Une même piste et des projets communs (Viliam)

Plusieurs jours s’étaient écoulés entre ses premiers pas dans cette arène et son retour. L’Hybride avait pris le soin de se faire quelque peu oublié aux vues des derniers évènements sur les lieux qui n’ont pas tourné en sa faveur.

Pour rappel, peu de temps après son second combat, le Guet avait fait une descente musclée afin de mettre un terme à cette arène clandestine. La cohue qui s’en est suivi à permis à Ranadath de s’extirper de l’endroit sans encombre, mais il avait aussi perdu la trace de l’organisateur et par la même occasion, sa prime pour les combats effectués.

Ainsi, il est maintenant de retour aux abords du cul-de-sac, quelques affaires traînent encore ci et là, appartenant probablement à ceux qui sont morts sur le sable. On y voit aussi encore quelques traces de ce mélange qui avait servi à recouvrir la place centrale et même quelques marques de sang séché sur le pavé.

Alors, caché sous son grand manteau, il arpente les lieux, ses mains enfouies dans les poches afin de lutter contre le froid grandissant. Son regard parcourt la ruelle à la recherche de quelque chose d'intéressant, un indice, une présence ou tout autre, pouvant l’aider à remonter la piste quant à l’identité de celui qui lui doit une petite somme de souverains.

-Je n’apprécie pas tellement ce petit jeu.

-Pourtant il vous arrange bien.

Le manège avait été similaire à leur première rencontre. Le guetteur attendait tranquillement, après s’être assuré de la bonne réception de son invitation et le bandit venait. Viliam avait abattu la petite pièce à l’effigie de l’établissement  dans lequel ils se trouvaient, et s'était déja trouvé l'autre fois. Elle fit un bruit sourd sur la table à laquelle le guetteur était accoudé. Cette pièce, il l'avait trouvée au milieux d’un butin confisqué à quelques soldats le jour précédent et cela n'avait rien d'un hasard.

-Et si vous me donniez un meilleur moyen de contact, je n’aurais pas à faire ce genre de gymnastique. Ne se démontait-il pas, sirotant son verre avec une tranquillité placide et observant le nouveau venu. C’est pas spécialement simple je vous cache rien.

-Allez au but. C'est quoi cette fois?

***

Le guetteur avait – une fois de plus- dit juste : L’arène illégale, mais protégée par quelques corruptions avait finalement été démantelée, et la foule, dispersée. On pouvait encore en observer les traces, des déchets laissés là à l’abandon, du sang et du sable que le vent froid se chargerait de repousser. Mais il y avait plus ni cris de joie ni clameur de combats. La ruelle avait retrouvé son calme glacé. On oublierait rapidement, si ce n'était pas déjà fait, les horreur du lieu. Avant qu'un autre ne surgisse bientôt quelques pas plus loin et que le cycle ne reprenne.

Dans un petit coin en amont de cette scène ordinaire, tristement banale, perché sur une corniche que les ombres de la matinée presque achevée rendaient discrètes,Viliam se dissimulait sagement. Immobile, il rabattit un peu sa cape sur ses épaules, s’y enveloppant un peu mieux pour lutter contre l'engourdissement. Il faisait frais. Pas encore réellement froid, mais assez pour déranger le vaani peu habitué. L’hiver viendrait bientôt et il s’annonçait difficile.

Mais pour le moment, le bandit à autre chose en tête que le climat. Il cherchait quelque chose, quelqu’un. Et s’il ne savait pas encore où chercher… Il s'attendait bien à ce que quelqu’un vienne récupérer ses affaires laissé, on lui avait dit, en catastrophe devant l'arrivée de la garde. Et il avait vu juste. Un homme en contrebas, était affairé à lui aussi chercher il ne savait quoi. Cela lui semblait une piste fort intéressante mais patience, pour l'instant le bandit ne souhaitait pas se faire découvrir de l'inconnu. D'abord, il voulait entrapercevoir ce qu'il pouvait bien faire là celui-ci.

Pendant de longues secondes, il reste là, au centre de l’impasse. Son manteau est balayé par la brise fraîche et certaines mèches blanches s’échappent alors de sa capuche. Immobile et patient, il semble être figé dans le temps et l’espace comme l’être immortel qu’il est.

