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| Un spectre fait de grâce et de regret | |
| | Auteur | Message |
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Ameanor Sindënellë
Elfe
Nombre de messages : 59 Âge : 29 Date d'inscription : 15/01/2023
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 706 ans Taille : ~2m Niveau Magique : Maître.
| Sujet: Un spectre fait de grâce et de regret Mar 11 Avr 2023 - 22:10 | |
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8ème enneade du mois de barkios Une nuit agitée, sur la route des Monts Telion Ouvre les yeux. Le soleil brillait puissamment à travers une ouverture circulaire du dôme étoilé au-dessus de sa tête. La pièce avait l’odeur réconfortante du vieux papier et de l’encre séchée. Le silence n’était brisé que par les chants des oiseaux lointains, virevoltant joyeusement dans un ciel dégagé. Où es-tu ? Ameanor était assis sur un fauteuil confortable. Dans sa main droite, un plume pendant mollement, en dessous de laquelle des gouttes d’encre étaient tombées pour mouiller un parchemin posé sur le bureau devant lui et arrêté au milieu d’une phrase. Sur sa gauche, un lourd manuscrit était ouvert, comportant schémas, calculs et annotations. Le mage regarda autour de lui. Des étagères, partout, remplies de livres, couverts de rouleau de papiers remplis par sa main. Au-dessus de lui, le ciel se dessinait, toujours incomplet, une échelle posée là où le travail avait été interrompu. Un sourire et la paix dans le cœur, l’astronome était chez lui, au Coromitinwë. Il se leva et prit une grande inspiration. C’était le jour du grand ménage. Il le savait, il l’avait toujours su, depuis l’instant où ses yeux s’étaient ouverts. Vivre éloigné de la cité impliquait de savoir se débrouiller en relative autarcie, et quand bien même l’on était un mage maîtrisant la puissance infinie de la lumière, le sol et les meubles se salissaient toujours autant. Et vu l’endroit où le cercle lumineux du soleil était projeté dans le grand dôme, la matinée était déjà bien avancée, et Ameanor était en retard. Pris de passion pour son travail, il avait dû s’endormir bien tard, sans même s’en rendre compte. Mais c’était son tour, cela aussi, il le savait bien. Comme à leur habitude, les jumelles se seront cachées pour esquiver l’ennuyeuse tâche qui revenait à la famille. Le père de famille ne ressentait aucune rancœur, plutôt de l’amusement, puisque ce qui était une fuite au départ s’était rapidement transformé en un jeu avec ses petites filles. Un rituel plaisant qui libérait le cœur et donnait du courage pour une tâche aussi simple que redondante. Bien sûr, il savait où trouver les deux jeunes enfants : dans la chambre parentale, probablement leur terrain de jeu favori. Elles avaient gardé cette habitude des premières années où elles dormaient dans une autre pièce, de rejoindre cette pièce, le matin, réveillant parfois Ameanor et Míririen, cherchant contact et occupation. Et, bien vite, plutôt que dormir, le jeu s’installa. Le mage commença à marcher entre les étagères, en laissant glisser une main sur la tranche des livres alignés. La sensation du papier sur ses doigts, l’odeur de bois, de peinture et de vieux livres lui paraissaient si loin, et si doux… En arrivant à la porte, l’astronome prit une grande inspiration en fermant les yeux. En face de lui, se trouvait le vestibule amenant à l’extérieur et aux parties de vies entourant le dôme. Comme un millier de fois auparavant, il prit la porte sur sa droite et traversa une pièce à vivre illuminées par de grandes fenêtres. Au milieu de celle-ci, il commença à claquer des pieds sur le sol, jusqu’à arriver vers une porte à demi close. Des roches qui se brisent. - Je me demande bien où