Des mauvaises surprises (PV Vassili)

Titre du RP : des mauvaises surprises (pv Vassili)

Ambre venait de quitter son ami nain devant les grilles de sa demeure. Un frisson d'angoisse la saisit et l'envie de repartir l'étreignit un long moment. Elle n'avait pas envie de retomber sur ses grands-parents et elle avait un peu peur de ce qu'elle allait découvrir. Sa tante de Diantra lui avait expliqué qu'elle n'avait plus aucunes nouvelles depuis des mois. Et ses fils n'étaient pas du genre à la laisser sans nouvelle.

La jeune fille s'épousseta un peu, mais en vain. Elle était trop poussiéreuse et couverte de boue après son long voyage. Elle n'avait rien d'une noble, mais plutôt d'une vagabonde. Ses grands-parents allaient la haïr...

Falcor poussa un petit cri moqueur et Ambre soupira.

- Je sais, grogna-t-elle. Je sais... J'ai affronté beaucoup de dangers mais cette famille me fait plus peur qu'un troupeau de glargass enragés !

La jeune aventurière inspira pour reprendre son calme et, se redressant, elle entra dans le domaine en arborant un regard hautain et victorieux. En cinq ans, rien ne semblait avoir changé. Les Soltariel exibaient toujours autant leur fortune au dépend de leur confort intérieur. C'était pitoyable et Ambre n'éprouvait plus que du mépris pour eux.

Les serviteurs l'accueillirent comme une étrangère, incapable de la reconnaître, et la conduisirent dans le salon des invités. Ambre était l'unique héritière de la famille, mais lorsqu'elle était partie, elle n'avait que quinze ans. Falcor préféra rester dehors, trouvant sa place près de l'observatoire.

- Ambre ! reconnut une vieille femme, que les serviteurs venaient de prévenir d'une visite. Tu es revenue !

Ambre fit une grimace discrète. Il avait fallu qu'elle tombe sur elle dès son arrivée !

• Bonjour grand-mère. Je voudrai voir mon père !
  
• A peine arrivée et déjà elle impose ses ordres ! s'irrita la vieille femme. Ton père n'est pas là pour l'instant. Non mais regardes-toi ! Tu ressembles à une mendiante !
  
• Pas à ce point, répliqua la jeune fille, en jetant un bref coup d'oeil sur la décoration qui semblait s'être allégée au cours du temps.
  

Sa grand-mère suivit son regard et prit de vives couleurs. Ambre avait réussi à la rendre furieuse en moins de deux minutes... Recors battu !

• Insolente vagabonde ! Vas donc retrouver un minimum de décence et reviens me voir quand tu seras présentable !
  
• Mariona m'a réservé un meilleur accueil, répliqua Ambre, avec froideur.
  

Elle savait que parler de sa tante, qui avait été jugée indigne de la famille, énerverait beaucoup sa grand-mère. Et en effet, la réation ne se fit pas attendre. Contenant sa colère à grand peine, la vieille femme appela des servantes pour s'occuper de sa petite-fille. Ambre les suivit sans un mot. Ca aurait pu se passer plus mal...

Les servantes la conduisirent à la salle d'eau et lavèrent son corps de la boue, puis elles l'emmenèrent dans sa chambre. Ambre eut un léger sourire nostalgique. Rien n'avait changé, c'était agréable.

Les servantes l'habillèrent d'une longue et magnifique robe dorée en soie et en coton, une tenue un peu trop serrée et encombrante pour une fille libre comme Ambre, mais qui mettait en avant sa beauté peu commune.

Spoiler:

Ambre détestait être belle. C'était un malheur pour celles qui voyageaient seules. Heureusement, son père lui avait appris à se défendre et son sens de la réparti faisait fuir les imbéciles. Cela dit, elle pouvait aussi utiliser son charme pour arriver à ses fins.

Puis les servantes la coiffèrent d'une magnifique diadème de diamants serti d'un saphir et de deux émeraudes qui retombaient sur son front pour mettre ses yeux en valeur. A la fin de la coiffure, Ambre, commença à se poser des questions. D'accord elle n'était plus une adolescente. Mais de là à l'habiller comme une princesse ! Il y avait quelque chose d'inquiétant et Ambre commençait à se douter de quoi il retournait.

- Et bien...

Sa grand-mère était sans voix.

• Finalement ça t'a fait du bien de voyager !
  
• N'est-ce pas ? répliqua Ambre, moqueuse. Je devrai y retourner d'ailleurs ! Je suis juste venue voir mon père et mes cousins !
  

Le sourire qui se dessina sur le visage de son ailleule n'était pas rassurant.

- Je savais que tu parlerais à Mariona avant de revenir. J'ai engagé quelqu'un pour me prévenir. Et j'ai soudoyé Mariona.

Ambre sentit son coeur s'arrêter. Ta tante ne la trahirait jamais !

• Tes cousins sont mes prisonniers. Ils me servent d'otages.
  
• Impossible ! Mon père n'aurait jamais laissé faire ça !
  
• Il n'est pas là pour l'instant. C'est moi qui dirige, ma fille. J'ai enfermé tes cousins car ils voulaient partir. Le sang des Soltariel, même impur, ne doit pas quitter le manoir. C'est valable pour toi. Tu tiens à tes cousins, n'est-ce pas ?
  

Ambre plissa les yeux, furieuse. Ca s'annonçait mal !

• Ce soir nous recevons l'une des plus nobles familles. Tu épouseras leur fils Vassili dans quelques jours et tu donneras à la famille l'héritier mâle dont elle a besoin !
  
• C'est absolument... hors de question ! Je choisirai moi-même mon époux et je tiendrai les affaires de la famille par moi-même ! Vous n'êtes plus la chef de famille, grand-mère. Vous n'avez plus le droit de m'ordonner quoique ce soit ! Où est mon père ?
  
• Si tu acceptes ce mariage, je laisserai partir tes cousins. Oligaro se porte plutôt bien mais ton meilleur ami Terryl souffre beaucoup de cette vie. Il est comme toi : il aime le grand air ! Quel bâtard...
  
• Je vous interdis de parler comme ça ! ordonna Ambre, plus glaciale que jamais.
  

Avait-elle d'autres choix que d'accepter ? Oui, elle pouvait trouver leur prison et les libérer ! Elle jouerait le jeu en attendant. D'ailleurs, elle pouvait très bien tout mettre en oeuvre pour que ce petit nobliau soit dégouté à l'idée de l'épouser. Sans déshonorer la famille Soltariel, bien sûr.

Ambre se résigna donc, en apparence, et afficha un sourire de courtoisie lorsque les invités arrivèrent devant les grilles. Elle n'avait plus mis en pratique les coutumes des nobles depuis longtemps. Se montrer impropre à devenir la femme de ce fils de bonne famille ne devrait pas être très compliqué. Ce qu'elle redoutait surtout, c'était les joutes verbales qui suivraient avant qu'elle ne parvienne à ses fins. Elle en soupirait d'avance.

Ambre étouffait dans son corset trop serré. Elle n'avait qu'une envie : couper les cordes et reprendre sa tenue d'aventurière ! Mais déjà le fameu invité arrivait et Ambre dut contenir son impatience et sa mauvaise humeur en plaquant un sourire forcé sur son visage. Elle avait bien l'intention d'accumuler les maladresses verbales. Pour la tenue, aucun faux pas n'était toléré. Et puis les mots blessaient bien plus.

Le fameux Vassili était venu seul. Ambre lui adressa malgré elle un regard méprisant. Encore un noble comme elle en avait tant vu ! Jeune, arrogant et fier de sa personne ! Cela dit, celui-ci était plutôt séduisant, même s'il empestait les parfums des nobles.

*Comme moi...* songea Ambre, avec un profond dégoût de cette pâte odorante qui lui collait au visage.

Elle n'accorda pas plus d'intérêt à son "futur époux". Il ne resterait pas longtemps, de toute façon. Elle gèrerait elle-même les affaires de la famille !