Puis soudain, un craquement se fait entendre sur sa gauche. Si d’apparence Ranadath ne semble pas avoir été interpellé par ce bruit, restant alors à observer la scène face à lui, ses oreilles dissimulées décrivent un mouvement vers l’origine du son. Un second craquement, plus discret, un silence, puis un troisième.

Au troisième bruit de paille s’écrasant sous une semelle, Ranadath se déplace enfin. Vif et agile, il glisse sur un côté, avant de plonger sous une arcade faite de pierre. L’Hybride disparaît alors de la vision de celui qui l’observe des toits durant quelques instants et se sont maintenant des cris qui se font entendre. Ceux d’une jeune fille qui appelle à l’aide et ordonne qu’on la relâche.

Ranadath revient alors sur la place, tirant par l’avant-bras, une jeune fille tout juste âgée d’une quinzaine d’années, les cheveux blonds et ondulés et le teint légèrement bronzé. Elle semble être de la classe basse de la citée, sa tenue sale et son manteau déchiré semblent confirmer sa précarité. Elle se débat et tente de lui échapper, mais le Sombre continue de la maintenir avant de la faire pivoter face à lui dans un geste brusque.

Vivement, il s’abaisse à sa hauteur et plonge son regard hétérochrome dans l’azur de la jeune vaanie. Puis d’une voix calme et, peut-être qu’il cherche à se vouloir rassurant, il s’adresse à elle de son accent puysard si prononcé. “Qu’es-tu venu chercher ici ?”

D’abord apeurée, la jeune fille continue de chercher à faire lâcher prise son agresseur, puis voyant qu’elle ne peut le faire, elle se pare d’une moue boudeuse et défiante. “Rien ! Ca t’regarde pas ! Lâche moi toute d’suite !” Devant la ténacité de cette jeune adolescente, Ranadath expire sèchement du nez et détourne un instant le regard en direction d’où il avait trouvé cette jeune fille. “Si tu es venue voler les biens laissés derrière, sache qu’il n’y a plus rien et que…” A ces mots, la demoiselle gronde alors “Je n’suis pas une voleuse ! J’viens chercher c’qui m’appartient !”

L’Immortel hausse alors un sourcil en l’entendant, voilà un point commun sur lequel il compte rebondir.

-Elle est avec moi.

Il n’avait pu s’en empêcher. Il avait frémi en entendant le hurlement perçant de la jeune fille. Il avait lutté contre lui-même, concentré sur son objectif.  Mais en observant la gamine se débattre et chercher à s’extirper de la poigne de son interlocuteur il avait fini par céder avec un soupir. Un jour, on ne finirait pas se servir de ça contre lui. Mais qu’y pouvait-il ?

Il s’était glissé en bas de son perchoir et s’était approché. Nulle menace dans ses gestes, sa rapière était sagement à sa hanche tandis qu’il fixa une seconde la gamine, puis le drow.
L’espace d’une seconde, il fut surpris de faire face, à nouveau, au gladiateur qui avait tant l’air de se battre l’autre jour. Mais d'abord...

- Je te cherche depuis des heures, Anissa. Je t'avais dit de pas t'approcher d'ici... La gronda-t-il, priant pour qu'elle ne le contredise pas alors qu'il essayait de la sortir des griffes du guerrier. Laisse la partir, lança-t-il à ce dernier, ce n’est qu’une gamine. Si elle t'a volé quoi que ce soit, je te le rend et je m'occuperait du reste. Un regard de l'un à l'autre. Inutile d'en faire toute une histoire.

L’arrivée bien que discrète de l’ombre avait fait dresser une oreille, il n’avait pas été pris au dépourvu, mais n’avait pas pour autant réagi de suite.

Quand l’homme encapuchonné s’approche et l’interpelle, Ranadath relève son regard dans sa direction, tenant toujours la fillette par l’avant-bras. Le nouvel arrivant prétend connaître la jeune fille et feint même de la réprimander. La jeune Vaanie regarde Viliam d’abord surprise, puis elle hoche la tête avant de l’abaisser dans une moue, se prenant au jeu de son sauveur, préférant peut-être se retrouver entre les mains d’une personne prenant sa défense que des griffes d’un être aux traits étranges.  

