Curieux destin [ Zack]

Heaven restait éveillée près du feu qui la réchauffait. Elle avait dormi plusieurs heures durant, profitant du silence et de la tranquillité pour reprendre des forces. Entre les épineux protecteurs de la forêt d'Aduram, la jeune fille savourait cet instant de solitude. Comme chaque nuit, la malédiction du sorcier Caliban lui avait ôté la vue et Hayden, le faucon aux ailes d'argent, avait pris le relai. Il devenait ses yeux et veillait sur elle comme un père. La sorcière était enroulée dans une couverture pour se protéger du froid qui lui mordait la peau. Epaules et jambes nues, elle n'était pas chaudement vêtue pour affronter l'hiver. Un peu plus loin, Méphisto, le bel étalon blanc, dormait. Lui aussi avait besoin de récupérer après la longue chevauchée. Le voyage était épuisant, pénible et dangereux, mais Heaven ne se plaignait jamais. Elle avait choisi ce destin, et en assumait pleinement les conséquences. Son voyage en territoire Drow lui avait appris beaucoup de choses, ajoutant une voile de gravité sur ses traits gracieux.

Heaven, la magnifique sorcière, semblait plus triste qu'à l'accoutumée. Ses yeux de jade piquetés d'or semblaient briller sous les larmes, mais aucun sanglot ne vint rouler sur sa peau de satin. Silencieuse, immobile, elle attendit un long moment sans rien penser. Elle regardait sans les voir les flammes qui se livraient à une danse hypnotique, ne pouvant que jouir de leur chaleur et du crépitement sonore. Le bois se consumait lentement mais de temps en temps, la jeune fille remettait quelques branches. Après un moment de méditation où elle sentit le sang des Drows prendre le dessus, elle préféra remettre son bandeau. D'un geste délicat, elle le noua autour de ses yeux. Tissé par les elfes, le tissu avait de surprenantes vertus, visant à canaliser la mauvaise influence du sang Drow. Rassurée, Heaven eut un soupir et sursauta lorsque Hayden piqua sur elle et posa sur son épaule.

"Hayden... Tout va bien. Je n'ai pas besoin de ton aider pour le moment." murmura-t-elle avec une pointe de lassitude.

Parfois, le rapace en faisait trop, en dépit des protestations de la jeune aventurière. L'oiseau ne bougea pas tout de suite, puis finit par regagner son perchoir dans un arbre tout proche. Les voiles de la nuit, encore opaques, semblaient toutefois sur le point de se lever, car déjà, à l'horizon, le ciel blanchissait des premières lueurs de l'aube. Heaven n'était plus fatiguée mais elle n'était pas pressée de reprendre la route. Elle n'était plus certaine de vouloir emprunter le chemin qu'elle s'était imposé. Mais elle craignait qu'il ne soit déjà trop tard pour reculer. Le tout puissant sorcier Caliban ne s'arrêterait pas avant d'avoir récupéré Asgaliath, et Heaven, héritière de Flamme Cruelle, serait celle qui lui ôterait la vie, dut-elle en mourir.

Alors qu'elle se perdait à nouveau dans le fil douloureux de ses pensées, il lui sembla percevoir un bruit provenant de la forêt, quelque part autour d'elle. Peut-être un animal froissant le tapis de la forêt, ou alors un Elfe Noir embusqué prêt à lui tomber dessus. A moins que ce ne fût un voyageur égaré... Sur ses gardes, Heaven posa la main sur le pommeau de l'épée magique et se prépara à faire usage de ses pouvoirs pour défendre sa vie, si toutefois le besoin s'en faisait ressentir.

Le noir. Le vide absolu, le manque de conscience. Le grand vide, où rien n'est. Voilà dans quoi avait sombré la conscience de Zack lorsque les pulsations se firent trop fortes, et que sa main gauche commença à perdre de ses chairs, pour laisser place à un immonde oeil rouge, dont l'apparition avait d'autant plus déformé le dos de l'appendice du bras par ce qui avait suivit : de grosses et sombres veines, trop importantes pour être honnêtes. Mais le soldat, torturé intérieurement par les battements de coeur qu'il entendait alors qu'elle se faisaient de plus en plus intenses, n'avait pas vraiment prêté attention à l'horrible protubérance qui avait éclos sur sa main. Sa tête le lançait, ses tempes semblaient sur le point d'exploser. Il se tenait le front à deux mains, gémissants, serrant les dents, tandis qu'il tombait genoux à terre.
Il ouvrit les yeux une dernière fois pour voir ce qu'il ne serait peut-être pas à même de fouler à nouveau. Une rue pavée, sale. Et une lueur rouge qui émanait de sa main.
Puis soudain

BOBOM !

Une dernière palpitation dans son esprit, comme un coup de canon tiré dans les nerfs parcourant son cerveau.
Il n'eut même pas la conscience de s'écrouler à terre, face contre le sol mal entretenue de cette rue, dans le soir tombant.
C'est là que fût le noir. Le vide de toutes sensations, de tout repère. La mort ? Qui sait à quoi peut bien ressembler la grande Faucheuse une fois qu'elle vous lance une invitation que nul n'est à même de pouvoir refuser ? Zack ne pourrait répondre à cette question, et c'était heureux.
Le noir vide se teinta doucement de blanc. Un point vacillant, cerné de ténèbres impénétrables. Mais un point persistant. Le point commença à se fondre dans le reste, le teintant d'arcs de lumière. Puis de tout noir, le chaos passât à tout blanc. Puis un point rouge apparut, qui se répandit à son tour, suivant le manège du point blanc. Une infinité de couleur teinta ainsi le blanc, qui finit d'ailleurs par ne plus l'être.
Et là, dans ce tableau bien indéfini, la conscience reprenait peu à peu ses droits. Avec douceur. Et avec elle, les sens à nouveau se manifestèrent. Timidement pour commencer, puis avec plus d'assurance au fur du temps qui s'égrainait.
C'est maintenant que le jeune Walters reprenait pied dans son propre corps.

