Bon...Par la Grand porte alors ? [Terminé]

Deux jours, oui, deux jours maintenant que Jindanor n'avait pas repris contact avec Cécilie et Rose, deux jours qu'il avait passé dans cette ville de Lourmel, en utilisant ses muscles dans des combats de rue organisé à l'arrière boutique d'une des auberges pour se faire un peu de pièces pour payer son logement de fortune, les jeux de dés aussi l'avaient vu passer, raflant la mise un bon nombre de fois, Cinq souverains, il était parvenus à rassembler ce petit amas de monnaie, contre bleu, douleur musculaire, nez ensanglanté.
Mais hé, au moins avait-il pu rassembler suffisamment pour payer son loyer ces deux jours durant, il était resté a a même enseigne, cette auberge, crasseuse, au bois craquant, crasseuse certes, mais déjà plus confortable qu'une souche et des brindilles couverte de feuille... Il se trouvait à l'étage, dans sa chambre, allongé sur le dos, contre ce matelas de paille qui le démangeait maintenant... Il ne parvenait pas à réfléchir, il avait pourtant promis à Cécilie qu'il pèserait le pour et le contre, qu'il réfléchirait avant de lui donner sa réponse.

Deux jours maintenant qu'il réfléchissait, même lors de ses combats à main nues, de ces bras de fer pour quelques écus, de ces jeux de dés... Il ne pensait qu'à cela. Rien ne l'avait sortit de ses pensées, pas même la jeune femme qui l'avait surpris nu comme un vers quelque jours auparavant, et pourtant elle se voulait provocante, elle pénétrait dans sa chambre sans prévenir, lui offrait des boissons alors que son paternel semblait vouloir l'égorger pour ne pas avoir fait payer la montagne qui créchait dans l'auberge depuis maintenant quatre bonne nuit. Antoine, l'un des gardes de la Dame ne s'était pas fait prier quant-à-lui lorsque cette jeune femme sembla lassée d'essayer d'attirer l’œil du géant, il l'empoigna et la garda sur ses genoux quasiment toute la soirée, soirée qui vit quinze victoire de la main de Jindanor pour un total de 30 écus.

Ainsi allongé, il n'entendait rien, enfermé dans sa bulle il réfléchissait, prévoyait chaque possibilité, chaque variable... Comment allait-il lui annonçait ce qu'il souhaitait faire ? Comment allait-il la rejoindre ? Antoine avait beau lui avoir dit qu'ils avaient reçu l'ordre de le laisser passer... Jindanor restait anxieux, le fait qu'un être tel que lui entre par la Grand porte pour rencontrer la Dame de Laval allait faire jaser la haute communauté de Lourmel, et que dirait la Dame de Lourmel en voyant le géant entrer dans son château ainsi ? L'entrée des artistes alors ? Moins risqué  certes, mais que devrait-il montrer pour entrer ?

Il était très tôt, à l'extérieur une brume légère couvrait les rues, cinq heure du matin ? Six heure ? Qui aurait pu le déterminer exactement ? Il était tôt, trop tôt même pour aller faire son annonce maintenant.
"Bon sang, ce n'est pas comme si tu lui demandais sa main... Tu acceptes sa proposition, j'ne vois pas où est le mal... Pourquoi t'inquiéter autant de ce qu'ils penseront ? ... Pour elle ? Ils vont jaser ? Qu'ils osent tient....
-Oui m'enfin, il ne faudrait pas non plus que je crée la panique...
-Ouais, pas faux.
-Par la Grand porte du coup ?
-Par la Grand porte. Tu risque quoi ?
-Hé...La pendaison figure-toi... Ou pire...Glp.
-Ils ne vont pas te pendre pour ça ? Ta visite sera annoncée... C'est elle qui t'a invité... Arrête de réfléchir, habilles toi correctement, tu n'vas pas t'y rendre la bite à l'air."

Il venait de s’interpréter une discussion avec Antoine, oui, ce même garde qu'il avait plumé la nuit dernière et avec qui un certains lien de camaraderie s'était installé, cet homme était un franc riard, et Jindanor l'appréciait, il ferait un bon ami.

Il se leva d'un bon lorsqu'il entendit quelqu'un cogner à sa porte, il se hissa, toujours couvert par cette peau de bête qui était sienne, observant la porte il ne vit qu'un œil bleuté l'observer au travers de l'interstice de cette porte entrouverte... Un œil bleu profond, marin.

-Qu'est-ce qu'il y a Anne ? C'était elle, la jeune femme, Anne oui.. Elle lui avait dis son nom lorsqu'il était saoul la nuit... Une nuit, il ne se rappelait plus.

-Mon père voudrait que tu libères la chambre... Il trouve que tu as suffisamment passé de temps ici...

-Ça n'me surprend pas... Dis-lui que j'm'en vais d'ici quelques heures... L'temps que j'me prépare.. Passe le bonjour à ta Mère et remercie là pour le travail qu'elle a fait sur mon pantalon. Dit-il, tout en observant le dit à sa droite, au sol, raccommodé au niveau de la cuisse, il s'était déchiré suite à une chute malheureuse.

-Hmm... Bien... Tu as besoin de quelque chose ? Demanda-t'elle.

-Oui... D'être seul s'il te plait, j'aimerais me changer.

Elle rougit alors, fermant la porte en la claquant fermement.. Jindanor fut quelque peu surpris, il savait que cette jeune femme semblait s'être "éprise" de lui, une amourette de passage pour une jeune femme... Il n'allait pas profiter de sa naïveté. Mais de là a ce qu'elle rougisse ainsi... Il soupira en se relevant, enfilant ses bas et son pantalon, s'étirant de tout son long en contractant ses muscles engourdis et douloureux... Le combat d'hier soir ne l'avait pas laissé de marbre, le jeune homme avait été une vraie flèche, rapide comme l'éclair.. Il ne lui avait laissé aucun répits, mais avait tout de  même finis au tapis, suite à un crochet bien placé. Jindanor l'avait relevé de sa main gauche, et complimentait sur ses talents.. Il ne se battait pas souvent, ni même jamais habituellement, c'est Antoine qui lui avait proposé de faire un de ces duels à mains nue ... Il avait tout d'abord refusé, mais lorsqu'il lui avait fait entendre qu'il pourrait gagner pécunes... Jindanor n'eut d'autres choix morales que d'accepter, pourquoi refuser alors qu'il pouvait gagner de l'argent ? Triste affaire, cependant, cela avait au moins eu l'effet positif de le remettre en forme, il n'avait pas si bien dormis depuis son arrivé, et c'était de la bonne fatigue.

Une fois rhabillé et s'être emparé de son matériel, Jindanor descendit les marches quatre à quatre, atterrissant au rez de chaussé dans un fracas lourd, il n'était pas tombé, enfin lui du moins, cependant l'un des poivrots à une table s'était réveillé en sursaut et glissé de la table, s'écrasant au sol dans un bruit flasque et lourd...

-Ha, une vraie gourde remplie d'bière... Dit-il en enjambant le vieil alcoolique, se dirigeant vers le comptoir.