“J’sais bien…” A ces mots, l’Hybride, passant de l’un à l’autre en se demandant si tout est bien vrai, sans opposer de résistance, relâche alors la jeune bouclée et se redresse lentement. Il refait les plis de son pantalon et reprend d’une voix posée, tout en retirant sa capuche pour se dévoiler.

“Elle ne m’a rien volé, rassure-toi.” Cherchant à éviter la réprimande de l’adolescente. “Et je ne lui veux aucun mal, juste des réponses.”

A ces quelques mots, la vaanie alors réfugiée derrière Viliam reconnaît l’Hybride et tout d’abord surprise lâche à haute-voix “Tu es Ghadish !” Sa voix gronde un peu, puis ses mains serrent le pantalon du sang-mêlé qui la protège. “Tu as tué mon frère !”

Une seconde, le bandit fixa la jeune fille, sincèrement surpris de sa réaction. Il s’attendait à la voir filer aussitôt la poigne du drow relâchée. A la place elle l’accusait de meurtre avec un surprenant mélange de comportement enfantin rattrapé par la cruelle réalité du monde. Elle se cachait bien habilement derrière le semi elfe, mais ne semblait malgré tout pas vouloir en démordre.

En lui jetant un nouveau coup d’œil, Viliam constata qu’elle ne devait pas avoir plus de quinze ans et il se surpris à lui trouver un bref air de ressemblance avec sa sœur lorsqu’elle devait avoir le même âge. Peut-être devrait-il faire attention à ses poches si elle se révélait aussi habile de ses doigts que Clarisse….

-Ghadish ? Releva-t-il finalement avec un haussement de sourcil à l’intention du guerrier drow. Un surnom aussi inhabituel que peut sympathique... On arrête pas de se croiser en ce moment. Un vague sourire ironique. Pourtant y a plus grand monde à combattre par ici.

-Il a tué mon frère. Continua de gronder la jeune fille, dont le regard aurait tué si elle pouvait.
-Que s’est-il passé ?

C’était adressé aux deux, et au fond, Viliam se demandait si il ne venait pas de s’attirer des ennuis en mettant les pied dans une histoire qui ne le regardait nullement…Mais c’était bien tard pour s’en inquiéter.

Le buste droit et le menton relevé, il toise un instant le duo devant lui. Ses yeux se posent alors sur la jeune adolescente et il l’observe en détail. Les traits lui rappellent un visage dans le fond de son esprit et il laisse entendre un long soupir. Il s’en souvient, une chevelure blonde, des yeux clairs, puis des pleurs et des cris, voici donc le frère de cette “anissa” qui lui avait fait face dans l’arène. Son visage se durcit et devient froid comme pour se détacher des horreurs de la suite de ses souvenirs marqués par le sang et la gorge tranchée du jeune garçon.

“Je me souviens.” Souffle-t-il pour les deux. “J’ai combattu ton frère ici-même.” Il tourne alors son visage vers le centre de l’impasse et semble même se souvenir de la position exacte du corps et des traces de sang.

A ces quelques mots, la jeune fille devient silencieuse et ses mains semblent se détacher du pantalon de Viliam dans un signe de résignation. “Il t'avait rien fait !” Un sanglot prenant sa voix.

Ranadath hausse les épaules et répond. “En effet, mais il est entré dans l’arène, alors sa Braise était en jeu, tout comme la mienne.” Il n’a pas le temps de poursuivre que la petite vagabonde rétorque. “Il a été forcé ! Il n'avait pas le choix ! Et tu l’as tué !” Les larmes commencent à couler sur ses joues et la colère prend place, elle se positionne devant le bandit de l’Aile Blanche et se tourne vers lui. “Je voulais juste récupérer ses affaires… Je voulais voler personne…”

Le bandit laissa échapper un soupir. Ah nouveau, le cycle de violence. Encore et toujours, immuable. La gamine pleurait. Avec douceur il posa une main sur son épaule, se baissant à son niveau et retirant sa capuche de sa main libre. Il y avait une pitié profonde et non feinte sur son visage.

