Demande à notre chère duchesse .

Aneldan arriva devant les portes du chateau ducal et ne put retenir un soupir d'admiration .Le palais était vraiment d'une beauté inouïe et il resta 10 bonnes minutes à en inspecter les détails tant ceux-ci étaient agréable ,et un petit pincement à l'estomac lui rappella pourquoi il était venu .

-Quand il faut y'aller ,on est bien obliger d'y aller ...

Puis il franchit la grande arche qui donnait sur la salle d'attente .A peine eut-il franchit le seuil ,en regardant le plafond peint ,un homme tout de rouge vêtu arriva de nulle part et lui demanda d'un ton méfiant :

-C'est pour une audience ?

Aneldan répondit ,bien qu'étonné par le ton du domestique .Cela ne fit que renforcer son stress .

-Euh ... oui ,c'est pour une demande .

L'être fit un geste explicite de la main et désigna la salle d'attente où se trouvait de quoi s'asseoir .Puis ,avant qu'Aneldan ait pu le remercier ,il se hâta vers la porte la plus proche .L'ancien bandit partit alors vers la salle indiquée

Aneldan attendait .Assit sur une chaise en acajou en patientant de recevoir une audience ,il en profitait pour admirer la magnifique antichambre de marbre de la salle du trône ducal .Son attitude mêlait émerveillement et trac .Demander à voir la duchesse est d'une telle audace .Il pensait à tous les préparatifs que lui avait imposé cette rencontre .Brocard impeccable ,et pantalon bleu lavé et relavé ,etc etc .Il se disait aussi que le pire restait encore à venir .Puis ,un bruit se fit entendre dans le fond de la pièce .Il détourna vite le regard :

-Oh ,ce n'est rien ,se dit-il

Il y'avait de quoi stresser ,mais là Aneldan devait vraiment se détendre .Il sortit alors son ocarina d'une main tremblante en pensant que cela l'aiderai ,mais il n'arriva à prononcer aucune note de convenable .Il pensa alors ,agacé de ne pas pouvoir décompresser :

-Raaah ,vite ,qu'on en finisse ...

Puis un second bruit de porte se fit entendre dans le fond de la pièce .Son coeur se mit à battre fort en voyant un majordome ,d'une tenue verte impeccable ,s'approcher de lui ,l'air droit et digne .Tentant de masquer son air avide ,Aneldan attendait la sentence .Il ésperait sincerement être reçu .Car l'attente se faisait lourde .

L'elfe s'approcha et déclara simplement :

La duchesse va vous recevoir.

Et il lui fit signe d'entrer dans la salle au plancher de marbre, aux murs drapés de tapisseries brodées d'or et d'argent, où de grandes fenêtres laissaient entrer la lumière qui éclairait la salle dans un chatoiement irréel.

Et debout au centre de la pièce, attendait la duchesse d'Eteniril, les yeux perdus dans le vague, contemplant sans la voir la forêt au dehors, incapable d'apprécier l'étalage de luxe autour d'elle. Elle ne voyait que la douceur du temps et l'éclat du soleil, et ce sans remarquer, qu'il nimbait d'or sa chevelure, et rendait étincelant son bracelet d'argent. Car la duchesse, même dans la demeure de ses ailleux, devant le siège ducal orné d'ambre et d'argent, ne portait qu'une légère robe verte, qui ceignait sa taille fine, et relevait sa poitrine, sans pour autant être ni provoquant ni ostentatoire. Elle n'avait de beauté que celle que la nature avait eu la pitié de lui accorder, et ne portait nul autre bijou que le bracelet qu'elle portait depuis des années. Elle avait des allures d'orpheline égarée dans un décor de conte de fées, mais amèrement elle ne pouvait que reconnaître qu'elle était orpheline depuis tant d'années qu'elle en avait perdu le compte.

Elle se retourna vers la porte, attendant l'entrée du visiteur. Un sourire ornait le visage délicat de la duchesse, illuminé autant par le soleil que par la curiosité. Rares étaient les visiteurs, depuis que sa demeure prenait des allures de mausolée. Le fait que son fils erre sur les routes n'arrangeait rien à cela. Car quiconque voulait s'entretenir avec le duc, avait plus de chances de le trouver en arpentant les chemins qu'en franchissant le seuil de la maison de ses aïeux.

Il eut bien sûr pu s'agir encore de funestes nouvelles, mais elle aurait alors bien assez de l'éternité qui suivrait leur annonce pour déplorer sans fin la cruauté du destin...

Je suis Sylvana d'Eteniril, et c'est un plaisir pour moi que de vous recevoir.

Ce qui n'était pas spécialement un mensonge, cela la tenait certes éloignée des bois qu'elle chérissait, mais elle était là chez elle, dans des lieux aimés et haïs, dont elle s'était languie presque autant qu'elle les avait eu en horreur, et écouter l'elfe lui donnait une excuse pour échapper au torrent de souvenirs qui déferlaient en elle.
Et si elle préférait se présenter, c'est qu'elle avait conscience que tous en ce monde ne pouvait connaître son visage, et qu'elle avait sous ses ordres des servantes plus richement vêtues qu'elle....

Aneldan s'éxécuta anxieusement lorsque l'elfe l'invita à avancer .Sa démarche se saccadait un peu .Lorsqu'il se trouva devant la porte ,tout le stress s'évapora en même temps que le trac .

