Une Plume pour un Crin d'écume. [WenWen]

C'était un jour des plus communs pour Thaar. La rue du petit canal était de ces passages commerçant où l’on allait et venait sans cesse, de jour comme de nuit. La rue bordée à la fois par l'eau d'un coté et des bâtiments de l'autre n'était pas plus large qu'une charrette. A cette heure de la journée, le soleil achevant presque de trouver son zénith dans le ciel, la foule était dense et on y croisait des étals à même les pavés de la rue pour les marchands les moins aisés. D’autres possédants des boutiques laissaient leurs portes grandes ouvertes et leurs étals donnant directement sur l’extérieur. Les éclats de voix résonnaient à tout vas aux fil des échanges.

Au milieu de tout ce fatras, il y avait pourtant une échoppe plus singulière. Pas de marchand pour essayer d’attirer du monde, pas d’étal, rien. Seulement une porte de bois sur laquelle était peinte un mérial qui chantait. C'était à peine si la bicoque se remarquait de l'extérieur tant elle se fondait dans le paysage coloré. Pourtant c’était bel et bien une boutique, puisqu’en y entrant, Akim, un vieil homme aux mains abîmés par une vie de labeur répondait présent et faisait de son mieux pour éclairer les quelques clients qui osaient passer le pas de la porte.

Bien peu cependant repartaient avec de quelconques achats entre les mains…Il fallait dire que vendre du tissu n’était probablement le marché le plus lucratif qui soit…dans les basses couches de la société en tout cas. La bicoque avait en réalité un rôle bien plus important mais c'était un secret bien gardé.

Ça faisait d’ailleurs plus d’une heure qu'à l'intérieur, faute de clientèle, le vieil homme était calé sur une chaise de bois dans un coin de la boutique. Ses mains calleuses tenaient un paquet de lettres qu’il semblait trier. Non loin, un oiseau coloré pépiait vivement sur le comptoir, sous les yeux d’un autre homme plus jeune accoudé là et qui jouait machinalement à signer de ses mains quelques tours à l'oiseau qui les exécutait joyeusement.

-Je devrait y aller. Finit-il d’ailleurs par lâcher. Transmet ce que je t'ai donné, de mon coté je vais eviter d'attirer plus l'attention aujourd'hui. La mâtiné à déjà été particulièrement chaotique.

-Au fait. Le vieillard fit mine de le retenir encore un peu. Tu ne m’avais pas dit devoir m’attendre à croiser une jeune femme aux cheveux roux…? Il y a quelques énnéades maintenant. Personne n'est jamais venue tu sais.

-Bah. L’autre haussa les épaules. Le temps avait passé et il avait presque oublié cette histoire. Je pense pas que tu la croise un jour, c’était une proposition en l’air.

Elle avait dû passer à autre chose une fois qu’il avait disparu l’autre jour. C’était bien normal. Après le temps qui avait passé, il supposait qu’elle avait au mieux remisés ses indications dans un coin et retourné à sa vie tranquille, comme il était retourné à la sienne, ainsi allait la vie. Aussi ne s'attarda-t-il pas plus à se demander s'il se trompait, et n'en gardait pas plus de grief que cela.

-Tu sais où me trouver en cas de problème. Fit-il simplement.

Le veillard eut l’air presque déçut mais n’ajouta rien et finit par laisser le bandit partir après que ce dernier ait remonté son capuchon, histoire de passer un peu inaperçu dans la foule.

-Eh ben. Vous avez l’art du timing vous.
Le vieil homme ne put empêcher un ricanement de grincer entre ses dents. Sur le comptoir, le petit oiseau s’agita, sautillant sur place en cherchant à l’imiter.

L'homme se leva alors de sa chaise, chose qu’il n’avait pas daigné faire en la voyant arriver, rangea ses précieux papiers derrière une lourde porte d’un petit coffre derrière lui avant de s’avancer vers la jeune femme. Ses yeux clairs dévisagèrent un peu l’inconnue. Il y avait une lueur d'amusement sur son visage et sa posture frêle quoi que grande lui donnait un air presque fragile et nullement menaçant.

-Vous l’avez manqué de peu jeune fille. Finit-il par lui répondre, sans s’embarrasser de plus de questions. Entre la description que Viliam lui avait donné et ce papier qui n’avait pu passer qu’entre ses mains, il n’y avait aucun doute. On devrait arriver à le rattraper cependant, je sais où il est partit. Sourit-il.Venez. Garde la boutique. Lança-t-il aussi à l’oiseau.

Et ni une ni deux, il l’entraina à l’extérieur d'un geste de ses doigts abimés.

-Il ne doit pas être bien loin, on va prendre un raccourci.

