Le temps d'un souffle

Duexième ennéade de Verimios,
An 21 du Cycle XI,
Sol’Dorn

Son écho emplit l'air de son épaisseur étouffante, son chant pareil à un cri. Le tintement assourdissant de leur ferveur la nourrissent comme bien peu en sont capables, cherchant désespérément à attirer son attention, à obtenir la grâce d'un toucher, l'honneur d'une étreinte. Les fidèles chantent, leur voix se mêlant aux murmures réguliers d'une eau sacrée, voyant sa surface se déchirer sur le passage de ceux qui souhaitent observer ce qui ne pouvait l'être par delà le voile.

Cette même eau qui te recouvre presque entièrement, n'osant s'aventurer au delà de ta poitrine et caresser les traits délicats de ton visage. Ainsi presque complètement immergée, tu te sais pourtant encore bien loin du regard de celle qu'en ces lieux tu es venue vénérer, celle à qui ton existence toute entière se dédie. Ta braise est sans doute l'une des rares seules à avoir pu l'approcher d'aussi près sans voir sa flamme se faire éteindre. Tu en portes d'ailleurs encore les cicatrices, des marques invisibles qu'il t'est difficile même à toi de pleinement appréhender.

L'écarlate de tes yeux perçant l'obscurité qui t'entoure se voit recouvrir de tes paupières juste avant que ton visage ne disparaisse sous la surface. Les chants s'estompent alors à tes oreilles et les ténèbres glacées t’enserrent. Ici, dans son monde, dans le creux de sa main, la puissance de ton adoration se voit sublimée. C'est là qu'est ta place, de cela, tu ne peux guère en être plus certaine. Il t'est presque possible de sentir son avidité s’enrouler autour de toi, curieuse, macabre. Le souffle vient à te manquer, mais il est bien incapable de perturber ta prière. La mort tu l'as approchée dans ces eaux de bien trop nombreuses fois pour qu'elle t'effraie. Sa proximité bien au contraire, ne fait qu'affirmer ta ferveur.

Tu émerges alors lentement de sous la surface, inspirant profondément pour insuffler ta braise d'une énergie nouvelle. Le liquide ruisselle le long de tes courbes et de ta peau à nue alors que déjà tu la recouvre de cette robe bien trop peu entretenue. Le tissu s'épaissit avec l'humidité et colle à ta peau, te laissant profiter du moins pour un temps encore, de ce monde qui est le sien.

L'un des prêtres présents se relève suite à sa prière et vient chuchoter quelques mots à ton oreille, rapidement happés par la ferveur ardente de ceux qui prient encore. Voilà qui pique ta curiosité. Tes pas te mènent alors à travers le labyrinthe d'eau, de cascades et de miroirs qui compose le temple. Un agencement différent de celui dans lequel tu te recueilles d'ordinaire, mais traverser cet environnement n'est devenu pour toi rien de moins qu'une seconde nature.

Une expérience dont se voit dénué celui qu'en ces lieux tu es venue retrouver. Tu arrives dans le dos du Streea Jabbuk, visiblement perdu dans ce monde qu'il ne parvient pas à pleinement appréhender. Il se retourne rapidement en sentant ta présence, posant son regard ardent sur le tien. Un Zaurahel, grand, massif, puissant. Sa présence en ces lieux t’intrigue, ta tête se penche sur le côté.

« – Qu'es-tu donc venu chercher, Noamuth reik ?  »


*Braise égarée

L’édifice à la gloire de La Gardienne bâti à Sol’Dorn ne rivalise en rien avec la majestuosité de celui taillé à même la pierre du Vatna. Construit dans le quartier des temples de la cité de Sol’Dorn, l’ancien temple se retrouve encerclé d’une architecture influencée par les cultures extérieures et décadentes.

Vel’drin, en visite dans la cité pour les besoins de son devoir de capitaine en profite pour régler ses affaires personnelles et mener à bien quelques projets. Ce n’est pas un secret que le Zaurahel convoite le poste d’Obok Senger détenu actuellement par Sel’dzar et qu’il n’est qu’une question de temps pour que le Streea Jabbuk passe à l’action. L’Ilythirii semble néanmoins vouloir rencontrer quelques figures religieuses d’Elda afin d’obtenir la bénédiction des dieux tutélaires de son ost et de sa famille, ainsi que leurs approbations en guise de témoins devant sa prochaine tentative de prise de pouvoir. Il espère que les Dieux seront à ses côtés pour remettre le Premier ost en ordre et ainsi reprendre la place qui lui est due et qui convient aux Prima Sanguis Zaurahel.

La Grande-Prêtresse de Teiweon, elle aussi de passage a Sol’Dorn est une occasion à ne pas manquer et le Capitaine de Cavalerie compte bien saisir cette chance. Se rendant alors dès que possible au Temple de la Rusée pour une entrevue.

A l’intérieur du bâtiment, vêtu de son habituelle armure sombre et de sa cape. Il tente désespérément de se situer au milieu du labyrinthe méthodiquement confectionné de miroirs et de cascades d’eau. Là, perdu au milieu de ce dédale emprunt de calme une voix vient le sortir de sa solitude.

Vel’drin se retourne et, reconnaissant la personne qui lui fait face, pose son genou à terre en signe de prosternation. Devant lui, dans sa robe usée et humide, qui souligne ses courbes, se tient la Jatha'la yatharil de la Voilée ; Niir’l.
Le visage face au sol, dans une prosternation respectueuse devant cette figure importante, il répond alors. « Mes salutations Jatha'la yatharil… Je suis venu vous trouver ce jour car j’ai besoin de vous et de la Gardienne. Je souhaite récupérer ce qui revient à ma famille, aux miens, la tête du Premier ost. »