[Afflux] Garde-côtes | Michail

La lune était haute dans un ciel parsemé d’étoiles et sans nuage. La faible brise transportait avec elle les arômes des flots dans un silence seulement troublé par le bruit des vagues se brisant sur les rochers et le bouillonnement des tavernes en contrebas du donjon. Mais au loin, un clapotement se laissait deviner. Il était faible et régulier, entraîné par l’écho. A peine l’avez-vous noté qu’il s’intensifie, se rapproche et à ce qui semble s’apparenter à des pas, s’ajoute non pas une voix mais deux. L’une assurée, à l’accent des campagnes, l’autre, fluette, provient directement des palais étincelants de Langehack…

_ Je vous demande pardon amiral ?
_ Vous avez bien entendu mon garçon. La flotte quitte le port à l’aurore et nous ne laisserons rien au hasard.
_ C’est insensé, avez-vous oublié les navires disparus ? Et ces histoires de monstres emportant les marins ? Le châtiment des Dieux s’est emparé de l’Olienne messire ! Même l’océan d’Eris est maudit !
_ Et qu’est-ce que vous proposez Alphonse de Loupiac ?
_ Je… je… que la tempête passe ?
_ Foutaises ! Cela fait des années que la « tempête » qu’a été l’arrivée des dragons a Nelen devait passer. Les directives des ducs, des marquis et de Diantra étaient laconiques et nous nous sommes contentés d’éviter les îles comme de vulgaires pirates. C’est cela que vous souhaitez raconter à vos enfants Alphonse ? Que vous vous êtes terré comme un rat ?
_ Au moins pourrais-je les revoir amiral…
_ Ah ! Je reconnais bien là, la lâcheté putride qui a rendu risible nos armées aux yeux des nordiens. Pensez-vous que la flotte soltarii se complaise dans la médiocrité ? Certainement pas ! Et je ne laisserai aucunement mon armada sombrer dans cette odieuse voie. Il est des devoirs plus grands que nos vies, pour l’Honneur du royaume et de nos Maisons.
_ Je…
_ Cessez de geindre messire de Loupiac et contentez-vous de suivre les ordres de notre seigneur si tant est que la dignité existe encore dans l’océan de vide qu’est votre avenir.

L’amiral était petit, brun et velu. Une imposante plume bleutée surplombait le chapeau recouvrant sa tête. La plume à elle seule devait certainement faire deux fois la taille de ses bras. Son laquais du soir était son exact opposé, une grande asperge imberbe au dos vouté et à la pomme d’Adam apparente, fruit de longues années passées en courbettes et assis à lire des livres. Il y a quelques années, messire de Loupiac exprima son souhait de devenir le secrétaire d’un amiral, choix par défaut d’un fils de noble quand on est refusé à la prêtrise et peu adroit avec une lame. Son père, un notable important à la cour langecine, se démena pour l’intégrer à une flotte digne de ce nom afin que le prestige engrangé puisse compenser la honte de privilégier l’avenir de marin à celui de preux chevalier. Ni Solatariel, ni Langehack ne voulu de lui et c’est finalement à Chiard que le jeune homme trouva son bonheur. Un bonheur de courte durée puisqu’il intégra un monde de basses naissances, et où la méritocratie au sein de l’équipage était reine. Ainsi débuta des années de souffrances qui aboutirent à cette discussion entre un amiral en fin de carrière et un nobliau de cour aux capacités douteuses.

Un peu plus tôt dans la soirée, le Sire de Laval exigea qu’une partie de la flotte de guerre se tienne prête au départ pour le matin suivant. Les directives étaient claires : mettre fin aux racontars, punir d’éventuels pirates et ouvrir une porte pour reconquérir Nelen dans un second temps. Les questions religieuses n’étaient officiellement pas à l’ordre du jour. Elles apparaitront ou non en fonction des découvertes probables.

Second jour de la neuvième ennéade de Karfias, sept heures,
An 21 du onzième cycle.

Les écailles de fer et d’acier raisonnent dans les couloirs du donjon et se mêlent aux couinements du cuir. Sur les terrasses et aux fenêtres, femmes et enfants de pressent pour assister au départ de la garde seigneuriale et de l’escadron de gerfauts survolant cette dernière. Une vingtaine de chevaliers iront retrouvés dans quelques instants une flottille de six navires à l’équipage aguerri et dont l’ajout de rames permettra aux navires de se diriger malgré le faible vent. Au milieu de cet attroupement, tu discutais avec l’amiral de la stratégie à adopter, de la meilleure formation pour ne pas se perdre dans la brume et des coordonnées à suivre. Sur chaque navire ont été disposées une ribambelle de lanternes en tout genre, des tambours et des cuivres pour naviguer groupé dans cette mer de brume. A cet ensemble de vétérans de terre et de mer, se sont ajoutés une dizaine de volontaires, des aventuriers en tout genre dont la solde, l’aventure ou l’inconnu ont aidé à la prise de décision.

_ Messires, voici la stratégie générale. Nous longerons la côte langecine afin de faire taire les rumeurs et préserver les villages. Nous pousserons jusqu’à la frontière mervaloise dans un premier temps en nous arrêtant régulièrement dans les ports amis pour l’approvisionnement, le recrutement de volontaires et de possibles navires. Dans le même temps, moult messagers et missives ont été envoyés dans les domaines royaux et en pays soltarii pour les informer de notre quête et donner comme point de rendez-vous la ville de Léliande, gouvernée par mon oncle par alliance. Quand nous aurons atteint Gardeflot, nous ferons route vers Léliande où nous resterons quelques jours. Puis commencera le périple en haute mer si la situation nous le permet. Nous nous pencherons sur la suite du périple une fois le nettoyage des côtes terminé. Des questions ?

L’assemblée composée de capitaines, chevaliers, chefs de guildes et de l’amiral en chef resta silencieuse. Dans la cabine du navire amiral, dont les rayons de l’astre lumineux éclairaient tout juste la table sur laquelle reposaient des cartes était rassemblée une quinzaine d’officiers ou responsables qui se chargeront de distiller les informations à leur groupe respectif. Le plan fut suivi d’un silence et finalement l’amiral fit une moue approbatrice.

_ Cela me parait censé. Pensez-vous que nous aurons assez de navires pour couvrir l’ensemble des côtes ?
_ Même avec l’ensemble de la flotte, nous ne couvrirons jamais l’entièreté du littoral. Voyez cette expédition comme une introduction, une avant-garde. Peut-être sera-t-elle suffisante, peut-être ferons nous demi-tour pour rassembler davantage de ressources… Seule la réalité du terrain nous le dira. S’il n’y a pas d’autre commentaire, à vos postes et levons les voiles.

Dans un raffut tonitruant, les capitaines retrouvèrent leur navire, les aventuriers leur groupe et les chevaliers et soldats marins prirent position. Les voiles s’abaissèrent et la flottille quitta le port bien décidée à faire la lumière sur ce qui est nommé Afflux dans d’autres contrées.

Le vent sifflait au dessus de la flottille, portant les pavillons d’or et d’argent et peinait à couvrir les instructions des officiers et les râles des matelots. On tirait des cordes et souquait sur un rythme régulier de tambours tandis que les vagues s’écrasaient sur la coque. L’horizon est dégagé, la mer peu agitée et les premiers oiseaux formèrent une escorte aux navires.

Sortant de ta cabine, tu fendis l’équipage jusqu’à la proue, accompagné de l’amiral en tenue d’apparat et coiffé de sa fameuse plume flamboyante. Vos regards portèrent vers l’horizon un moment avant que le maître des flots n’eut sa première réflexion.

_ Nous progresserons ainsi jusqu’à la mi-journée, puis nous glisseront légèrement vers le Sud-Est au coucher de l’astre.
_ Vous connaissez l’Olienne comme si vous l’aviez vu naître amiral. J’ai une totale confiance en vos capacités pour mener cette expédition. Tenons la formation, je ne saurais tolérer la perte d’un seul bâtiment, me suis-je bien fait comprendre ?
_ Très clair mon seigneur.
_ Bien. Que les marins gardent le regard vif. Nous ne savons pas dans quoi nous nous aventurons. Surtout, que personne ne rompe la formation, ni n’engage quoi ou qui que ce soit. Nous répliquons uniquement sauf ordre contraire de ma seule et unique part.

L’amiral acquiesça et les deux compagnons posèrent de nouveau le regard sur l’immensité qui s’offrait à eux. En prenant de la hauteur, la flotte adoptait une forme de losange dont le battement tonitruant des tambours et des fanfares, rythmait les tâches des équipages. Une fois au large commencera l’inspection des eaux langecines et une inspection méthodique de la moyenne mer et du rivage du marquisat. L’arrivée à Léliande est prévue pour le mois prochain, tout juste une ennéade si le vent est bon et que la flotte n’est pas interrompue.

Les vents du sud, agréables et rafraichissants en cette saison, gonflent les voiles depuis quelques jours déjà. Le moral est au beau fixe, si la mission est importante, le calme de l’Olienne leurre les marins, les pousse à profiter de ses embruns, à admirer ses paysages côtiers. De Tall à Azalie, la virée nautique à tout d'une croisière de plaisance qu’un noble frileux s’offrirait pour ressentir , durant un temps au moins, le frisson de l’aventure.
Sur ces eaux, les courants peuvent être changeantes et le temps traître. Chaque homme de la mer le sait, mais ces jours-ci, ces changements sont trop brutaux, anormaux et inquiétants.