Ce qui le frappa de prime abord, ce fût le goût. Dans sa bouche, l'hémoglobine souillait sa langue. Vint ensuite le toucher, qui se mit en devoir d'apprendre au corps qu'un vent léger et que température basse le baignait, et que sa tête lui faisait encore un peu mal. L'ouïe, ne voulait pas être dernière de la classe, se réveilla à son tour, et apprit à Zack que l'endroit où il gisait était silencieux, mis à part un vent froid (merci le toucher) qui remuait les feuillages. Odorat, pour se faire remarquer, signala à tous qu'il humait l'air frais de l'herbe et du bois vert.
En princesse, ce fût la vue qui fît son entrée en scène, avec un temps de retard par rapport à ses camarades. Elle se manifesta tandis que le soldat ouvrait les paupières.

Couché dans l'herbe tendre, Zack revenait peu à peu à lui. Il eut du mal à comprendre où il se trouvait, sa conscience nouvellement émergeante montrant quelques difficultés à faire le point. Il finit tout de même par récuperer l'usage de son corps, et entreprit de se lever.
Ce qu'il fit, avec plus où moins de bonheur. Trébuchant de par ses jambes fléchissante, il se rattrapa de justesse au tronc noueux d'un hêtre qui se trouvait miraculesement là. Appuyé contre l'arbre, pour tenter de reprendre vraiment le dessus, il crachât. Un léger caillot de sang, mêlé à la salive. Le goût, et sa tête douloureuse, eurent raison de son estomac. Il rendit le dernier repas qu'il avait avalé derrière un petit bosquet.

Ceci fait, il se sentit un peu mieux. Au moins, sa conscience était bien là, et ses forces lui revenait peu à peu. Il s'inspecta et constata avec bonheur qu'il n'était pas bléssé. Mais il déchanta vite quand son regard tomba sur le dos de sa main gauche. Il poussa même un cri. L'oeil immonde sembla se darder dans les siens. La main était couverte de sang, et de petits lambeaux de chair. Ne lâchant pas du regard cet oeil qui n'était pas l'un des sien, il farfouilla de son autre main dans la petite sacoche qu'il portait dans le creux des reins, et en tira une bande de tissu. Un bandage dont il couvrit avec dégoût sa main gauche. A défaut de gants.
Une fois ce piètre camouflage fait, il se mit à explorer des yeux les environs, parlant pour lui même.

- Mais.... Mais.... Je suis où, là ? C'est simplement du délire..... J'étais en pleine ville, et voilà que.....

Il ne trouva pas le courage de finir sa phrase. Il était de nouveau sur un terre inconnue, loin, bien loin des quelques repères qu'il avait pût établir sur le précédent. L'histoire serait elle donc un long passé ?
Il secoua la tête en signe de dénégation personelle. Se levant de son appui, il regarda l'horizon.
A quelques pas de là, il lui sembla apercevoir la lueur d'un feu. Mirage, où réalité ? Qu'avait il à aller vérifier, aprés tout ?
Il avanca donc, se posant mille questions. Puis il se saisit de l'épée qui dormait sur son dos. Sentir la poignée dans sa main renforcait son courage. Nul besoin d'être magique pour un objet lorsque son possesseur lui attribue déjà inconsciemment quelques vertues.
Zak avança donc de plus en plus, et vit que le feu n'était pas illusion. Il sourit. Au moins, il n'était pas seul.

Alors qu'il arrivait à proximité, le feuillage trahit sa présence. Il ne distinguait pas bien, mais vit une forme se saisir d'une épée. Mais la forme ne fit rien de plus, et Walters décida d'intepréter cette inaction comme une renonciation d'actions belliqueuses.
Il se mit donc à la vue de la personne, encore masquée par l'ombre environnante. D'une voix calme et timide, il dit simplement

- Bon.....Bonsoir ?

Heaven entendit une voix. Quelqu'un l'avait saluée, d'une voix timide et mal assurée. Mais la jeune fille était méfiante et elle ne se fierait pas à une simple voix. Pas après sa rencontre avec Sylnea, Fille du Chaos. La main sur le manche de son épée, elle ne bougea pas. De toute façon, aveugle qu'elle était, les yeux dissimulés par le bandeau de velours noir, que pouvait-elle faire d'autre ? Elle n'allait pas se jeter inutilement dans une rixe mais saurait se défendre si l'inconnu manifestait quelque mauvaise attention. Consciente, qu'elle n'avait toujours pas répondu à l'homme - qui devait donc se demander si elle n'était pas sourde en plus d'être aveugle - elle tourna légèrement la tête sur le côté, en direction de la voix.

"Si tu vis pour répandre le sang, reprend ta route sans tarder car je ne veux pas de problème. Mais je n'hésiterais pas à utiliser Asgaliath si tu mets ma vie en péril. Toutefois, si tu viens en paix, tu peux approcher et te réchauffer près de ce feu."

La voix de Heaven était toujours aussi douce et mélodieuse, en parfaite symbiose avec la beauté angélique qui était la sienne. Cependant, les apparences étaient parfois trompeuses. Tout être au monde était la victime d'un combat épique opposant l'ombre et la lumière, et dans chacun, l'un de ces deux éléments prenaient le pas sur l'autre. On choisissait de montrer sa lumière ou ses ténèbres, mais cela n'éradiquait pas l'ennemi éternel. Si Heaven affichait sa lumière, sa fragile beauté pouvait abriter de bien méchants desseins. C'était sans doute pour cette raison que la jeune sorcière n'avait jamais craint un ennemi, ni la mort.

"J'ai été prénommée Jillian mais j'ai pour nom Heaven. Appelle-moi ainsi. Et toi ? Quel est ton nom ?"

