Il est temps de choisir, Monseigneur.

Ce matin-là, à Ydril, le castel était en effervescence. Pages et valets couraient de-ci, de-là dans un bruissement d'étoffes et de chuchotements étouffés ; quelque chose se préparait. La garde personnelle du Comte était levée depuis déjà un bon moment et après s'être restaurée, s'échauffait déjà sur le terrain d'entraînement à effectuer quelques passes d'armes tandis que d'autres équipaient des chevaux aux écuries. Enfin, on put voir le Comte descendre de ses appartements ; équipé comme un jour de bataille, sa cape de voyage en plus, il discutait avec le capitaine de sa garde.

" A Diantra ! " Cria le capitaine, une fois tout le monde en selle. Il jeta un regard mauvais au ciel sombre et nuageux qui les surplombait. Des nuages aux formes aussi torturées ne pouvait pas être de bonne augure. Une légère bruine se faisait déjà sentir depuis les premières heures de la matinée, un fin brouillard de goutelettes d'eau qui s'infiltrent partout et vous glace les os. Stoïque, le Comte éperonna sa monture qui se lança le long de la route menant à la capitale des humains. C'est en passant à l'orée de la forêt non loin d'Ydril que le Comte se remémora les derniers évènements, en même temps que la pluie tombait en gouttes de plus en plus grosses.
La guerre venait enfin d'éclater au grand jour entre les peuples de Miradelphia et les Drows, aidés de leurs tristes alliés. Les nobles humains tombaient comme des mouches, que ce soit son prédécesseur, ou bien le Duc de Langehack. Un Duc ! Même un Duc n'était pas à l'abri d'une alversation. Le pouvoir de la royauté perdait de son éclat, même à travers une victoire telle qu' Alonna. Le royaume humain s'effritait de toutes parts, les nobles complotant chacun de leurs côtés. Le Roi en fut même réduit à nommer un demi-elfe à un poste important du royaume des Humains. Ce qui n'allait pas améliorer son image, que ce soit auprès des nobles ou de la population...
Surtout après des conflits impliquant des Elfes Noirs. Qui sont, à la base, des Elfes. Cette période s'annonçait troublée ; les Drows montrant une fois de plus qu'ils étaient présents et qu'ils ne comptaient pas en rester là... Cela ne pouvait plus durer.

Les paysages de forêts, de campagnes et de villages, de cultures et de fermes qu'ils traversèrent en allant à Diantra semblait couler tant la pluie tombait ; le triste spectacle faisait penser à une sombre toile où la peinture à peine sèche dégouline vers le cadre. Pas de bruits d'oiseaux, pas de sons de cloches, pas de cris d'animaux ; juste, en bruit de fond, le bourdonnement régulier de la pluie sur le sol. Relevant la tête, la capuche dégoulinante de pluie, on pouvait apercevoir au loin les premières tours de Diantra. Le voyage dut long, mais le temps passé à réfléchir sur son cheval renforça encore plus le Comte dans se détermination. La fin du trajet parut bien courte en comparaison du reste du voyage ; et déjà les portes de la ville se dessinaient non loin. Partis tôt dans la matinée, les voilà arrivés en milieu d'après-midi, accueillis par quelques averses régulières, sous un soleil qui tendait à percer les épais nuages. La cinquantaine de cavaliers pénétra sans difficultés dans l'enceinte de la capitale ; étant Comte, il y avait des questions et des fouilles qui ne s'appliquaient pas. Kalgar descendit de cheval une fois arrivé au château, ainsi que ses hommes ; des palefreniers se précipitèrent pour amener les bêtes aux écuries et les détendre après cette journée de voyage ; les chevaux piaffaient déjà d'impatience, et des sacs de flocons d'avoine étaient déjà apportés. Secouant sa cape en tapant dessus de sa main gantée, des gouttes d'eau perlant le long de sa cuirasse, le Comte gravit rapidement les marches de pierre menant au hall du chateau royal.

" Dites au Roi que Kalgar de Systolie, Comte d'Ydril est en ses murs. J'ai sollicité une audience avec lui, et je dois le voir sous les plus brefs délais. " Annonça le Comte, s'adressant aux gardes. Le visage arborant une expression renfrognée, épée au côté et heaume sous le bras, il se dirigea vers la salle du trône d'un pas vif, sa cape claquant de temps à autre. Il n'était pas vraiment en habits de cérémonie, mais un soin particulier avait tout de même été apporté à ses vêtement de voyage ; quand à l'armure, il ne la quittait quasiment jamais, comme si elle était devenue une partie intégrante de lui-même. Une dizaine de ses hommes le suivaient, dont une partie avait les bras chargés de coffrets de toutes tailles et de sacs de cuir sombre. La petite troupe avançait rapidement, et fut bientôt à hauteur de la porte menant à la salle du trône ; là, le Comte s'arrêta, et attendit, fixant du regard le chambellan chargé d'annoncer sa présence.

- "Sa seigneurie, le Comte Kalgar de Systolie."

Trystan se redressa sur son trône, alors qu'on annonçait le Comte d'Ydril. Celui-ci avait sollicité une audience par missive il y a peu et naturellement, le roi lui avait répondu qu'il l'attendait. Il se demandait de quoi le comte voulait l'entretenir. Kalgar était plus âgé et plus expérimenté que son prédecesseur. Silpheed avait mal fini, enlevé par les drows dans son château même, alors qu'Ydril brûlait... Encore un coup des drows. Encore et toujours. Cela ne pouvait plus durer... Ydril avait brûlé, le comte avait été enlevé, beaucoup de nobles étaient morts, Diantra avait été infextée par la Peste, les princesses violées, torturées, la reine suicidée et Ultuant était les dieux savaient où...

Non, vraiment, le royaume n'allait pas bien et Trystan montait sur le trône dans une conjecture plus que défavorable. Il savait pertinnamment que plusieurs nobles influents le jugeaient inaptes à régner, de par sa cécité ou sa jeunesse. beaucoup étaient des guerriers chevronnés qui n'avaient qu'une envie : faire la guerre. Certains réprouvaient même l'alliance avec les nains et les elfes. Vieilles rancoeurs, fiertés débordantes et obsolètes, peu importe... Il devait rallier les nobles, du moins, le plus possible. Il ne pouvait pas relever le pays avec des querelles intestines...

- "Messire de Systolie, que me vaut le plaisir de votre visite?"

Plaisir? Pas tout à fait. Mais il ne connaissait pas assez bien le nouveau compte pour deviner ses intentions. Et la missive avait été sybilline, de manière à attiser la curiosité du roi. De toutes façons, jamais Trystan n'aurait refusé un entretien à un Noble. C'était la moindre des choses. Si Kalgar était habillé de façon martiale, Trystan était vêtu sobrement de bleu et d'écru et seul le fin cercle d'or sur son crâne venait le dstinguer d'un noble quelconque.