A la recherche d'un monstre...(Libre)

Dane l’observa longuement, détaillant sa tenue avec attention. Il lui plaisait bien ce type, il inspirait à la fois confiance et crainte. Elle aurait aimé le compter parmi les membres de la Compagnie, qui en était encore à ses premiers pas après sa « résurrection » soudaine, mais il ne s’était pas engagé là dedans. Ses raisons étaient sûrement excellentes, mais… secrètes. Sans doute n’aspirait-il pas à une vie de pouvoir et de richesse, ce qui n’aurait pas étonné Dane. Il lui semblait plutôt du genre « cavalier solitaire » respectueux de ses adversaires. Elle se souvenait de l’autre fois, quand il avait fermé les yeux de l’ordure qu’il avait tué à l’épée. La jeune femme, elle, ne s’embarrassait pas de tels détails… En tout cas, répondre à la question de l’homme ne la dérangeait pas, elle lui devait au moins ça.

-En réalité, j’allais mettre fin aux jours de deux hommes de ma connaissance. Complots, trahisons… Vous devez savoir ce que c’est. Ses yeux paraissaient rieurs. Mon voyage hors de la ville a été retardé pour… diverses raisons.

Elle l’écouta alors lui parler de « quelque chose de sombre » dans la ville. De quoi s’agissait-il ? Des choses sombres, il y en avait des tas à Diantra, pas la peine de creuser très profond. Dans les petites ruelles des bas quartiers, on égorgeait pour une miche de pain, alors autant dire que les événements glauques ne manquaient pas.

-Sombre ? J’ai peur de ne pas savoir de quoi vous parlez, seigneur.

Elle avait choisi de l’appeler ainsi car il avait refusé de lui donner son nom, l’autre fois. Encore une fois, c’était plus ironique que respectueux… Et puis, si il savait s’informer un minimum parmi les truands, il devait savoir que la jeune femme avait prit de l’importance récemment, au point de ne plus avoir à appeler personne de cette façon…

Dane l’écouta attentivement parler de cette « chose sombre » et ne fut qu’à moitié surprise lorsqu’il s’avéra qu’il s’agissait en fait du meurtre d’Akar. Certes, il y avait de quoi choquer… pour qui ne connaissait pas toutes les raisons de cette cruauté.

-Belle mentalité. Il faut une réelle volonté pour respecter des êtres aussi malveillants… Moi-même je n’y parvient pas, il je dois avouer que lorsque l’une de ces méprisables personnes est tuée de la sorte, mon cœur se réjouit. D’une certaine façon, c’est apaisant… Cet homme n’a eu que ce qu’il méritait, vous pouvez me croire. Si il était mort sans douleur, quelle aurait été la punition ? Je peux vous assurer que si c’était à moi qu’il avait eu affaire, sa souffrance aurait été bien plus longue et insoutenable…

Elle eut un demi sourire en imaginant la douleur atroce qu’il avait dû ressentir lorsque Calis s’était occupé de lui faire avaler sa virilité. Le fait qu’il ai souffert de la sorte la soulageait étrangement, elle se sentait plus légère, comme libérée d’un poids immense. Cependant, cet homme n’avait fait que projeter de la violer… Qu’adviendrait-il donc de Kurt, quand elle mettrait enfin la main sur cette pourriture ? Mieux valait de pas y penser… Non, Daneva ne partageait pas du tout cette vision de choses. En réalité, l’inconnu blanc et elle étaient très différents, mais cela n’empêchait pas la jeune femme de le respecter, lui, pour tout ce qu’il avait déjà fait pour elle. D’un geste de la main amusé, elle sembla balayer ses paroles.

-Je ne crois pas à toutes ces histoires d’accueil après la mort, honte, honneur… Pour moi, la mort c’est la mort. Après c’est finit, le noir, le néant, plus rien. Alors autant qu’il paye avant, n’est ce pas ? Elle serra son poing et durcit son regard. Le vide ne fait pas souffrir… J’ose espérer qu’il a regretté ses actes, durant ses dernières secondes. Mais aussi qu’il n’avait jamais rien ressentit de tel, et que la souffrance a été… terrible.