Les jours s’enchainent, et de temps à autre, cette nappe de brouillard s’abat sur la côte. Une purée de pois comme on en voit rarement. Depuis la barre, il en devient même impossible de voir la proue, ce qui force les marins à stopper toute manœuvre. La vaillance du début chancelle, le cœur des hommes est empreint d’une terreur qui grandit lentement, s'installe et s'insinue. Car à chaque fois que la brume se retire, c’est un petit village côtier qui s’éteint. Il n’en reste que les bâtiments, mais plus Souffle qui vive. Pas un cadavre, rien, seulement une odeur d’œuf pourri et de sel subsiste, ainsi des traces allant en direction de la mer. Du reste, ces hameaux vides n’offrent que des questions sans réponse, de l’inquiétude et des cauchemars.

Au cours de leur périple, ils ont compté pas moins d’une douzaine de bourgades mystérieusement vidée de leurs habitants. Et ce, sans avoir pu y comprendre quoique ce soit. Arrivés à Leliande, ce sont des soldats fourbis, fatigués et tourmentés qui mouillent dans le port. La mer y aussi calme qu’au départ contrairement aux esprits.

Les premières haltes n’avaient rien d’une expédition militaire. Une balade le long des côtes et suivant les courants. Parfois, le losange se rompit, la formation s’étendait sur une longue diagonale pour couvrir un espace approchant de la moyenne mer. Rien à l’horizon. Les quelques nuages obscurcissant le ciel se laissèrent porter par la brise marine et ça et là, des oiseaux accompagnèrent le convoi sur des lieues. Sur les ponts, les marins jouaient aux osselaits ou aux dés. Les chevaliers pratiquaient des touches ou dévoraient nouvelles et chansons de gestes. Peu à peu, l’attention déclinait et même toi tu te surpris à somnoler les après-midi et à durer plus que nécessaire autour des repas. Dans les ports, les hommes pêchaient et se saoulaient dans les tavernes, quelques femmes aux moeurs légères passèrent de navires en navires amarrés aux yeux et à la barbe des capitaines et de l’amiral. La quête devenait un jeu.

Au paroxysme de cette balade, les oiseaux disparurent. Puis ce fut les courants qui subitement changèrent sans aucune raison ni logique. Des zones pourtant bien connues des navigateurs paraissaient étrangères. D’abord mouvementés, les flots devinrent soudainement calmes, trop calmes. Les courants moururent et la surface de l’Olienne devînt immobile. Au loin, le long des côtes, une brume se forma. D’abord légère, il ne lui fallu que quelques minutes pour devenir aussi impénétrable qu’une purrée de pois hivernale. Tu ordonnas aux navires d’approcher sans pour autant y pénétrer. Elle demeura ainsi de longues heures avant que le vent ne se lève de nouveau et ne disperse le brouillard. Là, un village, silencieux, aux portes entrouvertes et aux embarcations amarées. Trois navires dont le tiens s’approchèrent pour permettre aux hommes de débarquer. Epée à la main, bouclier relevé, vous avancez en formation, les chevaliers en première ligne, les arbalètes et arcs bandés restées sur les navires. Il ne fallut qu’une quinzaine de minutes pour effectuer le tour du village. Ce que tu y découvris te laissa sans voix. Tout était intact. Les écuries comportaient encore le purin frais de ses hôtes, les paillasses étaient parfois défaites, la forge encore tiède et les marmites parfois remplies de bouillies tout juste prêtes.

_ Quelle est cette sorcellerie ?

L’amiral tomba nez à nez avec des tonneaux remplis de poissons frais. Deux d’entre eux remuaient encore faiblement. Il était évident que les villageois venaient de quitter le hameau mais pour aller où ?

_ Vous, prenez deux navires et rendez-vous à Azalie, essayez de retrouver les villageois, récupérez des informations et retournez à Beaurivages. Nous nous retrouverons à Léliande, passez par la terre ferme.

Cela pourrait-il être des pirates ? Dans ces eaux ? Mecca est en Eris et Nelen n’est aucunement un repère de pirates… Et puis si l’archipel l’était devenu, les flottes langecines patrouillaient régulièrement leurs eaux jusqu’à l’apparition de cette brume et de ces histoires. D’où pourraient-ils bien provenir.

_ Nous autres, remontons à bord et continuons.

Et ce fût le même spectacle, encore et encore et encore. Les premières fois, la flotte chercha à encercler cette brume en préservant des maillages plus ou moins étroits. Aucun navire ne sortait du brouillard mais quand celui-ci se disspa, les villages connaissèrent le même dénouement que le premier. Des sujets disparus comme envolés, des marmites sur des feux à l’état de cendres tièdes et des traces de pas, toujours les mêmes, se dirigeant vers la plage et engloutis par les flots. Puis, à contrecoeur, tu ordonnas à des navires de rompre l’arc de cercle pour pénétrer la brume. Une fois en son sein, il était impossible de manoeuvrer. Par prévention, les fanfares cessèrent et seules les lanternes subsistaent pour permettre aux bâtiments de se reprérer entre eux. Mais une fois au coeur de l’étrangeté, même la proue de ton propre navire devenait invisible, stoppant net toute velléité. Quand le brouillard se levait, les équipages contemplèrent impuissant un énième village fantôme.

Au bout d’une ennéade, la flotte entra dans Léliande désemparée, fébrile et inquiète. Ce n’était pas l’oeuvre de pirates. Il n’y avait ni cri, ni trace de combat, aucun navire n’entrant ou ne quittant ce nuage putride. Ne restait que l’odeur du sel, de la mer et des maisons vides. Les marins ne purent toucher la moindre femme depuis, seul l’alcool leur procurait une once de réconfort et ils racontèrent chaque nuit ce qu’ils avaient vu. Les soldats en quête d’informations à Azalie arrivèrent quelques jours plus tard. Les locaux ne furent pas surpris, ils expliquèrent à l’escouade que nul n’a pu échapper à cette brume depuis son apparition et sans surprise, les villageois du premier village étaient introuvables. Les rumeurs n’en étaient plus. La présence d’un seigneur et d’une flotte dont les hommes s’entêtaient à poser des questions suffirent à embraser le langecin. Si même un noble s’inquiétait de ces rumeurs, cela devait probablement être quelque chose de grave. La peur du littoral commença à vider les villages en direction des campagnes et des grandes villes.

Le premier soir, tu fus reçu par ton oncle par alliance qui demeura désemparé par ton récit.

_ La mer n’est plus celle que nous connaissons, ses courants sont devenus aléatoires, ses vents indécis et soudain, elle se meurt. Son fil ne soufre d’aucun remou et je pourrais y voir mon reflet sans imprécision. Puis vient la brume, elle glisse le long de la surface pour s’amasser en quelques minutes autour du village. Alors, on n’y voit plus ses pieds, le silence tombe et elle se retire comme elle est arrivée, ne laissant derrière elle que l’odeur de la mort, de la marée et des traces, toujours des traces, celles de pas. Des pieds d’enfants, de femmes et d’hommes qui se dirigent vers la plage et disparaissent dans les vagues.

Tes mots étaient lents, tes traits tirés et tes yeux plissés. Personne autour de la table n’osa faire le moindre bruit. Les assiettes, remplies de légumes et de venaisons, demeuraient inviolées par leur propriétaire. Tes yeux quittèrent le bois de la table pour trouver ceux du sire de ces lieux.

_ Ce n’est pas l’oeuvre des hommes mon oncle. Il n’y avait ni navire, ni traces de combats. Les Souffles se sont envolés comme par magie. C’est l’oeuvre de Tyra et personne n’est à l’abri de sa colère. Priez. Priez pour que Léliande soit épargnée et éloignez-vous du port. Rien d’autre ne nous sauvera.

Fin de la 2e ennéade de Favriüs
Port de Léliande
Début de soirée

- Les marins sont toujours ici ?

Les caresses que tu offres au flanc de ton cheval sont marquées d’une discrète inquiétude. L’animal épuisé marche d’un pas lent et lourd, croquant – à l’occasion – sans entrain dans la pomme que tu lui tends. Tu remercies intérieurement Mávros d’avoir été aussi vaillant, car le temps commençait à vous manquer.
Partout dans le Langecin, et même jusqu’à Missède, flottaient les histoires des villages noyés. Déjà le peuple jusque dans les terres tremblait, certains craignant pour leurs amis, certains craignant pour leur famille, certains allant jusqu’à craindre pour la Péninsule toute entière. Car déjà pour eux cela ne faisait plus aucun doute. Toute l’année dernière durant, les marins avaient pris la mer le cœur gros et la boule au ventre. Les voyages en navire s’étaient faits moins nombreux. La pêche était devenue une entreprise purement côtière. On avait peur des monstres de la grande eau, et on craignait que ne sévisse quelque kabbale de sorciers-faits-pirates. Toute l’année dernière, les marins avaient fait preuve de prudence, mais aujourd’hui il n’en était plus question.

Aujourd’hui, il fallait d’abord prier, puis se préparer à fuir, car ce qu’il se passait ne pouvait être que le signe de la colère de Tyra. Jusque dans les bourgades Missédoises, les chapelets s’excitaient et les suppliques montaient, car après les villages viennent les bourgades, après les bourgades viennent les villes, et après les villes viennent les terres. À ceux qui tentaient de se soulager de leur distance d’avec les côtes, s’opposaient ceux qui craignaient que Tyra ne fende le monde à nouveau. Tu ne peux donc qu’imaginer quelle terreur dissimule le silence pesant sur les rues de Léliande.

