Une journée au calme [Valérian]

~~ Sybrondil, an 7 du 11e cycle ~~

L’été réchauffe les terres du médian depuis déjà un mois, amenant avec lui les pluies mais aussi les fêtes estivales. En ce jour ensoleillé, à seulement quelques lieues du château de la baronnie, un convoi a fait halte. Composé de quelques cavaliers en armure et une coche, le convoi fait apparaître sur ses fanions un blason de sinople aux trois roses de gueules boutonnées d’or. Alors que les servants sont au repos, les soldats conversent calmement entre eux, signe qu’ils ne craignent aucun danger. Seul le plus gradé des hommes en arme semble tendu, il n’a de cesse de jeter des regards inquiets vers la forêt sous l’œil distrait du jeune écuyer attelé au nettoyage d’une armure trop grande pour lui.

Dans ladite forêt, qui plus un bosquet qu’une véritable forêt, un homme se repose à sa manière. A bonne distance de ses compagnons – assez loin pour ne point les entendre mais assez prêt pour qu’un cri puisse les alerter – l’homme a pris place au pied d’un arbre. Vêtu d’habits relativement simples cousus dans des tissus accessible à la noblesse seule, il ne porte comme arme qu’une épée posée à son coté et une dague rangée à sa ceinture. Ses cheveux longs sont laissés lâches et sa barbe, quelque peu négligée, laisse penser qu’il n’a pas pris la peine de se raser durant le voyage – qui a duré deux à trois jours visiblement. Assis à l’ombre des feuilles du conifère, l’homme lit un livre à la reliure verte et dont le titre fait référence à l’agriculture.

Emporté par son livre, l’homme ne voit pas les heures passer. Il s’apprêtait à tourner la page quand un bruit le fait sursauter. Il s’agit du bruit particulier d’une flèche qui se plante dans le bois, une flèche qui s’est planté dans le tronc à une trentaine de centimètres du lettré personnage. Alerté, l’homme lâche l’ouvrage tenu en main et se lève brusquement. Dans un même mouvement il dégaine son épée et se met en garde, scrutant activement le bois autour de lui.
"Qui va là ? Montrez-vous ! " Ordonne-t-il.

Un bruit qui se rapproche, des mouvements dans le bois, l'homme ne relâche pas son attention. Resserrant nerveusement sa prise sur le pommeau de son épée, Valerian se tient prêt à riposter face à l'attaque d'un bandit, d'un loup ou d'une autre bête quelconque chassée par le tireur. Au lieu de cela, c'est un cavalier qui apparaît entre les branches, un archer même. Le seigneur berthildois en déduis qu'il s'agit de l'archer à l'origine de la flèche plantée dans l'arbre, mais il ignore encore si le chasseur est seul. Alors il se contente d'observer ses mouvements, sans relâcher son attention et tout en restant à bonne distance du cavalier. Le noble s'interroge, face à cet inconnu. L'archer a-t-il volontairement tiré sur lui, ou a-t-il simplement raté sa cible?

Le cavalier descend de monture et l'épéiste relâche légèrement ses muscles. Si le chasseur lui était hostile il aurait gardé sa position avantageuse en restant sur sa monture et aurait bandé son arc d'une seconde flèche. Au lieu de cela, il – ou plutôt elle – pose pied à terre et passe à quelques mètres de l'épéiste qui s'est quelque peu éloigné de la flèche plantée dans l'arbre. La jeune femme - car de près ses vêtements ne suffisent plus à masquer ses formes, ce qui permet au berthildois de deviner qu'il s'agit d'une femme – rejoint le tronc blessé sans se soucier de celui qui pointe une épée vers elle, presque comme s'il était invisible. Ce n'est qu'après avoir récupéré sa flèche qu'elle daigne lui porter un regard, et de décrocher quelques mots.