-Comment il s’appelait ?
- Oswald. Renifla-t-elle.

-Et toi ? Il jeta un coup d’œil par-dessus l’épaule de l’adolescente, vers le gladiateur, conscient qu’il laissait ouvertement comprendre qu’il lui avait mentit, et qu’il ne la connaissait pas. Tant pis, ce n’était plus important à ce stade.

-Jade.

-Je comprend ta peine Jade. Mais je crois que cet homme à raison. Les responsables ce sont ceux qui l’ont forcé à se battre. On peut pas ramener ton frère, mais si y a un truc que je peux promettre, c’est que je ferais tout pour que personne d’autre se fasse tuer comme ça. Comme ça, les souffle sacrifié trouveront la paix, dans le royaume de Tyra. Je suis là pour trouver un moyen de faire ça. Tu as déja entendu parler de l'Aile Blanche ? Ce sont mes amis. Il lui offrit un sourire. Commençons par  récupérer tes affaires.

Elle et le drow avaient sans doute des informations sur ce qu’il s’était passé précisément. Plus que ce que le guetteur avait pu lui dire. Mais il ne voulait pas brusquer l’adolescente, et mine de rien il ne connaissait toujours pas les intentions du gladiateur.

Viliam parle d’empêcher les Hommes de se battre et d’aider au repos les défunts. Il parle même d’un dieu, Tyra et l’Hybride ne peut finalement retenir une expiration pleine de mépris et de moquerie. Sachant pertinemment qu’il attire le regard à cet instant, il fait signe du menton à Jade de partir à la recherche des affaires de son frère et, une fois seul en tête à tête avec le sang-mêlé rétorque.

“Quand allez-vous cesser de vous bercer de faux espoirs ?” Il plonge son regard dans celui de son interlocuteur et reprend. “Vous lui faites des promesses que vous n’êtes pas en mesure de tenir.” Il ne se perd pas à parler de la fausse croyance de Viliam, ce serait bien trop long à le raisonner sur ce point.

“Son frère est entré dans l’arène. Il a combattu et il a péri, voilà le fin mot de cette histoire. Aucun… Souffle”.. à apaiser.” Il détourne le regard vers la petite qui continue de fouiller l’impasse. “Tout ce que je peux vous dire, c’est que celui qui était de son sang est mort en guerrier.” Pour lui, cela relevait presque d’un compliment, si son accent ne rendait pas ses mots durs et froids. Il épargne bien entendu les détails du combat, les pleurs et les demandes de pitié de la part du jeune Oswald.

Avant que la jeune Jade ne revienne, Ranadath poursuit. “Mais si vous décidez de retrouver l’homme qui a été l’organisateur de ces combats, je souhaiterai moi aussi en être. Il me doit quelque chose et je n’apprécie que peu les paroles non tenues.” Son regard n’est ni défiant, ni agressif, mais il laisse planer d’un sous-entendu avec les mots précédents à l’encontre du bandit.

Jade revient alors, bredouille, les joues encore mouillées de larmes devant son échec. “Il reste plus rien… Pas même sa tunique. Comment j’vais faire ?” Elle se rapproche de Viliam, celui qui semble lui inspirer le plus confiance et le regarde du haut de sa petite taille. “Oswald aurait pas dû être ici, mais il n’a pas eu le choix… C’est ma faute…”

-Faux espoir ? Il eut un bref rire. Qui te dit que je n’ai pas les moyens de tenir mes promesses ? Répondit en soutenant le regard haut perché du drow. Qui te dit que je n’en ai pas déjà tenue des similaires ? Il étira un rictus. Celui qui se fait de beaux espoirs n’est probablement pas celui auquel tu penses l’ami. Tu peux t’aveugler si ça soulage ta conscience et ton sort et tu peux dire à cette gamine que son frère est mort en « guerrier », mais je ne suis pas aussi naïf. Je n’ai pas besoin d’avoir été là pour savoir que ce gosse est mort dans sa trouille, et qu'il n’a certainement pas fait preuve ni de bravoure au combat ni de quoi que ce soit de remarquable. C’est pas ce que j’appelle mourir en guerrier. C'est ce que j’appelle être abattu comme un chien.