Dissimulé derrière ton heaume, et obscurci par ton manteau, ton visage est flamboyant d’une excitation toute singulière. Voilà quelques temps que tu ne t’étais pas senti à ce point à ta place, et certainement l’exode contre le courant duquel tu marchais n’y était-il pas pour rien.
À combien d’autres mercenaires disputes-tu habituellement tes contrats ? Combien de chasse-l’or te faut-il normalement ouster loin des quelques rares missions te faisant vraiment battre le cœur ? Cette fois, tu n’avais rien eu à faire de tout ça. Tes « collègues » et « concurrents » avaient pour la majeur partie, sinon tous fui en même temps que les habitants qui pouvaient se le permettre. Au point que tu te demandes finalement… qui resterait-il une fois à Léliande ? Ceux qui s’étaient proposés de braver les brumes auraient-ils le cran de s’y plonger à nouveau maintenant qu’ils savaient ce dont il en retournait ?

- Je cherche le Seigneur de Beaurivage.

La garde du bourgmestre s’immobilise, comme désarçonnée par ta requête. À vrai dire, ils n’attendaient plus personne. Quelque part, même, ils espéraient que la suite du Sieur de Beaurivage soit vite partie. Peut-être la colère de la Gardienne était-elle après eux. Peut-être après le départ de ces fous déciderait-elle d’épargner Léliande. Qui sait ? Mais qu’à cela ne tienne. S’il était un fou de plus à jeter en pâture à l’Olienne ils ne se priveraient pas.

Et puis… quelle meilleure rançon que l’un des Bien-Aimés d’Othar ?

Voilà près d’une ennéade que la flotte de dix vaisseaux mouillait dans le port de Léliande. De nouveaux villages furent découverts vidés de leurs Souffles dans les environs et personne ne fut capable de trouver une explication ni personne ayant assisté à ces disparitions. Le mystère demeura entier. La haute mer en revanche paraissait calme, sans danger aucun. Les navires envoyés patrouiller sont tous revenus sains et saufs sans jamais percevoir le brouillard ailleurs que sur le littoral.

La lumière déclinait à l’extérieur, les faibles rayons traversaient les vitraux de ta cabine. L’amiral et toi discutez depuis le début de l’après-midi et les dizaines de cartes jonchant le sol et les tables étaient les témoins de l’angoisse ambiante. Quelques cadavres de bouteilles formèrent un semblant de pyramide dans un coin de la cabine tandis qu’un charmeroux entamé trônait au centre de la table principale, deux verres vides à ses côtés. Les lanternes valsaient lentement au rythme des vagues et donnèrent vie aux nombreux traits et dessins recouvrant les cartes. Des flèches, des cercles et des annotations transformèrent le travail des géographes en de vulgaires brouillons. Le silence enveloppait la pièce depuis de longues minutes quand un marin frappa à la porte.

_ Je me permets de vous déranger sire, un homme requiers audience.
_ Qui est-il ?
_ Je ne le sais seigneur, il m’a simplement confier venir pour le brouillard côtier.
_ Introduis le.

Instinctivement, ton regard chercha celui de l’amiral qui fit de même. Une ennéade que la flotte mouille dans ce port et personne n’a souhaité rejoindre la petite troupe. Aucun mercenaire ni homme d’arme, pas même un vétéran. Même ton propre oncle s’est trouvé extrêmement réticent. L’homme devait certainement être terrifié de diviser ses forces face à une menace inconnue et si vorace. Quand l’étranger pénétra dans la cabine, il dû se baisser pour passer la porte et le plafond, malgré sa haute taille, venait lui caresser les cheveux à chaque pas. Toi qui as pourtant l’habitude de dominer d’une tête ou deux tes interlocuteurs, te voilà à lever le menton et c’est sans évoquer le petit amiral trapu qui finira certainement par se coltiner un torticoli à la fin de ce périple.

_ Bienvenue à vous voyageur. Je suis confus de vous accueillir dans un endroit si étroit. Tu tends ta main pour l’inviter à vous rejoindre. Voici Bernard Dechanson, amiral de mon domaine et je suis Gaël de Laval, seigneur du littoral missédois. On m’a soufflé que notre folle aventure a su faire echo en vous, est-ce vrai ?

L’amiral inclina la tête lors des présentations, des présentations peu protocolaires et directes de ta part. Le soulagement intérieur de rencontrer un potentiel soutien dans cette quête mortelle était réel. Une vie n'était pourtant rien mais elle était le seul éclait positif en deux ennéades d'océan de négativité.
Tout deux êtes vêtus de bleu et de blanc, des atours relativement modestes pour votre condition mais largement hors d’atteinte pour un roturier. Pour une fois, l’amiral s’était séparé de son couvre-chef et offrait à l’étranger une vue plongeante sur un début de calvitie au centre de son crâne.

N’est point Soltarii celui qui hait la mer. Tu aimes la mer. Tu trouves ses immenses étendues bleutées magnifiques. Toi qui a tant côtoyé les pêcheurs, tu en apprécies le fruit, et en respectes le danger. Tu aimes la mer, mais tu n’es pas un amoureux des bateaux. À te voir suivre ton guide, la raison en est évidente. Une épaule après l’autre, et légèrement prostré, tu traverses une étroite porte menant à une cabine exigue, te condamnant à jouer les bossus si tu ne voulais pas que le haut de ton heaume ne raye le bois verni des poutres du plafond.

- Michail.

Au moment où tu poses les mains sur les tempes de ton heaume, tu te rends compte de la situation dans laquelle tu te trouves. Tu soupires longuement, te retenant de pester à haute voix, et te voilà forcé de te recroqueviller pour pouvoir libérer ton visage de ton casque. La manœuvre est maladroite, et visiblement inconfortable, mais au moins non seulement ton interlocuteur peut maintenant te regarder dans les yeux… mais tu peux te tenir droit. Tes cheveux, eux, ne risquent pas d’abîmer le bâtiment.

-  Du temple de Soltariel.

Ta carrure. Ton nom. Ta provenance. Ta peau entre deux teintes. Les billes noires qui te font le regard sévère. La chevalière pouvait rester dissimulée sous le métal Tu vois à l’expression du jeune seigneur qu’il ne lui en aura pas fallu beaucoup plus pour reconnaître le Hérault d’Othar. Probablement dès ce moment tes explications quant à tes motivations devenaient-elles inutiles. Après tout, si ton nom continuait à vivre, n’étais-ce pas surtout au travers de ceux contant ta témérité ?

- C’est cela. le coin gauche de tes lèvres se soulève Si ce qui se raconte sur la route est vrai, toute cette histoire m’a l’air encore plus intrigante qu’initialement prévu. ton visage s’assombrit soudainement Et si effectivement il s’agit là d’une colère de Tyra… qui de mieux placé qu’un béni d’Othar pour défier La Mort. tu lèves le menton mais baisses le regard Puissions-nous l’apaiser et en revenir indemnes.

S’il fallait encore une fois défier la Gardienne, vous ne seriez pas les premiers. N’est-ce pas il y a un an maintenant que la sœur du Seigneur de Chiard était partie en pèlerinage, pour supplier à la Vengeresse de rouvrir au Souffles les portes de l’Abysse ?

- Quoi qu’il en soit, s’il faut se battre, je saurai vous protéger. tu opines tu chef, et clignes lentement des yeux Et s’il faut plaider auprès des Cinq, puissions nous mériter que mon Gardien se fasse notre avocat.

Le charisme du colosse était mal en point dans cette pièce exiguë. Vous ressentiriez presque de la peine à la voir ainsi vouté pour retirer son heaume, position nécessaire pour  ne pas se retrouver gêné par le plafond. En entendant son nom, ton coeur rate un battement. Une fois son visage visible, tes lèvres s’entrouvrent. Cela ne pouvait être que lui, le héraut d’Othar dont le nom fut maintes fois évoqué par les Marcheurs Austères. La description qu’ils en faisaient correspondait parfaitement à la carrure de géant de l’étranger. La peau mate de l’Estrévent, le physique de brute épaisse et l’expression placide du roc sur son visage ne pouvaient mentir. Aucun de vous ne pronconcèrent le moindre mot et le Soltarii eut le loisir de poursuivre.

_ Si la bénédiction d’Othar vous est acquise, peut-être parviendrons-nous à vivre un jour de plus.

Tu posas la main droite sur les cartes annothées et éclairées par la faible lumière des lanternes, invitant Michail à approcher de celles-ci. Chacune proposait une vue différente du littoral langecin, des vues éclatées, géophysiques, urbaines et marines destinées aux seigneurs et aux marins. L’amiral Dechanson quant à lui, s’éclipsa quelques secondes pour s’engager dans une quête au cristal, cherchant de coffre en sacs de jute un verre destiné au héraut.

_ Approchez je vous prie. Laissez moi vous raconter ce que j’ai vu, mon récit pourrait refroidir vos ardeurs. Tu fis une pose donnant une atmosphère dramatique au moment. Durant une ennéade nous avons sillonné le littoral langecin et avons croisé une douzaine de hameaux. La brume glisse jusqu’à eux en quelques minutes et nous empêche de voir la proue depuis la barre. Une fois en son sein, les navires ne peuvent plus manoeuvrer. Puis elle se dissipe comme elle est venue, laissant derrière elle un village fantôme. Aucun Souffle ne subsiste, ne restent plus que l’odeur de la marée, de la mort et des traces de pas. Des traces d’hommes, de femmes et d’enfants dans le sable se dirigeant vers la mer. Comme si tous et toutes quittèrent leur bâtisse pour se noyer dans les vagues.

Le petit noble revînt de sa quête avec un verre un crystal bleuté. La coupe reposait sur un pied travaillé et finement dessiné mais arborant une longue fissure courant le long de l’oeuvre. Il le posa délicatement au milieu des deux autres et entreprit de les servir.

_ Nous nous sommes approchés suffisamment près pour s’assurer qu’aucun navire ne pénètre ni ne s’échappe de ce brouillard. Aucun son n’en est sorti, ni pleur, ni cri. Je ne saurais vous dire ce que cache cette abomination mais je peux vous assurer que la seule façon de le découvrir et de s’y rendre en son coeur.