L'invité posa un genou à terre pour baiser la main de sa grand-mère. Ambre esquissa un sourire. Le pauvre ! Un paysan en aurait été flatté, mais un noble devait avoir du mal à supporter cette peau sèche gluante de crême, ce parfum lourd et surtout ces bijous abondants. Un homme comme lui devait préférer les jolies filles, mais il devait également pouvoir avoir toutes celles qu'il voulait. Parfait : il n'en serait que plus facile à faire partir ! Blasé comme il devait l'être des belles femmes, Ambre ne serait à ses yeux pas plus belle qu'une autre. Enfin, elle l'espérait.

Bonjour, Madame, je suis très heureux d’être ici.

Ambre n'en doutait pas. Quoique les Soltariel n'avaient pas la réputation d'être tendres.

C’est votre fabuleuse petite-fille, Ambre ?

Que de manières ! Que de compliments qu'il devait sortir à chaque fille de noble, fut-elle très laide ! Ambre ne put contenir un léger sourire. Ses yeux brûlaient d'espièglerie. Il était comme les autres, elle le chasserait comme les autres. En douceur...

Vassili posa un genou devant elle et lui baisa une main qu'Ambre hésita à lui tendre.

*Et zut... songea-t-elle. Tous ces rituels m'énervent !*

Vassili déployait apparemment tout son charme, mais Ambre avait l'étrange sentiment qu'il ne s'intéressait pas à elle.

*La fortune des Soltariel.*

Voilà pourquoi elle voulait choisir son époux. Les nobles ne se préoccupaient que de l'argent ! Tous ses gestes ne servaient qu'à approcher le trésor.

Enchanté, mademoiselle

Ses paroles sonnaient faux, c'était tellement évident qu'Ambre en eut la nausée. Il la détestait... Sans doute avait-il été forcé lui aussi à accomplir cette union. Voilà qui compliquait les choses, car il ne partirait pas si facilement s'il avait une bonne raison de l'épouser. Il pourrait peut-être endurer les coups bas de la jeune fille... Cette pensée la fit frémir : hors de question !

- Seigneur Vassili de Diantra, si vous voulez bien me suivre ! invita la grand-mère en se dirigeant vers le salon des invités.

Pendant plusieurs minutes, il n'y eut que des présentations mondaines. La grand-mère présenta son époux et sa belle-fille. Ambre en profita pour saluer sa mère de loin. Non pas qu'elle la détestait, mais son regard se détournait à chaque fois qu'il se posait sur sa fille. Elle cachait quelque chose ? Sans doute.

Après les préliminaires, les nobles passèrent dans la salle de réception, où un superbe banquet était installé. Les grands-parents prirent place à la place d'honneur, ce qui irrita Ambre au plus haut point. Elle fut placée à droite de sa grand-mère, Vassili fut installé en face. Encore un calcul pour qu'il ait le visage d'Ambre dans son champ de vision durant tout le repas.
La mère d'Ambre fut installée un peu plus loin, comme une pariat. C'était tout bonnement scandaleux ! Ambre se mordit la langue pour ne pas s'emporter.

- Vous avez fait bon voyage ? s'enquit la grand-mère, toute mielleuse. Les routes ne sont plus très sûres de nos jours et le terrain manque de régularité.

Ambre n'écouta pas la réponse. Elle faisait de son mieux pour endurer à la fois sa tenue et la situation. Alors que les serviteurs venaient les servire, Ambre osa enfin faire une remarque, coupant la parole à Vassili sans la moindre gêne.

- Excusez-moi de vous interrompre, jeune seigneur, vous venez de Diantra, n'est-ce pas ? Votre tissu semble à la dernière mode, vous devez passer beaucoup de temps à vous apprêter.

Elle parlait avec douceur, calme et une bienveillance apparente, mais ces mots étaient méprisants au possible. Sa grand-mère frappa son assiette de sa cuillère, furieuse.

Ambre lui adressa un très léger sourire de défi.

- Je me demande pourquoi tes cousins ne sont pas venus dîner avec nous. tous bâtards qu'ils sont, ils auraient dû être présents !

Ambre sentit son sourire s'évaporer. Sa grand-mère était douée pour les insinuations. Ce dîner promettait d'être long.

La jeune fille ne prêtait plus du tout attention à Vassili et se moquait d'ailleurs complètement de la réponse. Elle ne souhaitait qu'une chose : lui être désagréable et antipathique sans que sa grand-mère ne s'en rende compte.

Le jeune femme ne semblait pas être à l’aise en présence de Vassili. Mais on pouvait penser que cela pouvait s’étendre à la société entière vu son attitude froide et distante. Mais cela ne rebuta pas Vassili pour le moins du monde. Il aimait les défis. Une jeune femme, qui ne l’aimait pas, et qu’il n’aimait pas. Deux êtres, que tout oppose, deux être aussi différents l’un de l’autre, mais deux être qui sont obligés de communiquer, qui sont obligés de faire semblant de s’aimer, qui sont obligés de s’aimer, qui sont obligés de se marier, qui sont obligés de cohabiter, qui sont obligés de dormir dans le même lit, la même pièce, la même maison, qui sont obligés de … Bon, on pourrait continuer comme ça longuement, mais je préfère m’arrêter là, et de toute façon, je pense que vous avez compris ce que je voulais dire …

Pour reprendre, Ambre était tout à l’opposé de Vassili. Alors que ce dernier semblait tout à son aise dans l’énorme château d’Ambre, celle-ci paraissait ne pas trouver sa place au milieu de tout ce capharnaüm. Comme si elle était une poupée que la grand-mère aurait maquillée, habillée, et placée en évidence pour que tout le monde la remarque. Or tout le monde ne pouvait que la remarquer. Elle était d’une beauté naturelle qui contrastait avec l’aspect artificielle du décor. Mais elle ne prononçait pas un mot, comme si elle ne savait pas ce qu’elle devait faire, ce qu’elle devait dire. D’ailleurs, elle ne cessait de jeter des regards à sa grand-mère, et Vassili les saisit comme une demande subtile à sa grand-mère des instructions à mener. En effet, la grand-mère semblait mener la danse, semblait mener sa petite-fille par le bout du nez, lui faisant faire ce qu’elle désirait. Et, de toute évidence, Ambre n’était, elle non plus, pas prête à épouser un inconnu fraîchement débarquée de la capitale.

En parlant de mener la danse, la grand-mère reprit le contrôle sur la soirée qu’allait passer Vassili en compagnie de la charmante, et très belle, Ambre.

" Seigneur Vassili de Diantra, si vous voulez bien me suivre ! "

Et bien entendu, Vassili la suivit. Il ne pouvait tout de même pas se permettre de ne pas la suivre. L’étiquette, que voulez-vous. On obéit aux aïeux, car c’est toujours la parole de la sagesse qui sort de leur bouche. Et ce, même si ce qu’ils disent est totalement faux …Bref, il partit dans une sorte de grand salon rempli de monde, tous aussi noble les uns que les autres. Toujours flanquée de la grand-mère et d’Ambre à ses côtés, il fit le tour des personnes présentes dans la salle, passant tantôt d’une duchesse qu’il connaissait de vue, parce qu’il l’avait vu lors d’une des réceptions du Roi, tantôt un vieux Duc, vieil ami de ses parents, en passant par une ribambelle de nobliaux, tous aussi imbus d’eux même les uns que les autres, et tous aussi inconnus aux yeux de Vassili. Mais enfin, c’était l’élément de Vassili, et il arrivait à retenir un maximum de prénoms, qu’il pourrait toujours réutiliser si nécessaire. Il se mouvait dans la masse avec une certaine aisance, alors qu’Ambre peinait à les suivre, la grand-mère et lui. Elle ne cessait de trébucher. C’en était presque drôle, mais cela était insupportable à Vassili. D’une part, parce que cela le chagrinait de voir une jeune femme noble ne pas être dans son élément en présence d’autant de personnes, et ensuite parce qu’il éprouvait un maigre sentiment de compassion pour Ambre.