" J'ignorai qu'il y avait du monde. Je pensais avoir affaire à une biche, dommage..."
"Une biche?" Répète machinalement l'épéiste, quelque peu surpris par cette déclaration.
Se moque-t-elle de lui? Il le pense en tout cas. Le sourire en coin l'épéiste avale les deux pas qui le séparaient d'elle avec une vitesse surprenante et, avec dextérité et précision, pose la pointe de sa lame sur le cou de la jeune impudente. De cette manière une simple poussée suffirait à perforer sa gorge et le moindre mouvement risque de faire couler son sang.
"Ai-je l'air d'une biche?" Demande-t-il sur un ton à la fois assuré et amusé.

Sans attendre la moindre réponse ni de réaction de la part de la jeune femme vêtue comme un homme, et d'un mouvement aussi dextre que le précédent, l'homme retire la lame de sur le cou de la jeune femme et fait tomber son tricorne. Ainsi, il peut mieux voir son visage. Un visage aux traits fins, sans aucun signe particulier sinon des yeux d'un vert envoûtant qui le fixent fièrement. La perte de tricorne fait tomber de noirs cheveux sur les épaules de la jeune femme, encadrant son visage et enlevant le doute – s'il en restait – sur son genre.

Jouant avec sa lame en tapotant le plat sur sa main libre, l'homme tourne autour de la jeune femme en l'examinant de haut en bas. Malgré ses vêtements masculins, il ne lui trouve ni l'air d'une roturière, ni celui d'une roublarde. Trop propre pour être vagabonde et trop peu coquète pour être de la haute noblesse se dit-il, et pourtant elle avait l'allure d'une femme de la haute.
"Ne vous a-t-on jamais appris à vous assurer d'avoir une proie en mire avant de décocher, lorsque vous chassez?"
N'en sachant pas assez pour deviner à qui il a à faire, l'étranger de la baronnie ne cherche pas plus et cesse l'examen visuel. Rengainant son épée, il retourne près de l'arbre afin de récupérer son livre laissé chût au sol. Ensuite, l'homme fait à nouveau face à son interlocutrice la salue.
"Quoiqu'il en soit, votre biche a dû s'enfuir à l'heure qu'il est. Permettez moi de me présenter: Edward Fraichebrume."

HRP: Désolée du délais, j'étais malade

Machinalement, le gibier humain prononça à voix basse comme surpris l'animal avec lequel il avait été confondu. Alors qu'Avelina allait se diriger vers sa monture, l'homme se rapprocha d'elle à grande vitesse et l'empêcha de passer. Son attitude était quelque peu hostile car le vilain pointa sa lame sous la gorge de la jeune femme qui déglutit surprise par cette réaction quelque peu agressive et menaçante. C'est alors qu'il lui demanda mi amusé mi glacial s'il avait l'air d'une biche.
Aveline poussa un soupire. La pointe effleura doucement la gorge de la demoiselle faisant perler une timide goutte vermeille. L'assaillant retira de lui même son épée qui tenait en joue la baronne dissimulée sous les traits d'un chasseur. Une légère brise soufflait à ce moment là. Avec cette même rapidité qui visiblement lui était coutumière, il fit tomber le tricorne de la belle dont la chevelure ébène tomba en cascade aussitôt sur ses épaules.

Le chasseur qui n'en était pas un fut rapidement démasqué sur son sexe. Une jeune femme. Il s'agissait d'une jeune femme au regard fier qui le fixait de ses prunelles émeraudes. Il ne sembla pas vraiment surpris. Au lieu de cela, il se mit à lui tourner autour comme le ferait un charognard autour de sa proie agonisante. Aveline croisa alors les bras sur sa poitrine et attendit qu'il ait fini de la détailler.

Le spectacle vous plait il? Demanda t-elle d'un ton ironique.

Visiblement oui car il remit en question ses talents de chasseresse. Certes, elle aurait pu attendre d'avoir l'animal en vu avant de décocher sa flêche mais elle ne l'avait pas fait volontairement.

J'aurai pu mais ce n'était pas mon objectif...