-Ah ! Enfin ! C'est bon, tu déguerpis pour de bon ?! Lui lança le vieux tenancier, il ne le portait pas dans son cœur ce grand bougre, oh non bien au contraire, surtout depuis qu'il avait brisé l'une de ses tables en s'écroulant dessus lors d'un de ces duels improvisé.

-Oui, je vous laisses tranquille, vous n'me reverrez pas de si tôt ! Dit-il en tendant sa main au tenancier.. Par respect le vieillard la lui serra, une poignée de main, d'homme, le cuir de leur peau tannée vint crisser.. Ils ne se portaient pas dans leurs cœur, oh ça non... Mais bon.Je vous souhaite une longue vie, Sir, et surtout de trouver un bon gars pour votre fille.

-Ouais, j'ferais ça... Déguerpis d'ici maintenant.. C'bien parce que t'étais client que j'te laissais rester.

Jindanor ne se fit pas prier, sortant de l'auberge en prenant une grande bouffée d'air frais et matinal, bien heureux de s'être levé si tôt, avait-il pu de ce fait prendre une heure pour lui, bien coiffé, barbe rasée de près en un bouc, vêtements propres et bien arrangé... Il s'était encore mieux vêtus que lors de cette balade au Temple avec Cécilie et Rose, non, il n'avait pas acheté de vêtements, cependant sachant qu'il allait les rencontrer cette fois s'était-il arrangé à ce que ses vêtements soit correctement froqué !

Il déambula patiemment dans la ville qui prenait l'éveille, les femmes sortaient les pots de chambres et les vidés dans la rue en contre-bas, les hommes sortaient et partaient au travail... Il prit deux bonnes heures pour se rendre au quartier du Palais... Bon sang, il ne se sentait pas du tout à sa place ici, la plupart des hommes et femmes sortant de cet endroit filaient au marché, armer de leurs tenue colorées, et très peu au gout de notre Bûcheron, lui avait fait en sorte que cette peau d’ours soit correctement posée sur son dos, comme une cape de fourrure, il l'avait même peignée, pour vous dire... Cette peau d'ours semblait revivre.

Il approcha la Grand porte, observant l'un de ces gardes qui se tenaient sur les flancs, l'observant de haut en bas, il n'était pas petit, ce personnage qui se présentait au château.

-Jindanor Numanor, je devais remettre une réponse à la Dame de Laval, puis-je la voir ?

Les gardes s'observèrent, puis reportèrent leurs regard sur le géant devant eux... Il ressemblait fortement à la description qu'avait donné la Dame de Laval à propos de ce personnage qu'elle devait voir... Cependant, pour s'assurer de l'identité de l'homme et de la disponibilité de la Dame, l'un des gardes salua rapidement le géant avant de lui faire part de ses intentions.

-Je vais prévenir ma Dame, entrez... Nous vous ferons savoir si elle est apte à vous recevoir... Sir.
Le garde semblait dubitatif sur les mots à utiliser pour qualifier l'être qu'il avait devant lui, il ne paraissait pas être paysan, mais n'avait pas non plus la dégaine d'un seigneur... Il était tout sauf Noble mais pas pour autant crasseux... Ma foi, il ne sembla pas plus s'attarder et le fit entrer dans la grand salle derrière la porte, le faisant attendre dans celle-ci le temps qu'il fasse prévenir la Dame.

Jindanor attendu, attendu encore, il marcha dans la salle, en observant les murs, les décorations et même jusqu'au carreaux qui se trouvaient au sol, formant le carrelage sur lequel il se tenait...

Il y était, il allait donner sa réponse... Mais voudrait-elle toujours l'entendre... ?

Quatre jours s'étaient écoulés depuis l'arrivée de Cécilie à Lourmel. Maélyne était plus prise que jamais, mais comme à chaque fois qu'elle en avait eu l'occasion, la jeune Missédoise passait le plus clair de son temps avec la petite Aline. L'enfant était d'une vivacité incroyable! Nul doute qu'elle deviendrait une femme admirable et reconnue.
Les jours s'étaient écoulés lentement entre les discutions avec Maélyne avant son départ, les moments passés avec Aline, les visites au temple et les pauses musicales que s'accordaient dans les appartements que lui avait fait préparer sa cousine ou dans un petit salon.

Mais ces quelques jours de paix lui avaient aussi laissé beaucoup de temps pour penser à la proposition qu'elle avait faite à Jindanor... Le lendemain de son escapade en ville, elle s'était longuement entretenu avec Rose sur le sujet. Un garde du corps n'était pas un atout négligeable. Lorsqu'elle avait quitté Missède, ce n'était normalement que pour un mois ou deux, un voyage pour ses représentations et une visite à Maélyne, rien de plus. Dans ces temps de troubles, un homme de confiance était cependant bien plus recommandé qu'une troupe fournie, bien qu'elle ne remercierait jamais assez Jérôme de l'avoir poussée à prendre autant de soldat avec elle vu ce qu'il s'était produit sur le chemin.

-Je suis d'accord. Entre son naturel avenant, son immense carcasse et les prouesses qu'il nous a montré sur le terrain, il parait tout indiqué pour remplir cette tache. Je... je ne sais même pas si je serais encore en vie s'il n'avait pas été là pendant cette embuscade...
-Mais quelque chose te tracasse.
-Et bien... oui. Il s'est attaché peut-être un peu vite. Vous ne trouvez pas?
-Que veux-tu dire?
-Il manque de se faire tuer à cause de nous et quelques paroles suffisent à en faire notre ange gardien?
-Tu ne veux quand même pas dire qu'il fait cela par calcul?
-Non. Non je ne pense pas , répéta-t-elle sans le moindre doute. Je trouve juste cela... Étrange?

Quelque chose restait caché, en suspend sous ce étrange, Cécilie n'en avait aucun doute, mais si Rose préférait ne pas en parler, elle avait suffisamment confiance en elle pour ne pas l'y pousser et garder son avertissement dans un coin de sa tête. Elle-même ne doutait pas de la sincérité de Jindanor qui avait prouvé être un homme d'honneur. Mais il était vrai que leur rencontre était très récente.Tu n'insinuerais quand même pas qu'il a fait tout cela par calcul?


-Si tu le dis... Mais en l'absence de preuves, tu avoueras que c'est un cadeau des dieux vu les terres que nous avons à traverser. Je préfère me fier à mon instinct cette fois.
-Ton instinct? Toi qui clamais il y a peu que rien ne valait les faits?
-Rose...
-Très bien, j'avoue qu'il s'est montré plus que compétent et il n'a pas l'air d'un parjure...
-Je remets ma vie entre les mains de personnes que je connais bien moins et qui ont certainement des intentions plus néfastes presque à chaque fois que j'exécute un récital.
-N'en jette plus! Je m'avoue vaincu pour cette fois.
-Je t'en prie! Je te connais suffisamment pour savoir que tu le gardera à l'œil quoi qu'il arrive pendant au moins un mois... s'il accepte et qu'il reste avec nous jusque-là.

