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 Appel à l'aide | Gautier & Alicia

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Alicia de Terresang
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MessageSujet: Appel à l'aide | Gautier & Alicia   Appel à l'aide | Gautier & Alicia I_icon_minitimeSam 17 Juin 2023 - 21:46


Fin du mois,
Eté, Verimios 20:XI


-Madame ?

Je relève la tête. Assise dans cette petite salle, je me lave encore les mains lorsqu'un apprenti prêtre entre, l'air un peu gêné. Il a eu le malheur de me voir arriver, toute pomponnée de la tête aux pieds, demandant à avoir une tenue plus appropriée pour réaliser quelques soins et offrir ainsi un peu de mon temps au Temple de Néera. S'il n'y avait pas eu une prêtresse plus expérimentée pour m'accueillir, je serais peut-être encore dans l'entrée tant cette demande a perturbé l'adolescent.

-Il y a quelqu'un qui vient de se présenter... Est-ce que... euh...
-Je vais m'en charger.

Je lui réponds avant même qu'il n'ait fini sa phrase mais je sens qu'il aura grand peine à la terminer alors je l'aide avec douceur. Il est un peu surpris mais, me voyant lui sourire gentiment, il me répond avec gratitude avant de disparaître. Il revient quelques instants plus tard avec une femme escortant un enfant. Un petit garçon de sept ou huit ans. Il tient son bras gauche qui est enflé et il semble avoir pleuré récemment.

-Apparemment, ce n'est pas cassé. Il faudrait lui faire une attelle.
-Je m'en occupe. Puis je désigne la table de soins près de moi. Viens. Lui dis-je gentiment.

Sa mère le pousse un peu et vient l'asseoir de manière à ce qu'il soit tourné vers moi. Je lui souris avant de lui demander de me montrer son bras. Ensemble, nous regardons où il a mal afin que je sache comment faire l'attelle exactement. J'apprends encore mais on m'a fait soigner nombre de blessures sans grande gravité alors je commence à maîtriser un peu les entorses et les plaies. Avec les bons accessoires, son poignet est rapidement enrubanné tandis que je lui pose des questions afin de briser un peu la glace. Lorsqu'il est temps pour lui de partir, il est déjà bien moins sauvage qu'en arrivant.
C'est ce que j'aime lorsque je viens ici... Au-delà de la pure charité... Le contact avec des gens simples qui n'usent pas d'artifices ou de ruses. Des gens qui apprécient le peu que je puisse donner.

Je sors en même temps que cette famille, à l'aide de mes cannes. J'en ai encore besoin, non seulement pour faire croire que je suis toujours infirme mais aussi parce que mon équilibre doit encore s'affiner. Pour faire une transition, je pourrais retirer une orthèse dans les prochaines ennéades peut-être ?...
Dans l'entrée, je laisse la femme et son enfant s'en aller, adressant un dernier sourire au petit garçon qui se montre bien plus à l'aise avec moi désormais... Je les regarde s'en aller, en appui sur mes deux soutiens. Mais, tandis qu'ils s'éloignent, ils passent à côté d'une silhouette dont ils s'écartent afin de lui laisser le passage. Mon regard est alors attiré par cet homme et, un peu surprise, je fronce brièvement les sourcils. Habituellement, les nobles font venir les prêtres à eux. Ils se déplacent rarement... Que fait-il ici ?
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Gautier de Vendeuvre
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MessageSujet: Re: Appel à l'aide | Gautier & Alicia   Appel à l'aide | Gautier & Alicia I_icon_minitimeMer 21 Juin 2023 - 18:28

Le monde semblait s’effondrer lentement pour Gautier. En l’espace d’un peu plus d’une année, tout ce qu’il avait patiemment construit s’écroulait progressivement autour de lui, et ses proches disparaissaient telle la poussière au vent. L’esprit de son épouse, amie bien que pas amante, mourrait laissant un corps en une coquille vide derrière lui. Le Souffle de celle qu’il aimait depuis un quart de siècle, d’un amour interdit, toujours proche, mais jamais consommé, s’était éteint un mois plus tôt. Et le mal qui avait emporté celle qui disposait du cœur du seigneur ne voulait pas s’arrêter là, car son fils toussait maintenant du sang alors que sa vigueur juvénile s’envolait. Et la même chape de noirceur qui était tombée sur le sire recouvrait lentement les terres de Vendeuvre. Aux frontières, les Wandrais s’agitaient de plus en plus. Les gobelins continuaient leur descente régulière et les forêts n’étaient plus aussi sures qu’avant.

Pour la première fois depuis près de deux décennies, Gautier était perdu. Rien de ce qu’il faisait ne semblait arranger les choses. Il assistait, impuissant, au drame qui se jouait devant ses yeux, tel un homme essayant d’arrêter une immense vague déferlant sur lui avec ses faibles mains. Mais c’était un homme du Nord. C’était un seigneur des terres frontalières. Un homme forgé dans le fer et le sang, et quand bien même la vague arrivait, il se devait de rester debout, face à elle, et d'agir de son mieux pour l’arrêter. Si aucune solution ne venait de l’intérieur, il faudrait la chercher à l’extérieur. Aussi, Gautier avait envoyé des messages en plusieurs grandes villes, dans un certain nombre de temples, à la recherche d’aide pour soigner le mal qui touchait les siens. Et, sans attendre de réponse, il partait déjà, chevauchant pour Serramire, la glorieuse capitale du duché, dans l’espoir d’y trouver l’aide salutaire dont il avait besoin.

La grande ville n’était pas très loin, à peine deux jours de chevauchée. C’était alors en petit comité, et en civile, que le noble prit la route. Pas plus de six personnes, dont quatre armées, le suivait. Et, comme attendu, le voyage s’effectua sans encombre. La dernière énneade de Verimios avait alors débuté en une journée nuageuse, annonçant un orage estival, tandis que le seigneur de Vendeuvre entrait dans la capitale de Serramire. Les premières grosses gouttes tombaient du ciel alors qu’il entrait, seul, dans le temple de la cité, déposant ses armes respectueusement.

Son apparence ne trompait pas. Grand, fier, aux épaules larges et aux bras puissants. Relativement svelte pour son âge, lui qui approchait de la quarantaine, l’on ne pouvait pas méprendre Gautier pour un homme du commun. Et quand bien même, sa tunique bleue rehaussée de sa cape et portant les héraldiques de son domaine venait éliminer toute trace de doute, car, qui était versé dans la politique des seigneurs du nord n’aurait pas de mal à identifier le symbole de la poitrine du sire comme étant celui de Vendeuvre. Pourtant, les poches sous ses yeux étaient signe d’une lourde fatigue relevée par une forme d’angoisse profonde couvant au fond du regard bleu du seigneur.

Un prêtre vint rapidement accueillir le noble invité tandis qu’une mère et son enfant lui faisaient un rapide et respectueux hommage en quittant le temple. L’expression étonnée du religieux marquait son désarroi, mais il ne manqua pas de faire une révérence pour accueillir son visiteur, qu’il semblait quelque peu connaître.

- Monseigneur, nous avions bien reçu votre missive, mais nous ne nous attendions pas à vous voir ici… Nous avons appris pour les tragiques événements des derniers mois… Vous avez toutes nos condoléances, mais je crains que nous ne puissions que vous renouveler la confiance absolue envers le soigneur de votre cours. Il a été formé ici-même, je crains qu’il n’y ait rien de mieux à faire que d’écouter les sages conseils qu’il vous prodigue.

- Mon Père, répondit alors Gautier après un long soupire, j’ai déjà reçu cette réponse, mais les choses sont devenues trop grave pour que je reste les bras croisés. Le seigneur n’avait pas la moindre animosité dans sa voix grave. En fait, l’on y décelait même une forme de tristesse et de lassitude. Le poids du devoir se faisait de plus en plus lourd sur ses épaules. Vous devez comprendre, j’ai vu ceux qui me sont chers être emporté par le mal, et mon fils en est souffrant. Laissez-moi au moins accéder à votre bibliothèque, ou discuter avec vos éminents savants, je dois saisir toutes les chances possibles d’approcher d’une solution…

- Nous pouvons bien faire cela, finit par dire le prêtre. Vous connaissez le chemin, le bâtiment n’a pas changé depuis toutes ces années, termina celui-ci en tendant la main vers une porte au fond de la pièce.

Gautier partis alors d’un pas rapide, les yeux au plafond et les mains dans le dos. Perdu dans ses pensées, il ne remarqua même pas la petite jeune femme non loin. Du moins, jusqu’à ce que son flanc vienne se heurter contre la pauvre femme habillée en religieuse. Avec une surprenante rapidité et une douceur inattendue pour ses mains puissantes, il la rattrapa, constatant ses béquilles, signe d’un handicape bien malheureux sur un corps si jeune.

- Pardonnez-moi, ma Mère, s’empressa de dire le noble seigneur, honnêtement contrit et méprenant son involontaire victime pour une religieuse au vu de ses habits. Je suis… Dissipé, en ce moment. Je vous en prie, dites-moi ce que je peux faire pour me faire pardonner !
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Alicia de Terresang
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MessageSujet: Re: Appel à l'aide | Gautier & Alicia   Appel à l'aide | Gautier & Alicia I_icon_minitimeJeu 22 Juin 2023 - 20:11


Un prêtre aborde le chevalier et je me détourne d'eux. La raison de sa présence m'intrigue, certes, mais elle ne me regarde en aucune façon. Alors, je me contente de dresser à une jeune Sœur la liste des derniers soins que j'ai effectué afin qu'elle les indique dans le registre posé devant elle. Lorsqu'elle a terminé, elle me remercie grandement pour mon aide, ce à quoi je réponds avec la plus grande des politesses et de l'humilité. Après tout, je trouve aussi dans mon geste une forme de rédemption alors que je dois adapter certaines de mes décisions pour la mission de l'on m'a demandée d'assumer. Je sais que je ne trahis en rien Néera puisque j'agis pour elle, mais tout de même... Rien que le fait d'avoir dû accepter de me faire soigner par l'un d'eux...

Tandis que je me retourne pour repartir, je ne peux voir que le noble de tout à l'heure passe justement près de moi et nous nous percutons malencontreusement. Même si mes jambes sont guéries, je ne dispose que de peu d'occasions de travailler ma musculature et mon équilibre et je vacille encore bien trop aisément. Alors je tombe... Ou plutôt, je serais tombée si cet homme n'avait eu d'aussi bons réflexes. D'ailleurs, j'en suis presque aussi surprise que de la délicatesse dont il fait preuve. C'est sans aucun doute un homme d'armes, et pourtant... Il a quelque chose de très doux.
Je relève mon regard vers lui et la première chose que je note c'est la couleur de ses yeux, proche de la mienne mais en plus foncé. Sa voix me tire rapidement de ma rêverie et je réalise la posture dans laquelle nous nous trouvons : Il me tient toujours et, ayant lâché une de mes cannes pendant l'incident, ma main s'est posée sur l'un de ses avants-bras afin de me retenir à lui.

-Vous pourriez... commencer par m'aider à me redresser ? Je lui suggère gentiment, quoi qu'un peu déroutée par notre posture actuelle.