Les présentations s’achevèrent rapidement. Rapidement pour Vassili bien entendu, alors qu’Ambre paraissait s’ennuyer à mourir. Et le dîner commença enfin. Une grande table était dressé, sur toute la longueur d’une grande pièce. Tous les nobles prirent place. Les grand-parents étaient bien entendu à la place du bout, la place réservée aux maîtres de la maison. D’ailleurs, ce détail fit prendre conscience à Vassili d’une chose. Apparemment, Ambre n’avait pas de parents, ou alors, ils étaient partis en voyage … Un détail sans importance … Vassili fût placé à côté du grand-père. En face de lui, Ambre, Ambre qui était donc placée aux côtés de sa grand-mère. Elle paraissait triste, et outrée en même temps. Elle ne devrait pas montrer autant ses sentiments. En société, il faut toujours contrôler ses sauts d’humeur. On ne peut convenablement pas être lunatique en société ! Dans tous les cas, et surtout en présence d’autres nobles, Vassili souriait toujours. Même dans le cas présent ! Et pourtant, il voulait la crier sa colère, son envie de partir, son envie de ne pas épouser la femme assise en face de lui et qui ne voulait pas l’épouser. Car après tout, ils étaient deux êtres, que … Stop ! On ne va tout de même pas reprendre la liste faite plus haut …

" Les routes ne sont plus très sûres de nos jours et le terrain manque de régularité. "

Concernant la sûreté, je n’ai pas eu de problème particulier. Par contre, il serait bon de réhabiliter la route qui mène ici. Il est vrai qu’elle est pleine de trous, et cela a rendu mon voyage fort inconfortable. Mais tous ces petits tracas ont vite été effacé en découvrant votre magnifique deum … fille. Elle est si … exquise.

Le dîner avait commencé. Cela se remarqua par la valse des serviteurs, valse qui débuta bien entendu après l’ordre du maître de la maison, et qui se continua quand on commença à le servir. En tout début de la table, Vassili eut le droit, et même l’honneur d’être servi parmi les premiers. En effet, il avait été servi en quatrième position, ce qui était tout à fait normal. D’abord, le grand-père, la grand-mère, Ambre, et enfin lui. Ordre qui se concevait parfaitement. Le goût du détail était donc particulièrement important dans cette famille. D’abord la place, qui lui avait été attribué, et ensuite, l’ordre, le plaçant parmi les premiers. On voulait tout faire pour que Vassili se sente chez lui.

" Excusez-moi de vous interrompre, jeune seigneur, vous venez de Diantra, n'est-ce pas ? Votre tissu semble à la dernière mode, vous devez passer beaucoup de temps à vous apprêter. "

Le ton d’Ambre paraissait au premier abord, doux et calme, même bienveillant. Mais Vassili avait perçu dans le fond de sa voix beaucoup de mépris, même un peu trop. Et d’ailleurs, il n’avait pas été le seul à le remarquer, car la grand-mère d’Ambre frappa son assiette avec sa cuillère, rappelant sa petite fille à l’ordre. Vassili fit comme s’il n’avait pas détecté le mépris dans sa voix, mais il lui répondu, tout en restant poli et courtois de la même manière, osant la défier, et ce, même dans le mépris de son regard.

Effectivement, j’aime m’habiller à la dernière mode, mais je ne passe pas tout mon temps à m’habiller. Mais il est fort regrettable que certaines personnes n’aient aucun goût pour cela … Ce qui n’est, fort heureusement, pas votre cas …

Il avait insisté sur ses dernières paroles, ajoutant une profonde touche de cynisme, espérant que cette dernière passerait inaperçue aux yeux de sa grand-mère. Il assista d’ailleurs à un échange verbal des plus étonnants entre cette dernière et Ambre, et Vassili ne saisissait pas toutes les subtilités de l’échange et de l’enjeu que cela représentait …

A sa remarque, Vassili la regarda dans les yeux. C'était la première fois depuis leur rencontre qu'Ambre croisait vraiment son regard. Il avait des yeux vraiment étonnants ! A la fois profonds et envoûteurs. Et à ce moment-là, ils étaient surtout rempli de mépris. Ambre eut du mal à ne pas se perdre dans cet océan vert, mais son caractère lui permit de garder les pieds sur terre. Elle soutint donc son regard.

Effectivement, j’aime m’habiller à la dernière mode, mais je ne passe pas tout mon temps à m’habiller. Mais il est fort regrettable que certaines personnes n’aient aucun goût pour cela … Ce qui n’est, fort heureusement, pas votre cas …

Ambre se demanda un instant ce qu'il voulait dire. Parlait-il du mauvais goût de sa grand-mère ? Auquel cas, c'était plutôt amusant ! Parlait-il d'elle ? Elle avait la curieuse impression que sa remarque l'avait un peu énervé et que la guerre était lancée. Parfait ! Ambre avait bien l'intention de le faire fuir à toutes jambes ! Mais s'il espérait la vexer sur la tenue qu'elle portait, il n'y avait aucun risque ! Elle tenait tellement à s'en débarasser que seule le protocole l'empêchait de détâcher son corset dans l'immédiat.

- En effet, reprit la grand-mère, préférant empêcher Ambre de parler. C'est très regrettable.

*Il parle peut-être de toi, vieille pie !* s'irrita silencieusement Ambre.

- Il n'est pas donné à tout le monde d'avoir autant de goût que vous, noble seigneur, répondit Ambre, avec un léger amusement. Moi-même je ne...
- Et comment se portent vos chers parents ? coupa l'hôtesse.
- Grand-mère si vous avez l'intention de m'empêcher de parler durant toute la soirée il vaudrait mieux pour vous me couper la langue ! s'irrita Ambre, en lui jetant un regard noir.

Durant un instant, Ambre avait complètement oublié où elle se trouvait. Ses habitudes d'aventurière intrépide avaient reprit le dessus et elle avait parlé sans réfléchir. Les visages des nobles étaient posés sur elle, sa mère la dévisageait avec horreur. Quant à sa grand-mère, elle semblait bouillir de l'intérieur. Au moins, son visage était assortie à sa robe de soie rouge !

- Veuillez m'excusez, grand-mère, je n'étais pas à ma place.

Ces excuses lui restèrent en travers de la gorge. Que les dîners en haute société étaient désagréables ! Elle avait perdu l'habitude et tous ceux qu'elle aimait n'étaient même pas là pour la soutenir moralement durant cette épreuve... Pourquoi était-elle rentrée, déjà ? Certainement pas pour ça !

- Soit ma fille... Soit...

Ambre sentit que cette colère sourde se retournerait contre elle. Elle porta malgré elle son regard sur Vassili. Il semblait tellement à l'aise dans cette ambiance que s'en était presque indécent ! Il était né noble, apparemment, ou en tout cas il avait eu une éducation beaucoup plus poussée que la sienne. Il se tenait bien, mesurait ses propos, parlait avec respect et politesse sans dissimuler, lorsqu'il le voulait, une note de mépris... Il était peut-être un peu petit mais Ambre ne pouvait pas le trouver repoussant, loin de là. Au moins, elle aurait pu tomber plus mal ! Il semblait également intelligent. Très intelligent. Il ne restait plus qu'à savoir s'il utilisait cette intelligence d'une meilleure manière qu'elle.

Ambre retint un soupir. Elle commençait à regretter de ne pas avoir davantage écouté les conseils de son père.

"Un seigneur doit toujours donner de lui l'image d'une personne imposante et sereine, quelque soit la situation !" se souvint silencieusement Ambre.

Elle avait tout faux sur ce principe et elle s'imaginait presque entendre son père faire claquer sa langue, signe de déception.

- Bien, reprit la grand-mère, satisfaite de voir Ambre baisser la tête, croyant ainsi qu'elle avait gagné. Ne faîtes pas attention à ses manières. J'avoue que nous avons un peu négligé son éducation depuis quelques temps. Vous comprenez, depuis la mort de son père nous avons d'autres affaires à traiter.

La nouvelle électrisa Ambre. Elle se redressa et ne bougea plus, incapable même de tourner la tête. Voilà qui expliquait tout ! Les regards de sa mère, l'insolence de sa grand-mère ! L'emprisonnement de ses cousins ! Tout ! La douleur lui enserrait le coeur tel un étau mortel. Elle avait envie de quitter la table, de courir retrouver son faucon et de repartir sur les routes, pour oublier ce cauchemar.

- A présent, reprit la grand-mère, en jetant un coup d'oeil narquois à Ambre. Ma petite-fille est le seigneur officiel du domaine. Vous comprenez qu'une femme ne peut gouverner seule...