Elle releva les yeux et le sonda du regard, tentant de deviner ses intentions. Que voulait-il donc faire à l’assassin ?

-Je connais cet homme en effet, et je crois pouvoir le juger mieux que vous d’après ce que je sais de lui, ainsi que du contexte de ce meurtre. Elle releva soudain les sourcils et fit un pas vers lui, se retrouvant très proche de son visage. Ne tentez rien contre lui, est-ce bien clair ? Ne lui faites aucun mal. Vous ne savez rien, vous n’avez vu que le résultat. Si vous vous en prenez à lui, je…

Non, pas de menaces. Cela ne servirait à rien à le savait…

-Ne vous mêlez pas de ça, seigneur blanc. L’incident appartient à une trame compliquée d’alliances, de complots et d’intrigues dont vous n’avez pas connaissance. Ignorez donc ce cadavre et continuez d’aider les jeunes aventurières en danger, cela vous nuira réellement moins que ce dans quoi vous projetez de vous plonger…

Cette question ne devait pas vraiment lui plaire… C’était la deuxième fois que Dane lui demandait son nom, et il semblait hésitant. Ce simple mot signifiait-il tant pour lui ? Qu’aurait donc pu faire Dane si elle en avait enfin connaissance ? Elle l’écouta prononcer quelques mots pensifs, comme si un conflit intérieur le déchirait. Un sourire moqueur étira brièvement ses lèvres lorsqu’il mentionna le fait qu’elle était honnête, et non un monstre. Pourquoi s’entêtait-il à la prendre pour un ange tombé du ciel, pour quelqu’un de pur et de vertueux ? Daneva n’était qu’une voleuse ambitieuse et cruelle, rien de plus…

Enfin, il lui dévoila le précieux mot. Valkayre… Daneva le fit tourner deux ou trois fois sur sa langue, goûtant sa saveur, testant ses sonorités. Un nom de guerrier, cela ne faisait aucun doute… Heureuse qu’il lui fasse confiance au point de lui confier cela, la jeune femme lui adressa un joli sourire qui aurait fait fuir n’importe quel autre passant. Dorénavant elle pourrait mettre un nom sur sa menaçante silhouette claire lorsqu’elle le croiserait à nouveau. Car, elle le savait, ils se reverraient…

-Valkayre… Soyez sans crainte, les seules personnes qui auront la chance de m’entendre prononcer votre nom seront mortes la seconde d’après.

Mais il continua à parler… Et ses paroles troublèrent la voleuse au point qu’elle du détourner les yeux de son visage si proche du sien. Personne ne lui avait jamais parlé ainsi, personne n’avait jamais voulu voir en elle autre chose que la sauvage et sanguinaire voleuse de bourses, tueuse à ses heures… Emue, elle s’autorisa un geste hésitant qui aurait été déplacé si elle n’avait pas une si grande confiance en lui : elle posa sa main sur la joue de l’assassin, comme pour traduire sa reconnaissance.

-Aucun homme ne m’avait jamais proposé un bouclier tel que le votre… J’espère que vous serez à mes cotés lorsque ce mal si noir s’abattra sur nous. Elle baissa les yeux et retira sa main. Quant à sauver mon cœur de la corruption, j’ai bien peur que vous n’arriviez trop tard. Si toutefois vous persistez dans cette entreprise… Je vous souhaite bien du courage, bien que je la considère comme vaine. Un soutient tel que votre bras tranchant et agile est d’ores et déjà un réel soulagement pour moi, c’est déjà bien plus que je n’aurais espéré…

En entendant les prêtres qui arrivaient dans son dos, elle fit un signe de tête à son interlocuteur, marquant ainsi un profond respect. Ses yeux redevinrent rieurs, comme à leur habitude.

-J’espère que nous nous reverrons bientôt, seigneur blanc.

Après un dernier sourire à son intention, elle recula dans l’ombre de la rue. L’instant d’après, elle avait disparu.