Pour être dissipé, on peut dire qu'il l'est... Mais je ne lui en tiens manifestement pas rigueur. Je m'exprime avec douceur et esquisse un sourire à la fois amical et amusé. Je suis à peine debout que, déjà la jeune religieuse à laquelle je m'adressais tout à l'heure est à mes côtés.

-Vous allez bien ?!
-Je vais très bien. Je la rassure aussitôt alors qu'on dirait qu'elle redoute l'incident diplomatique... Je vous l'assure, ma Sœur. Je continue poliment pour appuyer mes dires et couper court à plus d'insistance de sa part.

Oui, je suis infirme -officiellement en tout cas- mais je sais vivre avec et je ne ferais certainement pas un esclandre pour si peu. La future prêtresse comprend le message caché derrière ma gentillesse mêlée d'assurance et décide de me répondre d'un sourire avant de s'éloigner. Je reviens alors sur celui qui est à la fois l'instigateur et le sauveur de cet instant.

-Vous n'avez rien à vous faire pardonner. Je n'ai pas regardé où j'allais avant de me retourner...

Je me sens un peu idiote d'ailleurs. Je sais bien que, dans mon état, je dois faire attention. J'ignore à quoi je pensais... Sans doute est-ce que je commence à vouloir prendre confiance en la robustesse nouvelle de mes jambes mais je n'y suis pas encore. Je suis sans doute trop empressée. Au moins cet incident m'a-t-il rappelée à la réalité mais aussi à la nécessité de faire plus attention afin de ne pas être découverte. Si jamais cela s'était passé dans quelques mois, je n'aurais pas trébuché...
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Gautier de Vendeuvre
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MessageSujet: Re: Appel à l'aide | Gautier & Alicia   Appel à l'aide | Gautier & Alicia I_icon_minitimeSam 24 Juin 2023 - 8:35

- Oui, bien sûr, dit alors Gautier en redressant la jeune femme, puis en lui remettant en main ses appuis alors qu’une sœur s’enquerrait de la situation.

Dissipé, le seigneur de Vendeuvre l’était. Nombreux étaient les sujets qui pesaient sur ses épaules et bien lourd état le poids du deuil. Il fut un temps où les beaux yeux clairs de celle qui paraissait une jeune prêtresse, son visage doux et ses cheveux soigneusement entretenus auraient fait rougir l’homme du Nord. Mais, peut-être était-il devenu trop vieux, trop usé, tant par son implacable devoir que par l’insupportable taxe que Tyra prélevait sur son domaine depuis peu, pour que son cœur se prenne à ces fous jeux de jeunesse. Pourtant, les manières avenantes de son interlocutrice avaient un côté rafraîchissant et juraient avec les derniers échanges avec les contacts du sire de ce temple, plus froid et distants, se contentant toujours de rappeler que le prêtre envoyé à sa cour pour la soigner était bien suffisant à gérer les maux de ses terres. Ce visage neuf pouvait-il aussi apporter un nouveau regard sur ce qui pesait tant à Vendeuvre ?

- C’était à moi de prendre garde à ma trajectoire, reprit alors Gautier. D’autant plus qu’il vous est plus complexe de vous mouvoir que moi, finit-il en désignant du regard les cannes dans les mains de la petite femme. Je ne crois pas vous avoir déjà vue dans ce temple, vous n’êtes pas ici depuis longtemps, si je ne me trompe ? Hum… Mais il faut bien dire que ma dernière visite remonte déjà à quelques années. Il fut un temps où j’entretenais une relation particulière avec les prêtres savants de ce temple, mais les circonstances tendent malheureusement à dénouer ce lien…

Gautier fit une courte pause, fronçant les sourcils et frottant sa courte barbe sur son menton avec sa main droite. Depuis bien la moitié d’une décennie, ses échanges épistolaires avec les milieux savants de Serramire s’étaient faits plus succincts et bien moins chaleureux. Tout d’abord, les ressources tout comme le temps du dirigeant du Nord se faisaient plus rares, mais les années avaient aussi fait leurs offices, prenant la vie de bon nombre de religieux et religieuses qu’il avait connu ici.

- En fait, dit alors Gautier en croisant les bras, peut-être pourriez-vous m’aider ? Je cherche ici des réponses contre un mal qui sévit sur mes proches. Le seigneur fit une nouvelle pause d’une seconde. Une lueur de détresse était apparue au fond de son regard, qu’il s’était bien vite empressé d’enterrer au tréfonds de son être. Les remèdes que nous avons essayés jusqu’ici n’ont rien donné, si ce n’est la mort pour ceux qui ne la méritaient pas, finit le noble en posant une main sur l’anneau qu’il portait autour de son cou, à l’aide d’une chaîne, et actuellement sous ses vêtements. Sauriez-vous s’il m’est possible de trouver quelque information que ce soit dans ce temple sur la meilleure manière de soigner un mal qui s’attaque au souffle et fait tousser du sang ?
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MessageSujet: Re: Appel à l'aide | Gautier & Alicia   Appel à l'aide | Gautier & Alicia I_icon_minitimeDim 25 Juin 2023 - 20:22


J'esquisse un léger sourire devant la politesse dont fait preuve mon interlocuteur. L'on en attend pas moins d'un noble bien éduqué. Cannes ou non, il aurait de toute façon reporté la faute sur lui dans une telle situation. Elles ne sont qu'un prétexte supplémentaire pour ne pas avoir à le contredire. Et cela fonctionne... Je ne cherche plus à débattre et je le laisse gagner dans ce jeu plutôt ingrat où le but est de remporter la responsabilité de l'erreur commise. Jeu auquel les femmes perdent souvent, par pur galanterie masculine. Je sais que cela n'est pas juste mais j'avoue apprécier cette bienveillance masculine...

-Eh bien... On peut dire cela.

Oui, je suis nouvelle étant donné que je suis arrivée la veille et que, attendant que les chevaux se reposent et que l'on refasse des provisions pour le reste du voyage, j'ai cherché à me rendre utile en venant ici. Ce n'est que lorsque de chevalier m'expose sa requête que je comprends sa méprise. D'ailleurs, ne m'a-t-il pas appelée "ma Mère" tantôt ? Je suis prise d'un doute mais, étant donné la façon dont notre échange a commencé, il se peut que je n'ai pas assimilé cette information sur le moment.

-Pardonnez-moi... mais je crains qu'il n'y ait erreur sur la personne. Je sais penser les plaies... faire un bandage... poser une atèle... Mais mes maigres compétences s'arrêtent malheureusement là. Je ne suis qu'une noble venue prêter un peu de son temps pour soigner quelques malchanceux...

Je lui adresse un sourire contrit et peiné et à la fois sincère. J'aimerais être en mesure de l'aider mais je ne suis pas la prêtresse qu'il croit. Néanmoins, je comprends un peu mieux ses épaules abattues, ses yeux fatigués et son air sombre, de même que la raison de sa présence ici. Le sujet a l'air de réellement le préoccuper et le Temple ne semble pas être en capacité de l'aider. Un peu comme moi, avec mes jambes... Mais je n'avais qu'à m’accommoder de mes orthèses pour reprendre le cours de ma vie. Les symptômes que cet homme me décrit sont bien moins encourageants...
Tandis que je le laisse intégrer la nouvelle et réduire en lui l'espoir de me voir lui apporter des réponses, je réfléchis... J'hésite... Et puis, finalement, je me dis que rien ne m'empêche de l'aider un peu. J'ai tout mon temps après tout. En dehors de ma suite, personne ne sait même que je suis à Serramire donc personne ne me demandera... Pas même le Duc.

-Cependant, si je peux vous être utile... N'hésitez pas. Je n'ai aucune obligation pour le reste de la journée.
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MessageSujet: Re: Appel à l'aide | Gautier & Alicia   Appel à l'aide | Gautier & Alicia I_icon_minitimeMer 28 Juin 2023 - 19:39

Gautier afficha un air contrit alors que la noble dame se révélait un peu plus. C’était, en soit, un manque de respect, que de ne pas proprement s’adresser à une femme de son rang, encore plus de la bousculer… Les seigneurs des Vendeuvre avaient beau passer une bonne part de leur vie à guerroyer pour protéger leur peuple des incursions Wandraises, ils avaient beau avoir vécu dans un isolement relatif pendant des siècles, la courtoisie et la politesse restaient des valeurs phares. Car, si celles-ci n’étaient plus respectées, que viendrait différencier ces sires des Vandales qui venaient piller leur terre ?

- Pardonnez-moi, ma Dame, je ne m’étais pas rendu compte de votre rang. Vous me voyez d’autant plus désolé de vous avoir mal traité en vous bousculant ! Répondit le sire, réellement navré que les choses se soient déroulées de la sorte. Laissez-moi donc proprement me présenter ! Je suis Gautier, seigneur de Vendeuvre, fit-il alors avec une gracieuse révérence. Je connais quelque peu les seigneurs proches de mes terres, au nord, à la frontière avec les Wandres, mais je dois bien dire, et pardonnez-moi si je vous importune, que je ne vous reconnais pas. Que nous vaut donc l’honneur de votre présence ici, si ce n’est pas trop indiscret, ma Dame ?

Gautier arborait un sourire portant un étrange mélange de chaleur et de fatigue. Peu nombreuses étaient les occasions de rencontrer un nouveau membre de la noblesse pour lui, qui devait toujours rester aux aguets, prêt à chevaucher au secours des siens. Et son désamour des réceptions, bien que compréhensible, n’aidait certainement pas à se faire des relations. Même si des temps sombres le portaient dans la capitale, c’était donc plaisant que de découvrir une nouvelle tête. Encore plus quand celle-ci se montrait aussi douce que bien éduquée.

- Pour ma part, reprit Gautier pour faire le premier pas et, ainsi, montrer sa bonne volonté après son interrogation, je crois que vous aurez compris que je suis à la recherche de quelques réponses. Les choses ne sont pas toujours faciles, dans les terres frontalières, et elles deviennent encore plus critiques, quelques fois, lorsque le mal décide de s’y installer sous une forme que nul ne sait comment combattre… Je vous sais gré de votre proposition de m’aider, et si vous avez quelque érudition que ce soit dans l’art de soigner, je serais bien fou de refuser votre aide ! Vous serez bien plus efficace que moi pour chercher des remèdes oubliés dans les manuscrits ! Mais, en attendant, accepteriez-vous que je vous aide à rejoindre un banc, demanda le noble en présentant son bras puissant à la jeune femme. Je gage qu’il doit être bien plus difficile de vous mouvoir que moi.
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MessageSujet: Re: Appel à l'aide | Gautier & Alicia   Appel à l'aide | Gautier & Alicia I_icon_minitimeDim 2 Juil 2023 - 17:14


-Ce n'est rien. Je commence à répondre au chevalier avec un sourire qui se veut sincère.