Car au lieu de continuer le long de l’allée surchargée de monde, le vieil homme, qui semblait malgré son apparence toujours habité d’une certaine vigueur, emprunta une ruelle parallèle, puis une autre rue beaucoup moins bondée...Quasiment vide à l'exception de quelques passants éparses en fait. Levant le nez vers les hauteurs, il semblait y guetter quelque chose. Soudain sans crier gare, il siffla avec une modulation singulière qui raisonna un peu dans l'air. Ça devait avoir un sens…Car le duo n’eut pas à attendre pour qu’un sifflement légèrement lointain et d'une tonalité similaire mais légèrement différente réponde en retour. Une minute plus tard, quelqu'un attira leur attention sur un toit au dessus d'eux d'un autre petit sifflement, beaucoup plus discret cette fois-ci. Même masqué, l'un et l'autre n'avaient aucun mal à reconnaitre l'homme qui se penchait dans leur direction, accroupit sur le rebord du toit plat.

-Bah ça alors.

Se relevant, le bandit regarda autour de lui, puis bondit sur une corniche un peu plus bas, avant de s'aider d'un balcon et que quelques obstacles urbains pour finalement atterrir à distance confortable des deux autres.

Une fois au sol, le semi elfe abaissa alors le foulard blanc qui couvrait le bas de son visage, le laissant comme toujours à son cou. Son regard alla de l’un à l’autre, alors que ses poings se posèrent à ses hanches. Il n’avait pas vraiment changé depuis la dernière fois qu’ils s’étaient croisés. A la différence près qu’il était sans doute moins recouvert de poussière cette fois-là… Ses vêtements étaient tout aussi simples mais propres et à sa hanche il portait une rapière que l'aubergiste lui avait déjà vu les deux dernières fois.

-Tu l’a fait exprès Akim ?
-Même pas.

Alors le bandit sourit, car mine de rien il était content de voir la jeune aubergiste du Crin d’écume.
Comme il l’avait dit à son ami, bien qu’il se garda de le répéter là, il ne l’espérait plus franchement.

-J’espère que tu es là pour la visite guidée plutôt que poussé par des ennuis. Lui lança-t-il alors, se souvenant des quelques derniers mots qu’ils avaient échangés. Heureux de te revoir en tout cas.

-Merci Akim. Viliam hocha la tête envers son ami, imitant Eänwen.

-Amusez-vous les jeunes. Le marchand se mit à rire, et eut un dernier regard lourd de sens envers son camarade qui le lui rendit. On se revoit plus tard.

-On parlais du quartier des glycines l’autre jour il me semble. Adressa ensuite Villiam à la jeune femme, habité d’un certain entrain. Bon… ça aurait été plus simple par les toits. Rit-il, une main pensive venant gratter l’une de ses joues. Mais peu importe, on fera sans.

En réalité, traverser la ville par les toits était devenue une habitude pour le bandit. C’était plus sûr et plus rapide dans la majorité des cas. On avait en plus de cela une vue imprenable sur les alentours, ses dangers, ses obstacles… 

Derrière son entrain, Viliam était un peu inquiet. La présence d’Eanwën n’était pas tellement prévue, et si par chance, il n’était pas en mission ce jour-là, il n’avait tout de même pas pu s’empêcher de tomber nez à nez avec une patrouille un peu plus tôt dans la journée. Même si l’accrochage n’avait résulté d’aucun blessés sérieux, l’incident était bien trop frais. Il lui faudrait impérativement éviter toute nouvelle rencontre, encore plus que d’habitude alors que l’enjeux n’était pas seulement sa propre vie.
Ça l’effrayait aussi à un niveau plus personnel que l’aubergiste ne finisse trop tôt par comprendre qui il était dans cette ville. Il avait beau assumer ses idées, l’incompréhension et le rejet de la part de gens que l’on appréciait ne faisait jamais plaisir et finissait parfois par peser lourds sur ses épaules.

-ça devrait pas être très long, mais on a quand même quelques minutes pour y arriver. Ajoutât-il mine de rien en lançant la marche. Alors en attendant, dis-moi, comment se porte ton auberge ? Tu as finalement put trouver du temps pour toi à ce que je vois...

-J’aurais tendance à dire que ça va. A nouveau un franc sourire. En fait c’est un peu pareil, j’avais des affaires à régler dans le coin mais j’ai un peu de temps libre. ça arrive pas toujours alors autant profiter.


Tout en discutant joyeusement, il gardait constamment une partie de son attention sur les alentours. Il connaissait le chemin et aurait pu se rendre jusqu’à leur destination sans même y prêter attention, mais il ne pouvait prévoir à l’avance quel genre de personne ils pourraient croiser. Il s’attendait presque à devoir dévier de leur chemin d’une seconde à l’autre.