sont cachées ces deux petites terreurs, déclara alors Ameanor avec une voix exagérément forte. De l’autre côté de la porte, de légers gloussements se firent entendre. Un sourire bienveillant illumina le visage de l’adulte alors qu’il repoussa le battant de la porte. Dans la chambre qui se dévoilait, une porte d’armoire se ferma. Alors, levant haut la jambe à chaque pas pour faire le maximum de bruit, Ameanor commença par se diriger vers un petit bureau. Il regarda en dessous, déclarant, toujours avec la même force dans la voix. - Aha ! Je te tiens ! Dit-il alors en regardant en dessous, toujours avec la même voix. Hum, non, elles ne sont pas là. L’une d’entre vous serait-elle là ? Continua-t-il alors en soulevant un papier sur la table. Hum, non, toujours pas.Le père de famille continua ce petit jeu, soulevant d’autres papiers, regardant derrière les rideaux, soulevant des lampes à huile et toujours en poussant des exclamations de victoires bien vite détrompées. Dans la pièce, des petits gloussements commencèrent à se faire entendre. - Mais où sont donc cachées ces maudites créatures ?! Déclara encore plus fort Ameanor en tâtant une protubérance cachée sous un drap fin sur le lit, qui ne put retenir ses rires étouffés. Mais sont-elles donc invisibles ?!Des cris dans le noir. - Et si j’allais par-là ? Poursuivi le mage en s’éloignant à grand bruit et en se postant devant l’armoire. Ici peut-être ? Dit-il en l’ouvrant d’un mouvement sec. Il gardait la tête haute, regardant les étagères les plus hautes et évitant ostensiblement de regarder la petite fille accroupie sous les étagères basse, qui pouffa de rire. Enfin, Ameanor baissa le regard et prit une expression de victoire. Il attrapa la jeune elfe, la sortie de son armoire et commença à la chatouiller aux cotes en poussant un « Je te tiens, Taethriel ! », bien vite répondu par un « Filecthel, au secours, il m’a attrapée ! » lâché entre deux fous rires. Des cœurs qui s’emballent. Un poids se fit soudain sentir au niveau de l’épaule gauche de l’astronome alors que la courageuse jumelle sautait du lit pour entraver la terrible étreinte de son père. Celui-ci prit un instant pour retrouver son équilibre en lâchant Taethriel alors que de petits bras se serraient entre son cou et son dessous-de-bras. Mais les deux sœurs ne s’abandonnaient jamais, et, aussitôt, l’enfant relâchée se jeta sur une jambe, manquant de faire chuter l’adulte. Des ongles dans la chair. - Mais que se passe-t-il donc ici ? S’exclama une voix derrière le trio en pleine lute. Míririen était au niveau de la porte de la chambre, les bras croisés, toisant la scène d’une aire exagérément impérieuse. Alors, avec tout de même quelques difficultés, son époux alla la rejoindre, tractant deux petites filles hilares, l’une accrochée à sa jambe gauche et l’autre, à son épaule droite. - Hiril, dit-il en effectuant tant bien que mal une révérence gauche. Je vous apporte les deux trublions qui voulaient s’esquiver de leur devoir, après une longue chasse épique et pleine de rebondissements !Des pleurs dans les airs. - Vous avez toute ma gratitude, noble faron, répondit Míririen en passant une main douce sur sa joue. Mais qu’allons-nous demander à ces deux garnements comme réparations ? Demanda-t-elle en se grattant le menton. Hum, je sais ! Les poussières doivent être faites sous le dôme, ce sera leur rédemption !Ameanor décrocha délicatement Filecthel de son épaule et la posa devant lui tandis que Míririen prenait la main de Taethriel. - Vous avez entendu votre mère ! Au travail, maintenant, je dois m’occuper de la cuisine.- Allons-y, continua Míririen en se dirigeant vers la sortie avec les deux jumelles, la journée est déjà bien entamée.Puis, vinrent les ténèbres.