Mais je découvre bien vite qu'il n'est pas un simple chevalier. C'est un Seigneur d'une terre assez proche d'Arétria si je me souviens bien... Il fait preuve de bonnes manières indiscutables malgré la situation et le souci qui l'a conduit jusqu'ici. Venant d'un homme du Nord, j'en suis surprise... de façon très agréable. Plus étonnant encore, il ne me demande pas mon nom, même s'il paraîtrait logique que je lui rende la politesse. Je me dis soudain que mon anonymat va me manquer... Car qui, aussi proche de mon pays, ne connaît pas la triste histoire de la demie-sœur du Comte d'Arétria ? Orpheline de père avant la naissance, enlevée et rendue infirme pendant l'enfance, orpheline de mère quelques temps plus tard, victime de deux tentatives d'assassinat dont l'une voulu pour passer pour un accident, abandonnée par son mari et envoyée loin de chez elle... Malgré la surprotection de ma famille, personne n'a pu éviter tous ces malheurs d'arriver. Connait-on plus malchanceuse que moi ?
Pourtant, il faut bien que je lui réponde...

-Je me suis arrêtée sur le chemin me ramenant en Arétria. J'avais un peu de temps tandis que mes gens s'occupent des préparatifs pour le reste de notre voyage...

Par cette réponse, je repousse un peu l'heure des présentations mais je sais que je ne le pourrais pas éternellement. Au lieu de cela, je me concentre sur l'aide qu'elle accepte que je lui apporte. Cependant, je me dois d'être honnête avec lui.

-J'avoue ne pas m'y connaître sur tout ce qui touche à la maladie mais j'ai davantage d'expérience en recherches documentaires. Cela peut malgré tout s'avérer utile dans votre situation.

Que ce soit par curiosité personnelle ou pour le bien d'une mission qu'il me fallait remplir, j'ai plus d'une fois consulté les rayonnages d'une bibliothèque, quelle soit officielle ou personnelle. Je sais trouver rapidement l'ouvrage adéquat et trouver à l'intérieur le chapitre qui m'intéresse. Que je sache ou non la maladie qui ronge les terres de ce Seigneur si bien éduqué, je pense être en mesure de l'aider. Ou au moins d'essayer...
Je regarde son bras quelques instants et, sans le prendre, je relève les yeux vers le Seigneur de Vendeuvre. Je pense que je n'ai plus le choix cette fois...

-Il peut être dangereux d'offrir son bras à une Dame dont on ne connaît pas le nom. Je lui fais remarquer de manière amicale, bien que je laisse sans doute échapper un peu de mon appréhension à l'idée qu'il apprenne qui je suis. Je prends un instant, j'inspire... et je me lance enfin. Je suis Alicia de Terresang, demi-sœur et nièce adoptive du Comte d'Arétria.

Magnus de Terresang... Un homme connu pour se montrer impitoyable et violent envers ses ennemis. Pourtant, il garde auprès de lui cette jeune femme fragile et maudite qu'il annonce être sa plus jeune sœur. Un oiseau dans une cage dorée, gardée à l'abri si longtemps que peu étaient en mesure de la décrire jusqu'à récemment. J'ai tellement changée... Mais, si près de chez moi, je crains de retrouver les réactions que j'ai toujours reçu de la part des arétans lorsqu'ils découvraient mon identité. Cette peur dans leur regard... qui les faisaient rapidement fuir avec politesse. Une réaction dont j'étais préservée à Odélian, une terre qui se trouve assez loin de la mienne pour que ses habitants n'aient pas totalement pris la mesure de ce dont mon frère est capable... De la menace qu'il représente pour ceux qui s'en prendraient à moi. Une réaction que je redoute de voir apparaître sur les traits de mon interlocuteur.
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MessageSujet: Re: Appel à l'aide | Gautier & Alicia   Appel à l'aide | Gautier & Alicia I_icon_minitimeMar 4 Juil 2023 - 17:37

Aretria, si proche et si loin… À l’échelle du royaume, à celle des grands de ces terres, c’était effectivement un territoire bien proche de la capitale éponyme de Serramire. Mais, pour un petit seigneur aux terres constamment harcelées à ses frontières, c’était déjà une lointaine contrée. Néanmoins, cela expliquait qu’il ne connaissait pas cette jeune dame, et nul doute que ses liges avaient de nombreuses raisons de nouer des liens avec le puissant marquisat du nord. Du moins, c’était ce que Gautier pouvait penser avant que la conversation n’aille plus loin, car s’il s’était présenté en y mettant les formes de l’étiquette, la jeune dame préservait encore le mystère. Toute aide restait bonne à prendre, bien fou serait-il de refuser une paire d’yeux supplémentaire dans ses recherches.

Pourtant, avant même qu’il puisse prendre la parole, la noble Dame se décida à se révéler. Et, Gautier pu comprendre qu’elle ne l’eu fait plus tôt, car c’était un personnage autrement plus important que lui. Proche parent du comte d’Artéria, à la bien sombre réputation. Même lui, si peu intéressé par les politiques extérieurs à son domaine, connaissait ce puissant dirigeant et sa réputation. Et, même lui, avait entendu parler des drames qui entouraient la pauvre Alicia, bien qu’à l’époque, il n’eut donné que peu d’importance à ce qu’il se passait, jugeant que son esprit était demandé par des choses autrement plus urgentes. Momentanément, les sourcils du noble se froncèrent et il ramena son bras à son corps. Il prit quelques secondes pour bien juger de la situation. Mais, finalement, qu’avait-il donc fait de mal ? Magnus de Terresang avait beau avoir une terrible réputation, il n’avait aucun droit sur Gautier, qui était vassal direct de Serramire. Et, de toute manière, c’était sa nièce qu’il avait devant lui, une jeune femme avenante dont l’historie tragique ne semblait égaler que sa sympathie.

- Quel danger existerait-il donc à proposer son aide à une personne dans le besoin ? N’est-ce pas exactement ce que vous avez fait, avant même de connaître mon nom ? Dit Gautier alors que son regard s’éclaircissait et qu’un petit sourire venait se dessiner sur son visage. Si mes actes ou mes mots vous sont inconvenants, alors dites le moi simplement, et je m’en excuserais et changerais en conséquence. Votre protecteur, sa Grandeur le comte d’Artéria, a, certes, sa réputation, dont moi-même, petit sire des frontières, en ai entendu parler. Mais nous sommes en Serramire, ici, non en Artéria. Et, tant que mes gestes ne sont pas déplacés, je ne vois aucun grief possible. Et, si je ne peux réellement comprendre vos peines, je ne peux que compatir…

Le sourire disparu momentanément du visage de Gautier, alors qu’il semblait s’arrêter au milieu de sa phrase. Un chagrin porté par de bien trop nombreuses blessures pu se lire, pendant un instant, dans son regard. Le corps vigoureux du seigneur guerrier ne portait peut-être pas de stigmate handicapant, son cœur, lui, souffrait des coups incessants qui lui étaient portés. Il avait vu les siens se faire massacrer devant ses yeux, il avait vu les poignards de ceux qui avaient juré fidélité s’enfoncer dans les corps de sa mère et de sa sœur et son père, choir, sans vie, mélangeant son vin et son sang. Il avait vu les maisons de son peuple en flamme, les corps déchiquetés et les vies brisées quand il ne réussissait pas à intervenir suffisamment vite pour protéger les fermes des siens des pillages frontaliers. Il avait vu l’esprit de son épouse, amie de longues décennies, décliner et s’éteindre progressivement là où son corps restait vivant. Il avait vu la vie quitter le corps de son amour interdit, tandis que ses poumons décomposés expulsaient un sang épais. Oui, il pouvait compatir avec celle qu’il savait avoir vécu des pertes, humiliations et douleurs incomparables.

- Peut-être serait-il plutôt à moi de vous proposer mon aide, d’une quelconque manière que ce soit, ma Dame. Vous êtes jeune et pleine d’avenir, vous n’avez aucunement à partager le fardeau d’un vieux sire tel que moi. Affichant un petit sourire en coin, Gautier tendit de nouveau son bras. Acceptez donc ce bras, si vous pensez qu’il puisse vous être salutaire, ou refusez le si vous n’en avez pas besoin. Il n’est, néanmoins, là que pour vous aider.
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Alicia de Terresang
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MessageSujet: Re: Appel à l'aide | Gautier & Alicia   Appel à l'aide | Gautier & Alicia I_icon_minitimeSam 8 Juil 2023 - 19:32


J'écarquille des yeux un peu étonnés par la première réponse du Sieur Gautier alors que la suivante étire mes lèvres dans un doux sourire. Je comprends qu'il ne s'embarrasse pas de ma réputation et de celle de mon frère pour me répondre et le reste de son discours ne fait que le confirmer. Il est conscient de la situation, conscient de qui je suis et du personnage dont l'ombre plane sur moi. La façon dont il me propose son bras, je le vois comme une façon de m'attirer vers la lumière... Et c'est très agréable.
Je réalise soudain que c'est ce dont j'ai envie... De quitter cette couverture sous laquelle je me cachais, de sortir de cette cache dans laquelle on me retenait... Pour mon bien certes, mais est-ce réellement une façon de vivre ? Depuis mes fiançailles, j'ai souffert... Mais au moins, je peux dire que j'ai vécu. Cela n'a rien à voir avec l'homme qui se tient devant moi, c'est un état général. Cela fait un moment que ce sentiment monte en moi. Depuis Ithri'Vaan et ma rencontre avec Viliam. Et je ne l'identifie que maintenant.

Alors que le chevalier vient de me proposer d'inverser les rôles et de m'aider en premier, je trouve soudain les mots... et je baisse les yeux.

-Il n'y plus grand chose que l'on puisse faire pour moi.

Une femme liée à un Comte seulement par sa mère et l'affection de celui-ci, doublée d'une infirme... J'avais déjà peu de valeur. Alors, depuis cette tentative d'assassinat qui m'a totalement ébranlée et l'annulation de mon mariage que les rumeurs m'imputent parfois plus à moi qu'à mon ex-époux... Que puis-je encore espérer de l'avenir ? On dit que c'est la vision de la réalité de mon état qui a repoussé mon mari de ma couche et qui l'a amené à me rejeter... A partir de là, une intervention de mon frère et voilà le mariage simplement annulé afin de m'éviter l'humiliation. Ceux qui en viennent à cette conclusion se targuent de ne pas avoir été crédules. Ils ne sont qu'à mi-chemin de la vérité. Dans tous les cas, j'ai eu ma chance et elle est passée...

-Mais peut-être est-ce pour le mieux. Je relève la tête. Parfois, c'est lorsque l'on n'attend plus rien de vous que vous pouvez prendre votre envol. Je préfère voir cela comme une forme de liberté. Là où je n'ai pas eu le droit de quitter Aretria -ni même ma demeure- depuis ma naissance, j'ai pu finalement me rendre jusqu'à Odélian, et même en Estrevent où j'ai appris à soigner comme une humble religieuse. Et je trouve cela très gratifiant. Rien ne m'empêche aujourd'hui d'aller où je veux. Et d'aider qui je veux.