-Désolé d’ailleurs de ne pas être repassé depuis un moment. Ces dernières ennéades m’ont parue plus chargé qu’un mois entier. Plaisanta-t-il sans pour autant s’expliquer davantage.

Il l’entraina sur leur droite, tournant à un angle et empruntant une autre rue qui n’avait pas grand-chose de différent que la précédente. Des pavés inégaux et des maisons pas franchement droites non plus étaient parcourus par des habitants aux habits simples, parfois pauvres. Ils ne croisaient pas trop d’individus trop louches cependant. Viliam prenait soin d’éviter les alentours des quartiers les plus dangereux, quitte à faire quelques détours.


-Je suis curieux, pardonne-moi si c’est un peu trop indiscret mais tu parles d’affaires ici. Tu n’as vraiment jamais vue à quoi ressemblait cette partie de la ville en dehors de ton travail ?

C’était une question sincère. Il y avait passé tellement de temps, quasiment toute sa vie en fait, qu’il lui semblait presque difficile d’imaginer un quelconque Thaari d’origine ne pas y avoir mis les pieds au moins une fois, quand bien même sous bonne garde et en évitant les endroit les plus lugubres. Il y avait bien des villages un peu isolés dans les campagnes, mais même ces gens-là venaient de temps à autre commercer ici. Ou alors était-elle d’origine plus noble et avait-elle grandit dans les Soieries, mais cela lui semblait particulièrement improbable d’après ses dires précédents. Au final il ne savait pas grand chose de l'aubergiste et comme il l'avait dit, il était curieux...

-Pour être honnête je suis autant surpris que pas tellement en réalité. A nouveau, il la fit osciller entre diverses passages et ruelles. Quand on en est pas originaire, ‘faut les trouver les coins qui valent la peine. Il soupira. Malheureusement, ici on a pas la chance d’avoir les bonnes grâce de nos sacrosaints conseillers. Les rues s'abiment, la population essaie d'abord de manger. On ne s'éternise pas ici, on passe et on cherche à rejoindre les endroit qu'on pense les plus sûrs, les plus propres...C'est comme ça.

Il n’y avait aucun jugement dans ses paroles visant l'aubergiste, un simple constat dit d'un ton aussi posé que le reste de ses paroles..

-On arrive. Histoire de prouver qu'il existe quand même quelques endroits qui valent la peine en bas.

Tout comme les endroits qu’ils avaient traversés, cette petite place non plus n’était en apparence pas très animée. Elle était fidèle au dessin de Viliam, cependant. C’était une sorte de cul-de sac, adossé au canal qui formait ici un coude avant de rejoindre le port un peu plus à l’ouest.  Malgré le peu de circulation de ce jour, il ne régnait pas une ambiance inquiétante sur l’endroit, au contraire. Les quelques bâtiments les plus abimés se venaient être coiffés d’une végétation d’un vert profond d’où ressortaient çà et là quelques touches colorées. Les habitants de ce singulier quartier avaient placé çà et là quelques tentures pour les protéger des rayons du soleil trop ardent. C’était des tissus quelque peu grossiers, sans les ornements fastueux que l’on pouvait voir chez les plus riches, mais aux yeux de Viliam, il y trouvait une simplicité fort agréable.

En revanche, alors qu’ils s’avançaient jusqu’à la place centrale, personne ne remarqua la paire d’yeux qui guettait ces deux étrangers à peine étaient-ils apparus.

-Le voilà le fameux quartier des Glycines. Fit Viliam. J’aimerais te présenter…

Seulement il ne termina jamais sa phrase. Un cri aigu retentit alors que la petite silhouette guettant dans les ombre se jeta sur lui. Il en manqua de tomber sous ce poids inattendu.

-Capturé, capturé ! La voix de l’assaillant pépia alors.
-Que tu crois! Grogna faussement le bandit à l’intention de l’enfant qui venait de grimper sur ses épaules et dont il avait vite reconnu la voix. Je t’ai laissé faire ouai. D’ailleurs il posa ses mains sur ses petites jambes, histoire de stabiliser le gamin, plutôt que de le forcer à reposer pied à terre.

-Même pas vrai ! J’ai gagné j’ai gagné ! T'as perdu ! Mais soudain le gamin, qui devait avoir dix ou onze ans au maximum remarqua l’autre présence. Sa petite bouille rondouillette changea alors d’une expression de victoire à la méfiance. C’est qui elle ?

-Une amie.
-Ah ! Aussitôt la méfiance s’effaça et il sourit. Il lui manquait une canine accentuant son air enfantin.
-Eänwen je te présente…
-…Mousse !
-Et Mousse je te présente Eänwen…

-Guide? Tu viens pas d'ici ? Par réflexe le gamin se pencha par-dessus l'épaule de son protecteur.

