Le palais semblait encore endormi en cette heure matinale. Il fallait dire que la veille, le mariage entre le Duc et la nouvelle duchesse avait eu lieu. Les tonneaux de vins avaient coulé à flot, la nourriture avait été à profusion, et surtout l’animation de la soirée avait été un succès. Et pourtant, une figure se promenait sitôt dans les jardins ducaux. La nouvelle duchesse avait eu bien du mal à dormir. C’était quelque peu différents de s’unir à quelqu’un dont l’affection n’était pas toute là. Oh bien entendu, le mariage avait été consommé, là dessus aucun commentaire n’aurait pu être dit ou aucune rumeur ne pourrait se propager, mais cette consommation ne fut pas nécessairement la plus passionnelle que la jeune femme ait eu. Adélina, vêtue d'une robe somptueuse aux couleurs riches et opulentes, se promenait avec grâce à travers les magnifiques jardins encore luxuriants en cette fraîche matinée d’automne qui s'étendait autour d'elle. Sa tenue, digne de son rang, est agrémentée de détails élégants, tels que des broderies délicates et des bijoux étincelants qui captaient la lumière des premiers rayons du soleil.
Le doux parfum des fleurs emplit l'air, créant une atmosphère enchanteresse autour d'elle. Les pétales délicats des roses, des lis et des orchidées s'ouvrent pour révéler une palette de couleurs vives, créant un contraste saisissant avec le vert profond des buissons et des haies soigneusement taillés.Des fontaines délicatement ornées ajoutent une touche d'élégance à l'ensemble, avec l'eau qui danse et scintille au soleil. Des bassins réfléchissent le ciel bleu et les nuages, créant des tableaux vivants de la nature qui l'entoure.La duchesse s'arrêtait parfois pour contempler les œuvres artistiques sculptées dans la végétation, des topiaires façonnées en formes complexes qui témoignent de l'habileté des jardiniers. Des arches de roses encadrent son passage, créant des passages enchanteurs à travers lesquels elle se faufile avec élégance. Difficile de ne pas y trouver une certaine sérénité après avoir vécu tant d'émotions. Les jardins avaient toujours été son plaisir, une des rares choses qui pouvaient lui permettre de retrouver ses esprits, et un des rares endroits où elle pouvait profiter d’une certaine paix après avoir eu un trop plein d’attention.
Entendant des pas derrière elle, la jeune duchesse arrêta sa marche avant de se retourner légèrement vers l’arrière. Quelle ne fut pas sa surprise d’apercevoir le Comte d’Ydril. Haussant un sourcil, surprise, cette dernière se retourna gracilement pour faire face à ce dernier, ses mains se joignant ensemble avant de se déposer sur les broderies florales de sa robe. Sa surprise laissa place à un sourire accueillant, alors que son regard se posa sur l’homme qui devait avoir le même âge qu’elle.
« Votre Grandeur…» commença-t-elle inclinant légèrement la tête pour saluer celui qui était maintenant son vassal. Ce dernier ne lui avait guère fait bonne impression lors de leur dernière rencontre. Bien entendu, ce dernier avait tenté d’impressionner le Duc, mais les règles de bienséance avaient été vite oubliées à son encontre. Peut-être était-ce parce qu’elle était nordienne… Après tout, les vieilles guerres n’avaient point amélioré les relations entre les différentes parties de la péninsule et le Comte ne devait pas être une exception à la règle. Après tout, pourquoi impressionné une Nordienne alors que le Duc de Soltariel était à vos côtés. Adélina lui fit un léger sourire, sincère, avant de reprendre;
« J’ignorais que vous étiez si matinale. J’ose espérer que vos appartements étaient assez confortables ? » Il avait une lueur d’inquiétude dans son regard, après tout Catarina avait tellement travaillé dur pour accommoder l’entièreté des invités, cela aurait été dommage que ces derniers n’apprécient pas ses efforts.