Passant mes deux cannes dans la même main, je prends enfin son bras. Je le fais en pleine confiance alors que, visiblement accablé, cet homme m'a proposée d'oublier la raison de sa venue pour m'aider, moi. Il semble bienveillant et généreux, en plus de doté d'excellentes manières. Je ne le connais que depuis quelques minutes mais je trouve sa compagnie plus qu'agréable. Elle me change de la froideur d'Ylasse dont je me méfie et de la franche abrupte d'Aldir. Je lui fais confiance... Peut-être pour de mauvaises raisons et après des conclusions plutôt hâtives mais j'aimerais pouvoir y croire encore un peu... A ces romans dont j'ai été bercée et à la gentillesse désintéressée. Je voudrais pouvoir me prouver que ce monde n'est pas aussi laid que j'ai pu le voir. J'ai pu le constater, dans un lieu hors du temps en Estrevent. Cela existe-t-il ici aussi ?

-Menez-moi là où vous vous rendiez... Et parlez-moi de ce mal.
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Gautier de Vendeuvre
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MessageSujet: Re: Appel à l'aide | Gautier & Alicia   Appel à l'aide | Gautier & Alicia I_icon_minitimeDim 9 Juil 2023 - 12:00

Gautier eut d’abord un nouveau sourire, plus mélancolique. La dame de Terresang avait raison. Dans son malheur, une liberté nouvelle lui avait été offerte. En comparaison, depuis bientôt un quart de siècle, Gautier régnait sur ses terres, et les chaînes de son devoir l’avaient toujours retenu. Jamais n’avait-il goûté à la douce liberté de faire ce dont il avait envie, jamais n’avait-il pu suivre la voie de ses désirs, car, toujours, son devoir l’appelait. Maintenant, il se sentait usé. Ses émotions elles-mêmes lui paraissait cendre alors qu’avait disparu de sa vie la dernière lueur de satisfaction personnelle ont entachée par ses obligations. D’une certaine manière, était-il vraiment en vie, ou n’était-il plus qu’une machinerie appelé à faire son travail, encore et toujours, sans autre perspective que plus de travail ?

-Douce liberté, dit alors le seigneur de Vendeuvre. Vous êtes bienheureuse de la posséder, et la DameDieu sait comme j’aurais aimé la partager. Mais chacun a ses propres fardeaux. Mon nom et mon domaine sont les miens, et je ne peux les faillir.

Mais, finalement, Alicia accepta le bras tendu et ne dévia pas à son offre d’aide. Gautier ressentit alors une forme de soulagement. Si longtemps avait-il combattu seul, alors que dépérissait ses proches un à un, alors que les corps et les esprits s’effilochaient autour de lui… Il en était arrivé à un point où son assurance vacillait, où il n’avait plus de solution. Et pourtant, une noble dame lui proposait aujourd’hui son aide, une dame bien mieux placée dans la société que lui, par ailleurs, et sans même demander de contrepartie. Pour un instant, il pourrait se sentir moins seul dans sa lutte. Pour un instant, il pourrait partager une part de son fardeau.

- Nul remerciement, ma Dame, ne pourrait exprimer ma gratitude pour cette aide si désintéressée, reprit le sire en dirigeant la jeune dame vers une porte, sur une aile du temple. Alors que l’hiver se terminait, le mal a commencé à se rependre dans Vendeuvre. Il commence par de la fatigue, des difficultés à respirer. Puis vient la toux, de plus en plus fréquentes. Et alors que les fatigues empirent, du sang est projeté avec la toux. Certains semblent se soigner d’eux-mêmes avant d’en arriver là, les autres sont bien peu nombreux à s’en sortir. Parfois, le mal semble s’éterniser pendant des ennéades, d’autres, il frappe puissamment et tue en quelques jours. Avec l’arrivée des bons jours, il a néanmoins reflué, et nous avons pu enterrer nos morts plus sereinement. Cependant, s’il m’a pris un lourd tribut, il semble ne pas vouloir encore abandonner, car c’est mon fils et héritier qui est l’une des dernières personnes à l’avoir attrapé.

Pendant que Gautier donnait plus de détails, les deux nobles traversaient différents couloirs avant d’arriver dans une salle éclairée par de grandes fenêtres et remplie d’étagères couvertes de livres. C’était la bibliothèque qu’avait connue Gautier bien des années auparavant, et il lui semblait que rien n’avait changé ici. Mais il n’avait pas le temps de flâner aujourd’hui, aussi désigna-t-il une zone où étaient rangés les manuscrits traitant de la santé.

- Peut-être pourriez-vous regarder dans ces livres-ci ? Vous serez très certainement plus efficace que moi pour comprendre les arts du soin. Je voulais parcourir les chroniques pour essayer de trouver des occurrences de la maladie.

Sur ces mots, Gautier attrapa un lourd volume et commença à le feuilleter. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pu parcourir ces mines de connaissances, que ses devoirs ne lui laissaient pas le temps de goûter à ce petit plaisir. Aussi, ne put-il pas cacher une forme de satisfaction, même si entachée par le cadre si inquiétant de ces recherches.

Appel à l'aide | Gautier & Alicia Fotora11

De longues heures avaient passé. La pluie s’était éloignée et le soleil avait brillé fort pendant une bonne part de l’après-midi. Désormais, il déclinait et donnait une couleur orangée à la pièce. Lentement, le visage de Gautier s’était plissé, et son regard, durci.

Rien. Il n’avait rien trouvé. Ou, plutôt, si, mais rien qui n’augurait quoi que ce soit de positif. Le seigneur de Vendeuvre avait trouvé plusieurs occurrences d’une maladie similaire à celle qui avait frappé ses terres dans les chroniques, mais nul ne parlait d’une quelconque possibilité de le soigner. Toujours, le mal passait, prenait son dû et seule Tyra semblait décider de qui y succomberait.

- Peut-être les prêtres avaient-ils raison, finit par dire le sire en collant son dos au dossier de sa chaise. Peut-être n’existe-t-il pas d’autres remèdes que de s’en remettre aux dieux… Il secoua la tête et soupira alors que ses épaules s’affaissèrent. Ma dame, vous avez passé des heures à m’aider, alors, je vous en prie, permettez-moi de vous rendre la faveur. Puis-je vous raccompagner quelque part ? Aux cuisines du château, peut-être, si votre estomac appelle pour quelques nourritures ?
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MessageSujet: Re: Appel à l'aide | Gautier & Alicia   Appel à l'aide | Gautier & Alicia I_icon_minitimeMer 12 Juil 2023 - 16:51


Si Gautier n'était pas là, je m'étirerai... Mais ce serait indécent. Pourtant, mon dos le réclame. Le mieux que je puisse faire, c'est passer une main dans ma nuque afin de la masser un peu pour me soulager. Tandis que j'accomplie pudiquement ce geste, la voix du Seigneur de Vendeuvre résonne de nouveau dans la pièce où nous sommes tenus seuls presque tout l'après-midi. D'abord un peu surprise de le voir prendre la parole, mon expression se fait peu à peu triste. Je compatis à ses malheurs... Et je suis désolée que nous n'ayons rien pu trouver. J'ai envie de poser ma main sur son bras en signe de réconfort mais je m'en abstiens. Cela ne serait pas convenable, surtout de la part d'une jeune femme célibataire. Si j'avais été la prêtresse dont j'ai l'air, cela aurait été moins problématique...

-Ne parlez pas comme si j'avais perdu mon temps...

Ce n'est pas un ordre mais une demande. J'aurais voulu faire plus pour lui et je déteste qu'il souligne cet échec ainsi. Il risque de perdre son fils à cause de cette maladie que personne ne semble savoir soigner. N'ayant pas d'enfants -seulement le désir d'en avoir un jour-, je ne peux qu'essayer d'imaginer son désarrois face à la menace de le voir partir si tôt. Je me rappelle de la douleur de Thorus lorsqu'il a perdu sa femme et sa fille... Et ces dernières heures m'ont appris à apprécier Gautier. Assez pour lui souhaiter de parvenir à sauver son enfant.
Plutôt que de répondre à sa requête, je me lève et prends mes cannes.

-Venez. Je lui commande avec tant de douceur que cela n'en devient plus un ordre...

Ensemble, nous reprenons le même chemin que précédemment, en sens inverse. Cependant, plutôt que de le laisser me ramener à l'hospice, je l'aiguille dans une autre direction : vers le cœur du Temple. Les religieux sont justement en train de s'y rassembler en cette fin de journée... J'ai vécu suffisamment longtemps au sein du culte de Néera pour connaître leurs habitudes. J'invite Gautier à venir s'asseoir sur un banc, à mes côtés. Nous sommes à peine installés que la messe commence et je ne remarque pas le chevalier qui s'est assis sur la rangée opposée et qui nous regarde tous deux en fronçant légèrement les sourcils. Dès les premières prières, je ferme les yeux et murmure les mêmes mots que l'officiant. Dès les premiers chants, ma voix s'élève en chœur avec grâce et légèreté pour se mêler à celles des autres. Et mon vœu, ce soir, est bien évidemment pour Vendeuvre.

Lorsque tout s'achève et que la maigre assistance commence à se lever et se disperser, je reste assise.

-Je ne loge pas au château. Je l'avoue en baissant la tête. Personne ne sait que je suis ici. A part quelques prêtres... et vous désormais. Je fais ce voyage pour des raisons personnelles et je ne tenais pas à me faire remarquer. Je loge dans une auberge, non loin d'ici. Vous êtes le bienvenu, si vous le souhaitez toujours.

Tandis que je m'adresse à Gautier, le son de lourdes bottes sur le dallage de pierre résonne dans la nef et se rapproche de nous avant de finalement s'arrêter. Je lève alors mes yeux clairs vers une silhouette bien connue mais ne lui témoigne pas la moindre émotion. Peut-être suis-je même un peu distante avec lui...

-Je vous présente Sire Ylasse, qui s'est fait mon garde du corps par sa propre volonté.

L'homme qui se tient désormais près de nous et nous fixe d'une expression froide et dure porte les couleurs de Néera par-dessus son équipement et son épée. C'est clairement un chevalier au service de la DameDieu. Le fait qu'il veuille me protéger est assez inexplicable officiellement... Et, depuis qu'il est en froid avec Magdeleine, il est devenu plus difficile encore de le justifier. Moi-même, je suis toujours partagée encore méfiance et reconnaissance alors qu'il a joué un rôle dans ma situation actuelle mais que la dernière épreuve que j'ai traversé l'a visiblement affecté. Ne sachant comment me comporter avec lui, je me contente de l'ignorer pour le moment... D'où mon attitude un peu étrange à son arrivée.

-Voici le Seigneur Gautier de Vendeuvre. Je l'ai aidé dans quelques recherches à la bibliothèque du Temple cet après-midi.
-C'est donc là que vous étiez... Fait-il d'un ton neutre. Etant resté posté à l'entrée, je savais seulement que vous n'étiez pas sortie. J'ai pensé, à juste titre, que j'avais des chances de vous trouver ici à cette heure. Avez-vous avalé quelque chose aujourd'hui ?