Il finit enfin par rengainer son épée avant de se diriger vers l'arbre et ramasser un livre qui avait chu sous la surprise de la flêche qui s'était plantée non loin de sa tête. La demoiselle n'avait pas bougé. Elle aurait pu prendre ses jambes à son coup en direction de son cheval mais au lieu de cela, elle le regarda faire. Il revint alors vers elle et l'informa que sa proie devait à présent être loin. Ce à quoi Aveline eut un léger sourire. C'est alors qu'il se présenta.

Enchantée, Edward Fraichebrume... Ne vous a-ton jamais appris qu'il était imprudent de lire sous un arbre à la laurée d'un bois? Vous avez eu de la chance un peu plus et ce n'est pas de ce tronc que j'aurai du enlever cette flêche mais de votre bras ou pire... De votre coeur. Cela aurait été dommage, non?

Puis elle se mit à rire en lui faisant un clin d'oeil amusé.

Courageuse, ou inconsciente? Cette question se répète deux à trois fois dans l'esprit du voyageur étranger alors qu'il jauge son vis-à-vis. Toute cette scène n'a pour but que de déterminer s'il doit considérer cette femme comme hostile ou non. Si elle ne bouge pas d'un pouce, elle n'a pourtant pas l'air terrorisée. Quant aux piques de ses courtes interventions auditives, cela peut être ou un moyen d'évacuer son stress, ou sa manière d'imposer son autorité. Dans un cas comme dans l'autre, cela révèle au noble berthildois quelques traits de caractère de la jeune femme, de quoi lui permettre d'un peu mieux la cerner. Et le fait qu'elle n'ait pas pris ses jambes à son cou le temps qu'il ne récupère ses effets indique qu'elle ne le craint pas.

" Enchantée, Edward Fraichebrume... "
Elle se dit enchantée, mais ne se présente pas en retour. Ce détail fait penser à Valerian qu'elle a reçu une certaine éducation – mais cela, il l'a déjà deviné de par la manière même qu'elle a de s'exprimer – mais qu'elle n'est pas assez en confiance pour se présenter.
" Ne vous a-t-on jamais appris qu'il était imprudent de lire sous un arbre à la laurée d'un bois ? Vous avez eu de la chance, un peu plus et ce n'est pas de ce tronc que j'aurai du enlever cette flèche mais de votre bras ou pire... De votre coeur. "
Cette boutade indique simplement qu'elle a été vexée par la raillerie du voyageur. Ainsi, il comprend que son impudence fait bel et bien partie du caractère de la jeune femme, un caractère semblable à celui que développent bien des femmes de la haute. Il en déduis que si elle n'est pas noble, elle l'a déjà été par le passé.

" Cela aurait été dommage, non? " Termine-t-elle, agrémenté d'un clin d'œil amusé.
Tentative de séduction, ou simple signe qu'elle joue le même jeu que lui? Valerian penche pour la seconde hypothèse.
" Il est tout aussi imprudent pour une femme de votre joliesse de chasser seule, et pourtant c'est bien ce que vous faites. " Répond-t-il, toujours sur ce ton joueur et un brin charmeur.
" Je doute fort que votre camouflage ne suffise si vous croisiez le chemin d'un groupe de mécréants, au lieu d'un humble amateur de lecture en pleine nature. M'est avis que les conséquences auraient été moins affables. "
Marquant une courte pause, il détaille une fois de plus le visage de la jeune femme, alors éclairé par un rayon perçant au travers le feuillage des arbres.
" Cela dit, j'avoue qu'il aurait été regrettable que cette flèche eut choisi mon coeur ou ma tête pour se ficher. Je n'aurai alors pas eu le temps de découvrir les charmes de Sybrondil, ni ceux de ses femmes. Si je puis me permettre, pourriez-vous m'aider à trouver la ville ? Je souhaiterai me rendre à Sybrondil cependant il se trouve que je me suis, en quelque sorte, égaré, alors que je me promenais dans le bois. Lorsque votre flèche m'a raté de peu, je me reposais un peu. "
C'est évidemment faux, car le chevalier berthildois sait parfaitement où il se trouve. Il sait comment rejoindre son escorte et comment se rendre au château baronnial avant la nuit. S'il ment, c'est d'une part pour ne rien révéler de son identité et d'autre part parce qu'il est intrigué par cette chasseresse peu commune, et qu'il espère passer un peu plus de temps en sa compagnie. Non pas qu'il soit véritablement tombé sous son charme, mais que par son caractère elle a pu capter la curiosité de l'étranger.