Norbert s’était levé tôt, lui aussi. Le jeune homme avait eu du mal à dormir. Le stress l’avait tenu éveillé une bonne partie de la nuit, et ce malgré les festivités qui l’avaient distrait et permis de se relaxer. Avec quelques heures de sommeil seulement, et incapable de se rendormir, il s’était levé avant que le jour ne se lève, toiletté rapidement et était sorti de son appartement où il séjournait seul. Il avait l’intention d’aller voir son frère, lorsqu’il aperçut par hasard la silhouette de la nouvelle duchesse par la fenêtre, dans une aile voisine de la sienne. L’opportunité rêvée se présentait déjà à lui. Il la suivit des yeux et estima qu’elle se rendait aux jardins. Ni une, ni deux, il bifurqua et descendit les escaliers qui y menaient afin de rejoindre sa cible. Son intuition était juste. Il arriva juste après elle, et admira la fine courbure de son dos, le sourire aux lèvres. La veille, la baronne les avait tous charmés. Dans sa robe de mariée, sa beauté avait illuminé la cour soltarii, et nombre de ceux qui avaient croisé son regard avaient pu ressentir une pointe de jalousie envers Adriano. Pas lui. Il connaissait bien ces vipères qui se cachent derrière un masque de beauté naturelle, ou non. Et pour cause, le comte en était une. Gardant ce même sourire assuré, il rattrapa la duchesse et s’apprêta à la héler lorsqu’elle se retourna.
« Votre altesse, » répon
dit-il en s’inclinant, attrapant au passage le bout de ses doigts pour déposer un baiser fugace sur sa main. « Je vous retourne le compliment, je ne m’attendais pas à trouver quelqu’un ici, surtout pas vous. La chambre était parfaite, j’espère avoir l’occasion de remercier votre fille. Je sais l’investissement qu’elle y a mis, et c’est une belle réussite. » Il se redressa et lui offrit un plus beau sourire encore, presque charmeur.
« Votre mariage était impressionnant, je suis ravi d’avoir pu y assister. »Adélina le laissa baiser ses doigts, mais les ramena rapidement contre elle, une fois que ce dernier eut terminé. La jeune femme lui fit un nouveau sourire
« Je lui dirais. Je sais qu’elle sera ravie par ce compliment. » Sa fille… Cela lui semblait si surréaliste. Après tout, Adélina n’était que de quatre ans l’aîné de Catarina. Quatre ans et tout un monde de différence… Disons que les deux jeunes femmes avaient grandi dans deux environnements bien différents.
« Et cela m’enchante que vous ayez apprécié cet événement. Je vous assure que moi et le Duc vous remercions d’avoir fait le trajet jusqu’à Soltariel pour y assister. » Adélina regarda derrière lui, regardant si ce dernier était accompagné de Louis, ne le voyant pas, elle retourna rapidement son attention vers le Comte.
« Je m’apprêtais à faire ma balade matinale dans les jardins, mais si vous désirez, je peux vous raccompagner jusqu’à la salle à dîner? Ce palais peut être un réel labyrinthe si l’on ne le connaît pas bien. »« C’est tout naturel, votre Altesse. Après tout, vous avez bien fait le déplacement pour venir me voir. Et puis, vous savez, un mariage ducal… de mon suzerain direct, je ne pouvais pas manquer ça. » Il lui rendit un sourire courtois et fit un geste de la main.
« Rassurez-vous, j’ai bien identifié le chemin qui menait à la nourriture ! Marchons un peu plutôt, voulez-vous ? J’aimerais vous parler d’un sujet qui inquiète mon beau comté depuis peu. On m’a rapporté que votre convoi, au retour d’Ydril, fut attaqué par une bande de brigands. Le crime a grimpé ces dernières ennéades, et je pense que c’est directement lié aux efforts que nous mettons sur nos côtes aujourd’hui, à la demande du Duc. » Il lâcha la duchesse du regard pour observer un petit oiseau qui chantait sur la branche d’un olivier.