Rose avait juste étouffé quelques éclats de rire avant de repartir sur d'autres sujets. Peu importe le lieu, les soirées se finissaient toujours de la même façon: entre les deux jeunes femmes.

Ce genre de rituels était autant un confort qu'une obligation dans la vie de Cécilie. Même si elle s'était entrainée à faire certaines choses seule dans les périodes ou elle avait voulu rejeter son handicap, elle dépendait de Rose pour beaucoup de chose. Elle n'aurait pas été noble, elle aurait surement pu s'habiller seule chaque jour, mais déjà que certaines dames préféraient une main extérieur pour ajuster leur tenue, une aveugle ne pouvait pas faire sans et vouloir paraitre impeccablement habillée. Coiffures et choix des vêtements étaient ainsi du fait de sa fidèle suivante.
Mais des astuces restaient importantes pour elle. Au cours de ses voyages, a chaque nouvel arrêt, à chaque nouvelle chambre, elle devait prendre quelque temps pour explorer l'endroit et réussir à mémoriser la position du mobilier. Pouvoir se déplacer ne serait-ce qu'un peu librement, sans avoir à s'harnacher d'une canne ou demander de l'aide, était un loisir trop rare. Se dévêtir seule, même si Rose récupérait, rangeait et choisissait ses vêtements la faisait se sentir moins gauche. Elle prenait aussi le temps qu'il lui fallait pour d'autres petites tâches quotidiennes. Mais voila... Malgré son handicap et sa bonne volonté, la noble dame n'était pas vraiment matinale...

Là ou Jindanor était déjà réveillé à cinq heures sur une paillasse, Cécilie dormait encore d'un sommeil profond, la tête lourdement enfoncée dans un oreiller moelleux. Ce ne fut qu'à huit heures passées que Rose, ayant reçu la demande de ne pas la laisser dormir trop tard car elle voulait commencer à préparer ses visites à Serramire et Odelian, entra dans la chambre à pas de loup.

D'un geste ample, elle ouvrit les lourdes tentures qui obturaient les fenêtres avant de se glisser jusqu'au lit ou la noble fainéante, pas gênée le moins du monde par le changement de luminosité. Posant sa main sur l'épaule de Cécilie, Rose du l'appeler plusieurs fois pour qu'elle daigne ouvrire les yeux et s'asseoir, étouffant un bâillement du revers de sa main.
Laissant quelques minutes à la jeune femme pour sortir définitivement du pays des songes, Rose en profita pour s'approcher de sa malle à la recherche des vêtements du jour. Rien de prévu normalement. Une tenue simple et confortable. La robe de laine grise et blanche des jours précédent serait parfaite.

Toujours en chemise, Cécilie se glissa sur le bord du lit, sentant le fond de l'air froid courir le long de ses jambes et glissé sur son visage. Heureusement que la descente de lit était épaisse car le sol de pierre devait être glacial... De la peau de mouton à vue de pied. Seule, elle se dirigea prudemment jusqu'à la table de toilette. Elle ne rentra ni dans le fauteuil, ni dans sa propre harpe, ce qui eut l'avantage de la faire sourire... bien plus que l'eau de l’aiguillette.

Posant sa fine chemise sur la table près de la cuvette, elle se frictionna sommairement à l'eau savonneuse avant de se rincer tout aussi rapidement. Plusieurs mèches mouillées collaient aux contours de son visage et elle frissonnait à chaque déplacement d'air. Quelques tâtonnements plus tard, elle mettait la main sur le drap de bain et s'enroulait dedans pour ne pas attraper la mort. Ces petites toilettes matinales avaient au moins le mérite de chasser le sommeil.

-Des réponses ce matin?
-Aucune. Sir Hakerm ne semble pas franchement pressé quand à Odélian, qui peut dire si la missive est arrivée.
-Je vois.

Rose s'approcha pour aider Cécilie à se vétir et récupérer sa chemise de nuit. Avec une toute simple robe de laine blanche aux manches droites, une sur-robe de laine grise lassée sur la poitrine jusqu'au ventre ne serait pas de trop pour la saison. Sans vraiment prêter attention aux ajustement pour le moment, elle laissa Cécilie s'asseoir sur son tabouret près de la cheminée pour qu'elle puisse s'occuper les mains sur sa harpe pendant qu'on tentait de dresser ses cheveux.

-Tu me trouverais quelque chose à manger avant? Demanda Cécilie alors que Rose s'asseyait derrière elle.
-La gourmandise te guette...
-Et la faim me ronge.
-Très bien je reviens. Rit à demi Rose en posant un petit peigne de nacre sur les genoux de la musicienne.

Un battement de cil et la porte claquait, laissant les dernières braises de l'âtre et les pépiements des oiseaux pour seuls fond sonore. D'un geste fluide mu par l'habitude, Cécilie rabatti sur son épaule sa tresse lâche et en partie défaite par la nuit. Ainsi attachés ses cheveux glissaient facilement jusqu'à sa hanche mais libre, ils arrivaient presque à ses genoux. Au lieu d'accorder sa harpe, elle commença à dénouer le ruban qui les tenaient liés.

...

-Rose!

La voix d'un valet interrompit la marche de la jeune femme. Un valet qu'elle avait croisé plus d'une fois et qui travaillait d'ordinaire aux cuisines. Il avait l'air aussi essouflé que pressé.

-Michel?
-Les cinq soient loués. Un garde m'ait tombé dessus il y a pas un instant. Il a dut partir régler un problème. Il m'a dit de prévenir la Demoiselle de Laval qu'un colosse du nom de Jindanor Numenor était dans le hall. J'ai peur que Dame de Lourmelle tombe sur lui et...

Si tôt! Et bien le petit déjeuné serait pour une autre fois... Tout en faisant demi tour, elle rassembla ses cheveux éparts en un chignons qu'elle fini d'attacher avec des épingles piquée dans sa robe.
-Est-il présentable?
-Euh.. Oui.
-Laisse moi faire. Tu peux retourner à tes affaires. Merci! Jeta-t-elle encore par-dessus son épaule en repartant au pas de course.

...

Cécilie sursauta lorsque la porte s'ouvrit précipitamment. Les pas rapide et la respiration courte étaient pourtant bien ceux de Rose.

-Qu'y a-t-il?
-Jindanor est là.
-Comment?!
-Il attend dans le hall parait-il.

Avec des gestes toujours aussi mesurés, Cécilie posa le peigne près d'elle et se leva doucement.

-Dans ce cas mène moi dans le petit salon où Maélyne m'a reçu le premier jour.

Elle aurait put hésiter à faire ainsi usage du chateau de sa cousine mais elle ne doutait pas que Maélyne préfèrerait cela plutôt qu'elle reçoive un presque inconnu dans ses appartements.

-Il n'est la que pour un travail. Et puis votre accoutrement?
-Ajuste ma robe et passe moi un ruban, nous n'aurons guère le temps de faire mieux.
-Mais...
-On ne va pas le laisser patienter une heure pour ce détail.