- Les villages côtiers d’Ydril et Soltariel ont connu des épisodes similaires depuis la Lune de Feu. tu observes les cartes avec attention Et si j’en crois ce qui se dit par chez moi, quelle que soit la chose qui se cache dans la brume, les pauvres gens qu’elle attire, elle les dévore. tu pointes du doigt la ville de Toreze sur l’une des cartes Les gens de la côte Sud disent avoir parfois retrouvé les membres arrachés de certains des disparus. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est un espoir de se retrouver face à un adversaire qui vit.

Qui vit, et donc qui puisse mourir. Un monstre digne de ce nom qui s’offre à vous plutôt que d’attendre quelque part tapi dans les profondeurs, là où on ne peut l’atteindre. Ton visage reste du même marbre qu’il l’a été depuis ton arrivée, le coin gauche de tes lèvres toujours à peine levé, mais tes yeux brillent d’une excitation peu commune. En parler ne fait que ronger ta patience. Tu n’as pas peur, pas le moins du monde. Te rendre au cœur du danger est tout ce que tu désires.

- On en sera certains quand on y sera.

Tu te saisis délicatement du verre de vin offert par l’amiral, et en observes la robe. Tu fais tourner le liquide, presque instinctivement, puis en humes le parfum. Tu portes la boisson à tes lèvres, en sirotes une petite gorgée et souris. Tu donnes l’occasion au goût d’imprégner tes papilles, ta langue dansant entre parterre et palais, puis tu déglutis. Un grognement d’aise fait vibrer tes sinus… et tu avales le reste cul sec, avant de reposer ton verre comme s’il s’était agi d’une pinte.

- Mais maintenant que c’est dit… tu fais mine d’observer le navire au travers des murs de la cabine ...où est-ce que je m’installe ?

_ Et qui puisse mourir.

Tu te doutais que c’était sur cette affirmation que souhaitait te conduire l’étranger. L’idée que cette brume ne cache qu’une créature en lieu et place d’une magie noire avait quelque chose de réconfortant… Si tant est que le troc d’une malédiction divine pour une bête des tréfonds du royaume de Tyra ait quelque chose de rassurant. Pourtant, la confiance du Soltari était communicatrice. Les Otharites détenaient certainement une confiance mêlée d’un courage à toute épreuve car la mort n’était pas redoutée de la même façon que pour les disciples de Néera mais ils détenaient en cela une force et une grandeur d’âme qui poussaient au dépassement.

Tu approchais des trente ans et jamais dans ton existence, tu n’avais frôlé la grandeur ni par les armes, ni par quelconque prouesse personnelle. Qu’étais-tu sinon un châtelain au bon bilan d’intendance ? Cette rencontre fortuite avec Ciro Michail est peut-être l’œuvre de la Mère veillant sur ses enfants, une invitation à transcender ta vie de mortel pour te montrer digne de ta Maison jadis bénie par Elle pour gouverner ton peuple. Au rictus figé du colosse, tu répondis avec un sourire.

_ Dechanson vous trouvera une cabine. C’est le moins que nous puissions faire pour votre rang. Demain nous chargerons les balistes du Seigneur de Lancrais sur les navires et nous lèverons l’encre pour trouver un village immaculé. Nous ne pouvons pas manœuvrer dans la brume mais nous pouvons attendre que la brume vienne à nous et y piéger la chose qui s’y cache.

L’amiral opina du chef, bien heureux de voir un sursaut d’espérance après une ennéade de désespoir dans le cœur des marins et soldats de l’expédition. Il ingurgita une gorgée de vin et s’approcha de la porte de la cabine, l’ouvrit et attendit le phare de l’espoir à l’extérieur. Tu t’approchas de Michail, l’avant-bras tendu, invitant l’homme à s’en saisir.

_ Reposez-vous. Cette nuit sera peut-être notre dernière. Et merci de vous joindre à nous.

Une fois seul dans ta cabine, tu te saisis de ton charmeroux et t’avança jusqu’à la grande façade dont une partie était vitrée et donnant sur les flots éclairés par les lanternes extérieures. La robe se balançait dans le cristal. Le silence du moment lui donnait un ton solennel, le parfait moment pour tremper tes lèvres et déguster le tanin du breuvage.

Le lendemain aux aurores

Les capitaines furent levés dès les premiers rayons de lumière pour bouger leur équipage. Il n’y avait pas une minute à perdre. Depuis les révélations du nouveau venu sur la probable nature vivante de ce qui se tapit dans le brouillard, il devînt évident qu’une préparation à la chasse au gros était de mise. Mieux vaut être trop préparé que pas assez, surtout que vous possédiez une flotte suffisante pour transporter du matériel conséquent. Ton oncle ne fut pas bien difficile à convaincre, peut-être également parce que vivotait une armée de plusieurs centaines d’hommes à deux pas du château. Il ne fallut qu’une matinée et tous les bras disponibles pour démonter et remonter les engins de guerre sur les ponts. Des munitions plus ou moins tranchantes et de larges cordes furent stockées. Le ravitaillement en eau et en nourriture se fit par l’intermédiaire des sujets de Léliande et en milieu d’après-midi, la flotte de dix vaisseaux leva l’encre en direction du Sud et à la recherche d’un village suffisamment chanceux jusqu’à présent.

Ce n’est que le lendemain matin que la flottille tomba nez à nez avec un village de pêcheur au sud de Merval. La majorité des femmes et des enfants avaient fuis en direction des terres, laissant derrière eux les pêcheurs ne pouvant tout abandonner au risque de ne plus pouvoir subvenir à leurs besoins. La « négociation » si on pouvait la qualifier de telle entre eux et toi ne fut pas bien difficile et bientôt le village fut confié à votre gestion et les préparatifs pour amadouer la bête et la piéger débutèrent. On installa des balistes sur la terre ferme, là où le sable devenait terre et on les équipa de longues piques rattachées à des cordes plantées dans le sol à l’aide de longs pieux. Des lanternes et des braséros furent allumés à intervalles régulières et des tranchées ainsi que des barricades furent creusées et érigées ça et là pour permettre aux hommes de se protéger. La plupart des archers et arbalétriers, ainsi que toute la soldatesque terrestre et les chevaliers furent disposés sur la plage. Les préparatifs devaient être prompts car nul ne pouvait prédire quand le brouillard se lèvera et s’il se lèvera. Au large, les navires étaient en arc de cercle, près à encercler ce brouillard et les fanfares et percussions raisonnèrent de ponts en ponts jusqu’à la plage. La communication se fera par le son et tous furent briefés.

Au premier jour de voyage

Pousser, tirer, et respirer à grandes goulées. Parfois tu regretterais presque de ne pas avoir choisi de ne pas avoir fait – d’une manière ou d’une autre – de la mer ta carrière. Le temps de remettre pied à terre, tu as laissé tombé l’armure. Tu profites de ces quelques heures de relative tranquillité pour vivre ton fantasme de moussaillon du dimanche, offrant tour à tour tes services pour t’occuper des machines, pousser les rames ou tirer les voiles. Torse et pieds nus, tu accueilles volontiers la morsure des embruns et les rafales des vents d’automne. Et parfois à l’occasion, tu entraînes le reste des matelots en un chant de travail, espérant que ton entrain soit contagieux. Si vous deviez mourir demain, il ne servait à rien de mourir triste.

Le soir venu, après que vous ayez mangé, tu les avais rassemblé à la lumière des lampions, et lorsque le silence s’était fait, lorsque tu avais eu leur attention, tu les avais guidés en prière. Tu les avais guidé en prière, et ensuite, tu leur avais conté ton histoire… ou du moins une petite part.

- Je porte l’Eclipse au nom de mon père, et je brandis le Zenith au nom de mon frère ! tu déclames, le torse bombé J’ai affronté les bêtes, j’ai affronté les Hommes, mais la raison pour laquelle je n’ai pas peur de la brume, c’est parce que j’ai déjà affronté les Dieux. tu baisses le ton, pour les emmener dans ton récit J’ai affronté les Dieux et leurs Ténèbres, déjà petit enfant ! Qu’est-ce qu’un peu de brouillard devant le chaos primordial ? Devant le plus saint des saints moments ? et tu scandes à nouveau, à gorge déployée Je vous le dis mes amis, si l’Aveugle m’a protégé devant les faces d’Iben et d’Alm, ils ne m’abandonnera pas face à la colère de sa Sœur. Que connaît Tyra de la colère, qu’Othar ne sache pas ! Puisse le Roi sous la montagne m’accorder ses faveurs à nouveau, et les faveurs qu’il m’accorde, vous les faire connaître !

Un large sourire te décore le visage, et tu te tournes vers le suivant. Tu l’invites à son tour, à narrer ses aventures, à narrer ses exploits, à se rappeler de son propre courage. Car il est peu d’hommes en ce monde qui ne soient fiers de rien, et cette fierté est quelque chose à chérir, à cultiver par des actes permettant de l’entretenir. C’est ainsi que l’on appelle au Roi-Guerrier. C’est ainsi qu’on lui permet d’enflammer nos coeurs. Un homme après l’autre, plaidant auprès de Lui, leurs beaux-actes en offrande, c’est ainsi que se déroule la Veillée d’Othar.

Et à votre première escale

Tu es aussi heureux de t’engoncer à nouveau dans la plate que tu ne l’as été de vivre le poil au vent. Aujourd’hui commençait votre danse avec le brouillard.