« Peut-être avez-vous de bons conseils à me partager à ce sujet ? Votre expérience à Alonna pourrait se révéler fort intéressante. »Adélina se mit à marcher, cachant assez bien son ennui. Disons, qu’elle n’avait pas réellement envie de passer du temps avec l’un de ses vassaux, mais il aurait été plutôt mal vu de refuser la présence du Comte alors que ce dernier l’invitait. Enfin.. l’inviter… Si l’on pouvait appeler cela une quelconque invitation. Néanmoins, elle l’écouta attentivement alors qu’il lui demandait conseil. Un conseil militaire de surcroît, ce qui lui paru assez étrange. La nordienne le suivit, fixant un point devant elle, avant de répondre:
« En effet, notre convoi a été attaqué, et je crois que votre frère a lui aussi subi quelques désagréments sur la route. » Norbert perdit son sourire et fronça les sourcils.
« Mon frère aussi ? Cette affaire est donc plus urgente encore que ce que je pensais. » La jeune femme reposa son regard sur l’ydrilote avant de reprendre;
« Quels sont les efforts que vous mettez sur vos côtes? Car vous devriez gérer votre marine et vos armées indépendamment. » Enfin, c’est comme cela qu’elle aurait gérer le tout si elle avait eu une marine à Alonna. Le comte se frotta le menton et lui répondit en toute franchise.
« Notre marine patrouille et veille à la sûreté des navires marchands qui partent de nos ports. Dans ces mêmes ports, les soldats cherchent, fouillent et surveillent, à l’affût du moindre indice de piraterie. Mais la plupart de nos soldats sont en repos et travaillent ailleurs pour la richesse du comté. » Il écouta Adélina reprendre, les yeux rivés sur elle. « Nous avons la chance d’avoir une péninsule en paix, mais cela ne veut pas dire que nous pouvons baisser notre guerre pour autant. Les noirelfes sont revenus au Nord tandis que les cultistes se propagent partout ailleurs. » De nouveau surpris, Norbert secoua la tête.
« J’ai rapidement entendu les rumeurs venues du Nord, mais je pensais qu’elles ne restaient que rumeurs… Je ne me doutais pas que nous étions envahis par ces créatures. Le Nord tient ? Le Roy a-t-il dépêché d’autres troupes pour leur venir en aide ? » La duchesse eut un léger sourire avant de reprendre:
« Ne vous inquiétez pas, ces derniers ont décidé d’attaquer Oësgard… Je crois qu’ils ont choisi la destination la plus difficile de la péninsule. Tout semble être sous contrôle. » Le comte soupira de soulagement. L’idée que des Noirelfes pourraient débarquer dans son comté le terrifiait. Les histoires qu’il avait entendues sur ces créatures violentes, il voulait les garder dans son imaginaire uniquement. Adélina soupira avant de porter son regard devant elle, restant silencieuse pendant un instant, l’air pensive..
« Je dois vous avouer, que réduire les efforts sur vos côtes ne laisserait qu’une opportunité au Mécan pour revenir et croyez moi, après la déclaration de guerre du Duc, ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne reviennent. » Norbert acquiesça simplement, il était d’accord avec elle. Les pirates préparaient quelque chose, et toute la Péninsule devait se tenir prête. Adélina s’arrêta avant de tourner la tête vers le Comte;
« Je sais que le Duc vous a donné une somme considérable de souverains il y a quelques ennéades, peut-être pourriez- vous utiliser cette somme pour embaucher de nouveaux soldats. Déployez quelques troupes dans les zones sensibles, faites des contrôles, mais surtout laissez l’opportunité aux gens de se rendre. » La duchesse lui fit un sourire, avant de se remettre à marcher;
« Vous pourriez être étonné de savoir à quel point un acte de justice et de douceur a souvent plus de pouvoir sur le cœur des hommes que la barbarie et la violence. » Norbert s’arrêta lui aussi et lui offrit un autre sourire, plus doux qu’auparavant.