Mon silence est assez éloquent... Il sait que j'ai mangé ce matin puisqu'il a vu Magdeleine me l'imposer, mais depuis...
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MessageSujet: Re: Appel à l'aide | Gautier & Alicia   Appel à l'aide | Gautier & Alicia I_icon_minitimeJeu 20 Juil 2023 - 19:04

Le sourire désolé de Gautier se transforma bien vite en un sourcil levé, signifiant son interrogation alors que la jeune noble blessée le dirigeait en dehors de la bibliothèque. Il ne lui fallut pas longtemps pour se rendre compte qu’il était mené au centre du temple, mais bien plus pour qu’il comprenne que cette jeune femme l’invitait à prier avec lui. Il fallait dire que le seigneur de Vendeuvre avait tant perdu ces derniers temps que l’abandon lui semblait presque normal… D’autant plus de la part d’une personne, certes, charmante, mais connu depuis bien peu de temps.

Alors, Gautier s’assit au côté d’Alicia, souhaitant plus au départ lui faire plaisir que véritablement suivre cette messe. Le sire avait toujours suivi les préceptes de la Damedieu, il avait toujours cru en le bien-fondé de ses neuf principes. Et pourtant, l’ombre d’un doute projeté d’un sombre nuage de colère s’était nourrie de ses peines. Pourquoi tant lui arrivait alors que toujours, il avait donné tout ce qu’il pouvait pour vivre selon les neufs ? Pourquoi lui prenait-on tant ? Qu’avait-il donc fait ? Mais le noble savait, au fond, que la voie des dieux le dépassait de loin, et l’espèce de colère puérile qui l’habitait ne pouvait prendre le pas sur son devoir. Celui, ici, de l’exemple et de la foi qu’il devait aux dieux.

Finalement, alors que commençaient les chants, Gautier ferma les yeux. Aucun son ne sortait de sa gorge serrée, mais la voix douce et sincère d’Alicia avait comme un effet apaisant. Cette jeune femme ne connaissait rien de Gautier ou de sa seigneurie, elle n’avait pas vécu ses choix difficiles, n’avait pas vu les innombrables chevauchées brutales et sanglantes, la peur dans les de ceux que l’épée du sire transperçaient alors qu’ils se sentaient mourir. Et pourtant, elle avait accepté de l’aider, et de partager un moment de communion divine avec lui. Et, finalement, cet instant de communion qu’elle proposait ne protégeait ni les proches, ni le seigneur lui-même, mais rénovait son Souffle. Pour un court moment, son esprit pu s’écarter du continuel « pourquoi » et s’apaiser pour se concentrer sur le « comment » régler les multiples problèmes de Vendeuvre. Enfin, alors que se terminait la cérémonie, son regard paraissait plus calme, et en baissant la tête avec un sourire, il envoya un remerciement silencieux à la jeune dame qui l’avait mené ici.

- Qu’importent vos raisons de rester loin du château, elles vous appartiennent, ma Dame, répondit Gautier pour éloigner l'embarras momentané de son interlocutrice alors que tous deux se levaient et que se terminait la messe.

Mais le seigneur n’eut pas le temps d’aller plus loin, car un nouveau venu intervint. Il était fort et armé. Dur et froid. Il n’y avait aucun doute qu’il s’agissait d’un chevalier, au vu de la qualité de son équipement qui devait être bien onéreux. Mais c’était, en son cœur, un guerrier, songea Gautier. Un homme qui place l’art du combat au-dessus des autres principes de la chevalerie. Il n’hésiterait pas à tuer si on lui demandait, pensait le seigneur de Vendeuvre. Peut-être était-ce ce qui expliquait la froideur extrême d’Alicia envers celui qu’elle décrivait comme son garde du corps ? Elle était bien différente avec cet homme qu’avec Gautier, en tout cas.

- Excusez donc notre bonne Dame de Terresang, messire, car son absence n’est pas de son fait. Dit alors Gautier en joignant ses mains devant lui, et en prenant un ton qui se voulait calme et apaisé. Je l’ai accaparée toute la journée pour m’aider. Laissez-moi donc me pardonner en me permettant de la raccompagner et en payant son repas. Si, bien sûr, cela vous sied, ajouta-t-il en plongeant son regard dans celui de la jeune noble. Prenez quelques instants de repos dans votre veille de cette jeune dame, si vous le souhaitez. Elle sera parfaitement en sécurité avec moi, et si vous ressentez la moindre inquiétude, je peux faire mander l’un de mes chevaliers.

Ainsi, de par son rang de seigneur normalement supérieur à celui de chevalier et par sa politesse et ses garanties, il espérait donner un peu d’air à jeune femme qui, de toute évidence, n’appréciait guère ce suiveur.
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MessageSujet: Re: Appel à l'aide | Gautier & Alicia   Appel à l'aide | Gautier & Alicia I_icon_minitimeVen 21 Juil 2023 - 15:38


Je réponds à l'invitation de Gautier d'un sourire léger mais sincère. C'est la deuxième fois qu'il me propose de dîner ensemble. Si je n'ai pas donné suite à la première offre, il serait inconvenant que je refuse la seconde. Et puis, cela me changera de mes repas en solitaire... J'ai l'impression que cela fait une éternité que je n'ai pas passé du temps avec quelqu'un qui m'est sympathique et qui n'attend rien de moi.
Ylasse, quant à lui, se fait congédier de la façon la plus polie et prévenante que je n'ai jamais vue. Le chevalier n'en est évidemment pas dupe et il fixe le Seigneur avec sa mine dure. Cela ne semble pas lui plaire et je m'attends à ce qu'il insiste pour rester. En revanche, il serait surprenant qu'il fasse en sorte de chasser le Sire de Vendeuvre pour m'empêcher de manger en sa compagnie. Voilà donc la réponse qu'il fera selon moi.

Mais... Il me surprend en déclarant tout autre chose.

-Faites donc, si c'est ce que souhaite Madame. Fait-il en réaction au hochement de tête que j'ai réalisé avant même de connaître son avis. Je n'ai que rarement des jours de repos, je vais en profiter et passer un peu de temps ici en tant que simple néérite.

Quoi ? Il va rester ici pour sa première soirée de liberté depuis des mois ? Qu'a-t-il encore en tête ?...

-Je vous la confie, Monseigneur. Passez une bonne soirée.

A ces mots, il s'incline, se redresse en me fixant une seconde, puis s'éloigne. Je le regarde s'en aller, inquiète à l'idée de ce qu'il va faire en mon absence. Il peut être assez imprévisible parfois, notamment en ce qui concerne notre mission. Va-t-il encore organiser une de ces rencontres malaisantes dont ils ont le secret ?... Le moment est-il venu qu'ils me fassent payer le prix de ce qu'ils m'ont offert ?
Je me force à chasser ses pensées alors que je ne suis pas seule. Je me retourne vers Gautier et me force à lui adresser un sourire amical.

-Je m'en remets donc à votre protection, Messire. Je loge au Serra-Mire, en deux mots. Connaissez-vous ? Je crois que ce n'était pas loin mais j'ai bien peur... de ne pas savoir retrouver mon chemin. J'avoue un peu gênée.

Je l'espère car je ne suis pas totalement certaine d'être capable d'y retourner sans aide... Entre la protection de mon frère, mon statut et mon infirmité, je n'ai que rarement pu me déplacer en ville dans ma vie et jamais je n'ai été seule. Alors je serais bien en peine de me souvenir totalement du chemin de retour. Il faudrait que j'apprenne à m'orienter un jour...
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MessageSujet: Re: Appel à l'aide | Gautier & Alicia   Appel à l'aide | Gautier & Alicia I_icon_minitimeSam 22 Juil 2023 - 11:24


Un momentané sourire entendu apparu sur le visage de Gautier alors que le garde du corps acceptait sa demande. Le seigneur avait bien remarqué sa mine renfrognée. C’était évident que la proposition du seigneur ne lui plaisait guère, mais, certainement poussé par le respect de la hiérarchie, il avait accepté. La surprise prit place sur le visage de la noble dame de Terresang, une surprise teintée d’inquiétude ? Gautier ne saurait vraiment comment l’interpréter. Néanmoins, le ton plus enjoué de son visage alors qu’elle se retournait semblait tout de même indiquer qu’elle n’était pas mécontente de cette petite parenthèse de liberté. Du moins, pensait comprendre Gautier.

- Profitez de votre repos, messire, tout homme en a besoin, de temps à autre, commença le seigneur de Vendeuvre en réponse au chevalier quelque peu grincheux. Je vous promets, sur mon honneur, qu’il n’arrivera rien à votre Dame.

Bien sûr, sire Ylasse n’avait aucune raison de connaître un seigneur dont le nom ne dépassait que peu les frontières locales. Aussi, ne se rendait-il pas forcément compte de l’importance d’une telle promesse pour Gautier. Celui-ci pesait ses mots et ne mettait pas son honneur en jeu aussi facilement. Son engagement était alors sincère, et bien fou serait celui qui voudrait briser ces quelques mots.

- Serra-Mire, répéta Gautier amusé par le petit trait d’esprit sur le nom d’une ancienne prêtresse, sainte femme, bien connue ayant vécu dans le duché le siècle précédent. Hum… Non, ce nom ne me dit rien. Il faut dire que quelques années se sont écoulées depuis mon dernier passage dans cette ville. Mais nous trouverons bien quelqu’un pour nous indiquer le chemin !

Et, effectivement, les deux nobles n’eurent pas à aller très loin, car un prêtre leur donna la réponse que Gautier cherchait. L’endroit était tout de même assez connu, de bonne qualité et normalement rempli par des gens de bonne condition. Ce n’était, certes, pas le château, mais un minimum de confort était attendu pour une noble Dame telle qu’Alicia ! Sans plus tarder, ils rejoignirent l’entrée du temple où Gautier récupéra respectueusement ses armes. Il prit quelques secondes pour laisser glisser sa main le long du fourreau de sa longue lame. C’était un outil de mort et de destruction. Le symbole de ce qu’il honnissait intérieurement. Mais, aussi, une partie de lui. Car, violence et destruction étaient profondément inscrit dans son devoir, et son bras avait donné la mort bien souvent avec cette arme. Ainsi devait vivre Gautier, entre violence et douceur, entre haine et tendresse, entre dévastation et préservation.

Finalement, il ne s’attarda pas plus longtemps et attacha son arme à sa ceinture, rajoutant sa miséricorde légèrement sur sa droite. Il tendit alors de nouveau son bras à Alicia avec un sourire en coin.

- Ma Dame, permettez-moi de vous aider de nouveau. Vous avez donné tant d’énergie pour moi que ce ne serait qu’un juste retour des choses.

Alors, les deux sangs bleus sortirent du temple, dans la lueur orangée du ciel découvert, prêt à laisser sa place à la nuit. Gautier marchait lentement, voulant ménager Alicia, et la laissant prendre son propre rythme. L’animation de la ville avait bien diminué depuis le zénith de la journée, mais les rues étaient encore bien remplies, et si on laissait place respectueusement aux deux membres de la haute société, leur présence ne semblait tout de même pas complètement incongrue en cette heure. Le seigneur de Vendeuvre attendit de s’être quelque peu éloigné du temple avant de reprendre la parole.