Aussitôt dis, aussitôt fait. Les cheveux outrageusement long de la jeune femme furent simplement attachés en demie queue avec un ruban blanc mais Rose fixa tout de même une chainette ornée d'une petite pierre rouge sur le front de Cécilie, empêchant toute mèche de retomber sur son visage. La tenue grise et blanche fut aussi rajustée et lacée de façon plus serré pour l'empêcher de bailler. En à peine quelques minutes, les deux femmes sortirent de la chambre.

Une fois dans le petit salon, Rose laissa Cécilie s'installer de façon plus présentable dans un fauteuil et ressorti aussi sec pour aller s'enquérir de Jindanor. Une fois assise et ses cheveux assez bien mis pour lui permettre de tourner la tête sans s'arracher la moitié du crâne, la jeune noble vérifia du bout des doigts l'état de son visage et se sa coiffure. Tout était en ordre si ce n'était une ou deux courtes mèches collés à ses tempes, toujours humides.

---

Enfin, Rose déboucha dans le hall. Appercevoir Jindanor n'était alors pas la tâche la plus difficile qu'il soit. Elle attendit cependant d'être à sa hauteur pour le saluer poliment.

-Ravie de vous voir Jindanor. Je suis navrée pour l'attente, mais nous ne vous attendions pas aussi tôt. Ajouta-t-elle un léger reproche dans la voix.

Le valet n'avait pas mentit, le colosse était tout à fait propre sur lui. Bien différent de l'homme qui les avaient sauvée, elle et Cécilie de cette attaque de brigands quelques jours plus tôt. Mais il était inutile de le faire languire plus longtemps. Répondant avec entrain aux éventuelles remarques du jeune homme, elle le précéda dans les couloirs.

-Suivez-moi, Cécilie vous attend.

Il ne leur fallu que quelques instants pour arriver au salon en question. Rose lui montra d'un geste le canapé près d'un fauteuil déjà occupé, alors que Cécilie saluait son hôte sans attendre, sûre de ce qu'elle avait en face d'elle.

-Bonjour Jindanor.

Elle laissa le temps à tous de s'installer avant de continuer. Les politesses et ronds de jambe ne servaient à rien en ce cas précis.

-J'espère que ces derniers jours ont été profitables à votre réflexion. Je suppose que vous êtes ici à propos de cette proposition de garde du corps?

Jindanor observait l'incroyable œuvres d'architecture en laquelle il se trouvait... En effet le hall présentait des colonnes hautes et travaillée, un carrelage richement décoré, et de nombreuses toiles et tapis couvraient les murs et le sol, vitraux et fenêtres n'étaient pas peu de chose en ce lieu, Jindanor se sentait comme à son habitude maintenant, remis à sa place... Cette structure imposait. Prestance et puissance.

Il entendit une porte s'ouvrir non loin, n'y prêtant pas attention, en effet depuis les quelques minutes qui l'avaient vu débarquer dans ce Hall il n'avait fais que cela, remarquer ces portes s'ouvrir et claquer.. Les servants ,certainement ,qui allaient et venaient, rapportant plateaux en argent, ou pots de chambres. La vie semblaient seulement démarrer dans ce castel. Dorénavant il se demandait s'il ne venait pas...Bien trop tôt. Sa réflexion le coupa du monde jusqu'à ce qu'il sente une personne se tenir derrière lui, il se retourna lentement pour l'observer, c'était Rose, réveillée de bon matin visiblement.

-Ravie de vous voir Jindanor. Je suis navrée pour l'attente, mais nous ne vous attendions pas aussi tôt. Lui lança-t'elle après l'avoir poliment salué..

Argh... C'était bien ce qu'il craignait, à l'instant précédent il avait eu cette pensée, ces riches et Nobles n'avaient pas la vie de leurs servants, le réveil ne se perpétuait pas à l'aube, ou du moins très rarement.

-Bien le bonjour Rose, ne vous en faîtes donc pas pour l'attente, j'ai connu bien pire. Je m'excuse de m'être présenté si tôt, je ne voulais point déranger. Il était sincère, loin de lui l'idée de gêner une dame. Je suis un lève-tôt. Vous êtes charmante, comme d'habitude, comment allez-vous ?

Jindanor souria suite à sa réponse, elle était pleine d’entrain, et lui assura qu'elle se portait à merveille.
Il sentit cependant son regard sur lui, le détailler de la tête au pied. Il fit un silence jusqu'à ce qu'elle se tourne pour se diriger vers les couloirs.

-Suivez-moi, Cécilie vous attend.

Il ne tarda pas, lui emboitant le pas, en répondant avec enthousiasme.

-Je n'oserais pas m'aventurer dans ce labyrinthe sans votre aide, pour sûr que je n'en ressortirais pas avant la fin de la journée si l'idée me prenait, il rit un peu, ne cachant cependant pas un certain... Stress ?

Ils ne mirent pas bien longtemps à atteindre un salon, somptueux, encore.. Jindanor en prenait "plein les mirettes" comme l'aurait exprimé son défunt père, cependant, le fait de repenser à son père lui tomba sur le nez comme une très mauvaise idée, affaissant durant un court instant ses traits joviales. Il essuya assez rapidement ce sentiment invasif et repris un sourire amical et jovial. Il suivit du regard le bras de Rose, lui indiquant un canapé, qu'il observa dans le détail, ses fines coutures, ses pieds cannelés et son drapé. Tout ceci lui donna un vertige monétaire... Jamais il n'aurait cru s'asseoir sur tel ouvrage... Aussi prit-il toute ses précautions, posant délicatement son lourd fessier sur le canapé. Comme il s'y attendait, le prix ahurissant qu'il se représentait en tête allait de pair avec le confort qu'apporté le meuble.

-Bonjour Jindanor.

Il observa Cécilie, il n'avait pas encore posé son regard sur elle, aussi allait-il de surprise en surprise... Il semblait que ses cheveux venait de rencontrer l'humidité, par endroit, son visage était frais, et dégagé des mèches, sa chevelure travaillait laissée dépasser quelques mèches.

-Bonjour, ma Dame. Il prit un peu de temps pour se placer correctement, déposant avec délicatesse son bardas sur le flanc droit du canapé.

-J'espère que ces derniers jours ont été profitables à votre réflexion. Je suppose que vous êtes ici à propos de cette propositions de Garde du corps ?

Jindanor sourit un peu, oui, il était là pour cela, il n'aurait jamais eu l'audace de venir ici sans avoir une annonce suffisamment importante. Hors il qualifiait la réponse à une offre de la part d'une Dame suffisamment importante pour cela... Une visite de courtoisie ? Aurait-il osé ? Non.. Certainement pas. Il n'était pas encore suffisamment proche, et aurait eu bien trop peur de paraître invasif, et de s'attirer ainsi les foudres d'une Dame.. Chose qui se résultait bien généralement par une tête au bout d'une pique...  Ces coutumes du Nord.