-Nan elle vient pas d'ici. Mais doucement sur l'épaule gamin. Le bandit grimaça un peu alors que l’enfant pris dans son enthousiasme appuyait sur une blessure ancienne et qui n’avait jamais vraiment guérie.

-Tu viens d'où dit ? S'il avait décalé sa main, le petit garçon ne sembla malgré tout pas en démordre. Tu viens pas du monde d'en haut hein ? Implora-t-il. T'as l'air trop sympa pour ça. Viliam il dit que c'est dangereux et qu’il ne faut jamais leur faire confiance. Pourtant moi je l'ai déjà vu faire et ...aïe.

Il s'interrompit alors que le bandit lui avait discrètement pincé le bout du mollet. Le petit savait parfaitement qui il était  comme la majorité des habitants du quartier qu'il aidait de temps à autre. En règle général le garnement savait tenir sa langue, mais sans doute la présence d’une personne présentée comme alliée l’avait laissé un peu trop confiant. Viliam préférait eviter que la conversation dérape.

-J’ai pas trop confiance dans les Soieries c’est vrai mais je crois que c’est pas le sujet pour le moment. Dévia-t-il avec douceur. Mousse tu nous emmène voir Ahmir ?
-Tout droit. Répondit alors le gamin avec entrain.

Le bandit s’expliqua ensuite à Eanwën.

-C’est un menuisier du coin. Il a un caractère…disons singulier mais j’ai rarement vu un travail pareil. Il désigna les alentours, quelques balcons soutenus par de grosses poutres, des charpentes ça et là... La plupart du gros œuvre ici est de lui. Ce sont les habitants du coin qui ont retapé cet endroit avec ce qu'ils avaient sous la mains comme compétences. Mais là où Ahmir brille vraiment, ce sont ses bijoux et ses objets d’art quand il a du temps libre. Il sourit avec amusement alors qu'il ajouta : Sinon, on passera probablement devant les bains dont je  parlais l'autre jours avant de le trouver, mais tu comprendra que je ne t'y emmène pas. Je les recommande cependant.

-ça t’irais certainement très bien. Répondit le petit bonhomme dont le haut des joues se teinta d’un peu de rouge.

Alors la petite troupe repris son chemin, le pas léger. Seulement, quelques mètres plus loin, sans crier gare Viliam se figea. Il jura mentalement en observant le petit attroupement en face d'eux.

-Gamin va falloir que tu y aille. fit-il alors lentement. Je veux pas que tu prenne de risques. Soupira-t-il en pliant ses genoux, pour que l’intéressé mette pied à terre, non sans obtenir un regard implorant. Il lui ébouriffa gentiment les cheveux avant de se tourner vers la pauvre aubergiste. Je suis désolé Eänwen, il va falloir que tu me fasse confiance encore un peu… Je te doit des explications mais…

Mais déjà, les quelques soldats qui discutaient jusque-là avec l’homme qu’ils étaient venu voir s’approchèrent, n'ayant pas tardé à les repérer ainsi à découvert...

-Qu’est-ce qu’on a là. Ricana l’un d’eux, qui à son équipement et sa position sembler être le chef. L’Aile blanche recrute des femmes et des morveux maintenant ? Et c’est ça les prétendus sauveurs des opprimés...

-Hé je suis pas un morveux moi !

Le gamin protesta mais Viliam posa une main sur son épaule, lui faisant comprendre de ne pas s’en mêler en le forçant à reculer derrière lui.

-Visiblement t’es trop con pour te contenter de t’être tiré après le bordel de ce matin en tout cas. Ça te perdra mon gars.

-On sait déjà comment ça va vraiment finir.

Viliam soupira avançant d’un pas de plus et tirant sa rapière afin de garder les trois hommes en respect. Le gamin –sans doute parce que ce n’était pas la première fois- eut l’air de comprendre la manœuvre, il tira sur la robe d’Eänwen, pour lui murmurer de se protéger, montrant sa bouche et son visage. Pendant ce temps la main du bandit était venue chercher quelque chose dans sa sacoche. Il cherchait à gagner du temps, quelques précieuses secondes, le temps que l’aubergiste daigne faire confiance à l’enfant alors qu’il occupait l’attention entière des soldats. Malgré tout, il n’avait pas le loisir de pouvoir s’en assurer.

-Vous croyez quoi ? Qu’à la troisième branlée de la journée ça va changer ?