- J’espère ne pas vous avoir forcé la main, ma Dame. Si ma présence vous inconvient de quelque manière que ce soit, sentez-vous libre de me congédier. Néanmoins, reprit-il en tournant son regard vers Alicia, il m’a semblé que vous n’étiez pas particulièrement enjouée de retrouver ce sire Ylasse. Une Dame telle que vous se doit d’être protégée, bien sûr, mais j’imagine que ce n’est pas toujours facile de se retrouver suivi par une personne que l’on n'apprécie guère…

Gautier fit un petit signe de tête pour faire comprendre à Alicia de regarder en arrière. Il désignait un homme portant un pourpoint et une épée à son flanc.

- Sire Bertrand est un chevalier qui m’a suivi depuis Vendeuvre. Il restera à bonne distance, mais se tiendra prêt à intervenir si besoin. J’espère ainsi pouvoir vous faire sentir autant en sécurité qu’avec votre garde du corps.

Finalement, les deux nobles atteignirent assez rapidement l’auberge d’Alicia sans qu’aucun danger ne semble les menacer -ce qui était assez normal, étant donné qu’ils ne s’étaient pas éloigné des parties les plus riches de la cité-. Gautier sortis alors quelques pièces de sa bourse et les donna à un employé pour qu’il les place dans une alcôve, pas très grande, mais suffisamment éloignée du brouhaha de la salle principale pour leur accorder un semblant d’intimité. Il fit mander du pain, du vain ainsi que du petit gibier accompagné de potage, et laissa à Alicia le soin de demander quelqu’autre met qu’elle désirait. Finalement, alors que le seigneur s’attablait et qu’on servait du vin, il reprit la parole.

- Eh bien, nous avons passé tant de temps dans cette bibliothèque que je n’ai même pas réellement pu m’enquérir de votre état. Comment vont les choses, dans les terres de l'ouest ? Je dois avouer que les gobelins, les wandrais, les raides et… La maladie… Ont focalisé mon esprit sur mes terres, dit alors Gautier, terminant sa phrase avec une profonde mélancolie et en portant machinalement sa main droite à l’anneau porté à l’aide d’une chaîne qu’il gardait caché sous ses habits. Il le caressa quelques secondes à travers ses habits avant de l’abandonner pour attraper son gobelet rempli d’un breuvage rouge, qu’il leva pour trinquer. Quoi qu’il en soit, je tiens à vous remercier de nouveau pur vos efforts. Ils me touchent, même s’ils sont restés infructueux.
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Alicia de Terresang
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MessageSujet: Re: Appel à l'aide | Gautier & Alicia   Appel à l'aide | Gautier & Alicia I_icon_minitimeSam 5 Aoû 2023 - 15:16


Malgré le trouble laissé par le comportement surprenant d'Ylasse, j'essaie de me concentrer sur l'agréable compagnie que me promet Gautier avec sa bienveillance et ses bonnes manières. J'accepte son bras et cela me donne comme une impression de déjà vu... Aldir aussi m'avait conduite à table. Cela avait été un moment dont je garderai un bon souvenir si nos derniers déboires n'avaient pas entâchés ces moments passés ensemble auparavant. Ils ont désormais comme un goût d'amertume alors que résonne encore dans mon esprit son comportement le jour où l'on m'a rebrisé les jambes.
Je chasse pourtant ses pensées alors que le Seigneur serramirois rompt le silence tandis que nous marchons vers l'établissement dans lequel je loge. Il s'excuse déjà alors qu'il a visiblement observé un changement de comportement chez moi à l'arrivée d'Ylasse.

-Cela se voit donc tant que cela ? Je me parle à moi-même et je me reprends bien vite en réalisant que Gautier aura pu m'entendre. Nous essayons... de former une équipe. Mais cela n'est pas toujours évident entre deux personnes qui n'ont rien en commun.

Suivant le geste de mon interlocuteur, affirmant ma prise sur son bras à l'aide de ma seconde main afin de ne pas tomber dans mon mouvement, je distingue rapidement l'homme qui nous emboîte le pas et je reviens -rapidement- à ma position initiale. Je suis un peu troublée de savoir que l'on nous suit de la sorte... Mais je ne peux reprocher à mon guide de vouloir assurer au mieux ma protection.

-Quand lui avez-vous donné l'ordre ? Je n'ai rien vu...

Je suis à la fois stupéfaite et, il faut bien l'avouer, un peu impressionnée tout de même. Gautier n'a probablement rien à faire pour que son chevalier sache comment procéder, cela doit être convenu de longue date, mais je ne connaissais pas une telle organisation auparavant.
Nous rejoignons bien vite le Serra-Mire et le Seigneur demande pour nous une table à l'écart afin d'obtenir un cadre propice à la conversation. Je prends place avec son aide et je commande à mon tour, préférant du poisson et des légumes. Puis je l'observe nous servir à boire, aussi simplement que si nous étions proches ou d'une condition inférieure. C'est assez rafraichissant je dois dire. A sa proposition, je prends mon verre et trinque avec lui avant de porter la boisson à mes lèvres. Peu habituée à boire, je n'en prends qu'une petite gorgée puis je le repose à sa place.

-J'avoue ne pas trop savoir où en est la situation en Arétria... On ne me tient pas informée de ce genre de choses et je me suis absentée quelques mois. J'y retournais... pour rendre un dernier hommage à quelqu'un.

S'il a entendu parler de moi et de mes mésaventures, alors peut-être fera-t-il le rapprochement avec la mort volontaire de mon ex-mari. A croire que le malheur me poursuit encore... C'est lui qui a demandé l'annulation de notre mariage et c'est lui qui en est venu à commettre un tel geste. J'avoue que cette nouvelle m'a plongée dans une profonde incompréhension...

-Mais je ne souhaite pas y rester. J'espère que mon passage ne sera pas remarqué et que je pourrais m'en aller aussi discrètement que je suis venue. Je ne sais pas vraiment où mes pas me mèneront ensuite... Quelque part... Cette idée est assez effrayante pour quelqu'un comme moi.

Je n'ai jamais eu de grande destinée. Mon avenir se résumait soit à demeurer à la citadelle pour toujours, soit à me marier et finir mes jours aux côtés de mon époux ou, si la malchance me poursuit encore, en couche. Alors, avoir une infinité de possibilité devant moi... Cela me terrorise. Même si je sais qu'il me reste une mission à accomplir, un objectif, ce n'est pas moi qui mène la danse. J'ignore où je serais dans un mois. Ou même si j'aurais survécu à ce qui m'attends.
Je me redresse subitement, voulant chasser ces pensées sombres.

-Je suis désolée de ne pas avoir été d'une grande aide. Même si vous me remerciez d'avoir essayé, j'aurais aimé pouvoir en faire davantage... Au-delà de la satisfaction que cela m'aurait apporté de pouvoir jouer un rôle dans quelque chose d'important, je crois que vous ne méritez pas le malheur qui vous frappe. Et je crois m'y connaître en la matière.

J'esquisse brièvement un sourire amusé, essayant malgré tout de rire de ma propre déchéance. Je n'y parviens pas vraiment mais cela valait la peine de le tenter. Ne ditons pas que le rire soigne tout ? C'est peut-être ce qu'il me manque... Depuis combien de temps n'ai-je pas ri ?...[/color]
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Gautier de Vendeuvre
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MessageSujet: Re: Appel à l'aide | Gautier & Alicia   Appel à l'aide | Gautier & Alicia I_icon_minitimeMar 2 Jan 2024 - 11:30

- Si je puis me permettre un avis, madame, commença à répondre gentiment Gautier avec un doux sourire, il n’y a jamais meilleure équipe que celle faite par un protecteur qui est cher à votre cœur. Gardez vos amis proches de vous, je l’ai appris bien trop tôt et dans de bien mauvaises circonstances.

Une demi seconde, l’image de la coupe de vin de son père, chutant sur la table, alors que le sang giclait de sa poitrine traversée d’un carreau d’arbalète revint à la mémoire du seigneur de Vandeuvre. Mais il chassa vite ce triste instant, comme il avait appris à le faire depuis des décennies, pour sa propre survie. Tandis que sa jeune comparse raffermissait sa prise, Gautier repris.

- Oh, je n’ai pas eu à lui donner un ordre, cela fait dix ans que ce brave Bertrand me sert, il sait ce qu’il a à faire. Et puis pour être honnête, quand bien même je lui donnerais congé, il ne me laisserait pas sans surveillance, termina-t-il sur le ton de la plaisanterie.

Finalement, le repas arriva bien vite et la conversation s’engagea. Gautier écouta attentivement la jeune dame dans son mélange de désir et de peur, d’excitation d’un avenir qui la terrifiait en même temps. Il était vrai qu’à cette nouvelle mention d’Arétria, la mémoire de Gautier s’activait. Des histoires de mariage peut-être ? Il ne se rappelait plus très bien, car c’était bien là des choses auxquelles il ne prêtait que peu d’attention dans sa lutte constante. Néanmoins, être pris dans ces histoires, même si c’était bien différent de l’entendre au loin, Gautier ne pouvait qu’imaginer le malheur de cette femme si jeune, déjà brisée, et qui avait pourtant si bon cœur. D’instinct, il voulait l’aider. D’instinct, il voulait lui montrer qu’elle n’aurait pas à affronter ses peurs seules, surtout si elle partageait le bien autour d’elle.

- Ne craignez pas votre futur. Quelle que soit votre décision, je puis vous dire qu’aucun seigneur, aucun comte, aucun duc ne pourrait être plus chanceux que d’avoir une dame avec un si bon cœur que le vôtre. Gautier se pencha sur la table pour se rapprocher de la jeune noble. Car, quand tout s’effondre, il ne reste plus que le bon cœur de ceux qui vous entourent pour vous aider. Il se redressa, affichant un sourire sincère, une douce bienveillance dans le regard. Si je ne mérite pas mon malheur, vous non plus ! Merci, sincèrement. Merci, car, même si les recherches n’ont pas été fructueuses, au moins, votre compagnie aura égayé ma journée qui paraissait si triste. Votre acte de générosité désintéressé me réchauffe vraiment le cœur !

Je souris, à la fois touchée et troublée par les paroles et l'attitude même du Seigneur qui me fait face. Gautier est si différent des hommes que je connais et qui ont tous été forgé par la rudesse du froid nordique ou des épreuve de la vie. Et si je vois bien sa force et sa stabilité, je n'ai aucun mal à percevoir également sa gentillesse et sa douceur. Il n'y a guère que Thorus qui ait eu un comportement similaire... Quoi que plus paternel.
La conversation reprend, un peu plus légère, durant quelques minutes. Puis voilà que Gautier s'absente et qu'Ylasse reparaît et me voici, quelques instants plus tard, dans l’un des couloirs de l’auberge en pleine discussion avec le chevalier néérite.

-Qu’avez-vous l’intention de faire exactement ?
-Moi ?... Fais-je, interloquée par sa question. Mais… Mais, rien. J’ai tenté de l’aider mais nous n’avons rien trouvé… J’ai simplement accepté son invitation en remerciement de mon temps. Je ne v…
-Mais vous pouvez l’aider.
-De quoi parlez-vous ?
-Elles sont encore fragiles mais vous avez retrouvé vos jambes, non ?