La terreur et l’inquiétude régnant chez les pêcheurs, seuls irréductibles occupant toujours le premier village dans lequel vous aviez accosté jurait avec la fureur renouvelée de ceux dont tu avais fait des croisés. Étais-ce la peur, étais-ce le désespoir, ou alors étais-ce la pensée que des hommes si confiants avaient une chance de les sauver qui rendit les habitants si dociles ? Une combinaison des trois, probablement, qui ne serait qu’appuyée au fur et à mesure que vous avanciez dans vos préparations, et que le champ de bataille ne prenait forme. Si la Vengeresse ne vous enlevait pas votre volonté, alors rien qui ne saigne ne pourrait vous survivre.

- Restez près des entrepôts. le visage masqué par ton heaume et obscurci par ta capuche, tu confies à un vieil homme semblant avoir une forme d’autorité sur le hameau Et si la brume monte, enfermez-vous y.

Le petit homme, à la fois intimidé et reconnaissant s’en va rassembler ses camarades, et faire sa part du travail. Toi, tu t’en vas trouver le seigneur de Beaurivage.

- Gaël. tu l’interpelles d’une voix aussi sévère que ta face sans visage Au cas où il y aurait un charme quelconque derrière la brume, je pense qu’il serait plus raisonnable de prendre de la corde et de tous nous arrimer soit aux machines, soit à la terre. Et si la brume nous envahit et que personne n’est attiré par la mer, mes Flammes nous libéreront, qu’on puisse se battre correctement.

C’est un risque, tu en es conscient. Un bataillon limité dans ses mouvements, ne serait-ce qu’un court instant, c’est un bataillon vulnérable. Mais là-dessus, tu lui demandes de te faire confiance. Parfois, il vaut mieux prévenir que guérir.

Tandis que tu te chargeais de la logistique et de la stratégie générale, Michail prenait en main la tactique sur le terrain et se vouait à réchauffer le cœur des hommes entassés sur la plage. Tout autour de leur position se trouvaient tranchées peu profondes, un mètre tout au plus et barricades composées de débris de bois, de cuivre et de fer. Dans la forêt voisine, les hommes parvinrent à amasser suffisamment de branchages pour établir un stock permettant d’alimenter les braseros. Tout semblait prêt, il ne vous restait plus qu’à attendre.

Tu n'étais pas bien loin du colosse quand celui-ci t’interpella pour te prévenir des dangers d’un potentiel charme rattaché à cet infernal brouillard. L’homme se présenta comme pyromancien, élément que tu ignorais à son sujet et qui te conforta dans ta joie de le voir à tes côtés. Tu acquiesce aux dires du mulâtre et répéta le conseil sous forme d’ordres. Les capitaines et chevaliers ne tardèrent pas à le partager tour à tour à leurs hommes. Vous vous attachez donc aux machines, aux pieux dans le sol, aux poutres des maisons les plus solides et aux quelques arbres pour les plus éloignés du front. De même, certains marins prirent peur et se lièrent sur les mats tandis que les officiers se barricadèrent dans leurs quartiers dans l’attente d’un signal.

_ Michail, vous commanderez le centre, les ailes vous soutiendront. Tu ne doutes pas que le guerrier sera heureux de se confronter à une épreuve de cette envergure.

Ton armure ne scintillait plus, elle subissait de plein fouet les assauts du sel, de l’eau et du sable. Les plaques grinçaient à cause des grains s’étant insinués entre elles. Revêtant ton heaume, plantant deux épées, une simple et une claymore devant toi, le bouclier fermement maintenu à l’avant-bras gauche, tu étais fin prêt. Du moins, autant qu’un homme pouvait l’être face à l’inconnu. A l’abri des regards, sous la pièce d’acier, tu priais. Tu en appelais à Néera et implorait sa bénédiction et sa protection. Mais aussi Tyra, que tu suppliais de t’écouter et d’accorder la miséricorde à ton peuple à l’issue de cette épreuve.

Advienne que pourra.

Il est dans la nature des Hommes de défier l’inconnu. Comme de coutume, ceux-là ont décidé de ne pas déroger à la règle. Ils ont poursuivi les brumes tout le long de la côte, encore et encore. Aujourd’hui, ils osent s’y opposer. Et la mer entend bien leur faire honneur.
Le temps passe, l’attente devient longue, à en juger par course du soleil, elle se compte en heures. Mais à chaque fois que l’idée d’abandonner et d’essayer ailleurs leur effleure l'esprit, un simple regard vers les flots poussent les hommes du Sud à tenir la position. Jusqu’au soir, sous les sombres nuages obscurcissant les dernières lueurs du jour.

La nappe de brouillard apparaît enfin. Elle glisse sur les eaux sombres, mais, contrairement à ce qu’ils ont observé les dernières fois, elle n’approche pas des côtes. Elle vient lécher la coque des navires. Quand certains ont pris la mesure de l’évènement, ils ont rompu la formation, imités par quelques-uns des autres bâtiments de la marine. Seuls deux d’entre eux sont happés par cette épaisse nappe de brouillard. Et depuis la côte, on entend à peine résonner les cris étouffés de marins en proie à on sait trop quelles horreurs.
Mais qu’ils ne s’en veuillent pas trop, ceux sur la terre ferme. Car leur tour approche. La brume s’étend rapidement jusqu’à la plage, prend possession du paysage, se répand dans les ruelles boueuses et humides du village.
C’est alors qu’apparaissent des ombres, des formes, qui s’extirpent de l’eau. Leur démarche est prudente, prédatrice. Ils se quittent les brumes et se découvrent, étudient leurs proies attachées à des cordages. Leur peau d’écaille frétille. La prudence laisse place à l’impatience. L’instinct prend le dessus, ces monstruosités venues des abysses dévoilent des rangées de dents tranchantes comme des rasoirs. Ils gargarisent d’excitation en montrant des griffes pareilles à des couteaux, en appelant d’autres à les accompagner pour ce festin.

C’en est trop. Trop d’attente. La brume semble vomir de ces bêtes aux yeux fous et violents. Et il ne leur en faut pas plus pour se jeter sur les soldats.

De la poiscaille. Une horde de gobelins des mers. Le fléau avait pris vos montagnes, et maintenant il s’attaquait à vos côtes. Ta mâchoire se serre. Tu commences à bouillir. De colère ? D’excitation ? Non. Pas exactement. Ce qui te fait monter l’eau aux yeux, c’est surtout… quelque chose de proche de la déception. Une horde de gobelins des mers… pas de monstre marin mythique dont vous auriez pu ramener la tête, pas d’intense charme vous chantant la beauté des flots, contre lequel vous auriez pu éprouver vos cœurs. Juste une légion de pestes visqueuses. Vos villages côtiers étaient-ils à ce point vulnérables ? Ou alors la nuée et la brume possédaient-elles autre chose de dangereux que le nombre.

- Gardez vos positions et restez groupés ! tu hurles à tes compagnons Ne les laissez pas se masser sur vous !

La chaleur souffle ta capuche. Le cimier de ton casque s’embrase en une longue crinière flamboyante. La Colère du Guerrier s’empare de tes viscères et te fait brûler les poumons. Hors de question de laisser ces avortons des mers continuer à faire leurs lois sur vos côtes. Tu leur ferais descendre le soleil dessus jusqu’au dernier, et tu te repaîtrais de leurs carcasses grillées comme on mange les meilleurs fruits de la pêche les soirs de Tariho.

- Que les pantins de la Vengeresse puissent retrouver la douce étreinte de leur Mère.

Une phrase à peine murmurée. Une pensée envoyée aux Cinq. Tu poses un poing et un genou au sol. Vos braseros s’éteignent, mais vos cordes se rompent. Un court silence s’abat sur le champ de bataille alors qu’une soudaine chaleur assourdit l’atmosphère. Tu hurles. Tu te relèves. Tu ouvres grand les bras. Et les braseros se rallument, en même temps qu’un mur de feu se lève le long de vos tranchées. La légion, mue par sa faim dévorante, sourde à tout sauf à l’odeur de votre sang, traverse l’incendie sans se préoccuper de ses propres morts. Et tu fais quelque chose que tu ne fais que rarement. Tu mets la main à ton dos, et tu brandis Zenith.

- Amis ! Battez vous sans craindre les Flammes du Coléreux ! tu hurles à nouveau Othar veille sur nous !

L’attente fut longue et l’impatience gagnait la troupe. Une fois les préparatifs effectués, celle-ci devenait insoutenable. On ne désirait qu’une chose, remonter à bord et quitter au plus vite ces plages maudites. Peut-être n’était-ce pas la meilleure des idées… Au loin, la voilà qui s’immisce, longeant le miroir qu’était devenu le fil marin. Mais cette brume était prédatrice, vorace et la plage ne l’intéressait pas. Avant l’amiral, ce fût un jeune mousse qui implora de rompre la formation. Puis un second, un troisième et finalement, sans en recevoir l’ordre, le capitaine du navire hurla à plein poumon et les rameurs lancèrent l’amas de bois aussi vite qu’ils le pouvaient pour rompre la formation, tirant les munitions de la baliste montée à l’aveugle. La manœuvre fut suivie à la chaîne par tous les navires mais les deux plus proches de la plage n’eurent suffisamment de latitude pour s’enfuir et à leur bord le massacre se produisit. A peine les premiers cris retentirent que la poiscaille se hissa sur le sable fin de la plage. Alors que tu étais sur le point d’exiger de Michail qu’il libère tes hommes de leurs liens, celui-ci se laissa submerger par les flammes du coléreux, libérant le chaos autour de vous. Surpris quelques secondes, tous leurs regards se posèrent sur vous. Regardant les liens partir en fumée sur ta peau sans la brûler avec étonnement, tu ne t’attarda pas outre mesure et hurla tes ordres à plein poumons.

_ Rassemblement ! Formez vos carrés ! Les archers au centre, lâchez moi ces balistes !