-Et toi la miss ? Un autre garde interpela soudain Eänwen avec un reniflement de dédain. J’parie que ton ami t’a rien dit du tout sinon tu s'rais pas là. Ptêtre même pas son nom... Le dédain se transforma en sourire mauvais alors que ses yeux se reposèrent sur celui dont il parlait qui lui rendit un regard noir. Après tout ça fait mauvais genre d’être un fuyard doublé d'un voleur que la moitié de la ville rêve de voir au bout d'une corde...

-Oui je te doit des explications Eänwen et je vais te les donner. Sache cependant qu'elle ne concernent pas que moi.

Il soupira, mais sa voix était calme.Il comprenait parfaitement sa colère, s'y attendait même.

Il leva soudain un doigt en commençant par un point précis alors qu'il se remémorait les paroles venimeuses des soldats.

-Si jamais tu te poses la question je m’appelle vraiment Viliam, d’ailleurs…Tout ce que j’ai pu te dire, ce n’était pas du mensonge. J’ai juste…Eh bien omis des choses. Je suis effectivement un fugitif, un voleur…Il fit un vague geste de la main. Un peu ce que tu veux qui ait ce goût-là. Mais j’ai des raisons pour laquelle je fais ce que je fais et ça, un petit sourire amère. Ça les soldats ils se gardent bien de le faire remarquer. Tu habites sans doute trop isolée de Thaar pour avoir entendu parler de l’Aile Blanche. De la doublure de sa veste il détacha une petite broche en métal grossier, usé par le temps qui devait représenter un oiseau prêt à s’envoler. Il la tint au creux de sa main. L’objet remontait en réalité à plus longtemps que la création du groupe de bandits, mais il symbolisait des promesses qu’ils incarnaient désormais, les deux étaient alors inévitablement liés. 

Les bandits dit Adain'Vinje commençaient à se faire une sacrée réputation dans la ville, notamment par les spectaculaires coups qu'ils avaient put mener ces derniers temps. Le dernier en date relaté faisait état du chef du groupe lui même ayant eut l'audace de défier le guet devant leur porte même. Les avis divergeaient beaucoup et notamment entre différentes classes de population. Pour certains ils ne valaient pas mieux que le reste des fauche-sous des bas fond, pour d'autres ils étaient des idiots naïf poursuivant une étoile immatérielle. Pour d'autres encore cependant, souvent chez les esclaves et les gens de rien rêvant d'une vie meilleure, ils commençaient doucement à se faire flambeau de ces espoirs insensés. Il se murmurait parfois que beaucoup d'entre eux avaient autrefois vécu dans la pauvreté ou l'esclavage. On disait même, à quelques occasion plus rares, que leur chef venait de là lui aussi. On racontait de plus en plus les histoires des maisons de passe qui flambaient subitement, mais dont les rares blessés n'étaient jamais les filles -qu'on ne retrouvait pas toujours- ou bien de ces caravanes marchandes pillées, les propriétaire laissé sur le bas coté de la route cuisamment humiliés mais dont ont retrouvait souvent l'argent dans les mains de gosses ou de nécessiteux. A chaque fois, une emblème d'Aile blanche dessinée à la craie ou gravée n'était jamais loin.


-Des bandits aux yeux de la loi de Thaar. Des voleurs, des fugitifs, des moins que rien... Mais pour nous on fait ce qu’on peut pour essayer de maintenir les habitants de cette ville hors de l’eau. On n’est pas là pour faire du mal aux gens qui demandent rien. Ça jamais. On essaie de les aider. Je supporte plus de voir des dizaines d’esclaves torturés de plein droit, je supporte plus de voir des gosses qui ont même pas l’âge de Mousse crever de faim ,des hommes et des femmes qui luttent pour arracher une journée de plus de survie ici, parce qu'en haut les princes sont occupés à se vautrer dans leur luxe. Il secoua la tête. Tu n’imagines pas les horreurs qui sont perpétrées derrière les jolis rideau des maisons des Soieries. Alors j’essaie de changer les choses et…ben ça ça plait pas aux petits bourgeois dérangés dans leur confort. Bref, tu sais tout : Oui, je suis recherché, notamment parce que je suis le chef du groupe qui pose tant de problèmes au guet en ce moment et ils n’ont pas tort quand ils disent que pas mal de monde voudrait me voir mort. Il avait l’air triste. Je sais que pour beaucoup de gens, le bon fond des gens s’arrête à leur place dans cette société. Hors, la loi voudrait que la mienne se trouve tout en bas. On ne se connait pas tellement même si on s’entend bien alors je n’exige absolument pas que tu comprennes pourquoi j'ai fait autant de cachoteries...même si je l’espère et je m’excuse sincèrement. En revanche, il y a une chose que je tiens à prouver c’est que je ne te veux réellement aucun mal et je n’ai pas cherché à t’en faire. Mes mensonges me protègent et protègent le gens pour qui je me bas, ni plus ni moins. Si tu veux rentrer chez toi, donne-moi simplement de quoi écrire et je te montrerais le chemin, sans insister.