Je le fixe, comprenant soudainement où il veut en venir. Et j’ai peur soudain. Peur pour moi, évidemment… Les nordiens ne sont pas connus pour leur enthousiasme envers les mages. Mais ce n’est pas la seule chose qui me préoccupe…

-Ylasse… Non… Non, je ne peux pas faire cela…


Le temps s’écoula, les conversations plus légères se développèrent. Et le soleil qui était déjà dans sa fuite finit par disparaître, annonçant qu’il était l’heure de se séparer. Sire Ylasse, le chevalier protecteur de la dame de Terresang, arrivait avec le coucher du soleil d’ailleurs, montrant par la même que c’était la fin de l’entrevue. Gautier se leva alors et effectua une révérence quelque peu raidie de ses habitudes militaires. Alors chevalier protecteur et jeune dame montèrent les marches pour rejoindre une suite déjà réservée tandis que Vendeuvre réservait une autre chambre. Son humeur, plutôt joyeuse, ne mis pas longtemps à se dégrader tandis qu’il montait les marches, mais, au croisement d’un couloir, son oreille le retint. Ylasse parlait à Alicia et ses mots arrêtèrent net le seigneur désespéré. Alors, avec un bref raclement de gorge pour signaler sa présence, Gautier se rapprocha du duo.

- Mille excuses, dit-il alors, une nouvelle lueur avide d’un espoir teinté d’angoisse dans le regard. Je… J’ai surpris votre conversation au coin du couloir. À vrai dire, il avait bien remarqué qu’Alicia ne pouvait pas l’avoir vu, elle qui lui tournait le dos, mais Ylasse savait probablement qu’il était là. Je… Est-ce vrai ? L’assurance dont il avait fait preuve jusque-là semblait vaciller. Vos jambes ? Par quel miracle ? Gautier mit un genou à terre et attrapa la main de la jeune fille dans la sienne. Je vous en conjure, quel que soit votre secret, s’il a rendu les jambes d’une dame si douce que vous, il ne peut être qu’une bénédiction de la DameDieu. Je vous en supplie, aidez un père à protéger son fils.


Je sursaute presque tout en me retournant. Ylasse me retient d'un geste en voyant que je vacille dans mon mouvement car cela fait trop peu de temps que mes jambes sont guéries pour que j'ai trouvé mon équilibre. Je vois alors Gautier et son expression... Tandis qu'il avance vers moi, j'ai un mouvement de recul. Son attitude est si différente de tout à l'heure. Ce n'est plus un Seigneur calme, mesuré et plein d'humour qui se tient devant moi... Et cela m'effraie presque autant que le fait d'avoir été découverte. Mais alors que je le regarde sans savoir quoi dire ni quoi faire, sans osé lui reprendre ma main ou lui dire de se relever, d'autres voix s'élèvent dans le couloir. C'est alors le néérite qui me sort de ma torpeur.

-Vous devriez en discuter ailleurs. Dit-il tout en ouvrant la porte de ma chambre qui se trouve tout à côté.

Je hoche docilement la tête puis je me tourne à nouveau vers Gautier. Je lui glisse un faible "venez" avec le peu de voix qui se décide enfin à quitter ma gorge puis je serre mes doigts sur les siens pour l'inviter à venir avec moi.
Convier ainsi un homme à pénétrer dans ma chambre... La main dans la main... Même avec Marc-Aurèle, je n'ai jamais fait une telle chose. Mais nous n'avons guère plus le choix. Nous ne pouvons parler de tout cela à portée d'oreille du premier venu. Le chevalier referme derrière nous. Je lâche la dextre du Seigneur et fait quelques pas de plus dans la pièce. D'un geste un peu tremblant, je pose ma canne sur le bureau qui se trouve près de moi. Que faire ?... J'aurais bien trop de culpabilité à faire une telle chose... Je ne suis pas comme Ylasse... D'ailleurs... Savait-il que Gautier nous entendait ? M'a-t-il encore piégée ?
Mais, pour l'heure, j'ai une autre situation à gérer. Le Seigneur de Vandeuvre ce trouve toujours derrière moi dans la pièce. Je ne parviens pas à me retourner pour lui faire face... Et ma voix ne s'élève qu'avec faiblesse.

-Sire Gautier... J'éprouverai trop de culpabilité en vous impliquant dans tout ceci... Renoncez... S'il vous plaît...


Gautier suivit la jeune dame dans ses appartements. Il n’avait que faire de ce que pourraient penser un quelconque passant. À vrai dire, sa réputation était, en cet instant, la dernière chose qui l’importait. Tant de mystères entouraient maintenant la noble dame… Mais des mystères qui portaient en eux la graine de la salvation. Du moins, l’espérait-il. Et la détresse avait beau s’entendre dans la voix de la pauvre dame qui se voyait dépouillée de ses secrets alors qu’elle n’avait rien fait pour le mériter, Gautier ne pouvait pas s’arrêter si proche. Pas alors qu’il voyait Alicia debout en se passant de sa canne.

- Je vous en prie, ma dame, je ne vous demanderais pas une telle chose si je n’étais pas désespéré, reprit-il alors tout en gardant la distance qu’Alicia avait instauré, ne voulant pas la mettre plus mal à l’aise. C’était, visiblement, un secret qui la touchait profondément. Mais le seigneur de Vendeuvre n’imaginait pas qu’une dame si bonne puisse avoir fait quelque terrible chose. Comprenez-moi, je vois tous les jours l’esprit de mon épouse dépérir, mon… Ma plus ancienne amie a été emportée par un mal attaquant ses poumons, continua-t-il avec, un instant, un chevrotement de voix. Et, maintenant, ce même mal ronge les poumons de mon unique fils. Ne ressentez aucune culpabilité, car je m’impliquerais dans n’importe quoi pour que cet enfant ait, au moins, le droit de vivre. Je vous en prie, je ne peux pas renoncer.


-Le désespoir... C'est lorsque nous y plongeons qu'ils nous approchent... pour mieux nous tenir fermement dans leurs griffes.

J'ai parlé à peine plus haut que tantôt, comme si je m'adressai à moi-même. Mais c'est une mise en garde à l'attention de Gautier. Lentement, je me retourne vers lui. J'y parviens sans aide et sans vaciller mais un guerrier aussi aguerri peu détecter la maladresse dans mes appuis fragiles.

-J'ai accepté de me laisser entraîner... Par devoir... Par reconnaissance... Et aussi parce que j'avais plus rien à perdre de toute manière. Ou, tout du moins, le pensais-je à ce moment-là. Mais je ne suis... que la demie-sœur d'un Comte mal aimé. Une femme. A travers moi, ils ne peuvent rien obtenir, ou si peu. Mais à travers vous... Un homme... Un soldat... Un Seigneur... Je ne sais pas ce qu'ils attendent de moi mais j'ai peur de ce qu'ils vous demanderont, à vous. Pour la dernière fois, je vous demande de renoncer, par pitié... Ne faites rien que vous pourriez regretter.


Mais qui étaient donc ces « ils » se répétait Gautier en son for intérieur ? Quel était le terrible secret que portaient de si frêles épaules ? Et comment ces « ils » pouvaient être si maléfiques alors qu’ils étaient capables d’un tel miracle, au point qu’une infirme soit capable de tenir debout de nouveau ? Le regard du seigneur brillait d’un espoir désormais puissant, soutenu par une curiosité qui se trouvait de plus en plus insoutenable.

- Ne diminuez pas ce que vous êtes. Vous êtes jeune, vous êtes pleine d’avenir. Je ne suis qu’un vieux seigneur d'une terre reculée, perpétuellement sur le qui-vive et portant les marques brûlantes d’une guerre frontalière perpétuelle. Gautier fit un pas en direction d’Alicia, mais s’arrêta pour lui monter son ouverture sans être trop intrusif, tout en lançant un rapide regard en direction du couloir où sire Ylasse attendait, s’interrogeant sur son lien avec ces fameux « ils ». De moi, « ils » ne pourront obtenir qu’une épée, là où ils auraient, de vous, de votre charme et de votre gentillesse, l’oreille des plus puissants. Mais, le regard de Gautier se fit plus sombre, j’ai vu la mort. J’ai ôté la vie bien trop de fois. J’ai vu le sang gicler, les entrailles se vider sur le sol, les cervelles, éclater dans les cris des mourants. J’ai vu le mal, ma Dame, j’ai vu le mal et j’ai dû le regarder dans les yeux. Et, dans vos yeux, je ne vois aucun mal. Je sais que, quoi que l’on vous demandera, vous ferez le bon choix. Et si je puis partager votre fardeau, pour la vie d’un enfant innocent qui n’a toujours pas côtoyé ce mal, je le ferai avec joie. Je ne vous demande pas cela pour moi, mais pour mon fils, pour Valeran, pour lui donner une chance.


Alors que Gautier m'avoue ses actes passés, je voudrais détourner mon regard et mes yeux quittent parfois ceux de mon interlocuteur avant de revenir aussitôt sur lui. Si je regardais ailleurs, je ne visualiserais que trop bien ce qu'il me décrit. Certaines images pourraient même se rappeler à moi alors que je m'efforce de les oublier depuis plusieurs mois déjà. Alors j'attache mon regard au seul autre être vivant dans cette pièce comme à la corniche qui m'empêcherait de tomber. J'esquisse un sourire qui disparaîtra aussitôt ma phrase terminée.

-Même en me sachant guérie, vous êtes toujours aussi indulgent avec moi...

Jamais on ne m'a prêtée tant de qualité et de pouvoir. Car je n'ai jamais eu le sentiment que je pourrais obtenir quoi que ce soit dans ce monde. Je sais pourtant de quel charme il veut parler... Sans nul doute le même que ma sœur sait si bien employer depuis toujours. Mais je suis bien trop honnête pour y parvenir aussi bien qu'elle.
Quoi qu'il en soit, je vois bien que Gautier a l'intention de persévérer, quoi qu'il lui en coûte, m'offrant même son aide dans cette mission qui est la mienne. Mais peut-être que s'il savait...

Je n'ai plus qu'une solution afin qu'il comprenne dans quoi il prévoit de s'engager... Car je ne peux le laisser approcher cette organisation en le laissant dans l'ignorance. Tout comme moi, il doit être préparé pour ne pas se laisser emporter dans leur jeu. Alors, mes épaules se relâchent dans un faible soupir : il a gagné. Je m'avance alors vers un siège installé devant la cheminée et l'invite à me rejoindre sans prononcer un seul mot. Dès lors qu'il se trouve installé, je commence mon explication.