Les hommes se ruèrent sur leurs armes et chaque régiment forma son carré pour bientôt parsemer la plage de plusieurs quadrilatères creux dans lesquels se regroupèrent les archers et arbalétriers surélevés par des tonneaux. Malgré les murs de flammes, d’innombrables bestioles les traversèrent et réussirent à faucher les retardataires avant de s’écraser sur les boucliers, s’empaller sur les lances et périr sous les vagues de flèches. Les lames sonnèrent et des écailles volèrent. Au centre du dispositif, tu hurlais tes directives aux archers et arbalétriers qui tentèrent de viser par-dessus les lignes de fantassins. Les chevaliers se tenaient au centre de chaque carré et achevèrent maintes vies pour préserver la bonne tenue des formations.

Au milieu du carré principal, tu étais épaulé par deux chevaliers de ta garde personnelle. Saisissant ta claymore, tu attendais impatiemment la rupture qui ne tarda pas à se réaliser. Une première créature écrasa de tout son poids un fantassin qui chuta avant que la bête ne soit transpercée de deux carreaux, mais le mal était fait, l’ouverture était là et trois autres goblins des mers parvinrent à s’engouffrer avant que tu ne soulèves ton imposante épée pour l’abattre verticalement sur le crâne de la première qui se fendit en deux. Agitant l’acier de gauche à droite, tu éborgnas la seconde et trancha nettement un membre, obligeant la bête à se replier et subir par la même occasion, les coups d’épées des premières lignes se battant farouchement pour refermer la brêche. La troisième bête fut empalée par la lance d’un des deux chevaliers avant de se faire cueillir par trois carreaux d’arbalètes.

_ Tenez vos lignes, restez coordonnés et ne faiblissez pas !

Une nouvelle brêche s’ouvrit derrière toi et un craquement raisonna. La créature s’étaient jetée tête la première sur le bouclier en acier de ton chevalier et par la même occasion se brisa le crâne et tomba inerte sur le sol. Dans son sillage apparurent deux autres reptiles qui furent accueillis par le marteau du second chevalier et ta claymore dont les coups puissants furent mortels. La cage thoracique de la première vola en éclats tandis que la seconde fut tranchée en deux. La position centrale de ton carré le rendait moins vulnérable aux attaques et les tirailleurs eurent plus qu’ailleurs le loisir de soutenir les flancs des autres dispositifs depuis le centre du leur.

La marée aura déposé des écailles sur la côte. Ces bêtes se jettent sauvagement sur les défenses des hommes, qu’importe qu’ils souffrent ou meurent. Les griffes cherchent la chair, leurs dents sont avides de sang et viande. D'aucun dirait qu’ils ne sont animés que par un instinct primaire, une violence primale, voire animale. Pourtant, il y en a certain qui se détachent du reste, ils sont plus grands, plus fins. Fondamentalement différents. Ils sont... Prudents ? Leurs grands yeux cherchent, étudient derrière la vague de chair poissonneuse. Ils trouvent.

Le premier à subir leur assaut est l’un de ces fiers chevaliers au cœur vaillant qui protège le suzerain. Il ne lui aura fallu qu’une seconde, le temps de se retourner et de brandir son épée pour que son regard se pose sur ses yeux sans fond. Juste assez pour qu’il s’arrête dans son geste meurtrier. Juste assez pour qu’il se défasse de tout sentiment belliqueux. Juste assez pour que l’une des petites créatures des profondeurs bondissent et lui inflige une blessure fatale.

Le second est le faiseur de feu. Ils sont deux à s’approcher, ils l’observent sans cligner des yeux jusqu’à ce qu’il ait le malheur de croiser le regard de l'un d'eux et soit entraîné dans les profondeurs d’une impression de calme, de paix totale, d'une sérénité accueillante. La bataille ne fait plus rage à ses oreilles, elle s’est dérobée à son regard. Il n’existe rien d’autre qu'un silence apaisant, celui-là même qu’on entend une fois la tête sous l’eau, qui nous coupe du reste du monde. Sa volonté lutte pour rester à flot, mais c’est une ancre invisible qui l’entraîne vers le fond. Les soldats qu’il commande ne comprennent pas pourquoi lui, d’entre tous, a baissé son arme, pourquoi il est là, debout, au milieu des morts, complètement amorphe. Ils ne réalisent pas ce qu’est l’appel des profondeurs. Pas encore.

La chair blanche s’entassait à vos pieds. La mer semblait refuser d’arrêter de vomir la poisseuse peste. L’endurance commençait à manquer aux soldats. Force de voir des membres ployer, avec le temps les formations finiraient par se briser. Mais aussi difficile que soi le défi de la mer, vous sembliez avancer. Que l’on te le demande, et tu jurerais que le nombre de ces horreurs va en diminuant. Si vous en arriviez à bout, pourriez-vous répéter l’exploit encore plusieurs fois ? Auriez-vous même à le répéter plusieurs fois ? Ces monstres étaient-ils aussi nombreux partout où est apparue la brume, ou au contraire voyagent-ils avec elle ?

La pointe du Zénith s’enfonce dans le sol. Si les flammes ne les effraient pas, la terre le fera. Le sable gronde et se dérobe sous les pieds des bêtes qui t’entourent. Elles chutent, de leur ridicule hauteur, mais accueillies par des éperons faits de ce même sable, il suffit de cette chute pour qu’elles meurent.
Puis tu brandis la lance à nouveau, tranchant comme un fou-furieux à travers la chair, sans même baisser l’oeil sur tes victimes. Tu regardes au loin, plutôt. De l’autre côté du mur de feu. Les bêtes sont prévisibles. Elles ne cherchent qu’à tuer et dévorer. Quand tu sais d’où elles viennent, tu sais où elles vont, quand tu sais où elles vont, elles meurent sans que tu n’aies à les suivre. Alors tu continues de chercher, tu continues d’épier, jusqu’à ce que ton attention te trahisse.

Au centre de la bataille, tu t’es immobilisé. Tes yeux sont perdus dans ceux de ces mystérieux généraux des mers. Et leur nichée t’ignore. Le fléau écailleux te glisse entre les bras et les jambes pour s’attaquer à tes camarades. À leurs yeux tu es mort. Tu es fait. Ton Souffle est déjà retourné à la mer. Tu flottes dans le vide, complètement perdu. Il n’existe plus rien autour de toi, si ce n’est ce regard. Ce regard aussi vide que l’Abysse auquel tu aspires tout ton coeur. Ce regard aussi vide que la Mort que tu as promis de défier jusqu’à ce qu’elle vienne violemment te chercher.
Ton bras armé tremble. Tes jambes se refusent à mettre un pied devant l’autre. Sous la surface, la Colère bout. Tes dents claquent. Ton buste se balance d’avant en arrière. Tu invoques Sa persistance. Tu invoques Sa résilience. Tu l’invoques Lui, pour qu’il te protège d’Elle. Et tu trouves la force de tendre ta lance en direction de tes bourreaux.

- Tuez ! tu hurles, d’une voix à la fois rageuse et morne TuEZ !!

Les hordes de nuisibles n’avaient que pour seul avantage leur nombre. Certes, leurs griffes étaient acérées, mais les lances et les épées parvinrent à les mater quand les armures préservèrent de la plupart des coups. Pourtant, chaque formation souffrait de ces vagues qui firent tomber toujours plus de soldats au fur et à mesure que le combat durait. Le hurlement du chevalier dans ton dos te fit bondir et instinctivement donner un coup de pied qui fit virevolter le poisson dans les airs. Celui-ci retomba sur un soldat qui le poignarda d’une dizaine de coups après l’avoir traîné au sol.

Devant toi se tenait un poisson bien plus grand que ses congénères. Habitué à regarder vers le sol, tu envoyas la claymore avant de redresser le regard et d’assister à la chute de la partie supérieur de la créature sur le sol, sectionnée au niveau du bassin. Tu n’avais pas encore conscience de ce qui venait de se passer, ni pourquoi la chose paraissait si passive. A peine avais tu mis fin à deux vies que tu t’agenouillas auprès du chevalier blessé sur le sol.

_ Sorcellerie ! Que s’est-il passé ? Je… je… je n’étais plus parmi vous…
_ Que racontez-vous ? Ce n’est pas le moment !
_ Non Sire ! Ils ne sont pas comme les autres… Ceux-là…

Il montra du doigt la carcasse en deux morceaux sans avoir la force d’en dire plus. C’est à ce moment là qu’un autre soldat hurla à pleins poumons d’éviter leur regard. Dans chaque carré, des hommes s’arrêtèrent subitement de se battre, le regard dans le vide et de part et d’autre de la plage se dressaient ces créatures trônant largement au-dessus de leurs congénères, passives mais non moins mortelles. Ton regard balaya la plage mais à aucun moment ne croisa le regard direct des créatures qui tenaient d’ores et déjà leurs victimes.

_ Oh Tyra…  Tu plantas ta claymore sur le sol pour trouver les trois arbalétriers au centre de ton dispositif pour les attraper par le col et les rassembler au centre, l’un après l’autre. « Visez-moi ceux qui se tiennent debout et ne croisez leur regard sous aucun prétexte, sinon vous êtes morts. Tuez-les en priorité, sinon nous ne sortirons pas d’ici ».