*C'est elle qui dit ça !*

- ...c'est pourquoi nous lui cherchons un bon parti, qui sera capable de prendre en mains les affaires. Vos parents ne tarissent pas d'éloges sur vous, seigneur Vassili. J'en suis fort aise ! Puis-je me permettre de vous inviter à passer quelques jours parmi nous ? Il serait agréable d'apprendre à mieux nous connaître. Je suis certaine que vous finirez pas apprécier le caractère un peu farouche de ma petite-fille.

Ambre ne disait plus rien. Toujours immobile, elle retenait ses larmes avec un talent qu'elle n'aurait jamais soupçonné. Très lentement, elle tourna la tête.

*Si je suis le seigneur du domaine, c'est à moi de m'asseoir à ta place ! Si je suis le seigneur du domaine, c'est à moi de décider !*

Elle ne pouvait pas le dire, mais elle n'en pensait pas moins. La haine la rongea un instant, mais elle ne s'attarda pas dans son coeur. Lorsqu'elle reprit la parole, Ambre s'adressa à Vassili et, cette fois, son ton était dénué d'ironie ou de mépris. Elle s'adressait à lui comme elle l'aurait fait avec d'autres personnes. Le seul crime de Vassili, autant qu'elle sache, était d'être fiancé à elle. D'ailleurs, la nouvelle de la mort de son père ne lui donnait plus envie de jouer au chat et à la souris. Autant être franche, rien ne valait la franchise chez elle.

- Seigneur Vassili, je suis navrée de ces petites joutes verbales dont vous avez été témoin. Voyez-vous, je suis une aventurière de retour chez moi après cinq ans d'absence. J'ai un peu perdu les manières des nobles et je ne suis plus habituée à ce genre de soirée. Je vous prie pour cela d'excuser mes manières un peu rustres.

Ambre inclina la tête avec respect.

- Je ne suis certainement pas le genre d'épouse qui vous conviendrait, je n'ai de noble que le titre et je déplore que mon comportement cause un tel soucis à ma famille. Cependant, sachez que je ne tiens nullement à vous nuire... même si je ne laisserai personne faire main basse sur la fortune de ma famille par mon intermédiaire.

Ambre inclina la tête à nouveau. Les regards étaient portés sur elle mais, même si ses mots pouvaient paraître étranges, elle n'avait jamais paru aussi noble qu'à ce moment précis. La jeune fille se leva avec grâce sous les regards hypnotisés.

- Si vous voulez bien m'excuser. Je ne me porte pas très bien.

Puis Ambre partit, tout d'abord vers sa chambre pour se changer, puis vers l'observatoire où Falcor l'attendait. Un lourd silence s'abattit dans la salle à manger. La grand-mère ne savait plus quoi dire pour rattraper le comportement d'Ambre.

- P... Pardonnez-la ! supplia-t-elle.

Ambre se sentait un peu mieux depuis qu'elle avait laissé tombé le dîner et ses habits de noble. Vêtue de sa tenue d'aventurière, son pantalon et sa tunique, débarassée de tout son maquillage superflu, elle était redevenue elle-même. Allongée sur le sol poussiéreux de l'observatoire, elle regardait les étoiles sinciller, tandis que Falcor sautillait à côté d'elle pour jouer avec ses cheveux et tenter de la réconforter.

*Il est mort*

Ambre ferma les yeux. Cette phrase lui revenait sans cesse. Pourquoi personne ne l'avait-il prévenu de la mort de son père ? Pourquoi ne l'avait-on pas prévenu dès qu'ils l'avaient su ? Parce-qu'elle n'était pas chez elle et qu'elle était injoignable. Aujourd'hui, la situation lui échappait complètement. Mais elle allait se ressaisir !

Séchant ses larmes, elle se redressa et serra le poing. Sa grand-mère allait-elle s'en sortir aussi facilement ? C'était hors de question ! C'était elle, à présent, qui devait diriger les Soltariel ! Pas cette mégère !

*Libérer mes cousins est la priorité.*

Une fois ses cousins libérés, elle n'aurait aucun mal à reprendre ses droits. Elle était d'ailleurs bien décidée à chasser sa grand-mère du domaine, comme une paria. Une petite vengeance mesquine certes mais qui la soulagera beaucoup.

Debout, Ambre commença à faire les cent pas en réfléchissant.

*Où a-t-elle pu les cacher ? Pas ici, elle sait que je n'aurai aucun mal à les retrouver ! Ni à Diantra ou à Ydril car ce serait trop simple et pas assez discret.*

Ambre leva la main et Falcor vint se poser sur elle, lacérant son bras de ses serres. Ambre fit une grimace mais ne protesta pas. Elle commençait à avoir l'habitude.

- Dis-moi, Falcor, pourrais-tu retrouver Oligaro et Terryl ? Non, bien sûr. Tu ne les as jamais rencontrés. Je donnerai cher pour qu'ils soient là aujourd'hui !

Si Oligaro était là, il pourrait prendre les affaires en main. Avec sa nature calme, il aurait trouvé des solutions aux différents problèmes. Si Terryl était là, Ambre se serait simplement sentie moins seule. Il était son meilleur ami, hormi Falcor.

- J'ai une terrible envie de laisser tomber le nom des Soltariel. Qu'est-ce que tu en penses, Falcor ?

Le faucon la regarda sans comprendre. Ambre lui en demandait trop. Elle esquissa un sourire et le laissa s'envoler.

- Repartir sur les routes sans me soucier de toutes ces histoires... Ca me plairait, mais je ne peux pas laisser mes gens entre les mains de... cette vieille folle !

Non, elle ne pouvait pas faire ça. Elle était tout de même la fille du grand et respecté seigneur Christopher Soltariel ! Elle ne pouvait pas le décevoir !

*Mais il est mort.*

Elle n'arrivait décidément pas à se mettre cette idée en tête. Son visage, son sourire lui revenaient. Il l'avait éduqué et entraîné en secret, il avait deviné sa fugue et lui avait envoyé de l'argent pour l'aider à survivre. Il avait toujours respecté ses choix. C'était un grand seigneur.

- Pourquoi ? gémit Ambre, en frappant le mur avec rage. Mais qu'est-ce qui s'est passé ? La peste ? Un assassinat ? Alors quoi ?

TOC TOC TOC

Ambre tourna la tête vers la porte et réalisa seulement alors qu'elle pleurait. Ce n'était pas convenable d'être surprise ainsi. Tout en essuyant son visage à la hâte, elle tenta de retrouver une allure plus digne en remettant de l'ordre dans ses cheveux. Qui pouvait bien venir dans l'observatoire ? Jamais personne ne venait, même pas les serviteurs chargés du ménage ! Et qui frapperait ainsi ? Quelqu'un qui la cherchait. Sa mère, sans doute. Elle avait des choses à lui apprendre et il n'y avait qu'elle pour oser monter la voir.

*Jamais ma mère n'aurait quitté le dîner en cours. L'honneur de la famille est aussi importante pour elle que pour mes grands-parents.*

Mais sa mère l'aimait, au moins. Peut-être avait-elle fait une exception.

Falcor, qui n'avait pas de perchoir, alla se poser dans un coin où il commença à lisser ses plumes. Il préférait voir Ambre calme et souriante ! Cette dernière, affichant un sourire tendre sur son visage, se dirigea vers la porte et l'ouvrit.

Elle ne put cacher sa stupeur en reconnaissant Vassili de Diantra. Que faisait-il ici ? Il était venu pour lui parler ? Mais pour quelles raisons ? L'argent ? La compassion ? Autre chose ? Ambre avait encore bien du mal à cerner cet étrange jeune homme. Aussi, faisant un pas latéral, elle l'invita à entrer dans sa cachette.

- Ce... Cet endroit n'est malheureusement pas très propre, j'en suis navrée. Je ne m'attendais pas à voir quelqu'un d'autre que moi venir un jour ici.

Falcor leva la tête et regarda l'inconnu de ses yeux perçants. Il prit son envol et vint tourner au-dessus d'Ambre, dans une crise de jalousie plus forte que d'ordinaire. Ambre lui fit signe de retourner à sa place, ce que le faucon fit difficilement et sans quitter Vassili des yeux.