-Je... suis partie d'Arétria... officiellement, pour être ambassadrice à la cour d'Odélian. Officieusement, pour m'éloigner de tout ce qui avait fait mon malheur... L'homme qui m'a enlevée et a tenté de me tuer... Mon... mari... qui m'a rejetée... parce qu'il ne savait pas comment m'aider à me relever... J'étais si anéantie... Je me sentais trahie et... si seule. Je n'ai pas terminé mon voyage et j'ai fait étape dans un monastère, non loin d'ici à vrai dire. Je ne l'ai quitté que sous l'impulsion de la Comtesse douairière d'Odélian qui m'a demandée de poursuivre ma retraite sur ses terres afin d'être sous sa protection. Sous le regard de Néera, je peinais encore à me remettre mais les prêtres ont fait tout ce qui était en leur pouvoir... Je les ai accompagné jusqu'en Estrevent, afin de me couper totalement de mon ancienne vie, de me dépayser totalement. Je me suis rendue utile et c'est ainsi que j'ai appris à soigner. J'ai commencé à me sentir mieux, grâce à eux. Mais... Dans le même temps... D'autres se sont intéressés à moi. D'autres qui voulaient jouer de ma faiblesse pour mieux parvenir à le manipuler. Et le Temple m'a demandée de me laisser approcher. J'ai compris que je pourrais être encore plus utile à Néera, à cette communauté qui m'a tant apportée et à la Péninsule elle-même. Je leur devais tant... et je valais si peu après l'annulation de mes noces... J'y ai vu une chance de remercier le culte de Néera et en même temps de prouver que je pouvais faire quelque chose de réellement important... Et qu'avais-je à perdre en cas d'échec ?...


Gautier écoutait avec une forme de tendresse l’histoire qui pesait tant sur son interlocutrice. Lentement, il se faisait une image mentale de ces fameux « ils ». Il commençait à entrevoir des bribes de ce qu’avait coûté la guérison miraculeuse de cette jeune femme. Mais quel était donc cette personne ou ce groupuscule qui manipulait dans l’ombre ? Et qu’avaient-ils fait ? Mais une chose marqua encore plus le sire, une chose qui nourrissait la douceur de son regard et qui fit apparaître un petit sourire sur son visage. Cette si jeune femme, se rendait-elle compte elle-même de son histoire ? Pris d’un élan de compassion, le noble commença à porter sa main vers l’épaule de la miraculée, avant de s’arrêter à mi-chemin, hésitant.

- Prenez votre temps, ma Dame, dit-il alors en ramenant sa main. Voilà un sujet qui vous touche en votre Souffle, alors je crois le comprendre. Mais je vous en conjure, ne me considérez pas comme indulgent. L’histoire que vous me contez est celle d’une pauvre enfant brisée dans sa jeunesse, d’une enfant devenue femme, que l’on a éduquée pour se marier et que tous considèrent avoir échoué. Et pourtant, quelle a été votre réaction ? Aider autrui, d’une manière douce et désintéressée, en soignant le pauvre et le malade. Vous avez été kidnappée, vous avez vécu dans la peur, failli mourir, et pourtant… Pourtant, vous avez décidé de garder votre foi en l’humanité. Votre corps a été brisé, votre esprit s’est peut-être fendu par moment, mais votre cœur est resté intact là où il aurait flétri pour bien d’autres. Ne voyez-vous donc pas votre propre force ? Je connais bien des gens qui se seraient enfermés dans la haine et la cruauté, à votre place. Non, même aujourd’hui, vous avez décidé de m’aider sans me connaître, vous avez une force dans votre Souffle admirable que beaucoup devrait envier. Mais ne prenez pas mes mots pour de l’indulgence, car ils ne le sont pas. Ils sont vrais. Gautier fit une courte pause. Pardonnez-moi, je vois que je vous fais vivre une épreuve douloureuse. Mais sachez que je ne vous jugerais pas. Je sais que, lorsque vous êtes dans la tourmente, des mauvaises gens peuvent vous utiliser. J’ai moi-même pris des décisions que je regrette amèrement aujourd’hui, jamais je ne pourrais vous juger pour les vôtres avec votre histoire. Sachez aussi que même si vous pensez aujourd’hui que votre décision a abouti sur un mal, vous avez la force de la transformer en bien aujourd’hui-même, car un enfant innocent pourrait en être sauvé.


-Vous parlez beaucoup trop bien pour un guerrier... Lui fais-je remarquer.

Mais mes mots ne sonnent guère comme un reproche. On peut même y dénoter une petite touche d'humour. J'ai compris depuis longtemps que c'était un érudit autant qu'un soldat, sans quoi il n'aurait pas lui-même pris le temps d'aller consulter les ouvrages de la bibliothèque, il aurait confié cette tâche à quelqu'un qu'il aurait engagé auprès de lui pour assurer ce type de fonction. Cependant, mes paroles sont surtout faites pour lui avouer que ce qu'il dit me touche et que je reçois le réconfort qu'il me donne.

Mais il est temps d'entrer dans le vif du sujet. Il fait preuve d'un très grande patience depuis le début de cette conversation et c'est désormais le moment de lui faire comprendre l'ampleur de la tâche qui est la mienne et du danger que j'encoure et qu'il se propose de partager avec moi.

-Les moyens qui ont été employés pour me soigner ne viennent pas de la DameDieu. Ces gens ne la prient pas. Ils renient même les cinq... pour suivre leur propre dogme. La mission qui m'a été confiée... est de devenir l'une des leurs. C'est aussi celle d'Ylasse, même si je n'apprécie pas ses méthodes... C'est un fervent serviteur de Néera mais son implication dans sa mission semble avoir amincie sa limite entre le bien et le mal... C'est lui qui a permis que cette secte me contacte, sans m'en avoir avertie au préalable. Il m'a approchée dans ce but quelques ennéades auparavant... Et je le soupçonne d'avoir fait en sorte que vous nous entendiez afin de nous piéger tous les deux... Ainsi, ma confiance en lui est limitée.

Gautier l'avait peut-être perçu, maintenant que j'y pense... C'est un homme intelligent et perspicace. Peut-être est-ce pour cela qu'il a poliment congédié Ylasse dans le Temple, parce qu'il avait perçu mon malaise en sa présence. Je sais que je ne suis pas en danger avec lui mais, lorsque je vois de quoi il est capable pour le bien de sa tâche, je pense avoir des raisons de m'inquiéter. Et il vient d'embarquer le Seigneur serramirois presque de force dans toute cette histoire.

-Si vous choisissez cette voie, vous ne pourrez plus revenir en arrière. Le Karasmtra prône la violence... et n'est pas réputé pour sa clémence. Vous risqueriez votre titre, votre nom mais aussi votre vie...


C’était, effectivement, plus gros que Gautier ne l’avait imaginé. Il avait imaginé un complot par un groupe de noble, ou de puissant de quelqu’affiliation que ce soit, pas que ce miracle impliquait des infidèles dangereux comme le Karasmtra. À cette évocation, le noble ne put cacher sa surprise. Pourtant, il aurait dû s’y attendre, car, après le vécu d’Alicia, il était clair qu’elle devait s’inquiéter pour quelque chose de gros. Il fallait bien dire qu’elle avait raison, il mettait en jeu beaucoup, y compris sa tête, s’il se rapprochait de ce culte. Mais quelle était donc la perspective ? Une mort dans la douleur de son pauvre enfant ? L’espace d’un instant, une pensée insidieuse se fit dans l’esprit de Gautier. Fi de Tyra et de prix qu’elle lui réclamait depuis si longtemps ! Ces pensées de colère s’effacèrent bien vite, tout en laissant un maigre écho qui raisonnait avec la voix d’Alicia prononçant le nom de le Karasmtra. Se reprenant, Gautier afficha un sourire un peu forcé.

- Me voilà démasqué, dit-il en essayant de détendre l’atmosphère d’un trait d’humour. Ma passion va aux lettres, la poésie et la philosophie, non aux armes. Mais mon devoir me tient bien trop éloigné de ma passion à mon goût, et mes finances ne peuvent satisfaire mes envies. Reprenant un air plus sérieux, Gautier continua. Je pense aussi que Sire Ylasse m’a vu arriver. Je n’étais pas discret, vous aviez simplement le dos tourné. Et je dois bien avouer que je vous comprends, désormais. Le Karasmtra… Voilà un groupe duquel l’on voudrait se tenir éloigné… Sachez que je suis conscient des risques, mais ma résolution ne vacille pas. Qu’importe mon honneur pour un fils mort ? Et combien d’année de vie pourrais-je sauver en perdant celle qu’il me reste ? Je suis conscient des risques, et je vous remercie de celui que vous venez de prendre aujourd’hui. Mais comment donc ont-ils pu vous soigner ? Serait-ce là de la magie ? De nouveau, Gautier sourit, mais avec douceur et sincérité. Quoi qu’il en soit, merci encore, ma Dame. Je vois maintenant une solution, certes, pas idéale, mais une lueur de vie, au moins. Sachez que si un jour, vous avez le moindre problème, je ferais de mon mieux pour vous aider à mon tour. Vendeuvre vous sera toujours ouverte, aussi humble soit-elle.


Je le vois sur le visage de Gautier... Il est surpris. Comment ne pas l'être ? Moi, la douce Alicia, je suis liée à un culte païen violent. Certes, on m'y a un peu contrainte et mes intentions sont louables, mais le choc n'en reste pas moins assuré devant une telle nouvelle. Il comprend désormais ma peur de lui dévoiler mon secret et ma réticence à le voir se joindre à moi. Il est le premier à qui je confie la mission que l'on m'a confié et peut-être  sera-t-il le dernier. Quelque part, cela me soulage de savoir que je peux compter sur quelqu'un d'autre qu'Ylasse car je me demande parfois s'il ne serait pas prêt à me trahir pour se sauver, lui... Ou l'inverse, ce qui ne m'enchante guère plus. Mais je suis triste également de voir Gautier me rejoindre dans cette tâche...

-Vous n'êtes pas si vieux que cela... Je réplique en esquissant un nouveau sourire à l'un de ses arguments, avant de reprendre mon sérieux. C'était de la magie, oui. Dispensée par un homme se faisant passer pour un prêtre dans un village très reculé, perdu dans les montagnes, afin de ne pas être repéré. Je doute que cela convienne à votre fils. Mais si Ylasse a soumis cette idée, c'est qu'il doit connaître quelqu'un d'autre. Il a commencé cette mission depuis bien des années déjà. Moi, je ne suis que novice en la matière encore...

Je marque une pause, baissant les yeux alors que je viens d'accepter que tout se passe tel que mon garde l'a voulu et tel que Gautier le souhaite désormais. Nous voici à présent trois dans cette galère dont nous ignorons la destination.

-J'ignore ce qu'ils vous demanderont en échange... Car, s'ils n'y posent aucune condition, ils finissent toujours par réclamer le prix de leur aide. Cela n'est pas tout de suite. Ils attendent d'en avoir réellement besoin. Ou bien ils demandent d'abord de petites choses... Et soit la victime finit par être convertie de bonne foi à force de manipulation, soit ils la piègent pour la contraindre d'une façon ou d'une autre. Mon rôle à moi est de me convertir... mais je ne sais pas encore ce qu'il me faudra faire pour les convaincre de ma bonne foi... Peut-être en serais-je incapable... Et je me retrouverai contrainte.

Je n'avais jamais parlé de ma peur à voix haute. Car oui, j'ai peur... La violence n'est pas dans ma nature, je suis le "karam" qui attire le "stra", la brutalité pure. J'ignore encore comment jouer mon rôle afin d'être convaincante sans me compromettre et sans que les Cinq me rejettent... Tant d'incertitudes...
Finalement, je me tourne vers Gautier.

-Que Néera nous protège et nous guide sur le chemin que nous nous empruntons...
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