Elle faillit lui dire d'éviter tout mensonge mais elle songea qu'elle le saurait de toute façon, grâce à sa capacité de lire dans les esprits. S'il mentait, il ne ferait que aiguiser la méfiance de la jeune fille, et risquerait de s'attirer ses foudres. Elle tourna son visage au regard masqué vers l'horizon, essayant vainement de déterminer si le soleil allait bientôt se lever ou non. Elle commençait à en avoir assez. Elle eut un soupir navré et reporta son attention sur l'inconnu, qui semblait hésiter à s'approcher. Mais l'aventurière décida de ne pas le précipiter, et d'attendre qu'il vienne de lui-même.

Resté sur ses gardes, Zack n'avait fait qu'attendre la réaction de l'être qui profitait des flammes. La personne ne répondit pas de suite, et le jeune homme se demandat seulement si la surdité n'était pas compagne de voyage. Il allait donc s'avancer sans invitation lorsque la femme (car au vu du timbre de voix, nulle doute que cela en était une) se mit à parler, sur un ton sec et méfiant.
Il l'écouta avec attention. Elle se montrait prudente, et cela était tout à son honneur. Mais elle semblait aussi ouverte et propice à l'acceuil, ce que le soldat retint, marquant sa satisfaction d'un léger sourire. Il s'avança donc, et constata pour la première fois que son hôte de fortune avait les yeux ceints de tissu. Aveugle. Le soldat fit une légère moue. Lui craignait plus que tout autre ce handicap, et plaignait sincèrement ceux qui s'en voyaient affublés par le destin.
Alors qu'il faisait face à la demoiselle, encore séparée de lui par le brasier crépitant, il parlât à voix un peu plus haute que celle qu'il avait eut jusque là.

- N'ayez crainte, Dame. Je ne suis pas içi pour chercher querelle, uniquement pour profiter du repos et de la douceur des flammes. Je ne saurais vous déranger, vous le verrez.

Il ponctua sa phrase d'un sourire, se rappellant avec honte qu'elle ne pouvait en profiter. Il espéra cependant que le ton sincère qu'il avait doné à sa voix suffirait.
Afin de prouver autant qu'il en était capable qu'il n'en voulait ni à la vie de la jeune femme, ni même à sa bourse, il ficha son épée en terre avec grand bruit, qu'elle puisse comprendre ce qu'il tentait de démontrer.
Elle ne sembla pas s'y arrêter, et aprés quelques secondes de silence, elle entama la conversation, tandis que Zack s'asseyait près du brasier crépitant. La voyageuse déclara s'appeller Jillian, mais l'autorisa à la nommer Heaven.
Il écouta avec attention, et ne pût réprimer un sourire. D'aprés ce qu'il avait pût en voir, sa compagne était plutôt jolie, et son corps, bien qu'enroulé dans une pauvre couverture, était digne d'intêret. Il rougit aussitot à cette pensée. Mais il était curieux de voir qu'une femme aussi jolie disait s'appeller Heaven... Dans ce monde, ce mot avait il la même signification ? Heaven, femme à la beauté angélique....
Il réalisat aprés un blanc dans la conversation qu'elle lui avait demandé son prénom. Il rattrapa donc son oubli.

- Eh bien, dame Heaven, je me nomme Zack. Zack Walters, la "Lame Chantante". Et je vous remercie de votre permission à partager votre feu.

Il la vit lever le visage, vers l'horizon, et bêtement, suivit la direction supposée de son regard. Et de ce fait, il s'aperçut qu'il lui était impossible de déterminer l'heure qu'il pouvait bien être. Vu les rayons du soleil, la teinte du ciel.... On ne pouvait determiner à cet instant précis si le soleil était couchant, où se levait. Il regarda quelques instants, puis reporta son regard sur la jeune femme. Son visage avait d'harmonieux traits. "Quel dommage qu'elle soit frappée de cécité", pensa t'il, compatissant.

- Pardonnez ma curiosité, mais que fait une demoiselle dans cette fôret, seule de surcroît ?

Il était véritablement curieux. C'était là un des dons du jeune homme : s'interesser avec sincérité à son prochain. Il resta donc là, assis, la dévisageant avant de se rendre compte qu'il pourrait l'indisposer. Se sentant géné, il perdit son regard dans l'horizon de flammes.

Heaven fredonnait un air, tout doucement, lorsque le jeune homme se présenta. La jeune fille se tut et l'écouta attentivement. Hayden choisit cet instant pour prendre son envol et venir se planter près d'elle, à distance respectable des flammes vivaces. L'inconnu disait s'appeller Zack Walters. Le mensonge ne transparaissait pas dans sa voix. Il disait probablement la vérité. Heaven eut un sourire charmant, jugeant que son nouveau compagnon du moment n'avait pas de mauvaises intentions. En tout cas, il ne dégageait aucune aura maléfique et ne semblait pas source de violence. La sorcière reprit la parole, ignorant sa dernière question :

"Lame Chantante... C'est ainsi que j'aurais pu appeler Asgaliath. Le surnom lui aurait été un peu plus approprié que Flamme Cruelle... Est-ce que vous l'entendez ?"

Elle se tut et laissa le chant de l'épée, sublime mais étrangement triste, s'élever depuis son fourreau jusque sous les arbres alentour. Depuis quelques temps, Asgaliath murmurait beaucoup, lui soufflant à l'oreille des choses curieuses. Non que l'épée fût véritablement vivante, néanmoins, elle avait bien une conscience, et peut-être même une volonté propre. Mais Heaven n'était pas certaine de bien la connaître encore. Elle était sa compagne depuis quelques semaines seulement. La ravissante aventurière eut un petit éclat de rire cristallin. Elle sentait les premiers rayons du soleil sur sa peau. C'était si délicieux.

"Dis-moi, est-ce que le soleil est encore bas ?" demanda-t-elle sur un ton plus enjoué en reportant son attention sur Zack.

Le faucon aux ailes d'argent, posé près d'elle, commençait à s'agiter et Méphisto, lui, se réveillait, prêt à repartir. La jeune fille ne laissa pas le temps au guerrier de répondre, se rappelant soudain qu'elle avait éludé sa dernière question. Ses joues rosirent délicatement et son sourire s'accentua :

"Pour répondre à ta question, cette forêt m'a semblée appropriée pour une halte. J'avais besoin de repos et surtout, de me réchauffer un peu. Je suis une voyageuse. Une aventurière. Mais pas si solitaire qu'il n'y paraît. Regarde... Ce rapace est mon guide, sur le chemin comme dans les combats. Et Méphisto, mon étalon, est aussi un très fidèle compagnon..."