La jeune femme au nom encore inconnu humecte ses lèvres, de cette manière si ravissante qu'ont les femmes de le faire, avant de lui répondre. Non seulement elle accepte de l'aider, et plus que de simplement lui indiquer la direction de la ville elle propose de l'y guider. Elle rebondit même sur sa remarque, lui prêtant – sans doute avec une pointe d'ironie – la charge d'escorte. Il esquisse un sourire alors qu'elle laisse échapper un rire espiègle. Ce jeu des mystères auquel ils jouent, consistant à en deviner le plus sur l'autre sans en révéler sur soi, est un jeu qu'il se plait à pratiquer.

Cependant, et à présent qu'il s'apprête à cheminer avec la chasseresse mystérieuse, il va devoir prévenir ses hommes. Car la sienne, d'escorte, n'est pas un leurre, et ils l'attendent depuis un moment. Le capitaine doit d'ailleurs s'apprêter à partir à sa recherche, s'il n'a pas déjà commencé.
" C'est bien aimable de votre part, cela m'évitera d'avoir à coucher au pied d'un arbre. Si je reste trop longtemps un autre chasseur pourrait me confondre avec une biche, et ne pas me rater cette fois. " Déclare-t-il, un sourire taquin au bord des lèvres.
" Toutefois… " reprend-t-il, tout en se penchant afin de récupérer le tricorne laissé au sol. " J'ai laissé mon cheval paitre dans une clairière, pas très loin d'ici. Pouvez-vous patienter quelques minutes, que j'aille le récupérer ? Je reviens prestement. "
N'attendant pas de réponse, il lui lance son tricorne.
" En attendant, rétablissez votre déguisement. "
Terminant sa phrase par un sourire, et avant qu'elle ne réagisse, il disparait entre les arbres.

~~°~~

Après s'être assuré que l'inconnue ne le suit pas, le châtelain berthildois rejoint promptement ses compagnons de voyages. Surpris de le voir débarquer sans prévenir et à toute allure, tous dégainent leur arme (ou la première chose qu'ils trouvent à portée de main).
" Pas d'inquiétudes, je ne suis pas poursuivi." Dit-il précipitamment.
" Messire, j'ai nettoyé votre…" commence l'écuyer, sans que le chevalier ne le laisse terminer.
" Ranges-la dans la coche. Je t'emprunte ta monture, prends la mienne. "
Ne comprenant pas ce qui se passe, l'écuyer regarde son seigneur avec des yeux ronds tandis que ce dernier grimpe sur le cheval de l'écuyer. Cette monture étant équipée plus modestement que son propre destrier, le chevalier l'a trouvé plus crédible comme monture d'un humble voyageur égaré.
" Monseigneur…" Commence le capitaine d'escorte, mais là encore le châtelain lui coupe la parole.
" Retrouvons-nous à Sybrondil, devant les portes du château. Et pas de discussion !"
Sur ces mots, le cavalier repart d'où il a débarqué, laissant coi toute son escorte.

~~°~~

De retour au lieu de la rencontre avec la femme mystérieuse, le cavalier constate qu'elle est déjà en selle et qu'elle a recoiffé ses cheveux sous son tricorne.
" Pardonnez l'attente, il a fallu que je lui court après. Ce filou s'était libéré de son attache. " Dit-il, pour expliquer les gouttes de transpiration qui perlent sur son front.
" Je vous suit à présent, dame… M'avez-vous donné votre nom ? "

" Je doute que mon nom puisse vous aidez aussi je vous donnerai juste un prénom. " déclare-t-elle, avant de répondre en souriant.
Quelle étrange manière de répondre, pense-t-il. Elle aurait pu tout simplement répondre "Line", et cela aurait suffi. Et si elle ne souhaite pas donner son nom, il n'insistera pas. Du moins pas maintenant. Quoi qu'il en soit, cette information n'étant pas importante le berthildois n'y songe pas plus. De toute manière, la seule famille qu'il connaisse dans ces terres, c'est la famille baronniale. Alors la chasseresse a raison, quel que soit son nom il ne dirait rien à l'étranger.