- Excusez-le, il est comme ça avec tout le monde.

Ambre se sentait mal à l'aise. Après ce qu'elle lui avait dit, Vassili avait toutes les raisons d'être furieux. Si elle avait voulu le faire fuir, elle n'avait néanmoins jamais voulu le blesser. Ambre n'aimait pas faire de mal, mais blesser avec les mots était une de ses spécialités. Qu'elle le fasse de manière volontaire ou non.

- Je vous prie d'excuser mon comportement de tout à l'heure. Il n'était pas dans mes intentions de vous traiter ainsi.

Pourquoi fallait-il qu'il soit aussi séduisant ? Ses yeux, surtout, avait quelque chose d'envoûtant. Ambre tenta d'oublier cette pensée. Elle n'était décidément plus d'humeur guerrière. Ou du moins, pas dans de longues joutes verbales. Les affrontements de ce genre étaient efficaces mais frustrants.

[hrp : pas de soucis^^]

Bon… Il est évident que tous les deux ne voulons pas de ce mariage. Mais nous voulons tous les deux faire plaisir à notre famille. Ou en tout cas, pour ma part. Avez-vous une solution ? Je ne puis me soustraire aux obligations familiales …

Ambre sentit son malaise disparaître et elle retrouva le sourire. Elle aimait la franchise !

- Cette pièce vous incommode, suivez-moi nous pourrons discuter plus librement.

Ambre appela Falcor qui vint se percher sur son bras, puis elle descendit les marches jusqu'au deuxième étage, conduisant Vassili dans sa chambre. Ce n'était pas très correct pour une noble de faire venir un homme dans sa chambre, mais elle se moquait bien du protocole sur le moment.

La jeune fille proposa un fauteuil à Vassili, tandis qu'elle-même ouvrait la fenêtre pour permettre à Falcor d'aller voler un peu plus loin. Enfin, la jeune fille se tourna vers Vassili.

- Je suis ravie que vous partagiez mon opinion, seigneur Vassili. J'avoue que j'ai rarement vu un noble faire preuve d'autant de franchise.

Ambre s'installa à cheval sur une chaise, parfaitement à son aise. Et peu féminine. Ca lui était égal à présent, de lui plaire ou non, puisqu'ils avaient la même envie de rompre de mariage arrangé ! Autant rester elle-même.

- A dire vrai, je suis moi-même un peu gênée par ma situation familiale.

Ambre serra les dents, en se souvenant de la mort de son père.

- Voyez-vous, ma très chère et adorable grand-mère a des prisonniers. Mes deux cousins, qu'elle considère comme indignes de la famille. J'ai sa promesse qu'elle les libèrera après notre mariage. Tout ça, je l'ai fait pour eux. En fait, je l'ai surtout fait en attendant de pouvoir les libérer. De savoir où ils sont, surtout.

La jeune fille tourna son regard vers la fenêtre. La plaine s'étendait, verdoyante et à perte de vue. Le ciel était clair. L'appel de la nature était puissant !

- Mais si vous avez vous-même des obligations familiales...

Que pouvaient-ils bien faire ? Jouer la comédie ? Ambre ne voulait pas de ce mariage ! Jamais ! Mais Vassili était intelligent. Avec son énergie et l'esprit du jeune noble, ils devraient pouvoir trouver une solution !

- Je ne peux pas déshonnorer le nom des Soltariel pour vous permettre de rentrer dignement chez vous. J'en suis navrée. Comment pensez-vous pouvoir convaincre vos parents ? Que vous faudrait-il ? Une rencontre avec ma grand-mère ?

Ambre éclata d'un rire cristallin. Sa grand-mère était effrayante, après tout ! Dans sa chambre aux teintes vertes, avec un souffle de vent dans les cheveux et son Falcor à proximité, Ambre se sentait parfaitement bien.

- Pour ma part, j'ai prévu de me rendre à Ydril, où je pense trouver de l'aide. Mais je n'arriverai pas à partir aussi facilement de cette cage dorée. Fabriquer une corde pour descendre de ma fenêtre est un peu démodé, maintenant. Surtout si je suis le seigneur officiel du domaine.

Un peu de dignité ne faisait pas de mal ! Elle demanderait peut-être à Vassili de lui prêter main forte pour cacher son départ.

Et bien, nous n’avons qu’à nous marier. Epousez-moi Ambre !

Ambre serra les dents. Et puis quoi, encore ? Si elle voulait aller à Ydril, c'était justement pour éviter ce mariage ! Comment pourrait-elle épouser quelqu'un qui rechignait à mettre les pieds dans une pièce poussiéreuse ? La jeune fille eut un instant d'hésitation. Pourquoi était-il monté la voir, en réalité ? Pour lui parler du fait qu'ils n'avaient rien en commun ? C'était évident dès le premier regard !

- J'ai une bien meilleure idée, seigneur Vassili !

Ambre se leva avec grâce et s'approcha de lui. Debout, elle paraissait le dominer. Et pourtant, même si Vassili était plutôt petit pour un homme, il mesurait près de cinq centimètres de plus qu'elle.
La jeune fille eut un sourire rusé. Il la prenait vraiment pour une idiote finie ! Si elle l'épousait, la fortune des Soltariel lui reviendrait en totalité ! Et les nobles ne pouvaient pas annuler un mariage simplement. En général, l'un des deux perdaient son honneur en étant répudié. Ambre n'avait pas l'intention de le laisser intriguer contre elle.

- Au lieu de vous laisser préparer votre petit plan de manière à être le seul à en tirer avantage, je vais agir à ma manière. Vous allez séjourner ici, d'après ce que j'ai cru comprendre. Je vais en profiter pour m'eclipser. Les servantes et vous-mêmes couvrirez mon absence en prétendant que je suis tombée malade. Ca ne devrait pas être difficile ! Sauf si vous voulez m'accompagner sur les routes ?

Ambre en doutait beaucoup. Et il le ralentirait certainement.

- Il ne me faut pas plus de deux jours de marche pour arriver à Ydril. Si je me presse. Deux jours pour le retour, ça me laisse trois jours pour trouver une solution à Ydril. Si dans ce laps de temps je n'ai pas réussi à retrouver la trace de mes cousins, alors pour ma part je ne serai pas en mesure de refuser ce mariage.

Ambre se baissa vers lui, posant ses mains sur les accoudoirs, c'est-à-dire sur ses bras. Puis elle le fixa droit dans les yeux. Elle n'avait plus rien de la jeune fille timide et mal à l'aise du dîner, loin de là. Là, elle était sur son terrain.

- Vous devriez mettre à profit ces quelques jours pour réfléchir à la manière de convaincre vos parents. Utilisez toutes vos ruses ! Je suis sûre que vous devez avoir pleins de ressources !

Ambre se tourna vers son coffre et en tira son arc et son carquois.

- Mais avant de faire quoi que ce soit, je dois parler à mes hommes. Et à ma mère.

Le regard d'Ambre s'obscurcit.

- Je dois savoir ce qui est arrivé à mon père.

Pourquoi avait-elle voulu préciser ça ? Ambre se tourna vers Vassili et lui jeta un regard étrange, un mélange de curiosité et de tristesse.

- Pourquoi avez-vous quitté la table pour moi ? Vous avez certainement fâché ma grand-mère, ça m'étonne beaucoup vu que vous avez fait beaucoup d'efforts pour lui plaire. Soyez honnête et dîtes-moi ce que vous espérez obtenir. C'est l'appât du gain, n'est-ce pas ? La fortune des Soltariel ?

Ambre se tut et tourna la tête. Ces histoires de noblesse...

- Je ne suis qu'un petit bonus. Ou un calvaire supplémentaire, ça reste à voir. Comment vous me voyez, vous ? Comme une poupée ? Comme une vagabonde ? Si le mariage se fait quand même malgré nos efforts, je vous emmènerai sur les routes pour vous montrer un monde sans contrainte !

Ambre avait utilisé ses atouts pour l'impressioner, mais en vain. Loin de s'enfoncer dans le fauteuil en tremblant de peur, Vassili avait soutenu son regard, persuadé qu'il finirait pas l'emporter sur elle. Quel arrogance ! Il espérait la mater un jour., sans doute.. Du moins, Ambre en avait la forte impression.