Heaven commençait à bouger, comme si elle se réveillait petit à petit. Bien qu'encore aveugle, elle donnait l'impression d'être survoltée, pleine de vie, joyeuse à toute heure. Pourtant, rien dans sa situation ne rendait compréhensible une telle attitude. Mais Heaven ne s'appelait pas ainsi pour rien. La jeune sorcière se leva, s'aidant de son arc pour assurer sa route, guidée par les cris de Hayden lorsqu'elle approchait d'un obstacle ou d'un danger. Elle contourna le feu et se rapprocha du jeune homme.

"Alors ? Dis-moi, le soleil est-il bientôt levé ? Je peux presque sentir sa chaleur, mais avec le feu, c'est peut-être trompeur..."

Jamais le jeune soldat n'aurait cru pouvoir entendre ça. Le chant qui s'élevait de l'arme de la belle aveugle. Une curieuse mélopée nimbée de tristesse qui entourait l'endroit, et semblait se coupler à la plainte du vent dans les branchages. Pourquoi la tristesse est parfois muse de choses sublimes ? Zack ne le comprendrait sûrement jamais. Il fermât les yeux quelques instants, et se laissa vagabonder sur le chant d'Asgaliath. Quelques souvenirs douloureux lui revinrent en mémoire, comme trop souvent. Le souvenir de sa soeur, prise dans un conflit sanglant auquel elle n'avait pas à tomber. Il réprima un sanglant lorsque la voix de satin de la demoiselle couvrit la mélodie de cette bien curieuse lame.

"Dis-moi, est-ce que le soleil est encore bas ?"

Il fût doublement surpris. Une première fois par l'interruption d'Heaven lors du "tour de chant" de sa métallique compagne. Et une seconde fois lorsqu'il réalisa la question qui venait de lui être soumise.
Il revint brusquement à la réalité, balbutiant une réponse, si basse qu'elle parût ne pas l'entendre.

- Je....euh......hum......... Il n'est ni couché, ni même levé..... Enfin....

Elle se bougea un peu, sous les yeux de Zack qui cherchait à se sortir de ce marasme dans lequel il pataugeait bien involontairement. Il avait apparement réalisé qu'elle n'avait pas fourni de réponse au jeune homme, et tenta de se rattraper autant qu'elle le pût, essayant de prendre un ton plus fort et assuré, tandis que ses pomettes trahissaient un léger rossissement.
La réponse qu'elle fournit à Zack étonna ce dernier.

- Une aventurière ? Une demoiselle qui vagabonderait, accompagnée d'animaux et d'une lame capable de chanter d'elle même ? Que voilà une curieuse compagnie ! Mais si je puis insister, dame.... Pourquoi voyagez vous ? Je sais, vous n'êtes pas seule ! Mais vous êtes.... Comment dire....Enfin.....

Il finit à peine sa phrase, ne voulant pas la blesser. Mais il se résolut à aller au fond de sa pensée, au moins par reconnaissance envers la compagnie qu'elle lui avait offerte.

- .....Vous êtes aveugle.....Alors je m'interroge. Mais pardon.... Je n'ai pas à vous juger ainsi.

Walters si elle ignora volontairement la question, où si elle la reservait pour plus tard, et cela le mis mal à l'aise. Elle se leva, trouvant appui sur son arc, tandis que le faucon sembla par la suite la guider lorsqu'elle voulut s'approcher de lui. Simple tour de l'imagination du guerrier, où véritable action, elle sembla manquer de tébucher à un moment, et il se précipita vers elle, saississant son bras.
Rougissant, cherchant de quoi se justifier, il n'eut pas l'occassion de le faire, qu'elle ouvrait à nouveau les lèvres, voulant à nouveau prendre connaissance de l'avancement du soleil.
Il ne pouvait plus y couper, et tenta la réponse la plus honnête qu'il pût.

- Je l'ignore. Il semblerait..... Il semblerait que j'ai dormi une journée durant. Alors je ne peux que supposer qu'il se lève, Dame.

Il lui sourit, se souvenant une nouvelle fois aprés coup qu'elle ne pouvait le voir.

Heaven pencha la tête sur le côté et se rapprocha presque timidement du jeune guerrier. Elle tendit le bras vers lui, son sourire éblouissant toujours fiché sur ses lèvres. Du bout des doigts, elle toucha son visage et étudia son expression, tâtant sa figure avec délicatesse. Elle eut un petit rire, doux et éphémère, puis ramena sa main vers elle.

"Vous êtes un bel homme, mais vous êtes nerveux, inquiet. Vous semblez mal à l'aise. Est-ce à cause de moi ? Ma cécité vous gêne-t-elle ? Il n'y a nulle honte en ça... Les gens ne savent pas toujours comment se comporter en ma présence..."

La jeune sorcière sourit lorsqu'il annonça qu'il ne savait pas si le soleil se levait ou se couchait. Mais s'il voyait l'astre, cela signifiait qu'il se levait, car Heaven était aveugle depuis hier soir. Elle eut un soupir, impatiente de retrouver la vue. A cette pensée, elle se souvint que Zack avait émit une curieuse réflexion, sur le fait de sa cécité, peu adaptée à sa situation d'aventurière. Il était vrai qu'une telle révélation pouvait en surprendre plus d'un, et personne ne pouvait deviner qu'elle n'était aveugle que de nuit. Elle tourna légèrement la tête, essayant de percevoir les premiers rayons du soleil, sans succès. Mais qu'il était long à se lever...

"Vous savez, il ne faut pas toujours se fier aux apparences..."