Dernière édition par Ameanor Sindënellë le Sam 15 Avr 2023 - 11:43, édité 1 fois |
| | | Ameanor Sindënellë
Elfe
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Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 706 ans Taille : ~2m Niveau Magique : Maître.
| Sujet: Re: Un spectre fait de grâce et de regret Mer 12 Avr 2023 - 22:37 | |
| Ouvre les yeux. Une lumière rougeâtre filtrait à travers les feuilles. Le vent remuait les branches, et les insectes jouaient leur symphonie infinie. L’odeur du bois et de la mousse humide beignait l’air frais et, de la terre fertile sous ses pieds, la vie s’épanouissait. Le chemin escarpé droit devant ressemblait à un sentier de sanglier, des buissons épineux le jonchaient. Un panier pendait entre les mains d’Ameanor, partiellement remplis de baies et de fruits. Où es-tu ? Cette pente escarpée qui s’entrevoyait ici et là et les arbres hauts et la végétation dense ne trompaient pas. Un paradis de cachette pour les proies, un paradis de verdure pour les elfes. Son paradis. Celui de sa famille. La colline du Coromitinwë. L’après-midi mourrait et le crépuscule arrivait. C’était toujours le jour du grand ménage bien que le travail fût terminé. Ameanor avait dû se reposer quelques secondes au bord du sentier. Bien sûr, il savait ce qu’il devait faire, ce pourquoi il avançait dans les bois. La terre était généreuse, et la nourriture ne manquait pas, sur la colline. Et il fallait bien remplir la cuisine, pour le repas qui viendrait ce soir. - Ameanor, c’est ton tour maintenant ! Lança une belle voix quelque peu fatiguée, provenant de plus loin sur le sentier. Fourrager de la nourriture était toujours l’occasion d’une sympathique balade pour la famille, et le couple était toujours heureux d’amener leurs enfants avec eux. Mais les jumelles étaient encore jeunes et pleines d’énergie : elles demandaient encore toute l’attention qu’elles pouvaient recevoir. Alors, à tour de rôle, l’un des deux parents s’occupait d’elles, jouait avec et leur faisait profiter des années d’or où nulle obligation ne pesait sur leurs jeunes consciences. Un sourire aux lèvres, profitant de la grâce de l’instant, le mage parti rejoindre sa belle épouse qui portait Filecthel sur son dos. Ameanor embrassa tendrement sa dulcinée et attrapa Taethriel pour la mettre sur ses épaules. Sa seconde fille abandonna sa mère, qui récupéra le panier et parti quelque peu en avant. Alors, Filecthel se mit face à son père et tendit les bras vers le ciel, le regard implorant en lançant « Fais-moi marcher ! S’il te plaît, papa ! ». Alors, Ameanor attrapa les petites mains tendues et la jeune fille qui mit ses pieds sur les siens en poussant une exclamation de joie. Pendant quelques minutes, il marcha tant bien que mal sur le chemin, sous les exclamations en réclamant encore provenant de sa fille. Mais, bien vite, poussée par une momentanée jalousie, Taethriel demanda le même traitement, et l’astronome se retrouva avec une fille sur chaque pied, tenant en un équilibre précaire, mais rigolant aux éclats à chaque pas laborieux de leur père qui exagérait ses soupirs d’efforts, comme s’il devait soulever une montagne à chaque enjambée. Le jeu s’étala encore un peu, avant que le scientifique ne se laisse tomber théâtralement en position assise sur un rocher dépassant à moitié sur le sentier. - Je dois m’avouer vaincu ! Qui donc peut égaler la vigueur des deux terribles maitresses de ces terres ? Je me le demande bien !