Et bien, je vous protégerais. Ou plutôt, je protégerais votre fuite. Partez à Ydril, mais ne prenez pas trop de temps. Je ne pourrais cacher votre présence bien longtemps. Je fais cela pour vous. Croyez le bien. Je saurais m’en souvenir quand le temps sera venu.

Cette réplique lui glaça le sang. En l'entraînant dans ses combines, en faisant de lui son complice, elle s'ouvrait une faille qu'il pouvait décider ou non d'exploiter. Sur ce coup-ci, elle avait mal joué. Mais qu'aurait-elle pu faire d'autre ? Si elle l'avait tenu en-dehors, sa "maladie" serait paru comme un outrage, une vulgaire comédie et les conséquences auraient été dramatiques pour elle.

*Ne vous en souvenez pas trop !*

Ambre lui jeta un regard noir mais n'osa pas exprimer sa pensée. Non, décidément il était hors de question d'épouser un type pareil ! Il était beaucoup trop dangereux. Trop manipulateur...

- Je pars demain soir, précisa-t-elle.

Ambre attrapa une petite cloche à l'entrée et la tira, laissant un doux tintement se répercuter dans le manoir. Quelques instants plus tard, un enfant d'une dizaine d'années, aux cheveux roux ébouriffés et en tenu des serviteurs, se présenta à la porte.

- Bonjour, salua Ambre, surprise. Je pensais appeler Hector.
- Bonjour dame Ambre ! salua l'enfant, en s'inclinant. Je suis un nouveau au service des Soltariel et l'apprenti d'Hector. Mon nom est Lérion et je suis très heureux de vous voir enfin en vraie !

Ambre se sentit rougir légèrement, tant de honte que de l'enthousiasme de l'enfant. Le vieil Hector, qu'elle connaissait depuis son enfance, avait dû parler d'elle...

- Bonjour Lérion, mais j'aurai préféré...

La jeune fille hésita. Laisser un enfant s'occuper de Vassili n'était sans doute pas une bonne idée. Les enfants savaient toujours trop de choses car ils laissaient leurs oreilles trainer. De plus, ils parlaient beaucoup. L'enthousiasme de la jeunesse, sans doute. Et saurait-il rester à sa place sans offenser le Seigneur ? Mais si l'intendant lui-même avait envoyé l'enfant, c'était sans doute qu'il avait sa confiance.

- Très bien Lérion. Seigneur Vassili, ce jeune serviteur va vous conduire à votre chambre, puis il restera à votre disposition pendant votre séjour ici.

*Ne le traumatisez pas avec vos regards de tueur !*

Ambre se pencha vers l'enfant abasourdi par la nouvelle.

- C'est ton premier vrai travail. N'hésite pas à demander des conseils à ton tuteur ! Conduis-le à la première chambre des invités et n'hésite pas à aérer la chambre.

Ambre se tourna vers Vassili.

- Si ce jeune garçon ne vous convient pas, demandez à parler à l'intendant Hector, il vous trouvera quelqu'un de plus expérimenté.

Ambre s'inclina avec respect, un peu à la mode des hommes, et partit avec ses armes, laissant Vassili seul avec un petit serviteur impressionné.

- Bonjour seigneur Vassili ! s'enthousiasma l'enfant, en saluant avec respect. Si vous voulez bien me suivre !

