Les Dieux s’en étaient allés, retournant… personne ne savait où, et au fond quelle importance ? Bon débarras en tout cas, ils avaient suffisamment causé de dégâts comme ca pour ne pas les regretter. Pour autant que le mage sache, quelques illuminés avaient pris la route du territoire nain afin de rencontrer Uriz… grand bien leur fasse, le Dieu n’était pourtant pas connu pour son caractère affable, et son passage sur terre risquait de le lui avoir fait empirer.
Enfermé dans son laboratoire pour être tranquille, le Ditronw Da’re revoyait mentalement la bataille de Fort Ellyrion, et en particulier le seul événement intéressant s’y étant déroulé : la création d’un nœud. Que la forteresse soit détruite et les elfes massacrés importait peu, de tels événements arrivaient fréquemment et si l’Olath Blada pouvait s’en réjouir car cela faciliterait leurs plans de campagnes futurs, Haldren lui ne s’y intéressait guère.
Par contre le nœud inhibiteur…
Passionnant…
Beaucoup trop de mages considèrent la magie comme une constante, une arme ou un outil de travail à portée de main, immuable et parfait, oubliant ainsi les leçons de leurs maîtres. Mais le Ditronw Da’re n’avait qu’à se regarder dans un miroir pour se souvenir que bien avant la formation du nœud de Fort Ellyrion, il avait déjà flirté avec la ligne rouge. Son visage parsemé de rides lui rappelait à chaque instant le prix parfois trop élevé à payer pour user de du Grand Art au-delà des ressources accessibles dans la zone.
Finalement, lors de la bataille, il avait eu une veine assez incroyable. Évanoui suite à son duel manqué contre Dyarque, le mage avait été éloigné par ses aides du cœur du champ de bataille et n’utilisait donc pas ses pouvoirs lorsque le nœud s’était formé. Voir les déchets qu’étaient devenus ceux frappés par la terrible malédiction suffisait à le faire frissonner. Être privé de ses pouvoirs, coupé de la magie… un sort pire que la mort. Plusieurs mages « travaillaient » avec acharnement sur leurs anciens collègues, chacun cherchant à comprendre ce qui s’était réellement passé ce jour là à Fort Ellyrion.
Le plus étrange dans l’affaire venait du fait que le Voile coïncidait à seulement quelques heures de la formation du nœud. Les deux événements étaient-ils liés ? Une théorie affirmait que la magie profane émanait de l’utilisation de la magie divine… de là à supposer que la venue des dieux sur terre avait causé non pas des vagues mais de véritables ouragans, attirés comme la limaille par un aimant au niveau de Fort Ellyrion.
Le nœud inhibiteur aurait-il été créé par un soubresaut de magie divine en un lieu déjà appauvri de magie profane par le combat des mages ? Une trop grande concentration de magie divine dans une zone préalablement affaiblie entrainait-elle la création d’une zone de répulsion ? Et pas logique suivant : la magie profane ne serait-elle à la base qu’un « stabilisateur » de la magie divine ? Théorie intéressante mais invérifiable avant mille ans. De toute façon, les controverses qu’elle susciterait risquaient de durer au moins aussi longtemps, alors…
Haldren avait déjà lu des ouvrages affirmant l’existence de nœuds qui n’inhiberaient pas la magie mais au contraire la renforcerait. Pour autant, ce n’était à sa connaissance que de simples hypothèses jamais prouvées. Tournant et retournant sur lui-même, le mage se creusait la tête, réfléchissant à un problème apparemment insoluble. C’est un lieu commun que de dire qu’un pratiquant des arcanes aspire la magie présente autour de lui pour lancer ses sorts, et en apparence ce théorème ne prête guère à un corollaire.
Quoi que…
La règle générale dans un duel de mage veut que chacun réussisse à sursaturer le niveau de l’autre en utilisant une magie plus puissante ou plus dévastatrice. Hypothèse trop classique, donc peu intéressante aux yeux d’Haldren. Supposons… supposons qu’un mage restreigne volontairement la zone d’où il tire l’énergie de son sort. Supposons qu’il amène une zone à la limite de l’épuisement… sans passer la fameuse ligne rouge… un peu comme si l’on creusait un trou dans une fosse de boue… combien de temps faudrait-il au trou pour se combler et revenir à son état précédent ?
Un moyen de « contrôler » un nœud ? Car au fond… que serait-ce qu’un nœud inhibiteur contrôlé ? Une arme anti-magie… et accessoirement un excellent moyen de réduire à l’impuissance tout mage, aussi puissant soit-il.
A ce stade, un mage normal aurait été horrifié par l’idée de créer des nœuds un peu n’importe comment et n’importe où, se disant qu’il réfléchissait à une hypothèse pouvant le mener en des lieux bien dangereux. Et en effet l’espace d’un instant, le Ditronw Da’re se demanda s’il ne devenait pas la victime de l’addiction à la magie qui caractérisait ceux allant au-delà des limites raisonnables de leur art. Mais une bouffée d’orgueil et de confiance en soi vint bien rapidement balayer ce doute.
Soupirant, le Ditronw Da’re se rappela qu’il devait tout d’abord s’occuper de combler les pertes causées par la guerre. L’Olath Blada n’avait jamais été particulièrement réceptif au risque de lancer un mage inexpérimenté sur un champ de bataille. Pourtant, un soldat mal entraîné, c’est au pire un carreau d’arbalète qui file du mauvais côté… un mage mal entraîné peut faire de plus gros dégâts. Soupirant, le mage jeta un regard navré sur sa bibliothèque personnelle et remis à plus tard ses recherches sur les nœuds.
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Lun 13 Déc 2010 - 13:41