" Line. " se contente-t-il de répéter, comme pour l'ancrer dans sa mémoire.
" J'ai connu une Line autrefois, une fleuriste. " continue-t-il, sans vraiment s'adresser à elle. " Ou peut-être était-ce Lina. Je me demande ce qu'elle est devenue. "
Et avant qu'il n'ait pu relancer la conversation, ils sortent du bois. Bien qu'il ne le montre pas, le cavalier est un peu étonné. Il pensait le bosquet plus grand.
" Voyons voir si vous êtes bon cavalier. " Déclare-t-elle, taquine, avant de lancer son cheval au galop.
Un peu contrarié, le cavalier d'outre contrée s'élance à sa poursuite. Elle aurait au moins pu lui laisser quelques secondes pour admirer le paysage. Cependant, sa contrariété est rapidement remplacée par le plaisir du jeu, et de la course.

Si le cavalier possède la posture et la technique, la monture elle n'est pas des plus rapides. Certes, elle tient la distance et peut galoper pendant un temps convenable, mais ce n'est rien comparé au véritable destrier du seigneur d'Adhémar. Son destrier a été choisi parmi les meilleurs chevaux de sa seigneurie, et dressé par les meilleurs éleveurs de chevaux. Rapide, endurant, puissant, il est le meilleur compagnon équin qu'un chevalier puisse désirer. Avec lui, Valerian aurait déjà rattrapé la jeune femme, et même distancé, s'il savait où aller. Cependant, à cet instant, c'est le cheval de son écuyer qu'il monte. Et ce pauvre canasson ne parvient tout juste qu'à suivre la cavalière, galopant quelques dizaines de pieds derrière elle, sans pouvoir la rattraper. C'est que l'écuyer, pauvre qu'il est, n'a pas encore les moyens de s'offrir une véritable monture digne d'un chevalier.

Quand les deux cavaliers ralentissent, la ville n'est plus très loin. Flattant l'encolure de son cheval d'emprunt, le cavalier berthildois ramène sa monture au pas. Malgré tout la bête s'est bien débrouillée, sur la fin elle n'avait plus qu'un léger retard. Pas rancunier pour un sou, le cavalier félicite, amusé et espiègle, son adversaire.
" Vous montez mieux que vous ne chassez, Line. Et c'est une bien belle bête que vous avez-là. Cette pauvre Automne ne fait pas le poids. "
Marquant une pause, il observe Sybrondil qui se rapproche.
" Si nous venions à nous recroiser, j'espère bien pouvoir prendre ma revanche. "

Chevauchant à pleine vitesse dans la plaine, Aveline s'amusait. Point de convenances à respecter, juste être elle même. Un petit mensonge sur son identité aidant à cette décontraction. Au début le cavalier fut surpris de voire la jeune femme détaller comme un lapin en lui lançant amusée un défi de la sorte. Bien entendu, on sait pertinament qui en est la gagnante: Aveline. La demoiselle avait un peu d'avance mais cet homme ne s'était pas mal débrouillé car il avait réussi à rattraper plus ou moins efficacement la distance qu'elle avait mis entre eux.
Une fois au pas, laissant les chevaux récupérer leur souffle après cette cavalcade, Edward prit la parole en la gratifiant d'un compliment sur sa façon de monter contrairement à son talent de chasseresse. Il est vrai qu'un peu plus tôt, elle avait failli l'embrocher avec une de ses flêches en le prenant pour un quelconque gibier. La cité éponyme était à présent visible. D'ici une quinzaine de minutes, on serait aux portes de la ville.