- Allez, papa ! Tu triches, on sait que tu peux aller plus loin, répondit Taethriel. - Oh, mais je suis si vieux et si fatigué… Mes forces m’abandonnent ! Termina-t-il en insistant sur la dernière syllabe pour un effet bien trop dramatique. - je sais comment te soigner, moi, rajouta Filecthel, en sautant sur les genoux de son père. Elle attrapa sa main et commença à jouer avec sa bague, symbole de son lien indéfectible avec Míririen. Elle chantonnait un air provenant de son imagination fertile, callant sa petite tête sur la poitrine d’Ameanor, qui se mit à lui caresser les cheveux. Un peu plus loin, Míririen, sur la pointe des pieds, essayait d’attraper un fruit paraissant particulièrement juteux qui pendant mollement à une branche. Voyant cela, Taethriel, qui avait commencé à bouder, s’élança vers l’arbre. - Attends, maman ! Je vais grimper et récupérer le fruit ! De toute façon, on sait tous que c’est moi la plus rapide, pour ça ! S’exclama la petite fille alors que sa sœur lui lançait une grimace. Des os qui craquent. Agilement, Taethriel grimpa sur le tronc, sous le regard protecteur de sa mère. Mais, soudain, un grondement se fit entendre dans l’arbre, alors que l’enfant sautait sur une branche un peu trop fragile. L’enfant chuta. Mais, heureusement, la chute fut bien courte et ne provoqua que quelques maigres égratignures. - Doucement, Taethriel ! On t’a déjà dit de tester les branches avant de te jeter dessus ! S’inquiéta Míririen en se précipitant vers sa fille. - Mais c’est pas drôle, c’est long et c’est ennuyant, maman !- Tu ne dirais pas ça si tu étais tombée de plus haut. Elle regarda le ciel qui s’obscurcissait et où la lune était désormais bien visible. Le soleil se couche, il est temps de rentrer de toute manière.- Encore un peu, maman ! Supplia la jeune fille qui s’était remise sur pied comme si de rien n’était. - Rentre, répondit Ameanor en se levant et en apportant Filecthel, qui bayait, dans les bras de sa mère. Je vais rester encore un peu avec Taethriel.- D’accord, mais pas trop longtemps. Je n’aime pas quand vous êtes loin de la clairière pendant la nuit.Un sourire compréhensif répondit à la dernière demande de Míririen qui s’en alla sur le chemin, laissant le père seul avec l’une des deux jumelles. Du sang sur les mains. Mais voilà quelques minutes à peine que le couple s’était séparé et qu’Ameanor marchait en tenant la main de son enfant, et il faisait déjà si sombre… Comme si le soleil avait décidé de disparaître d’un coup, de s’effacer d’un bond. Il fallait rentrer maintenant, faire demi-tour. Le mage mit de nouveau sa fille sur ses épaules, mais à peine eut-il le temps de se retourner qu’une goutte chaude vint mouiller sa main. De la pluie ? Il leva la tête, il n’y avait pas de nuage, mais un spectacle bien plus troublant. Une tête de cerf, coincée dans les branches. Du sang coulait de son coup sectionné net, et gouttait sur ses mains. La forêt était silencieuse maintenant. Il n’y avait plus de vent dans les feuilles. Il n’y avait plus de symphonie des insectes, ni de chant des oiseaux. L’inquiétude et l’angoisse prirent place dans le cœur d’Ameanor, qui s’essuya tant bien que mal les mains sur ses habits. Il fit descendre Taethriel de ses épaules et la plaça contre son torse, pour accélérer le pas plus facilement autant que pour lui cacher la vue du spectacle troublant. Le froid contre la peau. Que se passait-il ? Ce n’était pas normal. Pourquoi faisait-il si noir ? Qu’était-ce que cette seconde lune, parfaitement sphérique qui côtoyait la lune, si belle, dans le ciel ? - Papa, dit une petite voix faible. Il baissa la tête, Taethriel était gelée. Elle avait les bras serrés contre sa poitrine, formant une boule dans les bras de son père, pour chercher le maximum de réconfort. - Papa, j’ai froid.- Ne t’en fais pas, tout va bien, répondit son père sans réussir à dissimuler son inquiétude alors qu’il se mettait à courir. On est bientôt rentré. Je te ferais un bain bouillant à la maison !Le Souffle qui se disloque. - Papa…Cette fois, la voix de l’enfant n’était plus qu’un râle. Elle levait la tête pour chercher le regard de son père. Elle était livide. Ses yeux devenaient blancs, ses joues se creusaient, ses cernes s’approfondissaient. Non, c’était impossible. Ça ne pouvait pas arriver. Ça ne pouvait pas être réel. Ameanor accéléra. - Tout va bien, mon hirondelle. Tiens bon, encore un peu... La maison est juste là, devant, regarde !Il s’arrêta net. Le chemin était bloqué par un grand cerf, debout. Il n’avait plus de tête, et ses entrailles pendaient de son torse déchiré. Puis, vinrent les ténèbres.