Et un jour ce sera le tour du drow, tôt ou tard, se retint-il d’ajouter, dans un bref éclair de diplomatie. C’était ainsi qu’allaient les choses, et qui se croyait au-dessus de ce cycle, pensant le surpasser, rester d’une façon ou d’une autre dans les mémoires se trompait lourdement. Les être qui parcouraient les arènes n’étaient que des jouets qu’on abandonnait une fois brisés, ou moins intéressant qu’un autre. Un jour on était un héro, acclamé de la foule, un champion aux mains ruisselant de sang et d'or. Mais inévitablement il en venait un jour un plus fort, plus gracieux. Et le héro mordait la poussière sans plus un seul regard, ni d'admiration ni de pitié. Et au passage, les vies détruites et entrainé dans la misère et la souffrance de ce jeu importaient peu.

-Alors oui, fit-il alors que Jade réapparaissait. Je vais faire mon possible pour que ces foutues arènes s’arrêtent. Comme je fait mon possible pour rendre leur liberté et leur dignité aux Souffles qui n’ont rien fait pour mériter de vivre enchainé. Tu n’es pas le premier pour me prendre pour un abrutit ou un lunatique. Il haussa les épaules. Tu seras pas le dernier, tant pis. Je sais ce que je fait et pourquoi je le fait. Mais sa voix s’était adoucie. Mais si tu veux nous aider, eh ben soit. Sans doute pouvons nous nous accorder sur notre intérêt commun à retrouver le propriétaire des lieux...Ou ce qu'il en reste.

La jeune fille pleurait encore quand elle s’adressa à lui, lui indiquant qu’elle n’avait pas réussi à retrouver les affaires de son frère.

-Qu’est-ce qu’il s’est passé au juste ? tu cherchais quoi exactement ? Lui demanda-t-il avec plus de douceur.

Beaucoup de mots sortent de la bouche de Viliam, il semble piqué à vif ou du moins réagit brusquement aux propos de l’Hybride qui lui, reste stoïque devant les explications du vaanie.
Il l’écoute, attentif, car il semble y percevoir certaines choses intéressantes, d’autres moins, mais il fera son tri plus tard.

Aux oreilles de Ranadath, les mots sont teintés d’espoir, mais un espoir bien naïf et presque enfantin. Vouloir faire cesser l’esclavagisme ou même simplement les combats d’arènes est une utopie dont se berce le bandit. L’Hybride porte alors une main à ses cheveux, semblant presque gêné d’entendre de telles convictions ainsi crachées. Il prétend l’avoir déjà fait et pourtant, ici même, tous les deux se tiennent debout sur les vestiges d’une arène clandestine dans laquelle sont morts encore d’autres pauvres esclaves forcés à combattre.

D’ailleurs, Oswald en était bien un et la réalité de sa fin n’échappe pas à Viliam qui décrit les derniers instants du garçon avec précision. Des pleurs et une façon d’être abattu. Ranadath souffle une nouvelle fois du nez et finalement, répond à tout ceci.

“Vous êtes bien naïf, mais… Vous avez beaucoup d’espoir en vos convictions, je vous l’accorde.” Il plante alors ses deux iris aux couleurs chaudes dans celles du demi-elfe. “Pour un point, je parlais simplement de vos aptitudes à réaliser vos promesses. Qu’êtes-vous ? Un prêtre pour offrir le repos à ces Souffles en peine ? Seuls ceux qui s’approchent du Royaume des Défunts peuvent ainsi agir en Son nom et offrir aux Braises leur ultime repos. Etes-vous l’un d’eux ?” Il fronce les sourcils en le dévisageant des pieds à la tête, cherchant un quelconque symbole ou signe religieux pouvant répondre à ses questions.
Pour un être comme Ranadath, élevé au fanatisme, le rôle des prêtres est primordial et n’est pas à la portée de n’importe qui. Guider les Braises, Souffle ou tout autre nom donné, n’est pas à prendre à la légère et entendre alors Viliam ainsi le faire semble le questionner.

