Sur les flots de l'Oliya - Se comprendre

La nuit tombée, les évènements avaient fini par se tasser. Petit à petit chacun était finalement rentré dans son camps, ou bien dans ses appartement d’un bateau ou d’un autre. Le calme avait suivi la nuit. Certains elfes dormaient même déjà de leur coté, mais ce n’était pas le cas du commandant.

S’il ne dormait jamais plus que d’un sommeil léger depuis quelques années, ce dernier mois il lui semblait encore plus difficile de plonger dans les bras de Maurquimellë. En tout cas, ce soir-là, impossible de rester tranquille. Son esprit tournait et retournait et son corps n’était pas tellement mieux. Ce fut au point où un de ses camarades non loin exprima un lourd grognement, mécontent d’avoir été, lui, éveillé d’un lourd sommeil.

Bon…S’il s’agissait d’une de ces nuits, inutile d’insister…

Plus discrètement, le soldat se contenta d’enfiler ses bottes et de sortir à l’air libre. Seulement, alors qu’il venait s’accouder contre le bastingage, il remarqua une autre silhouette au lointain du bord de la glace. Il n’était visiblement pas le seul insomniaque ici…Cela lui tira un bref rictus amusé en identifiant le nain auquel il n’avait pas vraiment eu le temps de parler plus tôt dans la journée.
Quitte à ne pas fermer l’œil avant un moment… Autant passer la soirée en compagnie.

L’allure de l’elfe qui s’approcha d’Ararün avait drastiquement changée par rapport au début de la rencontre. Au lieu de l’élégante armure de cuir sombres et de tissus  blancs aux insignes de son armée, il ne portait qu’un fin pantalon de lin et un haut qui n’avait même pas de manches. Point de casque non plus ne venait alourdir ses boucles flamboyantes laissées nonchalamment tomber sur ses épaules. Pas d'arme ne ceignait sa hanche ou son dos.

C’était pourtant le même sourire poli et respectueux à l'égard du soldat nain qui creusa deux fossettes sur son visage abimé. Se doutant qu’il ne le comprendrait pas désormais, puisqu'il était seul, Aegden se contenta de répéter un salut qu’il avait remarqué  avec étonnement être similaire a celui de son peuple autant que du nain.

Les festivités s’étaient calmées et tous avaient commencé à rejoindre leur campement improvisés afin de passer la nuit. Ararün quant à lui n’arrivait pas à fermer l’œil, ce n’était pas habituel pour le capitaine kirganais, mais ce soir il ne se sentait pas d’humeur à s’endormir facilement. Il faut dire que la situation semblait le tenir en alerte, bien que certains de ses longues-barbes montaient la garde il n’était rassuré que sur ses deux pieds, toujours engoncé dans son armure de plate et accompagné de son marteau de guerre. Il préférait rester ainsi, attendant peut-être que la fatigue vienne le cueillir même tardivement.

Il s’était placé en direction du nord, gardant son regard plongé sur les courbes de l’Olyia en direction des terres dawis. Il scrutait alors l’horizon comme impatient ou tout simplement nostalgique de se tenir si loin de ses montagnes. Ah ! Il faut dire qu’elles commençaient à lui manquer ces hautes montagnes et ce nord qu’il chérissait tant. Il n’y avait que des arbres et de la verdure autour de lui et surtout, ce n’étaient pas ses terres. Ararün se sentait impatient de regarder le Nord et de retrouver le froid mordant et les sous terrain protecteur.

Tout d’un coup, un bruit le fit sortir de ses songes. Appuyé sur la hampe de son marteau il pivota alors la tête et remarqua l’Elgi qui s’était rapproché de lui. Il le reconnu rapidement et ne marqua aucun geste brusque à son encontre, ni même réflexe de peur. Il se doutait que ce dernier l’approchait pour une raison qui n’était pas hostile, du moins, il le sentait. Entre guerriers ce genre de choses se ressentent et l’Elfe en question avait une posture tout à fait sereine et avenante.

Le capitaine le laissa alors approcher et il reconnut la salutation universelle à laquelle il répondit en frappant à son tour son plastron armaturé de plate. « Barük Elgi » lâcha-t-il alors. Il le savait, en face de lui l’Elfe ne comprenait pas le Khazalide, mais c’était presque naturel et machinalement qu’il le faisait. Il chercha de la tête de droite et de gauche, l’air d’attendre quelqu’un ou quelque chose et reprit en direction de l’elfe dans la langue des fils du Zagazorn.

« Si tu jactes, j’vais rien comprendre l’Elgi… Alors ça va être pas simple d’se taper la causette toi et moi... » Il marqua sa phrase d’un rire bref et gras, qui se perdit aussitôt au profit de son air froid et sévère. « J’sais pas où s’trouve la bavette qui sert de traductrice et j’doute qu’toi qu’tu jacte le khazalide… On a pas l’joufflu sorti des ronces j’te le dis l’Elgi… » Il faisait de grand signe pendant ses paroles et aux yeux de l’elfe il devait ressembler à un petit être pas forcément colérique mais presque tant la langue khazalide était désagréable au peuple à l’ouïe fine.