[hrp : tu peux jouer l'enfant, ça te facilitera la tâche^^]

~~~~~~~~~~~~

Ambre se sentait de mauvaise humeur. Ce Vassili lui tapait sur les nerfs ! Comment osait-il la regarder de haut ? Mais la jeune fille tenta d'oublier son agacement pour afficher un visage noble et souriant. Le dîner touchait à sa fin, les nobles repartaient les uns après les autres. Ambre les ignora superbement et traversa la chambre de l'intendant et celle des serviteurs pour frapper à la porte des gardes. Personne : ils devaient s'entraîner !

Ambre se rendit donc au niveau -1, la salle d'entraînement des gardes. Ils étaient là. Le domaine était gardé par une vingtaine de soldats, donc cinq vétérans qui donnaient les ordres. Certains s'entraînaient à l'épée, en duel ou avec les mannequins, d'autres performaient leur adresse à l'arc. Ambre les observa un moment, fière d'eux, puis elle se fit annoncer.

- Dame Ambre ! s'écria un des vétérans, en s'inclinant avec respect. Vous êtes de retour alors ! Les rumeurs étaient donc vraies. Nous avons hâte de vous voir reprendre les affaires en main !

Ambre eut un sourire. L'entraînement militaire était refusé aux femmes sur Solaria, mais Ambre s'était entraînée en secret et elle avait cotoyé la plupart des gardes. Les vétérans, surtout, la considéraient comme leur petite élève.

- Je suis contente de vous voir ! déclara Ambre, faisant fi des manières pour serrer ses professeurs dans ses bras.

Lorsqu'elle eut fini de saluer, elle se plaça au centre de la pièce. Les regards étaient posés sur elle. Dans sa tenue de voyage, Ambre ne paraissait que plus guerrière et plus farouche. Son initiation de cinq ans sur les routes la rendait plus digne que jamais de leur respect.

- Messieurs, j'ai de mauvaises nouvelles. La mort de mon père a permi à mon ailleule Orouéna de prendre le pouvoir et d'abattre sa tyranie sur le domaine. Elle fait également peser sur ma personne un odieux chantage qui m'empêche de reprendre ce qui me revient de droit. Je reste cependant, et d'une manière officielle, la dame du domaine de Solaria.

Ambre marqua un silence.

- En ce nom, moi, Ambre Soltariel, je vous ordonne de reformuler ici et maintenant votre serment d'allégeance à ma propre personne !

Les gardes, stupéfaits, hésitèrent un moment puis, l'un après l'autre, ils possèrent un genou à terre, plantant leur épée au sol, et ânnonèrent d'une même voix le serment d'allégeance.

- Je vous remercie, conclut Ambre. Je compte sur votre loyauté pour protéger le domaine et pour protéger mes intérêts. Je vous demande aussi de ne pas ébruiter cette petite cérémonie. Il serait mal venu que ma grand-mère apprenne vers qui va votre fidélité.

La jeune fille perdit enfin son visage sérieux et se mêla à eux pour une petite séance d'entraînement à l'arc, dans lequel elle défia plusieurs archers dans la bonne humeur et une ambiance bon enfant. Avoir la loyauté des gardes, gagner leur affection, était pour Ambre autant un calcul qu'un besoin personnel. Elle éprouvait vraiment de l'affection pour chacun d'eux.

Ambre venait de quitter les gardes. Elle aurait bien voulu voir sa mère mais il était tard et elle devait déjà dormir. En silence, elle retourna à sa chambre. Très discrètement car il ne fallait pas qu'on la surprenne avec ses armes.

Elle arriva à sa porte et hésita un instant. Puis elle se rendit dans la chambre de ses cousins. Quitte à enquêter, autant commencer par là ! La pièce n'avait pas été touchée, c'était évident. Le coin d'Oligaro était parfaitement rangé et ordonné. Celui de Terryl était, au contraire, très fouilli, un mélange de livres, de dagues, de cartes et autres. Des cartes ?

Ambre les saisit, perplexe. Depuis quand Terryl jouait-il ? Mais bon, elle ne l'avait pas vu pendant cinq ans, il avait sans doute changé. Alors qu'immobile elle réfléchissait, elle entendit la voix de Vassili dans la pièce à côté. Cette chambre manquait d'isolation !

Malgré elle, elle ne put s'empêcher d'écouter. Apparemment, le jeune noble racontait une histoire à son petit serviteur. Elle sentit un doux sourire étirer ses lèvres. Peu de nobles traitaient aussi gentiment leurs jeunes serviteurs !

- Ah te voilà !

Ambre se retourna en entendant sa grand-mère. Cette dernière semblait folle de rage.

- Mais qu'est-ce que c'est que cette tenue ? Et ces armes ? Non mais tu te prends pour qui, ma fille ? Oh et parler ainsi à notre invité, tu n'as pas honte ? Comment ai-je pu élever une fille aussi sotte ?
- N'est pas sotte celle qui croit, rétorqua Ambre, tout aussi agacée. Et cessez de hurler, vous allez réveiller notre invité !
- Je ne hurle pas ! explosa-t-elle. Si tu avais dix ans je t'aurai fait fouetter ! Quelle insolence ! Mais de qui tiens-tu ce caractère ?
- De vous, sans doute.

Ambre riait sous cape. Il était dangereux d'énerver sa grand-mère mais c'était plus fort qu'elle. Cette dernière sembla se calmer brutalement et un sourire cruel se dessina sur son visage.

- Au fait, comment as-tu pris l'annonce de la mort de ton père ?

Ambre frémit.

- J'aurai aimé le savoir avant ! Me l'annoncer devant tous les invités était cruel de votre part, mais guère surprenant. Que lui est-il arrivé ?
- La même terrible maladie qui a tué ton pauvre oncle...

Son regard ne dégageait aucune tristesse. Ambre fut prise d'un doute horrible : avait-elle osé ? Avait-elle tué ses deux fils ?

- Votre pouvoir et votre richesse, vous ne les emporterez pas dans la tombe !
- Est-ce une menace ?
- Un simple conseil.

Ambre quitta la pièce avec dignité, malgré sa fureur. Elle se rendit dans sa chambre, ôta ses armes et ses vêtements, enfila une chemise et se rendit dans la salle d'eau, où elle s'assit tranquilement dans l'eau chaude. Elle avait bien le droit de se relaxer un peu ! La journée du lendemain serait éprouvante.

Ambre se détendait finalement, allongée dans le bassin. Elle se leva pour prendre une huile et entendit la porte s'ouvrir. Losqu'elle reconnut Vassili, elle se figea un instant, stupéfaite, puis elle replongea dans l'eau, le visage rouge. Elle avait déjà été vue nue pas bien des personnes : son père et ses cousins, les servantes, certaines amies... Mais alors lui, elle ne le tolérait pas !

Elle se détendit. En même temps, c'était de sa faute. Cette salle était mixte et elle n'avait pas verrouillé la porte. Mais quand même...

- Eh ! s'insurgea-t-elle.

- Désolé Ambre, je voulais juste... vous parler.

Au moins, elle trouvait amusant de le voir rougir comme ça. Douce vengeance que de l'avoir mis mal à l'aise au moins une fois !

- J'avais en fait juste une question... Quelle est votre maladie ? Pour demain j'entends.

Ambre se demanda un instant si elle allait faire une remarque mais elle préféra ne rien dire. Profitant que Vassili lui tournait le dos, elle enfila une serviette et noua ses cheveux, puis elle s'approcha.

- Vous pouvez vous retourner, Vassili, je suis... décente.

*Ou presque.*

- Ma maladie... C'est une bonne question. Une bonne grippe devrait suffire à me tenir alitée. Si c'est trop grave, le guérisseur s'en mêlera et ce sera plus difficile de me couvrir.

Ambre le fixa. Cette intrusion, elle trouverait bien un moyen de la lui faire payer. Elle ne savait pas pourquoi elle lui en voulait autant.

- Vous avez déjà une idée pour empêcher le guérisseur d'entrer dans ma chambre ? Une de mes servantes sera dans la confidence, elle vous aidera.

(HRP : un peu court, dsl)

Ambre retourna dans sa chambre et jeta sa serviette avec rage. Elle enfila une longue robe de nuit blanche, une robe qu'elle avait dû emprunter à sa mère. Les siennes ne lui allaient plus. Au moins, elle avait grandi. Surtout en haut... Ambre sourit, indifférente. Au contraire, avoir une poitrine à faire frémir les hommes ne l'intéressait pas. C'était gênant pour tirer à l'arc et elle se faisait un peu trop souvent aborder dans les tavernes.

La jeune femme se saisit d'une brosse, ouvrit la fenêtre et siffla Falcor. La nuit était tombée, la lune en croissant baignait d'une lumière argentée les jardins arrières. C'était un beau ciel.

Ambre accueillit Falcor avec un sourire. Le faucon se percha sur le rebord du balcon et commença à lisser ses lumes avec fierté, signalant à sa maîtresse qu'elle l'avait dérangé durant sa nuit. Ambre éclata de rire et le taquina du bout du doigt. Puis elle commença à brosser ses cheveux. Ce n'était pas par coquetterie, mais surtout pour admirer le paysage. Elle resta un moment ainsi, profitant de l'air doux de l'été. Un peu de calme, c'était agréable.

Le visage rouge d'embarra de Vassili lui revint et elle pouffa malgré elle. La situation avait certes été gênante mais elle n'avait pas été la plus mal à l'aise et la scène la faisait doucement rire. Il avait un caractère odieux mais il réagissait encore comme un adolescent. Avait-il connu d'autres femmes ?

Ambre entendit la porte s'ouvrir et soupira. Qui venait la déranger, cette fois ? Vassili ? Sa grand-mère ?

- Ambre...

Ambre se retourna, surprise d'entendre la voix d'une servante.

- Naryu ! s'exclama-t-elle, ravie, en allant serrer la jeune femme dans ses bras. Tu as bien changé !
- Et c'est toi qui dit ça ! s'amusa-t-elle. Allez, habille-toi princesse ! On a organisé une petite fête pour ton retour.
- Une fête nocturne ! C'est très gentil à vous, il ne fallait pas !

Ambre congédia Falcor qui n'apprécia pas le traitement, puis elle enfila une robe légère et descendit aux cuisines rejoindre les serviteurs et les servantes qui l'attendaient avec impatience. Ambre avait grandi avec la plupart d'entre eux et son retour était surtout pour eux une promesse de changement.

La jeune fille festoya une bonne partie de la nuit, si bien qu'elle se sentait vraiment malade lorsqu'elle alla enfin se coucher. Le réveil fut difficile.