-Vous supposez bien, dit-il avec un sourire amical plus que jovial. Je suis bien ici dans l'objectif de vous apporter réponse. Je n'ai rien à y perdre, et tout à y gagner, mais je ne pense pas nécessaire de vous dévoiler toute les variables qui m'ont amenée à accepter. Il fit planer un certain silence. En effet, j'accepte, je me plierais aux nécessités, je puis même prêter serment en public, vous vous doutez bien aussi que je me plierais à vos souhaits. Cependant, le fait d'accepter ne me dit pas exactement ce que vous souhaitez qu'il advienne. Il prit quelques instants, pour qu'elle anticipe ce qui allait venir. J'ai donc quelques questions, quels seront mes obligations? Souhaitez vous officialiser la chose ? Par là je n'entends pas que celles-ci puissent me faire changer d'avis, elle ne pourront en rien changer ma décision.

Il attendit sa réponse, acceuillant chaque information avec intérêt, il ne négocierait pas, il n'était que Bûcheron instruit après tout, et même le plus contraignant des serments ne pourraient que lui être bénéfique.

Cécilie aurait put demander à voir son visiteur dans un endroit moins cossu. Elle aurait même put lui demander de revenir plus tard dans la journée. Mais quelque part, cette petite attention lui permettait de se défaire une bonne fois pour toute de l'impression de dette qu'elle sentait avoir contractée au moment ou le bûcheron avait éviter à plusieurs des soldats de sa suite – et peut-être à elle et Rose par la même occasion – un sort funeste.

Et puis ce n'était pas comme si elle pouvait vraiment respecter l'usage. Une demoiselle de haute naissance sur les route qui recrutait un gueux rencontrer au hasard d'une attaque pour la défendre lors du reste de son périple n'était pas vraiment une affaire des plus courantes. Mais Les hommes de son père étaient bien loin et Jérôme avait été d'une grande bonté en renforçant son escorte. Avoir une ombre de l'envergure de Jindanor et qui ne soit attaché qu'à elle personnellement était sur bien des points, aussi inattendu qu'inespéré.

Mais Cécilie n'avait pas pour habitude d'agir sur un coup de tête, et les remarque de Rose étaient restées gravées dans sa mémoire malgré le peu de cas qu'elle en avait fait sur le moment. Si Jindanor devait resté, il y aurait plusieurs point à éclaircir... Points aux quels Jindanor avait également songé de son côté.

-Nous sommes ici pour éclaircir tout ce qui vous paraîtra nécessaire, Jindanor. Ne retenez aucune question, j'en ai moi même d'importantes. Cependant je tiens à insister sur le fait que je ne vous en tiendrai nullement rigueur si vous décider de vous esquiver après certaines réponses.

Les questions du jeune homme firent étrangement plaisir à la jeune femme. Lorsqu'elle lui avait fait cette proposition, il avait semblé l'accepter sur un coup de tête alors qu'elle parlait de louer sa vie et son bras pour en préserver une autre. Elle n'aurait jamais accepter d'utiliser un inconscient de la sorte. Mais il venait de prouver qu'il y avait sérieusement songer, même s'il ne semblait pas enclin à révéler toutes les raisons de son choix.

-Bien. Reprit-elle en repassant mentalement les différentes choses qu'elle avait listées ces derniers jours. Je suis au milieu d'un voyage entre plusieurs villes du Nord et les hommes qui me protègent sont les gens d'un ami. Un ami cher, certes, et j'ai toute confiance en ses soldats, mais aucun d'eux ne dépend de moi ou ne porte mes couleurs. Une demoiselle comme moi n'a ni hommes ni armée, c'est dans l'ordre des choses. Mais j'ai besoin de vous en tant que garde personnel.

Vous coopéreriez avec mon escorte, en obéissant au lieutenant comme l'un de ses hommes tant que vous n'avez pas fait vos preuves dans l'art de la stratégie. Par contre, si vous refusez un ordre direct de façon justifiée, vous ne serait pas puni comme un soldat.

Vous logerez avec les soldats et, dans un premier temps, vous aurez la même paie qu'eux mais vous porterez à terme les couleurs de Beaurivage. Cependant, votre carrure obligera à vous faire faire un uniforme à votre mesure, ce que nous n'auront le temps de faire qu'à Serramire et encore... Avant cela il vous faudra vous contenter de protections disparates.

Pour l'instant j'attendrai de vous que vous m'accompagniez dans mes sorties, que vous me protégiez pendant les trajets et que vous soyez disponible en cas de besoin. En fait, au quotidien, j'attends surtout que vous soyez disponible. Vous ne serrez charger des rondes ou tour de gardes quotidiens avec les autres que dans les premières ennéades, pour comprendre comme le système fonctionne. Quoi qu'il arrive, vous disposerez également d'au moins deux soirs à vous par ennéade mais du moment que je suis en sécurité, comme ici par exemple, je n'exigerai pas votre présence constante.

Mais si vous voulez rester à mes côtés, j'aimerais que vous appreniez les bases de métier de garde auprès du Lieutenant et de ses hommes. Relever les failles dans la sécurité, s'occuper de quelques hommes, savoir comment agir efficacement dans une foule tout en protégeant quelqu'un et se battre en équipe... Bien que sur ce dernier point je ne sais pas si vous en aurez réellement besoin. J'aimerai aussi que vous appreniez les bases du maniement que l'épée. Même si vous persistez à vous battre autrement, l'épée est une arme noble et la portée sera une de vos prérogative. "

Elle changea brusquement de toi, sans toutefois tourner la tête.

"Rose, si tu veux bien aller chercher une collation?"

Rose se tourna. La surprise se lisait sur son visage mais vu la conversation qu'elles avaient eu juste avant l'arrivé du géant, elle ne se posa pas plus de questions. Et se leva et quitta la pièce. Laisser ainsi Cécilie ne lui plaisait guère mais si elle ne pouvait même pas rester quelques minutes dans la même pièce que cet homme, comment pourrait-il prétendre la protéger par la suite?
Cécilie garda encore le silence quelques instants, attendant d'entendre les pas de Rose s'éloigner assez dans le couloir.

"Si vous êtes toujours d'accord, j’aimerai vous parler d'un arrangement un peu spécial. Mais je ne tiens pas à ce que cela s'ébruite. J'ai votre parole, que vous acceptiez ma proposition ou non? "

Le ton de Cécilie aussi bien que son visages s'étaient fait plus sérieux. Elle attendit que la question soit clairement réglée avant de reprendre.

"Soyons clairs. Je ne vous connais pas depuis assez longtemps pour pouvoir me filler à vous sans restriction. Pourtant je pense pouvoir vous faire confiance. Ce que je vous propose est un travail. N'espérez ni titre, ni faveur particulière de ma part ou de celle de mes parents.

Vous devez comprendre que je suis fort loin de chez moi et que ma qualité d'héritière, même d'un petit fief, tout comme mon handicape fait de moi une proie facile et tentante. Je me suis également fait reconnaître comme appartenant à la cour de Jérôme de Clairssac tout en étant de la famille éloignée des Lourmel. Les tensions à mon encontre, si elles ne sont pas forcément exprimées, n'en sont que plus vives. Les menaces des nobles ne sont pas moins dangereuses que les bandits de grands chemins et vous risquerez réellement votre vie. "

Elle fit une pause pour attendre les éventuelles questions ou remarque de Jindanor. Elle n'avait pas vraiment forcé le trait mais son ton était assez détaché et factuel. Elle ne voulait pas lui cacher ce qui serait réellement sa tache. Et elle ne se limiterait pas à cela.