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| | | Ameanor Sindënellë
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| Sujet: Re: Un spectre fait de grâce et de regret Sam 15 Avr 2023 - 11:39 | |
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Ouvre les yeux. Le noir. Où es-tu ? Le fond du gouffre. Là où nul ne peut apporter de la lumière et du réconfort. Là où nul ne peut s’échapper. Le vide infini, la fin sans retour. Haut au-dessus de la tête d’Ameanor, un immense cœur vicié, suintant d’un pus noirâtre, émis une pulsation qui envahit l’espace interminable d’une lueur violacée. Il n’y avait rien, hormis la solitude dans l’immensité sans reliefs, sans couleur. Rien, excepté ce corps allongé au sol que la lumière, déclinante, progressivement, révélait. Une ombre massive s’avançait, derrière. - Míririen ! S’époumona le mage. Mais son cri n’était pas plus qu’un chuchotement dans les ténèbres, un souffle perdu dans le vide. Alors, il s’élança, avec toute l’énergie qu’il était capable de rassembler, poussé par la peur et le désespoir, mue par l’unique but de préserver celle qu’il aimait, même par-delà la fin et la mort. Des roches qui se brisent. Une nouvelle fois, l’immense cœur battit, ravivant la lumière violacée qui s’estompait. Provenant du néant, une pluie de roche tomba entre l’astronome et son épouse, le séparant par un mur illimité de son objectif. Mais l’ombre avançait toujours, lentement, implacable. - Non ! Hurla-t-il sans ne provoquer plus que l’ombre d’un râle, alors qu’il plongeait les mains en avant sur le mur de roche, tapant dessus pour essayer de le faire tomber. La lumière s’estompait encore. Ameanor se mit à tirer sur les pierres qui dépassaient, grattant jusqu’à ce que du sang coule de ses ongles pour creuser une ouverture. Des cris dans le noir. Un cri raisonna dans les ténèbres. Un cri féminin sinistre, portant terreur et suppliques. - Míririen ! Cette fois, son cri perça la bulle de silence qui l’avait entouré jusque-là. Ameanor arrachait les roches, tirant avec des forces que lui-même ne se connaissait pas, frappant la roche dans une folie manique. La lumière s’éteignait, et le noir reprit le dessus, mais la terre et la pierre commençait à céder. Il sentait une petite ouverture se créer dans le mur, suffisant pour y passer une main. Des cœurs qui s’emballent. Un nouveau battement du cœur sclérosé, de nouveau, la lumière violacée fut. À travers le petit trou du rempart qu’il creusait, le mage pu distinguer sa dulcinée, le dos relevé et les jambes étendues au sol, s’aidant de ses mains pour se maintenir. Juste en face d’elle, la paralysant d’effroi, une bête d’ombre et de ténèbres la regardait, les yeux rouge sang. Les contours de ses formes aux aires d’un immense loup qui avoisinait le mètre quatre-vingts de hauteur fluctuaient, des traits obscurs s’en échappaient et se dissolvaient dans le vide. Sa gueule dégoulinait des mêmes ténèbres et présentaient des crocs immenses et acérés. La bête leva une patte aux longues griffes, et frappa puissamment sur la poitrine de Míririen, qui fut projetée dos au sol dans un bruit lugubre, transformant sa respiration en une succession de petits sifflements difficiles. Le cœur d’Ameanor s’accéléra tandis que celui de son aimée se déréglait à mesure que la lumière disparaissait. Déployant l’énergie de la folie et du désespoir, il arracha des pans de roche devant lui jusqu’à suffisamment agrandir l’ouverture pour essayer de s’y glisser. Des ongles dans la chair. L’immense cœur dégoulinant se contracta encore, libérant son rayonnement par la même occasion. Ameanor se jeta dans l’ouverture. Devant lui, le monstre posait ses immenses pattes sur les jambes et les épaules de Míririen, peinant à respirer sur le sol. Ses griffes s’enfoncèrent dans sa chair, faisant couler du sang vermeil à grande goutte. Le mage se tracta alors comme il le put, ses vêtements se déchirèrent comme sa peau contre les serres des rocs autour de lui. Des pleurs dans les airs. Cette fois, avant même que la lumière ne put