« Eh bien, je ne m’attendais pas à un tel conseil de la part d’une femme du Nord ! Mais vous avez parfaitement raison. Durant mon ancienne vie, j’ai pu connaître la pauvreté, m’abaissant moi-même à devoir voler d’honnêtes gens pour survivre dans mon enfance, avant de pouvoir enfin travailler moi-même. Il ne sert à rien de faire violence à ces brigands, car d’autres prendront tôt ou tard leur place. C’est une bonne idée, je vais utiliser une partie de cet argent à ces fins, peut-être arriveront-ils à sécuriser un peu mieux le territoire, voire offrir du travail à ceux qui en ont le plus besoin. »La nordienne ne put s’empêcher d’hausser un sourcil alors que ce dernier lui parlait de sa vie passée. C’était des éléments que Louis n’avait jamais mentionné auparavant. Puis, se ressaisissant, cette dernière lui rendit son sourire;
« Je dois vous avouer que cette leçon, je l’ai appris de quelqu’un en Ydril. » Après tout, c’était ce cher Ciro qui lui avait mentionné qu’il avait réussi à tourner plusieurs brigands comme informateurs.
« Peut-être pourriez-vous vous y pencher avec Antioche, et réviser vos effectifs. Il me semble que ce dernier connaît le Comté comme le fond de sa poche, il pourrait vous être d’une aide précieuse.» Le jeune homme acquiesça avant de reprendre sa marche doucement, frissonnant après un petit coup de vent un peu trop frais qui lui rappelait que l’été était bel et bien terminé.
« Antioche est de merveilleux conseil, mais ces derniers temps, le Régent est un peu malade. J’essaie de ne pas trop l’importuner avec tout cela. En tout cas, si Ydril vous plaît, vous êtes la bienvenue dans notre belle cité. J’ai ouï-dire que votre Altesse avait un œil particulier pour les jolies robes. Un des plus grands tisseurs d’Ithri’Vaan doit venir nous montrer sa cargaison en prévision de la fête de l’hiver, peut-être voudriez-vous y jeter un œil ? » Adélina s’arrêta net en entendant la nouvelle sur Antioche.
« Oh vous m’en voyez désolé Votre Grandeur… J’espère qu’il va se rétablir rapidement… » Elle resta silencieuse un moment, se demandant si aller en Ydril était une si bonne idée… Louis. Holden. Cette visite pourrait être particulièrement dangereuse si elle ne faisait pas attention. Mais il aurait mal vu de refuser l’invitation du Comte. Adélina lui fit un léger sourire avant de reprendre;
« Oui, bien sûr et si vous désirez que je vous guide dans vos fonctions pour quelques temps, il me fera un plaisir de vous aider. »Le comte frappa doucement dans ses mains et lui sourit de nouveau.
« C’est parfait alors, mais prenez le temps de profiter de l’ivresse de ce mariage et des ennéades qui suivront, ainsi que de votre époux. Toutefois, si vous le souhaitez, vous pourriez partir en ma compagnie, ce serait un honneur que de vous accompagner sur cette route. La protection de ma suite sera bien suffisante pour votre Altesse. » Adélina eut un léger sourire gêné;
« Laissez-moi en parler à mon mari et je vous confirmerais mes plans. » La duchesse s’arrêta un moment, avant de retourner son regard sur le palais.
« Peut-être devrions nous allez rejoindre la salle de banquet. Je suis certaine que le petit déjeuner sera bientôt servi, et connaissant le Duc, il aura fait quelque chose de particulièrement spectaculaire. » La nordienne se retourna vers le Comte lui offrant un sourire alors que ce dernier lui offrait son bras. Adélina s’y accrocha délicatement avant de le laisser la conduire vers les autres invités qui commençaient à arriver.