“Pour le sort de ce jeune homme… Oswald ? Même le plus grand des guerriers peut mourir en pleurant ou être tué lâchement, cela ne retire en rien sa vie passée. Il est mort, en tenant une arme comme un guerrier, voilà mes propos. Rien d’autre.”

Finalement, il se détend en voyant la petite revenir. “Je ne vous prends ni pour un “abruti” ni pour un “lunatique” … Juste un homme aux espoirs bien trop grands pour la réalité. Quand bien même vous y mettez toute votre énergie et votre envie, je doute que vous parveniez en une seule vie à y aboutir…”

Finalement, il opine et laisse Jade répondre à Viliam. “J’sais pas… J’cherchais des affaires, quelque chose qui lui appartient, j’ai plus rien de lui…” Ses yeux rougis larmoient un instant. “Il a été envoyé combattre ici pour celui qui nous a acheté, il s’est porté volontaire en quelque sorte en pensant pouvoir ainsi racheter notre liberté et puis…” Elle se tourne et foudroie Ranadath du regard. “Il a croisé Gadish ! Qui lui a laissé aucune chance alors même qu’il l’implorait.”

Sur ces mots, l’Hybride baisse le regard vers la petite fille et ne réagit pas plus. Elle a raison, il ne va pas le nier. Il n’a pas cherché à épargner le jeune garçon quand celui-ci lui a demandé, implorant sa pitié. L’arène est le reflet de la société à ses yeux, impitoyable et cruelle, les faibles meurent et disparaissent tandis que les plus forts s’élèvent et continuent de vivre.

Alors qu’il sort de son silence, son regard se reporte à nouveau sur Viliam. Toujours détaché de ce qui semble l’accuser d’être un “monstre” aux yeux de la jeune fille, il poursuit comme si elle n’avait jamais ouvert la bouche. “Celui qui a organisé ces combats était un esclavagiste… Elle doit sûrement parler de cet homme-là. Je pense que nous avons trouvé un terrain commun pour cette fois.”

-Cet homme tu sais ce qu’il est devenu ?

Son regard s’en alla de la jeune fille au guerrier qu’elle continuait d’affubler d’un surnom pinçant. Lui aussi aurait certainement des réponses à cette question. Quoi qu’il semblait chercher – pour des raisons qui lui était propre- la même piste.

-Je n’arriverais sans doute pas à mes fins aujourd’hui. Lui adressa-t-il, sans plus aucun mordant. Mais faire tomber cet homme m’arrange probablement autant que toi. Et il lui tendit sa main, comme attendant qu’il la saisisse. Entraidons nous pour l’instant. Et après ça…un haussement d’épaule, nos chemins se séparerons encore. Il eut un sourire mi figue mi raisin. J'imagine que tu as un autre nom que '' le type bizarre" ? plaisanta-t-il à demi.

Son regard glisse vers la main tendue de Viliam. L’Hybride ne fait aucun geste à son encontre et garde ses mains jointes dans le bas de son dos. Néanmoin, il semble apprécier l’initiative, ou du moins, laisse le penser car son ton et son regard semblent moins méprisants envers l’homme devant lui. “Faisons ça.” Il tourne alors la tête en direction de la jeune fille, attendant la réponse de cette dernière à la question du sang-mêlé.

Jade grimace alors et semble creuser sa mémoire. “J’connais pas son nom… Nous autres on l’voit jamais, on sait juste qu’il nous a acheté sur le marché. On servait d’mains d’oeuvre sur les quais et on habitait dans une p’tite baraque des ports… Lui j’sais pas, j’crois qu’il vit dans les beaux quartiers. C’que j’peux vous dire, c’est qu’il se sert d’certains garçons comme Oswald pour ses combats quand il pense qu’ça peut lui rapporter d’l’argent.”
La jeune adolescente s’accroche alors au pantalon de Viliam et le regarde. “S’il vous plait M’sieur, me ramenez pas auprès d’lui…”

Ranadath expire alors et secoue la tête revenant à l’homme qui lui fait face. “J’irai voir dans les hauts-quartiers de la citée si je trouve quelques renseignements à ce sujet… Quant à vous… Cherchez là où vous êtes le plus à l’aise.” Ces derniers mots semblent être pleins de sous entendus péjoratifs. “En ce qui concerne mon nom, je n’ai que faire du surnom donné par ces gens. Pour ce qui est de ma véritable identité, je suis Ranadath, mais ne prenez pas cette information comme un quelconque signe d’amitié.” Il poursuit alors. “Comment puis-je vous contacter si je venais à obtenir des réponses ? Dois-je encore malmener un quelconque va-nu-pieds ? Vous avez l’air de voler à leur secours.”