Il se redressa ,juste avant que la majestueuse porte ouvre ses grands battants .Aneldan eut un dernier spasme .La pièce était vraiment à la hauteur de ce que l'on dit ,mais Aneldan ne prit pas le soin de la détailler ,tant il était mal à l'aise .La duchesse se présenta alors :

-Je suis Sylvana d'Eteniril et c'est un plaisir pour moi de vous recevoir .

Tentant de dénier tout signe d'irrespect et de paraitre le plus digne ,il détournait le regard autant que possible ,fit quelques pas dans la pièce sans se soucier de l'elfe majordome et s'agenouilla du plus qu'il put .Il parvint tout de même discerner le fait que la duchesse était étrangemet perdue dans ses pensées .Enfin bon ,cela ne le regardait pas après tout et il chassa ces pensées .Il dit alors ,en articulant de son mieux :

-C'est un très grand honneur pour ma personne ,duchesse Sylvana . Je suis Aneldan ,un humble citoyen du domaine ducal .

Il déglutit difficilement et reprit après une courte hésitation .Il est vrai que dans cette posture ,il parlait plus à ses pieds qu'a la duchesse .Et il les regardait un peu l'air de leur demander quoi dire .Enfin bon ,comme il ne savait pas trop de combien de respect il fallait faire part ,aucun affront à lui-même n'aurait été de trop .Il reprit :

-Je souhaiterai servir notre reine afin de rendre plus fort notre grand duché .Je me propose donc comme serviteur de la duchesse ,prêt à executer différentes missions pour son compte privé dans un but d'interêt national .

Il attendit dans une peur silencieuse que la duchesse manifeste sa réponse .Il n' avait à vrai dire jamais oser parler à quelqu'un de plus haut placé que le maire de son village ,alors évidemment ,ça change ... Il ferma les yeux et fit une légère grimace imperceptible se reflétant sur le sol de marbre impeccable .

La duchesse, qui avait trop vécu loin des siens pour ne pas s'étonner de l'attitude d'Aneldan, baissa les yeux sur lui et lui répondit sur un ton chaleureux :

Relevez-vous, Aneldan, laissez aux princes et aux rois, pour qui Eteniril n'est qu'une tache d'encre sur une carte griffonée, le loisir de se répandre en courbettes et gesticulations.

Puis, sur un ton plus ferme et légèrement outré, elle déclara :

Je ne souffrirai pas que les gens d'Eteniril se rabaissent à ce point, sur leurs propres terres. Et retenez dès aujourd'hui que je ne suis pas de ces gens que l'on émeut avec des courbettes et des coffres d'or.

Elle réfléchit un instant aux propos d'Aneldan, dardant sur lui ses yeux insondables, comme si elle craignait de lui, une quelconque trahison. Avec une prudence calculée, elle rétorqua :

Hélas, je n'ai pas la prétention d'avoir percé à jour les desseins de notre reine bien-aimée. Je ne peux donc nullement vous assurer que servir Eteniril servira l'intérêt du royaume tout entier, et complaira à ma royale cousine.
°Et je n'ai pas besoin d'alliés déjà vendus à d'autres...°

Peut-être la duchesse était-elle trop méfiante, mais la mort de son époux par la main d'un des siens, lui avait fait l'effet d'une douche froide, et elle était bien décidée à ne pas commettre les mêmes erreurs.

Je vous serais donc gré, d'aller proposer vos services à la reine, si c'est le royaume tout entier que vous voulez servir, ajouta-t-elle, laissant à d'autres le soin de s'interroger sur la question de savoir si servir la reine était dans les intérêts du royaume...

Mais si par le plus grand des hasards, il vous venait le désir de renoncer à de si nobles ambitions pour ne servir que les intérêts de la maison d'Eteniril, peut-être envisagerais-je de vous prendre à mon service...

Et disant ses mots, elle jaugeait Aneldan du regard, avec autant d'empathie dans les yeux que dans ceux du prédateur qui cherche à reconnaître la bête malade d'un troupeau pour en faire son festin.

Et avec un sourire carnassier, elle précisa, outrancière :

Mais sachez néanmoins, qu'Eteniril n'a aucun besoin de paillasson, et qu'il est très outrageux de ne pas regarder les gens à qui l'on parle.

°Si vous n'êtes pas digne de confiance, qui donc serait assez fou ou naïf pour vous prendre à son service?°

Elle eut presque un pincement au coeur à l'idée qu'un si piètre serviteur puisse se mettre au service de la reine.

Soit. Si vous changez d'avis, je doute que vous peigniez à retrouver la porte du château.

La duchesse le salua et le regarda s'éloigner songeuse, avec le regard de la mère qui voit s'éloigner son enfant et se demande quand elle le reverra.

°C'est sans doute mieux ainsi...°

Car comme elle l'avait supposé, il n'avait pas la trempe nécessaire pour se mettre à son service, et uniquement au sien. S'il devenait l'instrument de la reine, elle avait désormais le loisir de s'en défier, aussi blessant qu'il lui était, de devoir prendre garde aux siens... Car il était d'Eteniril assurément, aussi blessant que cela soit...

Mais la trahison était un risque qui coûtait trop cher pour qu'elle se permette de le payer, aussi précieuse eut être son aide... Elle ne valait pas le prix de la vie de ceux à qui elle tenait encore en ce monde.