Les tirailleurs s’appliquèrent à suivre tes consignes et tu te rappelas à ce moment qu’il existait un atout sur cette plage pour aveugler ces créatures d’un grand coup de flamme. Tu te hissas sur la pointe des pieds pour chercher Michail sur ce champ de bataille sans queue ni tête mais composé de beaucoup d’écailles. Finalement, tu l’aperçus debout entre deux carrés, la lance tendue, un hurlement que tu ne pris qu'à mi-chemin et qui t'étais donc incompréhensible, face à l’un de super-poissons. Son heaume cacha ses expressions mais ses membres ne mentaient pas. Ils tremblaient et semblaient lutter contre un odieux maléfice, quelque chose se passait, un charme, de la sorcellerie faisait son office. Libérant un juron, tu retrouvas l’un des arbalétriers pour lui dérober son arme et joua des coudes pour sortir du carré, suivi du second chevalier ayant récupéré ta lame. L’arbalète fut levée, la respiration coupée et le temps fut suspendu. Je ne vous savais pas si joueur te plaisais-tu à penser en voyant le héraut du Constant ainsi en difficulté et le carreau s’élança à tout vitesse et se fraya un chemin à travers les branchies de la bête. Te délestant de l’arme de bois et récupérant ton arme, tu te frayes un passage à travers la marée d’écailles, bien aidé par d’autres chevaliers quittant leurs carrés pour te rejoindre et hurlant aux tirailleurs de te couvrir.

_ Michail ! MICHAAAAIL ! REVEILLEZ-VOUS AVANT QUE JE NE VOUS BOTTE LE SEANT MOI-MEME !

Le bruit sourd d'un pas de plus en plus rapide fait trembler les tympans des hommes. Mais au beau milieu des cris, des ordres beuglés et des chocs des boucliers, il est déjà presque trop tard pour réagir. D’autant que la stupéfaction est la première à pourfendre le cœur des hommes.
Dans un puissant coup de bras, elle fait voler le jeune seigneur trop fier de son tir. De son autre main, elle abat l’ancre qu’elle tient sur l’un des soldats dans un fracas d’os et chair effrayant. Ce qui se tient devant les soldats fut probablement un homme, dans une autre vie. Aujourd’hui, il n’est plus que l’ombre de ce qu’il était, un amalgame de chair et de ce que la mer a fait de lui.

S'ensuit l’impensable. La proue d’un navire fend la brume, dont les hommes ne peuvent que reconnaître les couleurs, sa coque s’enfonce dans le sable poisseux de sang et se brise contre la rocaille. Les créatures qui s’en extirpent partagent des caractéristiques similaires à leur meneur. Des hommes autrefois, à la peau jonchée de coquillages et autres mollusques, certains présentent même des appendices tentaculaires en lieu et place de ce qui fut un bras ou une jambe. Des non-morts issus des flots qui déferlent sur le sable, brandissant des épées rouillées ou des gourdins détrempés quand d'autres se battent à coup de dents, alors que se commencent à se retirer les créatures écailleuses. Elles s’en retournent à la protection des flots, de même que la brume semble faiblir. Laissant la fin du combat aux horreurs que les abysses ont fait de ces hommes.

C’est comme si la foudre s’était abattue au milieu du silence. Tes pensées fusent, rattrapant ce que tes yeux venaient de voir, alors que ton esprit s’était éloigné. Ta mâchoire continue à trembler. La rage qui t’a empêché de marcher vers la mer, la rage qui t’a empêché de totalement succomber au charme de l’engeance de Tyra… maintenant il n’y a plus qu’elle. Tu vois rouge. Tes tempes battent au point de te fracasser le crâne. Tu n’as plus que faire des hommes qui t’entourent.

Ton Dieu-Patron ne te laissera pas subir le même sort que Lui. La Vengeresse te paiera cet affront.

Tu inspires. Le mur de feu qui brûle depuis le début des combats s’éteint. C’est ce qu’il pourrait paraître du moins, à qui ne t’observe pas. En réalité les flammes te reviennent, se coalisent entre tes mains, en une seule minuscule sphère d’une intense chaleur. Tu ne hurles pas. Ta rage est silencieuse. Ton dialogue intérieur se fait continue prière sans réelle sens ni signification. Témoignage au Roi-Guerrier de ton étant de dérangement.

Tu lances la sphère droit vers ce qui fut votre bateau. Le bois craque, se brise, s’envole, soufflé par l’explosion. Le feu plonge ses crocs dans le bâtiment et les chairs de ceux qui s’en sont emparés. Et tu cours à leur rencontre, le feu crépitant dans ton sillage, le feu brûlant dans ton regard, le feu suintant de tes doigts… Tu les consumerais jusqu’au dernier, et tu y prendrais tout le plaisir du monde. Tu ferais goûter le parfum de la vengeance aux créatures de La Vengeresse.

La course n’en était pas vraiment une. Le poids de l’acier sur tes épaules se faisait sentir et chaque coup de ton épée se concluait par un long souffle, puis une profonde respiration pour donner la force nécessaire à tes muscles pour porter le suivant. Tu étais moins vif, mais les grands gestes imposés par la lourdeur de l’arme te permettaient de faucher plusieurs petites créatures à chaque coup horizontal. Le sable était humide et poisseux, le sang et l’eau le rendaient lourd et s’y déplacer dessus était épuisant. Au fur et à mesure tu t’en rendis compte et tu songeas à faire reculer tes hommes. La pensée fut brève, interrompue par une sensation désagréable dans le ventre. Dans ton avancée tu fus stoppé net, repoussé en arrière dans un bruit de ferraille se pliant sous le poids du choc. Le souffle coupé, aucun son ne pu sortir de tes lèvres. Très vite le sol se déroba, Michail s’éloigna rapidement et le monde autour de toi se mit à tourner jusqu’à te proposer ce qui devait certainement être le ciel caché par la purée de pois. Puis le contrecoup se fit ressentir lorsque tu tombas lourdement sur le sable quelques mètres plus loin. Le son devînt trouble, sur ton corps immobile se ruaient des dizaines de goblins des mers, galopant sur ton plastron froissé pour rejoindre les eaux. Tu les vis courir à travers la fente de ton heaume, faisant fi de toi, pourtant proie facile. Le sol trembla pour une obscure raison et des grognements d’outre-tombe retentirent depuis le rivage. Tu sentis qu’on te traîna, les mains sous les épaules t’arrachant un râle de douleur. Dans cette position, à moitié assis, tu aperçus les immondices débarquant de ton navire… Etaient-ce tes hommes ? Non… Ils semblaient maudits depuis des décennies… Cela ne se pouvait… Un flash lumineux te sorti de tes songes et te forças à clore tes paupières. En les rouvrant, la coque était en feu et ses débris s’étaient éparpillés sur le sable transperçant les corps déformés et en enflammant certains. Au milieu du chaos, ce qui devait être leur guide, leur chef, trapu, imposant et terrifiant, écrasant les corps du poids de son encre et fauchant leurs têtes et leurs membres.

Face à ces nouveaux adversaires, les hommes quittèrent leurs positions pour adopter un arc de cercle calqué sur la stratégie de la ligne, avec un style de combat plus traditionnel. Tu vis la ligne se fermer devant toi et les deux hommes t’ayant tiré te déposent au sol et te retirent lentement le heaume pour retrouver ta crinière aux couleurs du blé, imbibée de pourpre. Ton arcade et l’arrière de crâne prirent le heaume à défaut du sol. L’un des deux hommes t’encercla la tête et le front d’un morceau de tissu qu’il venait de déchirer tandis que le second te maintenait assis contre son genou. Autour de vous le combat se poursuivait et la ligne reculait pas après pas, laissant derrière elle des cadavres dégoulinants de sang. Encore sonné, tu récitas des prières à l’instar de Michail, murmurant des versets dédiés à Néera, votre Mère. Les arbalétriers visèrent les êtres difformes les plus imposants tandis que les archers s’étaient regroupés pour des tirs en cloche tombant une quinzaine de mètres derrière la ligne rivegeoise. Les boucliers levés, seules les lames et les lances glissèrent entre les espaces. Mais bien vite, les hommes-poissons cherchèrent à déborder les flancs de l’arc de moins en moins nombreux.

_ Une épée… Donnez-moi une épée…

On s’exécuta et tu pris appuie pour te redresser difficilement. Tes jambes tremblèrent un coup avant de se ressaisir et tu pris une profonde inspiration pour réveiller ton organisme sonné. Tu moulinas des bras et crachas sur le sable pour te libérer de la sensation d’une bouche pâteuse, puis tu soupires longuement, terminant ta prière. Tu t’approchas de la ligne, souleva un bouclier dont son propriétaire n’en avait plus l’utilité et leva ta lame en direction du ciel pour hurler avec les bribes de voix te restant.

_ Nous sommes les Maisons primordiales, les Souffles touchés par la grâce de Néera et choisies par Elle pour gouverner notre race. Il nous incombe l’honneur de représenter nos peuples aux yeux des Dieux et les défendre du chaos. Les Maisons de Laval, d’Ethin, d’Ybaen, de Tall, d’Azalie, d’Amderan et de Lancrais. Depuis sept siècles notre sang ininterrompu Vous est dévoué et pendant sept siècles, il le sera encore. Nous nous présentons à Vous, Tyra, éprouvez nos corps et nos âmes et jugez notre détermination à vivre !

Tu entras dans le mur, bouclier en avant, rejoignant tes hommes vous hurlez en cœur de pousser, pousser encore pour faire reculer les assaillants avant que les ailes ne tombent sous la pression du nombre. A l’arrière, les tirailleurs se sont rabattus sur lesdites ailes et arrosèrent allègrement celles-ci pour soutenir leurs camarades en sous nombre. C’est alors qu’un écho se fit entendre au large, battement régulier de tambours se rapprochant. Alors que la brume se dissipait, l’amiral lança les navires dont la ligne de flottaison était basse en direction de la plage cinq navires approchèrent à vive allure et fendirent le brouillard devenu modéré. Les archers et arbalétriers, en nombre, se tenaient sur la proue et une fois le visuel établi, arrosèrent allègement les damnés de leurs flèches. Bien protégés derrière vos boucliers, vous patientez que les volées s’enchainent avant de rompre la formation, de charger sur les survivants et de nettoyer les ailes à bout de force.