Aveline regarda la cité qui se dessinait devant elle avant de lever les yeux vers le ciel pour observer la position du soleil. Celui ci était déjà très haut et il ne devait pas être loin de midi. La jeune femme poussa un soupire puis adressa quelques paroles à Edward.

Un jour peut être... Par contre, je dois vous laisser, je ne m'étais pas rendue compte qu'il était aussi tard.

Sans rien ajouter d'autre, Aveline talonna sa monture qui partit au galop en direction de la ville. Elle doutait de revoir Edward un jour pour qu'il puisse reprendre sa revanche. Mais comme l'un et l'autre avait menti sur son identité, qui sait. La jeune baronne s'en retourna au palais prestement laissant le voyageur finir seul son périple.

L'astre solaire arrive en son zénith, marquant du fait la fin de la matinée, mais aussi de la mascarade des deux nobles joueurs. Chacun devant retourner à ses propres responsabilités, le temps de l'amusement est terminé pour eux deux. Alors que la chasseresse s'en retourne au galop en un lieu tout aussi mystérieux qu'elle, le voyageur égaré s'avance d'un pas léger vers la ville qui se trouve face à lui.
* Un jour peut-être… *, se répète-t-il intérieurement, sans trop y croire.
Une brève rencontre, quelques échanges d'hâblerie, une petite course improvisée, et voilà qu'il l'appréciait déjà. Cette femme aux allures d'homme et aux manières seigneuriales, qui chasse à l'aveuglette. Le berthildois doute fortement de la revoir un jour, lui qui n'est que de passage en ce fief. Et pourtant.

~~ ° ~~

L'après-midi débute avec le retour à ses fonctions, pour le seigneur d'Adhémar. La petite aventure du matin est restée un secret, sa suite n'ayant nullement besoin de connaitre tous ses agissements. Comme convenu la caravane berthildoise et le châtelain se sont retrouvés devant les portes du château, où l'écuyer a pu récupérer sa monture. Ne désirant pas déranger la maîtresse des lieux au beau milieu de son repas, l'émissaire berthildois a choisi de prendre pitance dans l'auberge la plus cossue qu'ils trouvèrent. Il a ensuite revêtit ses habits d'apparat sobrement marqués du blason aux trois roses pour se présenter, avec sa suite, aux portes du château.

" Ser Valerian d'Adhémar, chevalier-émissaire de Sainte-Berthilde. " Se présente-t-il.
" Nous avons fait long voyage, et nous sommes fatigués. Nous requerront l'hospitalité de vostre baronne. Serait-il possible de la rencontrer ? "
L'un des gardes s'en va s'informer auprès de ses supérieurs des démarches à suivre pendant que la caravane reste devant les portes, parfaitement silencieuse. Le militaire ne revient que quelques minutes plus tard, accompagné d'un homme semblant être un personnage d'importance dans le château. Après s'être assuré de l'identité du voyageur, l'homme l'informe que la baronne de Sybrondil est disposée à le rencontrer, et qu'il le mènera jusqu'à elle. Le seigneur étranger laisse donc ses compagnons de voyage s'occuper des chevaux et des bagages tandis qu'il suit le guide, seulement accompagné de trois de ses gardes du corps dont son capitaine.

Tout en avançant dans les couloirs lumineux du château, Valerian se remémore ce qu'il sait de la Baronne de Sybrondil. Une femme étonnante, à ce qu'on dit. Jeune et spontanée, d'après les rumeurs. L'accession à la tête de la baronnie n'est pas très claire pour le Berthildois, il sait juste qu'elle a obtenu ce titre il n'y a pas longtemps, et que certains serpents au sein de sa cour contestent sa légitimité. Rien de bien extraordinaire, en somme. Il en apprendra plus en la rencontrant, et s'en fera une idée plus précise. C'est en partie le but de voyage improvisé et ses visites inopinées chez les différents nobles qui l'accueillent : prendre contact pour savoir qui ils sont.