À la veille du jugement

La Main sait. Le Pergaën sait. Árólindë sait. Écrire aux Seigneurs-Protecteurs est en comparaison un exercice bien facile. Coucher ces mots sur le papier ne t’aura pour autant pas plus enchanté. Mais tu n’avais plus d’autre choix maintenant. Ton coeur battait, et par moment l’agacement te crispait les doigts. Seulement il t’est à l’occasion tout de même arrivé d’esquisser un sourire. Être délesté de la charge de Seigneur-Protecteur d’Alëandir pourrait bien avoir ses bons côtés.

À Alëandir en la 7e ennéade de Verimios
21e année du Onzième Cycle

Seigneurs-Protecteurs

C’est pour vous faire une confidence que je vous écris aujourd’hui,
Une confidence – qu’en toute honnêteté – je ne peux pas clamer faire de mon bon vouloir.

Il y a un peu moins d’un an, en Karfïas dernier, j’enquêtais aux côtés de Frères d’Armes sur les étranges disparitions ayant eu lieu en Malereg. Je vous épargne les compte-rendus militaires, car là n’est pas le sujet de cette missive, l’important étant qu’au cours de la-dite enquête, durant une escale à Rindanim, nous nous sommes retrouvés face à un Arbre-Maître souffrant, dont les Chants avaient été corrompus, et le Sanctuaire transformé en un piège végétal mortel.
Dans l’espoir de venir à bout du mal ayant imprégné les lieux, et parce que je n’ai – en tant que Vitaliste – pas vu d’autre solutions pour protéger les vies de mes compagnons, je me suis servi des cadavres jonchant le Sanctuaire pour tenir en respect nos assaillants.

Nous avons réussi à rendre aux lieux leur calme, et les corps ont été rendus à la nature, mais je me suis rendu ce jour-là coupable de nécromancie.

Non. Je n’en ai jusqu’à aujourd’hui pas fait étalage, car je ne voyais là qu’un risque d’inutilement attiser la révulsion de ceux qui ne savent pas la réalité de l’horreur des combats. Je pensais agir en bon soldat en faisant attention de ne pas compromettre mon image en tant qu’Aran.

Là aura été mon erreur.

Mon silence n’aura servi qu’à laisser la part belle à la rumeur, et a ainsi contribué à la fermentation des doutes et inquiétudes que je tenais tant à épargner aux miens. En cela j’ai entaché la relation de confiance entre le peuple et son Aran, et donné aux miens des raisons de se méfier de mes intentions et de remettre en cause ma dévotion envers eux et envers l’Œuvre.

Ainsi je vous invite, membres du Haut-Conseil, à ce que nous nous rassemblions au premier jour de l’an prochain, afin – qu’avec la guidance de nos prêtres – vous décidiez de si vous me considérez toujours apte ou pas à représenter le Trône Blanc.

En attendant ce jour, je remets la régence d’Alëandir entre les mains de son conseil et me range à la garde du Temple Lëandrin de la Voilée.

Puisse I Mîngely vous guider
Artiön Laergûl