Disant cela, elle essaya de regarder en direction du jeune homme, silencieux et immobile. Elle espérait qu'il n'avait pas bougé car elle détestait s'adresser à quelqu'un, le croyant à un endroit donné alors que ce dernier avait bougé. C'était sujet à moquerie et ce genre de comportement blessait la jeune fille.

"Pour vous dire la vérité, je ne suis aveugle que de nuit... Etrange, n'est-ce pas ?"

Elle eut un triste sourire et, prudemment, contourna de nouveau le feu pour venir se rasseoir près de Méphisto. Elle laissa tomber la couverture, révélant ses épaules à demi-nues, et ramena ses jambes contre elle, les bras autour. Avec un soupir, elle reprit :

"Et pour les détails de cette sordide histoire, un puissant sorcier Drow, mon ennemi juré et celui de ma lignée, m'a jeté cette malédiction alors que j'étais encore une enfant. Chaque nuit, je perds la vue et le sang Drow qui coule dans mes veines refait surface. C'est ainsi."

Si le bandeau n'était pas noué autour de ses yeux, Heaven aurait parié que les larmes auraient inondé ses joues. La gorge serrée, elle chassa l'amertume de cette histoire et se força à sourire.

"Si je veux me libérer de cette malédiction, je dois trouver ce damné soricer du nom de Caliban, et le tuer. Asgaliath lui ôtera la vie. Alors le sortilège sera rompu."

Sa voix était si basse sur la fin qu'elle se demanda si Zack l'avait entendue. Mais cela lui importait peu. Il était bon, de temps à autre, qu'elle se rappelle le but ultime de son odyssée. Le pourquoi de son existence, la raison de son héritage... La lignée Gaya devait être ainsi vengée.

Elle explora le visage du jeune soldat de ses doigts fins et de ses manières douces, agrémentant son geste s'un sourire superbe, qui fît battre le coeur du guerrier, et qui mit le feu à ses joues. Toujours cette timidité incroyable en présence des femmes. Et quand de surcroit, celle çi sont jolie....
Zack avait fréquenté quelques vieux aveugles, des bléssés de guerre. Et ces derniers s'étaient comportés comme Heaven, explorant les visages inconnus de leurs mains, pour pouvoir se les imagnier, se les représenter. Au vu des paroles qu'elle adressa à son compagnons, Zack ne pût s'empêcher de constatr qu'il avait vu juste. Et il ne pût pas non plus empêcher son visage de passer au rouge bien mûr, aprés les propos de la demoiselle.
Il en était gêné, et bafouilla plus qu'il ne parla, se frottant la nuque.

- Je...enfin...oui....mais bon.... les....le...hum... comment dire..... Voilà, quoi...

Pas vraiment une réponse, tout ça. Mais oui, il était gêné de par la cécité de la belle, ne sachant pas vraiment comme bouger et agir, ne voulant la froisser.

Tandis qu'il se taisait, honteux de ne pas parvenir à articuler distinctement quelques mots, elle commencça à se livrer un peu à lui, lui disant qu'il ne fallait guère se fier aux apparences. Zack ne comprenait pas pourquoi elle lui disait ça. Lui mentait-elle ? Où peut-être ses mots précédents n'avaient ils été que moqueries ? Le jeune soldat en doutait, et préféra laissa la parole à sa jolie interlocutrice.
Il resta planté là, debout, n'éméttant pas de bruit, et la fixant de ses yeux couleur de l'ébène.
A un moment, elle sembla chercher le jeune homme, comme pour s'assurer qu'il était bien là à l'écouter. Zack ne rompit pas le silence, mais étreignit délicatement la main de la jeune aveugle, lui faisant comprendre qu'elle jouissait de la totale attention du garçon.
Avait elle correctement interprété le geste ? Quoi qu'il puisse en être, elle continua à parler, et révéla qu'elle n'était aveugle que de nuit.
Walters eut une expression de suprise, et un léger mouvement de recul. Il ne dit rien, ce qui incita peut-être la demoiselle a retourner près de son étalon.
Pourtant, alors qu'elle couvrait les quelques mêtres la séparant du destrier blanc, il lui adressa quelques mots.

- De nuit ? Uniquement de nuit ? Mais par quel fait ?

Alors qu'il achevait sa phrase, elle s'était installée, devoilant au guerrier ses épaules nues, puis d'un ton empreint de larmes, du moins pour ce qui en semblant au soldat, elle se mit à évoquer les grandes lignes de ce qui devait être son histoire. Il écouta, auditeur attentif. Et s'aperçut qu'un des mots ne lui était pas connu. Que pouvait bien signifier "Drow" ? Zack l'ignorait. Il fût tenté de le demander à sa compagne, mais les interrogations suivraient, et il ne souhaitais pas évoquer sa propre histoire, de peur qu'elle le prenne pour un fou.
Sentant que la belle n'allait pas trés bien, broyée par le poids de ses propres mots, il contourna le feu et vint se poster près d'elle, s'accroupissant pour lui faire vraiment face. Craignant qu'elle ne l'ai pas entendu, il posa une main empreinte de respect sur l'un de ses genoux. Rassurée, où plutôt partie sur sa lancée, elle évoqua un certain "Caliban", qu'elle se devait d'abattre pour recouvrer un usage total de ses yeux, que Zack imaginait fort beaux. Elle avait parlé à voix basse, mais Walters avait saisit chaque mot.
Comme pour lui signifier son écoute, il appuya plus fort sur le genou d'Heaven, et commença à lui parler d'une voix basse, se voulant rassurante et compatissante.

- N'ayez crainte... Je suis persuadé que que Caliban finira par goûter l'acier de votre lame, et que cette malédiction cessera. Vous me semblez déterminée, et je suis prêt à vous apporter mon aide, sous la forme qu'il pourrait vous plaire d'accepter.