" Mais si j'ai demandé à Rose de sortir, c'est que je veux vous parler d'elle. Vous le savez, et  je ne puis m'en cacher, je suis dépendante d'elle. Mais elle est de bien basse extraction. Plus que vous sans doute. Pour l'heure, je pense que les puissants sont trop occupés par les drows pour y faire attention mais, même en dehors des terres de mes parents, je suis assez proche de Maélyne de Lourmel pour que quelque chose qui s'en prenne à moi lui porter préjudice. Et le meilleur moyen de m'atteindre sans que cela ne choc qui que ce soit tout en faisant ressortir mon infamie, est de s'en prendre à Rose.

Je la garde éloignée de mes entrevues importantes pour cette raison et elle n'est au courant de rien de politiquement décisif. Mais ce n'est pas pour cela qu'elle est totalement hors de danger. Je suis bien entourée. Ma naissance et mes relations me mettent à l'abri de beaucoup de choses. Mais sans Rose, je ne serait plus qu'une aveugle trop loin de sa Missède natale. J'aurai peut-être besoin que vous gardiez certaines de nos entrevues pour vous mais surtout je veux que vous la protégiez avec autant si ce n'est plus d'attention que moi-même.

Je me moque d'un serment publique. Je vous crois assez honnête pour savoir qu'il n'y a pas plus infâme qu'une trahison. Mais il y a bien un serment auquel je vous demanderait de sacrifier si mon offre vous va toujours. "

S'il y avait une chose sur laquelle Cécilie ne se permettrait pas de transiger, c'était bien cela.. Mais à présent, toutes les cartes principales étaient dans les mains de Jindanor et elle devait savoir ce qu'il avait à dire également.

HRP:

Jindanor était ainsi posé sur ce canapé particulièrement confortable... Confortable mais il n'était pas pour autant entièrement à ses aises... Il se savait légèrement anxieux, réfléchissant à ce qu'il allait advenir du Bûcheron qu'il était... Ce n'était pas un serment en l'air, ce n'était pas un acte qui n'aurait aucun réel effet, réel changement dans sa vie, au contraire. Bien au contraire. Cette décision avait été réfléchie, vue, revue, passée, repassée, étudiée sous chaque couture, chaque minuscule détails... Mais il se savait poussé par autre chose.. Une chose qu'il n'osait pas réellement s'avouer à lui même, une chose qu'il devrait reconnaître avant de n'oser en parler avec quelqu'un d'autre... Avec la personne en lien avec ce ressentis... Il était assis, en face de Cécilie. Ainsi assis, elle n'était pas bien plus petite que lui, il était à sa hauteur.

Petit... Il se sentait petit, pourquoi ? Peut-être par le fait que le poids de ce château, preuve de puissance, venait de lui tomber sur les épaules ? Peut-être car ce lieu lui rappelait qui elle était réellement ? Certainement...

-Nous sommes ici pour éclaircir tout ce qui vous paraîtra nécessaire, […] je ne vous en tiendrai nullement rigueur si vous décider de vous esquiver après certaines réponses.

Il posait ses questions, celles-ci même qui l'emmenait sur un sentier qu'aucun des membres de sa famille n'avait encore emprunté, ce sentier se scindait maintenant en deux branches distincte, l'une pleine de promesses, promesses de vie bien remplie, de vie aventurière, risquée, et l'autre, celle lui offrant une vie difficile, mais paisible, de pauvre, mais de pauvre bel et bien vivant. De pauvre qui pourrait bien plus simplement fonder une famille... Il voulue rajouter autre chose, mais se tint à ses paroles. Il patienta jusqu'à ce que la réponse arrive.

Ce fut la première fois que Jindanor obtint un flux de paroles aussi important de la part d'un de ses compagnons de discussion, mais ce flux, il su aisément le digérer. Il savait d'autant plus que cet assemblement de phrases et de mots viendraient à le renseigner de son possible futur.

Ces hommes qui la suivait, n'étaient pas ses gens, mais ceux d'un mi, un ami cher... Cher ? A quel point ? Jindanor ne s'attarda pas sur ce détail plus que de raisons, même si son esprit aurait bien souhaité y passer sa journée. Il ne prononça mot pendant le monologue de la Dame, enregistrant chaque informations. Rassemblant le tout dans un carnet psychologique, qu'il placarda dans sa mémoire, jusqu'à ce qu'elle change de ton, de façon si brusque que Jindanor retint un certain sursaut, surpris.

-Rose, si tu veux bien aller chercher une collation ?

Ces mots sonnèrent tout autant de la prière que de l'ordre, un silence s'installa dans la pièce tandis que Rose sortait, Jindanor la suivant du regard en la remerciant rapidement d'un hochement de tête quand elle observa par l'encadrure avant que ses pas ne se fassent de plus en plus sourd et éloignés.
Jindanor sentait que quelque chose se tramait, il reposa son regard sur Cécilie, tout ouïe .

-Si vous êtes toujours d'accord, j'aimerai vous parler d'un arrangement un peu spécial. Mais je ne tiens pas à ce que cela s'ébruite. J'ai votre parole, que vous acceptiez ma proposition ou non ?

Son ton était devenu d'un sérieux, qui la rendit froide, forçant Jindanor à se redresser, droit comme un I sur ce canapé, ses mains autrement enlacés sur ses genoux venaient de se délacés, l'aidant à se rasseoir confortablement au fond de ce canapé, il joua un peu des épaules.

-Sur mon honneur et mon âme, je puis vous jurer que ce dont vous allez me parler ne s'ébruitera jamais, que ce soit de gré ou de force, jamais ce dont nous allons discuter ne pourra s'échapper de mes lèvres. Son air devenu tout autant sérieux, sourcils légèrement froncé, son ton plus grave qu'à l'accoutumée. Tous sens aux aguets, il prêta ainsi d'autant plus attention aux prochaines phrase qui allaient suivre.

-Soyons clairs.[...]Les menaces des nobles ne sont pas moins dangereuses que les bandits de grands chemins, et vous risquerez réellement votre vie.

Jindanor remarqua la pause, certain que celle-ci était là pour lui permettre d'orienter la suite de la discussion, poser les questions qu'il avait en tête, celle que ce changement de ton avait très certainement amené à germer dans son esprit.