Il s’attendait à ce qu’elle parte en courant, ou du moins qu’elle exige de rentrer chez elle. C’était si commun. Le guet de Thaar prenait par ailleurs un malin plaisir à diaboliser son image, comme il venait de le faire ici. Ça ne marchait pas toujours, mais forcément, il y avait toujours des crédules pour y croire. Eänwen avait toutes les raisons de ne pas le penser différent de bien des hommes mal attentionné qui parcouraient cette ville. Ça le rendait triste. En vingt-ans il aurait dû s’y habituer pourtant mais peut être la solitude pesait-elle trop lourd ces derniers temps, la disparition brutale de Tom n'aidant probablement pas et sans doute avait-il cru trouver un peu de réconfort dans cette rencontre d'un genre neuf.

-Tu en as déja rencontrés. Se permit-il un bref rire sans joie. Mousse est un gosse des rues qui s'est pris d'affection pour nous il y a quelques temps. Je le laisse vivre sa vie parce qu'il sait se débrouiller, mais il sait quand même qu'en cas de gros ennuis, y aura toujours quelqu'un pour intimider les gros lourds. Quand à Akim, il s'est enfuit de chez ses maitres il y a environs deux mois. Il est vieux et ses mains n'ont plus la force de travailler, il pensait qu'on finirait par se débarasser de lui. A la place, il a cherché refuge ailleurs, jusqu'à nous trouver.

Il marqua une pause, non sans cesser de fixer la jeune aubergiste. D'un geste machinal et certainement répété des milliers de fois, son pouce jouait avec la broche dans sa main, en traçant aveuglément les contours. A vrai dire il réfléchissait. Il voulait bien lui prouver ses dires, lui montrer. Mais il ne fallait pas réitérer certaines erreurs.

-J'ose te demander une dernière chose.Finit-il par reprendre. J'ai besoin que tu m'en fasse le serment, Eänwen Riba, Ajouta-il, alors que ses airs de joyeux compagnon qu'elle avait pu lui connaitre laissaient maintenant place à un profond sérieux. Il y avait une lueur d'espoir dans ses yeux noirs. Il espérait sincèrement qu'elle accepte. Que ce que je te montrerais, personne d'autre n'en entendra parler, continua-t-il. Pas pour moi, et peux importe la décision que tu prendra ensuite, on s'en fout. Mais je peux pas risquer la vie des autres. J'ai besoin d'être sûr. Il ne put empêcher un bref sourire  revenir creuser quelques creux sur son visage. De mon coté je te le jure et Nééra m'entende, tu ne sera pas en danger.

Elle fronça les sourcils lui rendant son regard hesitant un instant sur ce qu'elle avait à faire. Puis elle se dit que perdue pour perdue autant en apprendre le maximum avant de prendre une décision définitive. Il décidait de lui faire confiance après tout. Elle hocha la tête.

"Personne n'en attendra parler"

Alors, le bandit sembla aussitôt  retrouver un peu de légèreté.

-A vrai dire, l'exemple le plus frappant de ce que je tente de t'expliquer ne se trouve pas entre les murs de la cité. Expliqua-t-il à mis voix alors qu'il reprenait leur chemin. Mais tu as des raisons de douter de mes intentions et je ne vais pas gâcher ma chance en essayant de te convaincre de partir tu ne sais où. On va en rester à Thaar.

D'un pas tranquille, quoi qu'il regardait souvent en arrière et semblait guetter avec précaution le moindre éclat d'armure, il la guida à travers les rues de l'exacte même façon que quelques instants plus tôt. Parfois il fit des détours étranges. Parfois il demanda à la jeune femme de s'interrompre et l'ont entendait alors des éclats de voix passer, avant qu'ils ne puissent discrètement reprendre leur trajet. Les rues qu'ils prenaient les rapprochaient des murailles qu'on pouvait apercevoir encerclant de haut les maisons tordues aux toits plats et finalement , il leur fallut une dizaine de minutes pour atteindre un quartier qui y était adossé à tel point que certaine bâtisses semblaient faire partie de l'enceinte. Ce n'était clairement pas aussi élégant que le quartier des Glycines. Ici, les fissures des murs n'étaient pas cachée sous la végétation. Le sol n'était pas pavé, mais de terre battue et de sable. Les quelques bâtisses n'avaient rien d'agréable à l’œil. Il ne semblait pas y avoir de commerces à proprement dit ici, à par peut être un grand bâtiment qui pouvait avoir l'air d'une sorte d'auberge. Ceci dit il semblait manquer une partie du toit qu'un petit groupe d'hommes s'efforçaient de couvrir et il y avait un trou dans une partie d'un mur de l'étage. En bas, une femme âgée balayait les marches du grand bâtiment.

