Sur la piste des Ombres [SOLO]

Tu n’as que très peu dormi la veille et pour cause. L’établissement nocturne de ton agent n’a eu de cesse d’être animé jusqu’aux premières lueurs de l’aube, rires, chants et autres sont joyeux t’ont bercé une bonne partie de la nuit, sans pour autant que cela ne vienne gâcher ta soirée. Peut-être aurais-tu pu descendre et profiter de la soirée, laisser de côtés tes obligations le temps de quelques heures et profiter de l’instant, mais tu n’en as rien fait. L’idée de te mêler à ces individus qui ne valent rien à tes yeux et pire encore, être courtisé voir séduit par l’un d’eux te répugnes et tu préfères de loin la tranquillité de ta modeste chambre et tes longues heures de prières qui te raccrochent à l’Elda qui est bien loin.

Au petit matin, quand la totalité des clients ont enfin quitté les lieux et que seuls les employés de R’yszda sont encore présents pour faire le ménage tu décides enfin de descendre. Apprêté simplement de ta tunique d’un vert foncé et aux brodures argentées, car l’âtre principale est encore alimenté par des bûches épaisses et la chaleur intérieure est suffisante. Tu descends lentement les escaliers et jette un regard sur la pièce principale, où tu imagines les festivités de la veille. Tout juste tes pieds se posent sur le sol du rez-de-chaussée qu’une voix s’élève à quelques pas de toi et attires ton attention. « Enfin levé ! Viens, installe-toi, je te fais porter le petit-déjeuner. » Avant que ton allié ne congédie une jeune femme d’un geste de la main en direction des cuisines. « Je ne t’ai pas vu hier soir… Je m’attendais à t’y voir, j’aurai bien aimé… » Glisse le faux Doeb avec un sourire moqueur dans ta direction. Comme à son habitude, sous son peignoir, R’yszda est presque nu, seul un sous vêtement dissimule ses attributs. A la différence de toi, lui a les cheveux en vrac, des marques étranges parsèment son corps ci et là dans ce qui semble être des souvenirs de ses conquêtes de la veille. Tu le regardes et soupire avant de t’installer sur un large sofa, prenant tout d’abord soin de vérifier son état.

Les employés vont et viennent autour de toi et ta présence ne les dérange aucunement. Ce n’est pas la première fois qu’ils te voient et la majorité, hormis les courtisans et courtisanes, ont tous la langue coupée tel et la règle de la maison en ce qui concerne les esclaves, aucun mot ne peut sortir de leur bouche afin que rien de ce qui se passe dans l’établissement n’en sorte et s’ils trahissent d’une quelconque manière, le châtiment les fait redouter de passer à l’acte. Pour celles et ceux qui disposent encore de leurs organes à des buts lucratifs et divertissants, eux sont loyaux depuis des années à ton agent et même s’ils ne connaissent pas ta véritable identité, ceux là sont en quelque sorte les propres agents qui forment le réseau de R’yszda, moyennant bien entendu de grandes sommes afin de s’assurer aussi de leur silence et loyauté pour la plupart.

Finalement, ton repas arrive, porté par une jeune adolescente vaanie qui baisse la tête en t’approchant. Tu ne lui offres pas même un regard, encore moins un remerciement mais tu t’empresse de te servir et porte la viennoiserie à ta bouche. Etrange, fade car il s’agit-là de la cuisine locale, mais tu manges sans trop faire de manières, avant d’écouter ton agent qui décide de faire sortir les rares esclaves encore présents dans la pièce.

« Tu sais, K’yo’ » Un diminutif familier que tu autorise à cet énergumène par sympathie envers lui. « Il y a eu pas mal de nouveauté ici depuis ta dernière visite… De bonnes et des moins bonnes tu te doutes bien. » Lui-même se sert un verre d’une boisson à la couleur étrange qu’il descend à grande gorgée avant de reposer le verre et de te fixer dans une posture confortable, de trois quart, les jambes croisées. Voyant son silence, tu moulines de ta main en sa direction, le forçant à poursuivre, toute ton attention étant tourné vers lui en cet instant.

« Et bien… La première chose à savoir c’est que N’hiistzra ne donne plus de signe de vie depuis maintenant quelques jours. » Tes sourcils se froncent, cette Ilythiiri est aussi une agente infiltrée à ton service, elle aussi à pour couverture celle d’une Doeb mais à la différence du premier, elle gravite dans les quartiers plus populaires en tant que commerçante modeste. Un long soupire se fait entendre par ton interlocuteur qui opine. « Oui, je crains aussi le pire, son échoppe a été détruite dans un incendie et nous n’avons trouvé aucune trace d’elle depuis ce jour, j’ai bien entendu essayé d’en apprendre davantage, mais tu te doutes bien que je n’ai pas appris grand-chose. » Conclut-il alors qu’il se sert à son tour d’une viennoiserie du bout de ses doigts manucurés. Finalement, cette mauvaise nouvelle te fait sortir du silence et, tout en essuyant tes mains et les coins de tes lèvres tu poursuis. « Mmh… J’irai voir de moi-même ce que je peux apprendre à son sujet, mais considérons que son identité a été révélée et que certains parmi tes proches peuvent être à l’origine de sa disparition. Poursuis, je te prie. »