-Je suis, malheureusement, bien plus familier que vous ne semblez le croire aux manigances des cours, et des Jeux auxquels se livrent les Nobles... Sournoiserie et perfidie ne sont certes pas mon rayon, mais mon défunt père, assez bien placé eu maintes fois besoin de jouer à ce jeu... Les marchands vivent eux aussi de ces Jeux... Quoi qu'on en dise. Il prit une petite respiration. Je comprends que vous ne puissiez vous fier corps et âmes à moi aussi facilement que cela, et je suis déjà bien heureux de savoir que vous sentez pouvoir me faire confiance. Je me ferais un honneur de vous prouver ma loyauté, ce « travail » que vous me proposez est bien plus que vous ne le pensez. C'est une porte grande ouverte à une vie nouvelle, certes peu paisible et mue par ces nombreux « Jeux ». Il accentua ce terme de guillemets fictif avec ses index, et principalement sur son ton, sachant qu'elle ne pouvait le voir. Tout ce que j'attends est de pouvoir me rendre à nouveau utile, et vous venez de me confirmer que je saurais certainement le faire en vous servant. Maintenant vont venir mes quelques questions... Vous n'avez pas fais sortir Rose pour Rien... N'est-ce pas ? Pourquoi dans ce cas ? C'est en rapport avec ce serment que vous venez de me faire prononcer ?

-Si j'ai demandé à Rose de sortir, c'est que je veux vous parler d'elle. […] le meilleur moyen de m'atteindre sans que cela ne choque qui que ce soit tout en faisant ressortir mon infamie, est de s'en prendre à Rose.

Jindanor eut un temps de réflexion, il est vrai, Cécilie était la cousine de la Dame de Lourmel. Et de ce qu'il avait cru comprendre elles semblaient assez proche... Ainsi sa tâche n'était pas simplement de jouer de garde à une simple aveugle, comme il s'en doutait déjà, mais peut-être, aussi, d'une pièce pouvant devenir maîtresses dans les Jeux de la noblesse... Elle était un pion de valeur sur cet échiquier royal en perpétuel mouvement.

-Je la garde éloignée de mes entrevues importantes pour cette raison et elle n'est au courant de rien de politiquement décisif. […] Mais sans Rose, je ne serais plus qu'une aveugle trop loin de sa Missède natale.J'aurais peut-être besoin que vous gardiez certaines de nos entrevues pour vous, mais surtout je veux que vous la protégiez avec autant, si ce n'est plus, d'attention qu'à moi même.

Jindanor hocha de la tête, elle lui demandait non seulement de veiller sur elle, mais aussi sur sa suivante et amie, femme de basse extraction peut-être mais surtout sa fidèle suivante. Fidèle suivante qui lui permettait de passer pour plus adroite qu'elle ne devait l'être sans elle... Rose était autant essentiel à Cécilie, que l'était la lanière de cuir qui maintenait l'harnachement d'armure d'un chevalier, sans Rose, Cécilie était comme le poisson sans nageoire . Elle se verrait couler au fond de cette mer agitée qu'était la Noblesse dans le climat actuel.

-Je me moque d'un serment publique. Je vous crois assez honnête pour savoir qu'il n'y a pas plus infâme qu'une trahison. Mais il y a bien un serment auquel je vous demanderais de vous sacrifier si mon offre vous va toujours.

Jindanor observa la jeune femme, même si sa raison lui aurait crié de refuser pour quelque raisons que ce soit, pouvait il réellement LUI refuser ? Pourrait-il ? Il ne savait pas. Seuls les cinq devaient savoir cela.

-Cela fait certes, beaucoup de chose à assimiler et je dois vous avouer que je vais prendre quelques instants pour tout me figurer... Chose qu'il fit assez rapidement, se redessinant le tableau. Je dois donc me charger de votre protection, ainsi que de celle de Rose, sachez que serment publique ou non. Je vous jurerai sur mon honneur, ma vie, et même mon âme, que je ferais tout ce qui est en mon possible pour vous protéger, vous et Rose. Madame, je n'attends que vos mots pour me désigner ce serment auquel vous souhaitez que je me plie. Il prit une respiration avec de lui sourire. Le maniement de lame ne me gênera guère, j'ai toujours souhaité apprendre à manier cette arme. Quant-à l'armure, cela pourra attendre, j'ai combattus pendant deux années seul dans un lieu tout aussi dangereux, mais certes moins sournois, et je suis toujours en vie. Veillons juste à me rendre suffisamment... Présentable ?

Jindanor se voulait plus apaisant auprès d'elle, et lorsqu'il finit ces quelques mots, il se sentait lui même un peu moins anxieux, il ne savait pas encore bien à quoi s'attendre, mais, au moins connaissait-il ses objectifs.

-Après tout, si je dois figurer à vos côtés, il vaudrait mieux que je ne ressemble pas au pauvres serfs harnachés de peaux sales et de guenilles, qui même si j'ai prêté un soin incroyable pour paraître correcte, ne suffiront pas à me rendre... Hé bien, présentable. Il souri légèrement, encore, détendons légèrement l'atmosphère tout de même, sans froisser la dame, il gardait un certain sérieux.

Cécilie, bien que mortellement sérieuse, n'était pas tendue pour autant. Sure de son choix et, elle n'avait rien à perdre dans cette affaire et tout à gagner. Elle laissa à son vis-à-vis tout le temps nécessaire pour réfléchir. Elle ne voulait pas le brusquer ou l'obliger à choisir dans l'urgence. Il lui aurait demandé quelques jours de plus pour réfléchir, elle aurait même repoussé son départ pour les lui donner. Ce qu'elle cherchait avec cet homme n'était pas un garde de plus qui se prêtait, s'envoyait en mission et s'oubliait une fois l'objectif accompli. Ce qu'elle voulait à terme, c'était un homme de confiance... Et c'était bien ce qui était le plus dur à trouver.

Par certains aspects, Cécilie était bien moins candide et douce que beaucoup de personnes de son âge... et que ce visage qu'elle offrait au monde. Ses parents, qu'elle soit proche ou non d'eux, lui avaient montré plus d'une chose et elle savait d'expérience que nul n'était plus fidèle qu'un homme de peu a qui l'on donnait une chance. Sa nourrice avait été un parfait exemple... Rose en était le plus frappant. Et si elle l'aimait tendrement, elle comprenait la démarche de ses parents.
Elle ne faisait plus cette proposition à cet homme en particulier sur un coup de tête. Elle ne tentait pas non plus de le manipuler et elle avait eu l'occasion de voir sa bonté d'âme. Du moins, elle espérait qu'elle ne se trompait pas à ce sujet. Elle restait convaincue qu'il représentait une chance incroyable à saisir.

Lorsqu'enfin il reprit la parole, elle sourit. Ce n'était pas un sourire de joie mais un sourire tout de même. Il acceptait de l'accompagner.
Elle sourit un peu plus sincèrement en l'entendant insister sur son apparence. Il n'était peut-être pas présentable, comme il disait, mais son ton et son comportement, tout comme son accent ou sa façon de s'exprimer n'étaient pas ceux d'un quelconque serf. Si sa parole était aussi précieuse qu'elle le semblait, elle persistait à penser que plus d'un noble qui aurait fait pâle figure à côté de lui. Alors même si son visage restait un secret bien gardé pour la jeune femme, elle ne doutait pas qu'il finisse par savoir bien présenter.