-Je ne t’y ramènerais pas. Répondit-il à la jeune fille. Ta vie n’appartient qu’à toi. C’est une chose que tu ne dois jamais oublier. Sa main se posa à nouveau avec bienveillance sur son épaule. Je peux t’aider à te mettre à l’abri si tu le souhaite. Mes amis connaissent très bien ta situation, ils sauront t’aider.

Elle ouvrit de grand yeux pleins d’espoir alors qu’il poursuivit pour le guerrier bien plus sceptique. Il ignora d’ailleurs la provocation qu’était son ton et certaines de ses remarques pour se concentrer sur l’objectif.

-Si tu tiens tant à ce qu’on se sépare, retrouvons-nous ici dans…disons trois jours. Ou bien donne-moi un endroit à toi pour que je te rejoigne, mais l’inverse risque d’être complexe et trop dangereux pour moi. Il eut un rictus. Et je n'ai pas le pouvoir d'intervenir à chaque fois que tu te décide à secouer de pauvres gamins malheureusement.


S’il faisait tout pour ne pas être rattrapé par les ennemis de l’Aile Blanche, il n’allait certainement pas faire aussi vite confiance a un homme qui n’avait autant pas l’air de le porter dans son cœur…

“Gadish” considère l’information un instant, restant immobile à la manière de ceux qui ne souffrent plus des affres du temps. Tel une statue de marbre face aux pleurs et à la peur de la jeune adolescente et aux tentatives sincères de Viliam pour la réconforter. Il reste ainsi, écoutant simplement.

Finalement, sa voix brise son silence et ses iris coulent de l’un à l’autre. Au son de sa voix, on peut le sentir concerné et intéressé par les propos du bandit, mais là encore, son masque sévère ne laisse que peu transparaître le fond de ses pensées. “Vous me trouverez à l’Auberge de la Perle, dans les Soieries. J’y ai une chambre pour une durée indéterminée.” Un tel luxe était peu envisageable pour le commun des habitants de Thaar, mais Ranadath ne semble pas vouloir se vanter, pour lui, qui a toujours eu le droit à user de la fortune de son père, ce n’est pas quelque chose d’extraordinaire.

“Si vous ne pouvez pas m’y retrouver… Je reviendrai ici-même dans trois jours.” Finalement, il fait un premier mouvement, sa main aux doigts fins et griffus se dégage de son épais manteau de fourrure et de son index, il désigne alors la jeune fille, s’adressant toujours au demi-elfe. “Donnez-lui à manger et à boire, elle pourra vous être utile à la tâche.” Sa main retombe mollement et disparaît à nouveau dans la chaleur de son habit. Impossible de savoir ce qu’il veut réellement dire au sujet de Jade, car le ton est neutre. Peut-être la considère t-il comme du bétail, la ramenant à sa simple nature d’esclave ou peut-être que le fond est bien plus optimiste que l’est la forme.

Le bandit claqua sa langue, laissant facilement comprendre que le plan du guerrier ne lui était pas tout à fait idéal. Il semblait contrarié.

-Je vais pas te cacher que les Soieries m’arrangent pas des masses. Un soupir. La plus part des gens qui veulent ma peau ont plus tendance à fréquenter ces rues là que les bas quartier si tu vois ce que je veut dire.

Il ne semblait pas particulièrement ému par ce constat, comme si le fait d’être recherché ne l’inquiétait pas autrement que parce que cela compliquait leur plan.

-Je me débrouillerait. Finit-il par ajouter, réfléchissant visiblement à une solution dont il ne donna pas les détails. Attend toi à un simple message. Et si tu n’as rien. Retrouvons-nous ici. Acquiesça-t-il à cette idée. Pour ce qui est d’aider Jade, Un sourire confiant. Je gère.