Ses mots ne sonnaient pas faux. Il était sincère, et lui apoorterait son aide avec passion. Il n'était pas homme à se faire mousser auprés d'une femme, si jolie qu'elle puisse être. Le comprenait elle ? Zack l'ignorait.
Il porta son regard sur l'épée de la demoiselle. Elle semblait d'excellente facture. Savait elle seulement s'en servir ? Le guerrier se proposa de le vérifier dès le jour levé. Mais pour l'instant, il considéra que sa compagne n'avait pas besoin de croiser le fer, même pour un entrainement.
Il tourna la tête vers le soleil, et contata qu'il restait une bonne heure avant que celui çi se lève, du moins si il ne faisait pas erreur. Voyant qu'Heaven semblait toujours aussi triste, il se mit en devoir de lui venir en aide.

- Attendez, je vais vous montrer quelque chose.

Il se leva, et allât chercher son épée, qu'il avait précédemment fichée en terre pour signifier qu'il n'était pas animé d'intentions belliqueuse. Il revint vers sa compagne.

- Permettez moi de m'assoir prés de vous, dame Heaven. De cette façon, vous saurez précisement où je suis.

Il attendit quelques secondes, puis joignit le geste à la parole, et vint s'installer prés de la belle aveugle. Le dos calé contre un gros rocher, une jambe tendue, l'autre plié genouvers le ciel. Dans ses mains, il tenait sa précieuse arme. La pointe et la lame de celle çi contre le sol, et la garde au niveau du visage du soldat. Celui çi s'affairait d'aiileurs sur le manche, qui commençait à se dévisser aprés quelques manouevres complexes, connues de Zack seul. Tandis qu'il oeuvrait, il parlait à son infortunée compagne.

- Je vous ai dit m'appeler "Lame Chantante", mais ce titre conviendrait plus à désigner Ocarina, mon arme. Voyez vous, je dissimule dans sa poignée....

Il finit par désoldariser le manche de la garde, et sortit de celui çi un cylindre d'argent percé de petit trous. Le tube brillait à la lueur des flammes qui les réchaffaient tout deux.

- Une flûte traversière.

Il prit la main de Heaven, lui faisant explorer avec douceur ce nouvel objet à la surfce douce. Il abandonna l'instrument aux doigts de sa compagne, puis lorsqu'elle lui rendit, il continua.

- Voulez vous un peu de musique ? Il y a quelques temps que je n'ai pas joué... Cela nous occupera, vous et moi !

Heaven n'arrivait pas à effacer son sourire. La timidité et la gêne du garçon l'amusaient. Elle ne lui en voulait pas le moins du monde mais espérait qu'avant qu'ils ne se séparent, elle aurait réussi à le mettre suffisamment à l'aise pour le sentir totalement détendu à ses côtés. Quand elle évoqua Caliban, Zack lui répondit avec une détermination sincère, proposant de lui apporter son aide. Bien sûr, la jolie sorcière en fut très touchée mais au fond d'elle, elle savait que cela ne serait pas nécessaire. Par ailleurs, elle ne voulait pas entraîner le guerrier dans ses ennuis. Il devait déjà avoir les siens et elle ne supportait l'idée de mettre en danger la vie d'autrui par sa faute. Si un innocent devait être blessé ou tué et qu'elle en soit responsable, Heaven craignait de ne jamais pouvoir s'en remettre. Trop attachée à la valeur d'une vie, à ceux qui croisaient son chemin, la demoiselle avait résolu de demeurer solitaire au possible. Elle adorait rencontrer des gens, elle avait déjà eu des aventures avec certains d'entre eux, mais cela ne durait jamais. Heaven ne pouvait pas rester au même endroit bien longtemps. L'appel du voyage, l'appel de son destin, le besoin de bouger et de parcourir le monde... Tout cela la poussait sur les routes, avec pour principaux compagnons Hayden et Méphisto.

Un court instant plus tard, Zack changeait radicalement de ton. Un ton plus enjoué, comme s'il s'apprêter à dévoiler une passion quelconque. Il voulait lui montrer quelque chose. Heaven ne répondit pas, hochant simplement la tête avec son éternel sourire, plus disrcret mais toujours aussi doux. Il lui demanda l'autorisation de s'asseoir près d'elle mais avant que la jeune sorcière ait pu lui dire "oui", il joignit le geste à la parole. Elle le sentit tout proche d'elle, ce qui la mit étrangement en émoi. Mais peut-être était-ce simplement parce qu'elle aimait sa compagnie. Il était gentil et sincère, c'était plus que ce qu'aurait pu demander Heaven.

Elle l'entendit manipuler l'épée qu'il avait récupérée, comme si la démontait, mais fut totalement incapable de comprendre son entreprise, jusqu'à ce qu'il lui fasse comprendre qu'il venait de sortir une flûte traversière. Sidérant. Le sourire de Heaven s'accentua lorsque sous ses doits, elle sentit la matière douce, froide et lisse. Elle parcourut l'instrument avec un doigté délicat et précis, projetant ainsi une représentation parfaite de l'objet dans sa tête. De toute manière, d'ici peu de temps, le soleil serait levé et elle recouvrait la vue. Elle pourrait alors retirer son bandeau et jouir pleinement de sa vision.

"Je vous en prie, jouez-en un peu pour moi", chuchota-t-elle. "Cela nous occupera jusqu'au lever du soleil..."

Elle eut envie de lui faire part de son opinion concernant sa proposition de lui venir en aide, mais estima que l'heure n'était pas opportune. Un peu de musique serait la bienvenue et celui lui laisserait un moment de réflexion, pendant lequel elle pourrait se détendre un peu. Un souffle de vent lui arracha un frisson et elle remonta un peu la couverture sur ses épaules nues. Hayden veillait, attentif, et Méphisto s'était réveillé, sans doute depuis un moment. Mais il ne bronchait pas, immobile, attendant seulement le moment du départ. La sorcière se laissa bercer par les premières notes qui retentirent dans la forêt, et eut un soupir bienheureux. Il y avait si longtemps qu'elle n'avait pas entendu de musique...

"Zack, Zack ! Joue pour nous, gamin !"

