Un pâle soleil d’hiver commençait lentement sa déclinaison lorsque la délégation odélianne arriva en vue du château de Serramire. Gaucelm chevauchait un superbe cheval odélian, plus grand et mieux bâti que les autres races, et était entouré par une cinquantaine de gardes et hérauts qui brandissaient fièrement la bannière au bélier. Le comte fit faire une petite halte au groupe, admirant les jardins enneigés depuis sa position. A l’aide d’une mouchoir, il essuya la sueur qui perlait depuis son front luisant jusqu’aux nombreux plis de son double menton, puis il s’adressa à un des cavaliers tout proches.
Gatien ! Annoncez-nous.
Le soldat, un petit rouquin barbu, se saisit d’une corne de guerre odéliane finement taillée et vernie, et là porta à ses lèvres. Un barrissement grave s’échappa de l’instrument, suivi d’un second plus long. Le comte d’Odélian annonçait ainsi son arrivée, comme il l’avait indiqué dans le message qu’il avait envoyé à Merwyn. Gaucelm gloussa de plaisir, imaginant l’impact que cette entrée devait avoir dans le cœur fébrile de son hôte. Le Gras se tourna un bref instant vers un cavalier qui déteignait parmi les autres. Le regard tenre, mal rasé, les cheveux poisseux et les mains ligotées à sa selle, le prisonnier se laissait guider vers le château, précédé uniquement vers Gaucelm, pavanant. Le Bélier reprit sa marche en avant à la rencontre de son duc. La délégation passa sur le pont qui enjambait les douves et se présenta bientôt dans la cour, étendards claquant dans la bise givrée de l’hiver. Le comte aperçut Merwyn qui venait à sa rencontre et s’adressa immédiatement à lui.
Cher Duc ! Comment allez vous en ce début d’hiver chatoyant?
Deux serviteurs trapus sautèrent de leurs montures et apportèrent un petit escalier, près de Gaucelm. Une fois en place, l’un deux fit le tour du cheval du comte et poussa sur son pied pour permettre au ventripotent bonhomme de basculer vers le second serviteur, qui stabilisait la masse ainsi déséquilibrée. Après ce périlleux exercice, Gaucelm pouvait descendre tranquillement, bien que soutenu sous chaque bras par ses assistants … Une fois sur le plancher des vaches, le comte d’Odélian s’inclina devant Merwyn, laissant échapper une vapeur musquée lorsque sa tunique fouetta l’air. Il sourit joyeusement et prit de nouveau la parole.
J’ai de bien tristes nouvelles, mon bon seigneur…