« Raaah… foutu Elgi et moi qui jacte pas l’Olyian… va falloir que j’arrange ça avec la gratte-plume. » Il se passa une main sur le visage l’air agacé de pas se faire comprendre et se gratta la barbe en fixant l’Elfe, attendant sagement une quelconque réaction de sa part.

Un poing dans le dos, une main fermement accrochée à l’une des poutres saillantes du bâtiment, tu te tractes avec difficulté. La brûlure dans ton bras et dans ton dos commencent à être insupportables, mais tu forces une répétition de plus. Une goutte de sueur de plus glisse de ton front jusqu’à ton nombril, et dans un râle silencieux, tu offres tes dernières forces à l’exercice… pour mieux passer au suivant.

Malgré la douleur, la fatigue du corps te paraît bien insignifiante. Ton Souffle en réalité celui qui souffre le plus de l’épuisement. Exister parmi autant d’inconnus en tant que leur hôte en terrain neutre est tâche plus ardue que ne le laisse entendre l’apparente frivolité des événements. Observer la manière qu’a chacun de se mouvoir, d’interagir, leurs réflexes, leurs apparentes appréhensions comme celles qu’ils cachent, mais que leurs corps trahissent est un travail de chaque seconde. Et ce que tu voies, tu ne sais encore qu’en penser. Tu aurais voulu qu’une telle occasion fasse disparaître tes préjugés, mais jusqu’ici ils ne s’en sont trouvés que renforcés. Les Ondurs et leur rudesse ne te sont plus inconnus, mais les Arïn ne semblent finalement que se révéler être comme tu les avais toujours imaginé. Et voilà qui te fait à la fois craindre ce que pourrait porter le futur, et espérer arriver à tes fins en temps et en heure.

Pour l’instant cependant, tu te contentes d’utiliser l’entraînement comme thérapie, et d’essayer de te vider l’esprit. En espérant que demain ta patience soit renouvelée, et que tu puisses conserver de bonnes dispositi…

- Aegden?

Un hoquet plus qu’autre chose, retenu par ton poitrail endolori. Mais ta curiosité était piquée. Le Mainyth non plus n’arrivait pas à rester tranquille. À vrai dire, pour peu que la Trame ne te mente pas, ceux des vôtres plongés dans un sommeil réellement calme n’étaient qu’une minorité. Pour les autres… et bien vous vous efforciez de le trouver, le calme, chacun à votre façon.
Levant péniblement tes bras par-dessus ton crâne, étirant sauvagement les muscles gonflés et ankylosés de ton buste, tu parviens à te saisir de tes cheveux, et à maladroitement les rassembler en un approximatif chignon. Tes jambes heureusement n’ont pas beaucoup souffert de ta séance d’aujourd’hui. Alors, curieux de savoir les idées qui agitaient sa nuit, tu avais fini par te lancer à la suite du Lëandrin.

Depuis le bastingage, tu souris. Il semblerait que les habitudes aient la vie dure. Les militaires peinaient à trouver le sommeil dans un lieu où ils ne se sentaient pas entièrement en sécurité. Quoi de plus normal ? Un sentiment fédérateur… entre elfes et nains. Les humains encore absents.
Tu sautes depuis le pont jusqu’à la glace, et interrompant une conversation que depuis ton poste en hauteur tu avais compris vouée à n’aller nulle part, tu te joins à ce qui était maintenant un petit groupe.

- Vous non plus vous n’arriviez pas à dormir alors? tu te retournes en direction d’Ararün, et le salues d’un rapide hochement de tête Du mal à rester tranquille toi aussi?

Pour le job de traducteur:

La tenue de la soirée:

Le nain sembla soudain bien plus bavard que ce à quoi Aegden s’était attendu… Seulement voilà…Il n’y avait pas un seul mot qui sortit de sa bouche que le Mainyth fut capable de saisir, malgré tout l’effort de concentration et de mémoire dont il essaya de faire preuve. Peut être le soldat nain avait-il oublié qu'il ne parlaient pas la même langue... Quoi que ses gestes et son air contrarié semblaient bien indiquer le contraire...

-Moi…Non comprit…Toi ? Hésita-il alors en réutilisant des mots qu’il avait entendus être traduits, le tout avec un accent si épais que ses efforts en venaient sans doute à être annihilés aussitôt. Voir...Oh...Ru-bi-sé-a ?

Heureusement d’autres pas dans son dos firent osciller ses oreilles et un net air de soulagement s’afficha alors à l’apparition inattendue du Daranovan.

-Non impossible. Il ne put s’empêcher un bref soupir de lassitude avant de reprendre avec un ton un peu plus enjoué. Mais c’est l’occasion d’en profiter je crois. Fit il en se tournant vers Ararün, l'air satisfait. Maintenant qu’on a une chance de se comprendre… Je comptait simplement proposer à Ararün de prendre le temps que nous laisse le manque de sommeil commun pour apprendre un peu de l'un et l'autre... Nous n'en n'avions pas eut le temps tout à l'heure.