Alors que dans la forêt silencieuse, devant ce feu qui se faisait mourant, les premières notes de la flûte résonnèrent, le soldat laissa la musique le subjuguer. C'était ainsi à chaque fois qu'il portait à ses lèvres le corps de cette petite flûte d'argent.
Walters était un excellent joueur, même si il était trop modeste pour le reconnaitre. Pour lui, l'important était que les autres apprécient le son qui s'élevait du cylindre. Il voulait que tout ceux qui écoutent sa musique en soient transportés, qu'ils en oublient leurs soucis et la morosité du quotidien. Le soldat jouait pour les autres, et le faisait à merveille.
Mais pourtant, alors que Zack était partage, lorsque la musique commençait à se faire entendre, il finissait par ne jouer que pour lui.

"Zack, Zack ! Joue pour nous, gamin !"

Ses propres notes faisait ressurgir son passé, ses envies, ses sentiments. Tout se mélangeait en un maëlstorm qui broyait de tristesse le coeur du jeune homme. Les souvenirs de sa soeur, sacrifiée au nom de la guerre aveugle. Ses compagnons soldats, qui s'étaient sacrifiés tour à tour pour que l'innoncence de Zack ne soit pas souillée par le sang versé...
Lui qui n'était que gentillesse avait connu les pires des caractères humains. Il avait connu le mensonge et la trahison, la haine sincère et inutile...
Il avait connu l'amour aussi. L'amour que lui portait sa soeur. Il avait connu l'amour de cette femme elfe, dans ce monde où il avait échoué, bien avant de se réveiller dans cette forêt.
Mais tout cela n'avait été qu'éphèmere, et il avait finit par repartir loin de tout ce qu'il avait pût construire. Et son coeur, si ouvert pour les autres, n'en finissait plus de le meurtrir.
C'est pour ça qu'il s'était proposé d'aider Heaven. Pour ne pas qu'elle soit seule façon au poids de sa malédiction, au poids de son futur.
Mais elle n'avait pas répondu, et Zack avait finit par comprendre et admetre, au fil des notes sublimes s'échappant de sa flûte, qu'il finirait seul une fois de plus.

La mélodie s'élevait toujours, envoûtante, douce et marquée par le chagrin. Des yeux clos du joueur de flûte, quelques larmes roulèrent.

Le soldat en avait asez d'être seul. Il accepterais à nouveau cet état de fait, et découvrirais ce nouveau monde par lui même. Et au moins aurait il veillé le temps de quelque heures sur l'aventurière. Et cette pensée suffit à le ravir.
Le soleil reviendrait sous peu, sortant Heaven de l'ombre.
Combien de temps avait passé depuis l'intonation des premières notes ? Il n'aurait pû le dire, tant sa musique lui faisait perdre pied. L'astre solaire déchirait il pour de bon le manteau nocturne ?

Heaven ne se lassait pas d'entendre le spectacle musical qui se répandait sur les ailes du vent, tout autour d'elle. Son sourire en était la preuve manifeste, au-delà de la douceur et de la gentillesse qui l'animait. Et tandis que le temps filait doucement dans le grand sablier des jours, le soleil fit sa timide apparition. Il nimba d'une couronne de feu les terres lointaines, ligne horizontale aux ombres courtes. La jeune sorcière sentit son coeur s'emballer brièvement. Elle allait retrouver la vue... Hayden s'agitait. Il battit frénétiquement des ailes et Méphisto commençait à piaffer d'impatience.

"Zack... Vous êtes un magicien dans l'art de la musique..." souffla tendrement la jeune fille en portant ses mains vers le bandeau de velours noir qui l'aveuglait.

Lentement, ses doigts dénouèrent avec délicatesse le tissu et elle le retira, libérant son regard. Elle cligna des yeux, accomodant sa vue qui revenait à toute vitesse. Souriante, Heaven tourna la tête vers Zack, lui révélant enfin ses prunelles de jade piqueté d'or. Des yeux aussi verts qu'une émeraude au soleil, dans lesquels on avait distillé quelques paillettes d'or donnant une envergure envoûtante à son regard. La sorcière ne sentait bien. Le vent la caressait, la compagnie de Zack lui était agréable, le soleil effleurait sa peau de sa douce chaleur, et déjà, l'envie de reprendre l'aventure s'emparait d'elle. Toutefois, elle n'était pas pressée de partir. Elle voulait prolonger un peu ce délicieux moment aux côtés du jeune homme.

"Zack..." murmura-t-elle avec tendresse. "Vous m'avez proposé votre aide, et j'en suis touchée. Mais réalisez-vous seulement l'ampleur de ce destin qui est le mien ? La guerre entre humains et Drows couve et se rendre sur le territoire des Sombres pour y affronter le plus puissant des sorciers Drows n'est pas la chose la plus sensée qu'on puisse imaginer."

Elle eut un soupir et vint s'agenouiller en face du jeune homme. Elle posa sa main sur le bras du soldat et fixa son regard étincelant sur lui. Elle attendant une réaction, un peu ennuyée, ne sachant trop quoi lui dire. Finalement, comme le silence se prolongeait, elle reprit presque timidement.

"Vous savez, j'aime beaucoup votre compagnie. Mais je suis habituée à être seule car c'est le seul moyen que j'ai d'être sûre qu'il n'arrivera rien par ma faute à ceux que j'aime..."

Elle se rapprocha un peu, essayant de lire ses pensées, de capter ses sentiments, ne sachant pas s'il allait la repousser brutalement ou accepter ces sages paroles.

Ce fût la voix de la belle qui le sortit de sa transe musicale. Il réouvrit petit à petit les yeux, et fit taire le son doux des notes de sa flûte. Autour de lui, le soleil avait dardé ses rayons, et le jour nouveau se levait. Le faucon ainsi que l'étalon commencainet à s'agiter frénétiquement, et il regardât la belle Heaven dénouer peu à peu le bandeau qui ceignait ses yeux. Une fois ceci fait, elle posa deux belles pupilles dans celle du soldat. Le regard nouveau fixa Zack sur place, tant il était superbe. Deux véritables émeraudes lui adresait un regard bienvellant, et ceci conjugué au sourire resplendissant de la belle suffit à mettre Walters dans un état de gène totale, qui se témoignait par le rouge, qui une fois de plus, lui venait aux joues.
Le vent matinal vint les caresser tout deux, et ils restèrent là un moment, regard noir plogné dans regard vert.
Puis, avec une tendresse certaine, sa voix douce se fit entendre.