Même si tu ne montres rien, derrière ton visage impassible, cette nouvelle te fait démarrer la journée de la mauvaise des manières. Car si ce n’est que le fruit du hasard, les quelques bandits ou hors-la-loi t’on dépossédé d’un agent précieux – bien qu’elle ne semble pas avoir pu en venir à bout – soit il s’agit d’un tout autre problème à régler au plus vite car sa couverture a été compromise et il peut s’agir d’individus bien plus dangereux. Tes pensées se coupent alors quand R’yszda reprend la parole après un court silence.

« Sur une note plus appréciable. Ta petite préférée a été déployée à son tour à Sol’Dorn et ne devrait plus tarder à venir ici. Je crois que pour cette fois, elle a pris l’identité d’un soldat ou mercenaire, mais quoi qu’il en soit elle pourra t’épauler sur l’affaire, car je pense que toi aussi tu as bien mieux à faire. » Il sourit, amusé avant de se rapprocher d’un petit bond dans ta direction, tu souris en retour en l’entendant ainsi parler du dernier membre de ton réseau fort réduit -auquel tu comptes bien aussi donner plus d’envergure-. X’alyth, la plus jeune de ton équipe, un membre aussi de la Doth’Ka mais spécialisée dans l’assassinat. Tu te réjouis à l’idée de l’avoir pendant un temps à tes côtés afin de te servir de ses capacités. « Bien, bien… Et maintenant, quelles sont les nouvelles ici-même dans la Cité des sens ? »

R’yszda se redresse alors se d’un bon agile saute par-dessus le canapé venant s’appuyer sur le dossier juste derrière toi. « Oh et bien… Les Puissants sont toujours puissants, les pauvres le sont toujours. » Commence-t-il en riant avant de lever son index d’un air théâtrale. « Mais ! Il y a eu quelques changements qui peuvent t’intéresser parmi le Conseil… Si La Princesse de la Chair est toujours la plus puissante de ce rassemblement pompeux, de nouvelles têtes semblent venir pointer le bout de leurs nez, des jeunes et moins jeunes, tous très ambitieux. » Il quitte enfin sa position et déambule dans le salon devant toi et tu ne le quittes pas du regard. « Marzaban, le propriétaire des Milles-Caves est mort, à la suite d’une attaque de sauvages zurthans et c’est Ozkun ou plus communément appelé « Le Magnifique » qui a prit sa place, prenant ainsi son siège au Conseil des Princes Marchands. De l’autre côté, nous avons la fameuse famille Ypsilantis, tu te souviens ? Ceux qui ont le monopole des ports ? Eh bien figures-toi que les parents sont morts aussi … Tiens tiens tiens » Il secoue sa tête, son index sur ses lèvres, amusé de voir toutes ces morts récentes. « C’est l’aîné, Héracle qui a pris la relève, épaulé par sa sœur, la grande clairvoyante Adonia… » Là encore il souligne son trait d’humour d’un mouvement de tête et se tait à nouveau, semblant réfléchir. « Il y a bien la Princesse de Sel qui s’est relocalisée ici à Thaar… Fidèle à elle-même si je peux dire, elle continue ses petites affaires immobilières, d’ailleurs entre nous, les prix ont flambé avec l’hiver… » Il fait finalement demi-tour et tape dans ses mains. « Voilà, je crois que je t’ai tout dit pour ce qui t’intéresse le plus. Pour le reste ce ne sont que des broutilles locales qui peuvent te servir, mais je ne suis pas dans ta tête K’yo’ et je ne saurai pas dire ce qui t’intéresse ou pas. »

Prenant le temps de la réflexion à ses actualités, tu termines ton repas matinal et te redresse finalement. Prenant soin d’essuyer une nouvelle fois tes mains et ta bouche tu termine ton verre d’une traite et opine dans la direction de ton agent. « Du bon travail R’yszda, comme toujours. Je pense que je vais prendre le temps de m’acclimater un peu à la cité, mais bien rapidement nous allons avoir fort à faire, je veux voir si ces nouveaux Princes et Conseillers peuvent être une menace pour le Puy et si tel est le cas, nous couperons leurs ambitions bien plus rapidement qu’ils ne l’imaginent. » D’une tape sur l’épaule tu conclus la discussion et tu t’éloignes finalement, remontant vers les escaliers qui mènent à ta chambre. A mi-parcours, tu t’arrêtes avec une main sur la rambarde et tu interpelle ton hôte. « La prochaine fois, quand tu installes un laboratoire, penses à la verrerie adaptée je te prie… Je dois moi-même faire mes achats. » Puis tu disparais finalement à l’étage.