*Aujourd'hui, je dois parler à ma mère !*

La jeune femme revêtit sa tenue de noble, non pas la grande et belle robe de soirée mais une robe plus légère de tissus blanc et de toile violette. Laissant son arc, elle attacha néanmoins sa dague à sa jaretière. Toujours avoir une arme sur soi.

Ainsi vêtue, elle descendit aux cuisines et attrapa de la viande pour Falcor, puis elle se rendit au jardin et siffla. Falcor vint s'installer sur une branche et attrapa au vol la nourriture que son amie lui lançait.

Ambre entama une longue promenade en compagnie de son faucon. Silencieusement, elle faisait la liste de tout ce qu'elle devait faire avant son départ. Elle devait agir dans la matinée pour se faire passer malade dans l'après-midi.

Ambre, une fois sa douce et paisible promenade terminée, s'était mise à valser. Ou presque. Elle rassemblait discrètement tout ce dont elle avait besoin et, finalement, la liste était courte. Elle se contentait de peu et même plus : elle n'aurait pas besoin de ses vêtements de noble !

Fourrant dans son sac à bandoulière de la nourriture pour elle et pour Falcor sur plusieurs jours, remplissant à nouveau sa bourse, Ambre se trouvait déjà prête. Elle vérifia simplement l'état de ses armes et de sa légère armure. Elle pouvait toujours tomber sur des bandits : mieux valait être prudente ! Et puis, si tout se passait bien, elle aurait le gîte et le couvert à Ydril. Elle ne manquait pas de contacts chez les humains !

La jeune fille posa toutes ses préparations dans son coffre et sortit d'un pas précipité. Elle devait absolument voir sa mère. Et parler à Vassili avant son départ.

- Ah ! Attention !

Ambre leva la tête à l'avertissement de Lérion... trop tard. Percutant de plein fouet Vassili qui n'avait visiblement pas eu le temps de l'éviter, Ambre et le jeune noble tombèrent à terre.

Ambre se redressa et voulut grommeler mais, à la place, elle eut un léger rire.

- Ah, excusez-moi Vassili ! s'amusa-t-elle. Je suis un peu débordée ce matin. Et à courir partout comme ça, je risque d'attraper froid !
- Bonjour madame ! salua précipitamment Lérion, en s'inclinant.
- Je vois que vous avez déjà sympathisé ! C'est une bonne chose. Deux adolescents doivent bien se comprendre.

Elle avait ajouté cette dernière phrase avant d'avoir pu s'empêcher de la dire. Lérion paraissait scandalisé et Ambre se demanda si elle ne risquait pas de perdre la fidélité d'un de ses serviteurs, à agir comme ça avec Vassili.

- Vous alliez à la salle d'eau ? s'enquit Ambre. Bonne idée. Le matin, il n'y a personne que vous puissiez surprendre.

C'était une double remarque : un rappel du réveil en douceur et un autre sur l'évènement de la veille. Ambre se retenait pour ne pas rire.

- Lérion, tu devrais aller préparer l'eau !

Ambre se leva et tendit sa main à Vassili pour l'aider à en faire de même tandis que l'enfant s'éloignait en courant. La jeune fille jeta à son martyre un regard moqueur.

- Nous devrions parler un peu de... certains détails.

Ambre désigna d'un signe de tête la porte de la chambre de ses grands-parents qui se trouvait juste à côté. Elle devait absolument lui parler de la manière dont les choses allaient se dérouler durant son absence. Sur ce qui risquait d'arriver, tant du côté de sa famille que du côté des serviteurs. Vassili aurait bien du mal à garder la porte de la chambre d'Ambre fermée ! Il faudrait trouver d'autres astuces. Peut-être avait-il les idées, Ambre attendait d'en être sûre.

Ambre savourait de le voir aussi énervé. Mais bon, d'un certain côté c'était plutôt mal venu. Elle avait besoin de son aide pour faire annuler le mariage.

La jeune fille eut un frisson de dégoût en remarquant la robe de chambre en fourrure. Pauvre bête ! Si le mariage se faisait malgré tout, elle l'obligerait à se débarasser de tout ça sous peine d'avoir à endurer ses caprices toute la journée ! Ambre savait se montrer désagréable !

Oui, qu’est-ce qu’il y a … encore ?

Ambre retrouva le sourire. Un sourire insolent, plein de défi. Elle jeta un coup d'oeil méprisant à la tenue de Vassili.

- Excusez-moi de vous avoir dérangé pendant un moment si important, Vassili ! Vos affaires de soie n'ont pas trop souffert, j'espère ?

Elle avait un ton mielleux qui ne cachait absolument pas l'ironie. Après avoir bien profité de la situation, Ambre perdit son sourire et redevint sérieuse.

- Mes affaires sont prêtes. Je vais me faire passer pour malade à partir de cet après-midi pour que tout le monde puisse me voir alitée.

Ambre s'installa dans le fauteuil et croisa les jambes. Elle se reprit néamoins pour prendre une posture plus distinguée.

- J'ai pour moi la loyauté des gardes et des serviteurs, annonça-t-elle. Par la douceur, on fait bien des choses. Le problème c'est qu'ils risquent de s'inquiéter de mon état de santé et les gardes, surtout, pourraient vous poser des problèmes. Vous savez manier l'épée, n'est-ce pas ?

Ambre en doutait. Vu ses mains douces et parfumées, il n'avait certainement pas tenu son épée pendant de longs entraînements. Mais il pouvait être un sorcier, après tout !

- Ils me connaissent bien, ils savent que je ne tiendrai pas longtemps le lit même si une fièvre devait m'empêcher de poser un pied devant l'autre. Alors vous devriez affirmer de temps en temps que je suis partie prendre l'air dans l'observatoire ou que vous m'avez croisé dans le jardin. Pensez aussi à m'apporter du thé régulièrement. Je n'en suis pas friande mais ça, personne ne le sait.

Ambre se releva et dévisagea Vassili avec suspicion.

- J'espère quand même que vous n'avez pas changé d'avis, que vous allez bien couvrir mon départ pour que ce mariage soit annulé !

Elle prenait en effet un gros risque à lui confier ce rôle. S'il décidait de l'épouser malgré tout pour obtenir la fortune des Soltariel, il pouvait très bien, au lieu de la couvrir, la discréditer aux yeux de tous. Les gardes, les serviteurs, sa famille... Personne ne lui pardonnerait facilement ce mensonge !

Ambre approcha son visage pour le fixer dans les yeux. Elle se déconcentra un instant. Ils étaient si beaux ! Mais elle reprit rapidement contenance.

- Ne me trahissez pas, seigneur Vassili ! Je suis très gentille d'ordinaire, mais les traîtres connaissent vite un sort très désagréable !

Ne vous en faite pas Ambre. Je protégerais votre fuite, mais sachez que vous me revaudrez cela, un jour, ou un autre … Je saurais très bien inventer des mensonges pour justifier votre maladie, et votre incapacité à sortir, et empêcher quiconque de pénétrer dans votre chambre. J’y veillerais personnellement. Je ne vous trahirez pas, mais ce sera un service contre un autre. Vous le connaîtrez en temps voulu. En attendant, préparez-vous bien, et laissez moi me retirer, j’ai à faire.

Ambre serra les dents. Elle redoutait le moment où elle devrait payer sa dette, mais elle saurait également lui rappeler que c'était elle qui avait pris le plus de risques pour annuler leur mariage selon une volonté commune. Pour qui se prenait-il, à la fin ?

*Sale prétentieux de petit nobliau de bas étage !*

Ambre quitta la chambre d'un pas énervé. Elle entendait l'eau dans la salle d'eau. Vassili, sans doute. Elle haussa les épaules. Qu'il prenne son temps ! Au moins elle le l'avait plus dans les pattes !

La jeune fille se rendit dans les appartements de sa mère. Naryu, la suivante de la douce Amandine Soltariel, achevait de coiffer la dame.

- Bonjour mère ! salua Ambre, en baisant la main de sa mère avec respect et amour. Je regrette que nous n'ayons pas pu nous entretenir plus tôt !

Amandine se tourna vers sa fille et lui sourit, mais elle ne desserra pas les dents. après une longue attente, Naryu eut un léger soupir.

- Dame Amandine ne parle plus depuis plusieurs mois. Depuis la mort de sire Christopher. Elle se refuse à porter autre chose que du noir. Hier soir, c'était déjà exceptionnel qu'elle porte une couleur.

Ambre prit cette nouvelle comme une giffle. Elle observa le visage calme, serein mais... presque inexpressif de sa mère. Elle s'agenouilla, posa une main sur son bras et chercha son regard, en vain. Amandine n'était plus que l'ombre d'elle-même.

Ambre serra les dents et inclina la tête avec un sourire forcé. Elle raconta à sa mère tout ce qu'elle avait vécu depuis son départ, sa visite des falaises, sa traversé périlleuse des marais, la rencontre de nombreuses personnes durant son périple de retour... Amandine se contentait de lui adresser des sourires de temps à autre.

La jeune fille quitta la pièce et se rendit dans sa chambre, préférant esquiver le déjeuner. Elle ne voulait pas voir sa grand-mère, la responsable du malheur de sa famille. Ambre décida de simuler tout de suite. Elle enfila une robe de nuit, s'ébouillanta le visage et se coucha.

Quelques minutes plus tard, Naryu elle-même vint la chercher.

- Vous ne vous sentez pas bien, dame Ambre ?
- Non, je crois que j'ai attrapé une mauvaise grippe. Aurais-tu l'obligeance de prévenir ma grand-mère ?
- C'est l'état de votre mère qui...

Naryu hocha la tête, posa sa main fraîche sur le front encore rouge, brûlant et mouillé d'Ambre, puis elle quitta la chambre en promettant de rapporter le nécessaire.

Ambre se sentait réellement mal, mais ce n'était pas sa maladie, loin de là. Elle avait plutôt envie de pleurer et de hurler sa colère, tout à la fois.

Enfin, lorsque l'après-midi toucha à sa fin et qu'Ambre eut reçu les visites d'usages, la jeune fille sortit du lit, attrapa son sac, ses armes, appela Falcor, et descendit par la fenêtre, atterrissant en douceur dans le jardin. Question d'habitude ! Elle n'avait plus quinze ans !

En silence, elle se mit en route vers Ydril.

[hrp :tu peux jouer les premiers jours de Vassili seul au domaine si tu veux^^]