Il est des choses auquelles ont ne sans résister. Pour Zack, s'était aux femmes. Il suffisait d'un simple sourire de l'une d'elle pour qu'il ne perde tout ses moyens, et acquiesce à tout. Et lorsqu'au regard se joignait le sourire, le jeune homme en était au point de fondre sur place.
Heaven lui déconseilla clairement de l'accompagner.
Avant que Zack ne puisse répondre, elle vint face à lui, posa une main délicate sur le bras à la peau nue.
Puis aprés quelques secondes qui passèrent sans que le soldat ne puisse reprendre la parole, elle consentit à continuer.

Elle conclua sa phrase en se rapprochant davantage, ce qui augmenta encore la gène du guerrier, non pas qu'il trouve la proximité déplaisante... Mais elle avait un tel regard qu'elle semblait le sonder. Et elle était si belle, bon sang...
Il posa une main tendre sur celle qui parcourait son bras, et puis d'une voix basse, il commença à lui parler, à elle, aveugle ayant recouvré la vue.

- Je ne puis décemment pas vous laisser affronter un tel péril seule, Dame. Ne l'avez vous pas dit, que ce n'était pas la chose la plus sensée qu'on puisse imaginer ?

Il lui sourit. Un sourire discret, mais plein de tendresse, qu'il cherchait inconsciemment à lui transmettre.

- Votre compagnie est plus que plaisante pour moi aussi. Mais vous dites ne rien vouloir voir arriver à ceux que vous aimez.... Mais nous ne sommes guère intimement liés, ni même amants, pas vrai ? Alors ne vous en faites pas pour moi. Et je ne compte pas vous laisser seule.

Il avala sa salive avec difficulté. Parler ainsi était curieux pour lui. Devant cette femme, il se concentrait pour ne pas exploser de sa timidité naturelle. Et au fond de lui, il ne voulais pas que cette rencontre s'achève. Oh non...

Heaven se mordit la lèvre inférieure, ennuyée. Elle n'avait pas osé lui parler de son état durant la nuit. En-dehors d'être aveugle, le sang de Drow refluait dans ses veines, la rendant potentiellement dangereuse envers tous si elle ne se contrôlait pas, plus encore si elle oubliait de nouer le fameux bandeau de velours noir. Zack ignorait que c'était aussi d'elle-même qu'elle avait peur, et qu'elle pouvait être la main qui le blesserait, comme la main qui le caresserait. Incapable de lui avouer ces poignants sentiments, elle finit par lâcher son bras et se redressa de toute sa hauteur, faisant tomber la couverture. Les poings sur les hanches, elle toisa le jeune soldat d'un regard empreint de sévérité. Son beau visage ombragé ne tarda cependant pas à retrouver sa divine lumière. Lentement, un sourire se ficha sur ses lèvres.

"Zack... Même si nous ne sommes amants, je me suis liée à vous de vive sympathie. Par conséquent, je n'accepterais pas de quoi que ce soit vous arrive."

Elle s'interrompit un moment, réfléchissant à la meilleure façon de présenter les choses. Ses yeux d'émeraude brillèrent tandis que sa méditation se prolongeait. Hayden vint se poser sur son épaule nue, là où était déjà apposée la marque de ses serres dans sa chair, meurtrie. Mais la blessure était cicatrisée depuis bien longtemps et le faucon savait qu'il ne devait jamais se poser sur l'autre épaule, la laissant ainsi intacte. D'une main tendre, Heaven lui octroya une caresse rassurante. Ils ne tarderaient plus à partir. La jeune fille reporta ensuite son attention sur le soldat.

"Vous avez l'air trop déterminé pour que je parvienne à vous faire changer d'avis. Mais si vous tenez réellement à m'aider, j'apprécierais que vous vous joigniez à moi seulement lorsque l'heure sera venue."

Sa voix, douce et chantante, laissait flotter une impression d'ensorcellement. Mais Heaven voulait seulement faire entendre raison au jeune guerrier. Pour l'heure, son voyage n'était pas aussi dangereux qu'il en avait l'air. De plus, en dépit des apparences, la sorcière savait fort bien se défendre. Dotée de certains pouvoirs grandement utiles sans oublier Asgaliath, Heaven avait plus de courage qu'il n'y paraissait, et elle ne craignait rien sinon elle-même...

"Un jour, il me faudra rencontrer le puissant Caliban et l'affronter. L'un de nous deux mourra et Asgaliath devra appartenir à un nouvel héritier. Je dois pour cela l'ensorceler, afin que l'épée revienne toujours à son fourreau si je devais mourir. Ainsi, elle ne tombera pas entre de mauvaises mains, car Caliban pourrait trouver le moyen de se l'approprier et de corrompre son pouvoir pour ne pas être foudroyé en la saisissant. Je confierai alors le fourreau à un être digne de porter Flamme Cruelle. Si vous voulez m'aider, soyez du voyage à l'heure où il me faudra revenir en territoire Drow pour tuer ce damné sorcier..."

Le ton était devenu plus sec, témoignant de la colère et de la détermination de Heaven face au sorcier Caliban. A dire la vérité, elle n'avait besoin de personne en ces instants où elle se contentait de fouler la terre et de voyager de par le monde, découvrant ainsi ces contrées lointaines, enfants de Miradelphia. Elle ne cherchait pas à fuir son destin, mais elle voulait seulement se donner le temps de l'appréhender avant de mettre sa vie en péril en se mesurant au puissant Caliban. Et si Zack daignait l'aider dans cette tâche, elle acceptait avec joie. Elle avait une réelle sympathie pour le jeune homme et s'ils se quittaient aujourd'hui, ou dans les jours à venir, elle était persuadée qu'ils se reverraient tôt ou tard...