mais j'ai bon espoir qu'elle reste pour mon mariage. Il serait juste que la Représentante de votre comté soit présente, surtout si nous trouvons un terrain d'entente. Cependant, je connais peu votre région. Aussi, je vous propose de commencer par parler d'un potentiel accord commercial ? Comme vous devez le savoir, Odélian est riche en nourriture, en laine, en cuir, et nous allons entreprendre des travaux pour produire de l'alcool."