Mais ici, Viliam savait surtout qu'aucun garde ne s'y aventurait. C'était trop loin de leurs casernes. C'étaut là tout l'intéret de ce quartier dont personne ne trouverait l’intérêt.

Le bandit siffla, et comme Akim l'avait fait, il semblait y avoir un sens dans la modulation peu commune qu'il fit. Les quelques ouvrier relevèrent leur menton de leur ouvrage, et s’interrompirent curieux de voir ce qui se passait. La vieille femme s'interrompis aussi, et s'approcha. Elle avait l'air surprise.

-Viliam ? Fit-elle. On croyait que tu était rentré comme tu nous l'avais dit. Ce n'est pas prudent, les gardes doivent te chercher partout aujourd'hui... elle ajouta un peu plus bas. J'ai encore trois fugitifs tombés du nid la nuit dernière. L'une d'eux est sacrément amochée. Je l'ai installée en haut.

Et puis son regard se porta sur celle qui l'accompagnait. Quelque part, sa réaction semblait assez similaire à celle que Mousse avait eut. D'abord ils remarquaient leur ami, puis l'étrangère à leur petit monde. Mais la confiance fraternelle qui régnait entre eux faisait qu'il ne suffisait que de quelques mots..."C'est une amie'', pour que la méfiance de leur regard se meuve en une chaleur singulière. Quoi qu'ici la regard de la femme ne refléta nulle méfiance mais plutôt une forte de pitié.

-Qui est tu, ma fille ? Demanda-t-elle avec une douceur presque maternelle. Mais avant d'avoir eut sa réponse, elle vint prendre les mains de la jeune femme entre les siennes. Je sent à tes mains que tu as l'habitude du travail. Et tu m'a l'air bouleversée. D'où viens tu? Et à nouveau, avant que l’intéressée ne réponde, elle l'entraina derrière elle. Venez. Venez donc au frais.

Viliam, ne disait rien, mais il sembla s'amuser discrètement de la scène.

-Ne te soucie pas de mon temps ma chérie. La femme souriait. Croit moi, si je n’avais pas voulu te parler tu le saurais.

Elle les avait menés à l’intérieur du bâtiment qui avait l’air d’un sacré capharnaüm. La pièce principale était emplie de caisses et de barils en tout genre, d’étagère et de toute sortes d’objet comme si l’on avait déplacé la réserve en plein milieu.  Ils se dirigèrent alors sur leur droite, jusqu’à une sale plus petite dont le mur du fond était entièrement occupé par un âtre épais. Au milieux une table à laquelle la femme avait invité l’autre à s’installer. Viliam toujours silencieux était resté debout, se contentant d’allumer une ou deux bougies supplémentaires qui trainaient, avant de s’appuyer contre le chambranle de l’unique fenêtre de la pièce.
Elle s’était éloigné quelques secondes à peine, le temps de prendre une épaisse bouilloire et de l’installer sur le feu. Et puis elle avait pris place en face d’Eänwen.

-Quand à ta question…

Elle sembla hésiter. Elle siffla alors doucement à l’intention du semi elfe.

-Que lui a tu-dit au juste ?
-Fait lui confiance, elle le gardera pour elle.

Alors la femme reprit en langue Olyianne.

-Ce sont des garnements. Fit-elle. Pas toujours prudents. Certain mériteraient un peu de plomb dans le crâne. Et de pas emmener les jeunes filles dans leurs problèmes. Lorgna-t-elle sur l’intéressée qui préféra plutôt fixer le paysage extérieur. Mais ce sont des gens biens. Tu vois, moi je suis zurthanne.  Dans ma culture on élève les gamins quel que soit le père ou la mère. Ce sont les enfant du clan. Ici, on vie comme ça aussi. comme un clan.

La bouilloire se mit à siffler, alors la vieille femme se leva, récupéra l'objet et revint pour vers deux tasses fumantes. Elle en tendis une à la jeune femme.