Une énorme pince s’abat contre ton flanc, et en retour, ton poing ganté s’écrase contre ce qui ressemble à une carapace de chitine. Le coup de ton adversaire te laisserait sans nul doute un bleu. Le tien par contre lui retirerait la vie. Tu extirpes tes doigts couverts de miasmes à l’odeur de frais  du plastron fendu de l’homme écailleux, et te retournes à la recherche du prochain.

Tu as l’embarras du choix. Tes ennemis sont nombreux. Trop nombreux. Dans ton état tu n’en as cure. Tu te sens invincible. Tu n’as plus peur de rien ni personne. Tu veux juste te battre. Mais heureusement pour toi, tes alliés ne t’en laissent pas l’occasion. Une pluie de flèches providentielle s’abat sur l’équipage maudit, et le brouhaha d’une charge gronde dans ton dos.
Ils t’ont sauvé, mais tu en es presque triste. Le battement de ton coeur s’accélère encore, et cette fois tu hurles à tout rompre, ta mâchoire toujours tremblotante d’une rage non satisfaite. Il te faut trouver quelque chose à frapper. Il te faut trouver un adversaire qui sache épuiser la Flamme du Coléreux avant qu’elle ne te consume. Il te fallait… il te fallait une cible…

Et tu en as trouvé une

Tu t’élances à contre courant de tes alliés en direction du mastodonte qui avait au départ traversé la ligne de front. Désireux d’en découdre, mais épuisé, tu trouvais le partenaire parfait en celui qui continuait de marcher après que son cuir fut mainte fois percé par les carreaux d’arbalète. Si les tiens n’avaient pas réussi à le faire tomber, et si les siens n’avaient pas réussi à te faire tomber, alors restait à découvrir si vous aviez ce qu’il faut pour mutuellement vous éliminer.

Tu évites de justesse une ancre qui s’abat dans le sable, et répliques d’un coup de lance. La lame de Zénith ne fait qu’érailler la carapace du mastodonte, mais les flammes explosant dans son sillage arrachent à la créature un hurlement de douleur. Tu cherches un point faible. Tu cherches une ouverture. En vain. Tu ne peux que lentement ronger ses chairs, trop lentement à ton goût.
Force de passes d’arme, il finit par venir un moment. Te voilà piégé. Tu soulèves Eclipse, et le bouclier accueille un terrible coup d’ancre. La créature te renverse, et t’envoie valser à plusieurs mètres du lieu initial de votre confrontation. Toi, tu te laisses rouler. Tu te laisses rouler aussi longtemps que possible, et quand tu es assez loin tu t’arrêtes. Tu craches un molard rougi dans le sable, et un genou toujours au sol, tu attends que ton bourreau vienne t’achever.

Son arme levée, la créature charge vers toi. Tu te dis qu’elle est probablement trop heureuse de t’avoir vaincu. Tu te dis qu’elle doit être fière. Tu te dis que Tyra, depuis l’Abysse, se réjouit intérieurement de voir son enfant prendre l’ascendant sur celui de son astreint amant.
Tu ris. La bête fait un pas de trop. Le sable face à toi se coalise. La sculpture brille d’une lueur d’or et de carmin. La bête est trahie par son élan. Son ventre s’empale contre le pieu de verre brûlant. Là, juste face à toi. Juste avant d’avoir pu déguster sa victoire.

Tu te relèves, retires ton heaume, et lui craches au visage. Qu’il rappelle à Tyra, en lui revenant, que c’est ton protecteur, le symbole de la Puissance en ce monde. Et qu’en tant que Saint-Patron de la Guerre, il n’est pas une bataille qu’il ne puisse remporter.

Le bouclier fracassa le crâne du damné allongé à tes pieds et la lame imbibée de sang s’enfonça d’un mètre dans la chair, les boyaux et le sable humide. Le dernier souffle de vie fut largement couvert par les hurlements déchaînés de tes hommes renversant les assaillants et achevant le sursis de vie des corps maudits. Derrière toi, la lourde chute du géant fit trembler la plage et son corps déversa ses entrailles libérées par le pieu de verre du mage. L’environnement était un immense chaos, le sable avait depuis longtemps abandonné son éclat au profit d’une texture poisseuse dont le pourpre du sang et la grisaille des abysses se mêlèrent sous l’effet des vagues et de l’humidité. Les premiers corbeaux s’étaient rassemblés à l’orée d’un bois voisin, prêts à se délecter du massacre. Ton bouclier tombe sur le sol et tu tires lentement ton épée du corps inerte dans un profond soupir. Bientôt, les derniers rescapés gagnèrent les flots et les hommes levèrent leurs armes vers le ciel, remerciant Néera et Othar, l’une pour avoir préservée leur vie, l’autre pour leur avoir donné la victoire.

Si le soulagement est la première émotion à te saisir en cet instant, il n’efface pas la tragédie que représente ces dizaines de morts jonchant la plage. Depuis les navires venus en renfort, les chaloupes s’échouent sur le sable pour libérer de nouveaux hommes venant en aide à leurs camarades. Tu t’éloignes des retrouvailles pour retrouver Michail, victorieux de son duel au sommet. Son lourd heaume rougeoyant, dont aucune émotion ne pouvait s'échapper était à présent sous son bras et, agissant comme parade contre le sang et les armes, ne laissa derrière lui que les gouttes de sueur et un visage éprouvé par le long combat qu'il venait de mener. Là, au milieu du sang et des gémissements, il était le pilier de fer et d’acier, se dressant fièrement au-dessus de l’adversité. Tu plantas l’épée dans le sable sans difficulté et tu lui tendis l’avant-bras. Il s’en saisit, tu hoches la tête sans mot dire. Tes dents se serrent, tes lèvres également et finalement, tu lui poses la main sur l’épaule et libères un « Merci » lourd de sens et dont il n’était pas difficile de sentir toute la gravité dont il revêtait.

_ Nous ne nous en serions pas sortis sans votre aide.

La distance exigée par l’Etiquette s’imposa de nouveau entre vous. En effet, la présence du héraut était plus que bienvenue et les côtes ne se porteraient que mieux si celui-ci venait à demeurer dans le sud du royaume. Hélas, tu ne savais que trop bien qu’il te fût impossible d’exiger cela de sa part. Aussi n’évoquas tu point cette éventualité. L’homme était libre comme l’air, à la recherche de défis à relever, de frissons à ressentir. Courir après une brume fugace bien que vorace ne lui plairait qu’un temps comme un divertissement.

_ Maintenant que nous avons eu un goût de ce qui se cache dans cette brume, nous saurons comment protéger nos côtes et nos gens. Je parlerai avec mes pairs et ne manquerai pas de souligner votre engagement de ce jour.

Tous les seigneurs langecins devaient être prévenus afin qu’une véritable défense côtière soit instaurée et que la peur fasse place à une riposte sanglante et efficace. Et cet homme mérite amplement d’être accueilli par toutes les cours ne serait-ce que pour l’asile d’une nuit ou l’assistance d’un instant. Après avoir faits quelques pas, tes billes azurées se posent sur le colosse enferraillé.

_ Regagnons le navire, mes hommes se chargeront d’enterrer ces braves et de consigner leur courage et leur sacrifice.

Les odeurs du sel et du sang se mêlent en un parfum familier. Ton regard, perdu dans le vide, contemple un futur incertain. Ton visage ne le montre pas, mais tu es heureux. Rien ne pourrait te faire plus plaisir que la douleur s’instillant pernicieusement en ta chair et tes os au fur et à mesure que tu reviens à la réalité. Car elle est le signe que tu t’es battu. Tu t’es vraiment battu, comme il y a longtemps que tu ne l’avais pas fait.

Tu attrapes l’avant-bras tendu par le Seigneur de Beaurivage, et tu te fends enfin d’un sourire. Tu ne réponds à ses remerciements que de ton propre hochement de tête. Les Hommes de Gaël se sont bravement battus. Tu ne mérites pas plus de remerciements que n’importe lequel d’entre eux. Tu n’as – comme eux – fait que remplir ton rôle, fusse-t-il plus important que le leur.

- Il faudra espérer qu’elle ne cache pas chaque fois d’armée aussi féroce. Cette brume. Les forces côtières risqueraient de finir par s’épuiser. tes yeux noirs se teintent des reflets bleus du grand large Probablement à terme faudra-t-il trouver un moyen de l’apaiser. les débuts d’un sourire carnassier se dessinent Ou de la mater.

Mais en attendant, il vous faudrait vous reposer. Toi y compris. Vous reposer et réfléchir à la suite des événements… et tu as déjà tes idées. Il était temps pour toi de retourner à Soltariel. Autant dans l’espoir d’obtenir d’Adriano qu’il mette ses marins au travail que dans la perspective de remettre les pieds au sein du Grand-Temple. Du Grand-Temple de Tyra.
Tu suis les quelques pas de Gaël, et arrivant à son niveau, tu passes un bras autour de ses épaules, et l’arrête d’une pogne accrochée à son bras. Tu lui offres un regard cérémonieux ; empreint d’un profond calme et d’une mélancolie dont peu imagineraient le personnage que tu incarnes le plus clair du temps capable. Puis du regard, tu désignes ses propres hommes.

- Reste. même sans que ton ton soit impérieux, le mot pèse comme un ordre Donnons-leur une fin digne de leur bravoure.

Il était leur chef. Tu étais leur étendard. Tous ces morts ont compté sur vous. Tous ces morts méritaient que vous les regardiez en face, et que votre cœur les remercie, lorsqu’ils seraient mis en terre.