s’éteindre, le cœur émis une nouvelle pulsation, ravivant la lumière. Des sanglots raisonnaient, comme réverbérés par des parois d’une grotte invisible. Des pleurs implorant la pitié, suppliant qu’on vienne les sauver. Des larmes se mélangèrent au sang sous Míririen, tandis que la douleur des griffes de pierre arrachant les muscles en arrachait à Ameanor. Mais, enfin, il arrivait au bout. Enfin, il avait traversé l’épaisse muraille qui le séparait de son âme-sœur, laissant une large traînée sanguinolente dans le mince espace qu’il avait traversé. Mais même la folie de l’adrénaline avait ses limites, et le mage était épuisé. Il essayait de reprendre son souffle, à quatre pattes derrière le mur. Des os qui craquent. Encore le cœur purulent. Encore la lumière. Et, de nouveau, la douleur. Une pierre large et lourde était tombée sur le mollet du scientifique, écrasant la chair comme l’os dans un craquement sinistre. En face, l’ombre de terreur leva lentement une patte, puis la projeta contre la cage thoracique de Míririen, l’écrasant dans un bruit terrible étayé par les râles d’agonie de la victime, éparpillant ses entrailles dans un unique objectif : la douleur. Du sang sur les mains. Un nouveau battement, comme un métronome qui s’accélérait. Une nouvelle lumière, plus vive. Rassemblant toute l’énergie qui lui restait avec un cri de désespoir, Ameanor fit rouler la roche sur sa jambe pour se dégager, se couvrant de son propre sang. Alors, il rampa, se tirant dans les marres du fluide vital de son amante mourante, coulant à flots du trou béant de son torse. Il pouvait sentir ses longs cheveux d’or, il n’avait qu’à tendre le bras pour atteindre son visage couvert de larme et de sang. Le froid contre la peau. Le cœur, toujours, battait. Encore un peu, encore quelques tractions sur le sol glissant, et le haut du crâne du mage vint en contact de celui de son épouse. Il n’avait plus de force, plus assez pour même lever la tête, alors que son sang se mélangeait à celui de Míririen. Il tendit tout de même le bras, pour poser une main sur sa joue livide, toujours surplombée par la bête féroce. Sa peau était glacée. Le Souffle qui se disloque. Une pulsation, plus forte cette fois, faisant briller l’immensité du vide. La créature d’effrois ouvrit large la gueule et s’approcha lentement de la tête de Míririen. Alors, elle fit claquer ses crocs, brisant en même temps les os de la main d’Ameanor que le crâne de celle qu’il aimait. Le mage sentit une attraction, une succion. La bête ne se contentait pas de briser les os, elle aspirait. L’astronome sentit son Souffle s’arracher à son corps, tout ce qui faisait de lui ce qu’il était, se déverser dans la tourmente ténébreuse de la gueule monstrueuse. Son Souffle se mélangeait avec celui de Míririen, s’abandonnant à la fin, car son cœur brisé se souvenait toujours de ses vœux d’éternité : jamais les Souffles de ces deux elfes ne se sépareront, dans la grâce comme dans la tourmente. Puis, vinrent les ténèbres. Pourtant, la succion mystique s’arrêta, alors que la lumière violacée disparaissait. La bête relâcha son étreinte, ne laissant qu’une bouillie sanguinolente là où se trouvaient le visage de Míririen et la main d’Ameanor. Le mage n’était plus que l’ombre de lui-même, le vide avait pris place dans la majorité de son essence. Mais une partie de son être était toujours là, dans les ténèbres, alors que le corps brisé, devant lui, n’était plus qu’une coquille vide. L’immense cœur purulent pulsa une dernière fois, affaibli. Sa lumière n’était plus qu’une flamme vacillante d’une bougie mourante. Mais elle fut suffisante pour révéler la tête de la créature d’ombre posée contre le front du mage. Sa gueule dégoulinait de noirceur et de sang, et, dans ses yeux rouges, se reflétait une image décharnée. Un visage creusé, dont les yeux n’étaient plus que deux trous béants, sans cheveux ni sourcils. Toute grâce avait abandonné cet être, ne laissant qu’un spectre de regret. Le traître qui les a abandonnées.
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