-Autrefois, je soignait les filles dans une maison de passe réputée. Je pourrait y retourner, prendre ma place relativement confortable, légale. Ça m'a déjà traversé la tête et je ne suis pas la seule. Nous ne nous voilons pas la face, la vie illégale est une vie dangereuse et instable. Viliam le confirmera si je veux partir, je peux. Mais quand tu croise le regard des filles là bas, ou bien des gosses qu'ils ramènent d'ailleurs, des gens comme ceux qui dorment en haut, après avoir couru une nuit entière, juste pour une chose : partir le plus loin possible de personnes qui s'arrogent posséder leur vie, c'est pas possible. Plus possible. Ils demandent rien de plus que de vivre et ça la société le leur refuse avec une telle haine...Elle secoua la tête et fit un petit claquement de langue désapprobateur. Et pourtant...Ces gens quand ils prennent leur foulard blanc, il n'y a aucune haine chez eux... Alors que tout les y pousse. Tu n'entre pas dans l'Aile blanche pour te venger, aussi blessé a-tu été. Tu y entre pour changer la vie d'autres pour éviter à d'autre de vivre la même chose. Je suis une vieille femme, mais...eh bien, je me dit que les génération futures verrons peut être un progrès si leur combat finit par aboutir. Et j'ai envie d'y contribuer les années qu'il me reste. Voilà ce qu'ils représentent à mes yeux: un infime espoir. Elle eut un vague sourire.Quant à leur chef…  Eh bien c’est un oiseau libre. Un jour il se pose sans prévenir sur le rebord de ta fenêtre. Elle rit alors que lui, toujours fixant autre part et faisant mine de n’écouter qu’à moitié, ses dandina un peu, mal à l’aise d’être ainsi mis en valeur. Pourquoi il est là, y a que lui qui pourra te le dire. Mais il te fait soudain regarder à l’extérieur, sa perspective. C'est pas toujours joli ni agréable, mais y a des chances pour que ça te change pour le mieux.

-Ça me touche, Eänwen. Viliam lui rendit un sourire doux. Tu es un beau Souffle, Nééra préserve ta bonté. Mais encore une fois, je veux que ça soit clair : Tout à l’heure, c’était un accident. Il pencha la tête. Que j’aurais dû prévoir, mais un accident malgré tout. Je ne te demanderais pas de prendre position, ou de t’impliquer d’une quelconque façon dans tout ça. Tu n’a pas demandé ça. Donc je ne risquerait ni ta vie, ni ce que tu as construit par notre présence.

L’aubergiste avait sa vie bien tranquille qu'elle avait forgé à la force de ses mains et de son harpon. Chaque jour, elle menait cette vie simple et qui ne faisait de mal à personne. Voilà une chose bien trop précieuse pour que le bandit se permette de la gâcher brutalement.

-J’ai les moyens de me cacher et de fuir par mes propres moyens, dans le pire des cas, et de mettre les autres en sécurité, ne t’inquiète pas. Bien que, sache que de ton coté, comme je te l’ai déjà dit, en cas de problème, demande de l'aide et tu l'obtiendra. Je crois que je te dois bien ça…Rit-il doucement.

Un silence passa avant qu’il n’ajoute.

-Mais si je ne peux pas remplir ma part du marché et te montrer les parties les moins moches de la basse-ville... J’espère malgré tout avoir un jour avoir la chance de voir les paysages dont tu me parlais l’autre fois, Suggéra-t-il presque gauche.

Au moins ils ne risquaient pas de croiser des soldats en plein milieux de la campagne. Et comme elle ne semblait plus vraiment lui en vouloir… Il espérait un peu qu’ils n’en restent pas à cette journée un peu amère. Après tout en dehors de ses responsabilités, Viliam s'avait s'amuser et était meilleur camarade que guide...

-Je te promet qu’on ne touchera pas à tes convois. Cette fois, Viliam avait laissé échapper un bref rire franc. On s’attaque pas à ce genre, si tes hommes jouent pas à afficher des bannières de grandes compagnies marchandes ça devrait aller.

Il avait l’air soulagé et il avait retrouvé son humeur légère.

-Pour ce qui est des gardes, ils n’auront pas retenu ton visage ne t’inquiète pas. Il eut un rire un peu narquois. Crois-moi, ils seront trop occupés à devoir expliquer à leur hiérarchie comment le chef de l’Aile blanche leur a encore filé entre les doigts pour réfléchir à autre chose…

Il eut l’air d’hésiter avant d’ajouter une dernière chose. Sa main vint chercher un petite orbe de terre cuite, absolument identique à celle qu’il avait utilisé tout à l’heure. Il vint chercher la main de la jeune femme pour lui confier l’objet. C'était un objet de petite taille et pas bien lourd, le genre facile à dissimuler.

-Si y en a qui te cherchent quand même des problèmes, tu peux utiliser ça. Confia-il, sans préciser qu'il s'agissait de sa dernière munition pour la journée. Tu protège ta bouche si tu peux et tu la laisse tomber au sol. Ensuite tu cours sans te retourner. Ce n’est que de la fumée irritante, ça n’est pas dangereux à long terme, mais ça peut toujours te sauver la vie.

Et puis, il recula, faisant mine de la laisser s’en aller.