-Ne vous en faites pas, je suis sûr que le Lieutenant saura vous donner l'allure et la démarche que vous souhaitez. Souffla-t-elle, tentant elle aussi de rendre l'atmosphère plus douce.

Elle toussa une fois pour s'éclaircir la gorge et se redressa sur son siège, gardant les mains posées sur ses genoux.

-Quant au serment... Vous serez un homme de Beaurivages. C'est ma famille qui paiera votre équipement et votre dû. Malgré tout...

Si elle avait pu planter son regard dans celui de Jindanor, c'est à cet instant qu'elle l'aurait fait. Dans les livres, les légendes et les romans, les héros arrivaient à jauger leurs amis, leurs ennemis, leurs adversaires d'un simple regard. Les fenêtres de l'âme disaient certains. Des fenêtres closes pour elle. Et elle avait besoin d'avoir cette certitude que Jindanor ne la jugerait pas.
Elle s'était un peu tendue. Ses doigts se torturaient les uns les autres, mais à part ça, rien ne transparaissait.

-Je vous demande de jurer devant Néera et les Cinq que vous ne me trahirez pas, que vous n'agirez pas contre moi ou Rose, quoi qu'il arrive, même si vous en recevez l'ordre directe.

Le serment n'était pas commun. Il pouvait même paraître contre nature. Demander à un homme de jurer qu'il n'obéirait pas à ceux qui l'employaient en propre... Aux yeux de Cécilie, faire une telle demande était proche de la trahison... Ce serment montrait également le peu de confiance qui existait entre Cécilie et les siens, un état de fait qu'elle détestait plus que tout montrer à qui que ce soit. Ce genre d'affaire de famille sordide n'avait rien à faire hors du cercle des personnes concernées. Et pourtant il fallait bien qu'il le sache, lui qui aurait pour mission de la protéger...
Sa tête s'était légèrement détournée, toute ouïe à la réponse du jeune homme.

Jindanor souria aux quelques mots de Cécilie, elle aussi ne souhaitait pas que l'atmosphère ne soit trop pesante, ainsi lui souffla t'elle :

-Ne vous en faites pas, je suis sûre que le Lieutenant saura vous donner l'allure et la démarche que vous souhaitez.

Elle s’éclaircit la gorge, ce qui permit à Jindanor de faire un peu de même, se replaçant de nouveau correctement sur son siège. Il était plus apaisé qu'au départ, il ressemblait plus à ce qu'il était naturellement, avec cette pointe de sérieux qui donnait à son visage un ton sévère.

-Quant au serment... Vous serez un homme de Beaurivages. C'est ma famille qui paiera votre équipement et votre dû. Malgré tout...

Jindanor ne s'attendait certainement pas à ce qui allait suivre, il aurait pu s'attendre à ce qu'elle lui confit quelque chose de moindre.. Cependant...

-Je vous demande de jurer devant Néera, et les Cinq que vous ne me trahirez pas, que vous n'agirez pas contre moi ou Rose, même si vous en recevez l'ordre directe.

Jindanor savait que le Noble jeu n'était pas sentimental.. Mais ses propres employeurs, parents de Cécilie en l'occurence, pourraient-ils lui donner l'ordre d'exécuter celle pour qui il avait été engagé ? … Il savait que ces Nobles n'étaient pour la plupart qu'avide et en permanente soif de pouvoir... Mais là... Que faudrait-il pour satisfaire cet appétit d'ogre, s'ils étaient même capable de faire assassiner quelqu'un de leur famille ? Qu'étaient ces pantins, ces pions de soldats et d'âmes qui les servaient ? Jindanor avait déjà un certain dégoût prononcé pour certains Nobles.. Mais cette fois il était certain qu'il serait aux aguets, où qu'ils puissent être. Alliés ou ennemis.

-Vous me demandez, de jurer devant Néera et les Cinq de ne jamais vous trahir, mais de me tenir prêts à trahir mes employeurs, c'est bien ça ?

Elle aquiesca, il passa sa main sur son menton, pensif.

-Si je suis venus ici, ce n'est pas pour trahir une personne, ou une autre.. Si je suis venus ici, c'est pour Vous... Il insista sur ce dernier terme. Si je prête ma vie, c'est pour VOUS protéger, ce n'est pas pour servir vos parents, ni mes employeurs. Vous n'êtes pas directement mon employeur de ce que vous venez de me faire comprendre. Mais je vais être payé pour veiller sur vous. Et même si je ne recevais pas ma solde, si je me retrouvais en guenille, j'engage mon honneur à veiller sur vous et Rose, je donnerais ma vie pour vous deux... Mon honneur est déjà engagée, et ma vie ne pourrait qu'en être meilleure.. Plus courte peut-être, me direz-vous. Mais meilleure quoi qu'on en dise. De plus, les ordres... Et puis, je ne suis pas assez idiot pour m'en prendre à vous, même sous ordre d'un "supérieur".

Lorsqu'il finit sa tirade, l'on entendit non loin, dans le couloir des pas se rapprocher, visiblement charger de la collation demandée plus tôt. Rose, entrant tranquillement dans la salle, chargée d'un plateau de quelques gâteaux et boissons.

-Ha, Rose, vous avez fait vite. Dit-il, tout en souriant.

Sa nuque était raide lorsqu'elle acquiesça. Elle ne pensait pas que son père puisse essayer de la tuer, mais de l'enfermer, sans aucun doute. Elle détestait parlait de ça. Elle détestait l'image que cela donnait d'elle autant que l'acte lui même. Mais c'était nécessaire… Si elle ne voulait pas embarrasser sa famille, elle ne désirait pas non plus finir sa vie coincée dans une chambre loin des regards pour que son frère hérite à sa place. Elle avait beau aimer Gaël, elle n'était pas prête à abdiquer de sa propre vie pour lui.

Le temps de réflexion de Jindanor lui paru durée une éternité. Elle entendait le frottement de ses mains sur son visage. Mais que pouvait-elle dire de plus ?

-Si je suis venu ici, ce n'est pas pour trahir une personne, ou une autre…

Le cœur de la musicienne se serra. Elle avait eu tort. Ce genre de chose aurait dû être tût…

-Si je suis venu ici, c'est pour Vous... Il insista sur ce dernier terme. Si je prête ma vie, c'est pour VOUS protéger, ce n'est pas pour servir vos parents, ni mes employeurs.

Un frisson couru le long de son échine. Elle releva la tête de surprise, comme si cela pouvait changer quelque chose à sa perception de la situation. Les mots de Jindanor la touchaient plus qu'elle ne l'aurait pensé. Malgré ce que cela impliquait, il acceptait de s'attacher à elle… Pas à son nom ou sa maison, à sa personne.
Elle n'ouvrit pas la bouche, le laissant continuer. Un sourire reconnaissant passa sur son visage. Elle ravala la légère boule qui commençait à se former dans sa gorge. Malgré ce qu'elle lui demandait… Il acceptait…

Elle en oublia presque les pas de Rose qui s'approchaient dans le couloir. Avant que la porte ne s'ouvre, et que les derniers détails moins importants soient réglés, elle n'eut que le temps de murmurer :

-Merci.